CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 12 juin 2019, n° 17-05.296
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Valérie (SCI)
Défendeur :
AJ Audit (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Fourgeot, Me Miro
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 1er septembre 2005, la SCI VALERIE dont M. D F est le gérant, a donné à bail à la SARL AJ AUDIT, dont le représentant légal est M. O G, un local commercial sis 8 rue Alexandre Dumas à Paris 11ème, pour une durée de deux ans et dont la désignation est la suivante : local commercial d'environ 42 m², rez-de-chaussée plus sous-sol, accès cour intérieure, façade sur rue.
Des engagements de location ont été successivement régularisés.
Par acte du 11 février 2016 la société AJ AUDIT a assigné la SCI VALERIE devant le tribunal de grande instance de Paris afin qu'il soit enjoint à celle-ci d'avoir à comparaître devant le notaire instrumentaire dans le délai d'un mois à compter du jugement pour signer les actes authentiques de vente portant sur le lot immobilier sis à Paris (75011) 8 rue Alexandre Dumas, cadastré AN 91 section CE, numéro de plan 6, lot 2, Bat A, ENT01, niveau 00, numéro de porte 02001 invariant 1110134766 et les 15/1000éme de parties communes pour un prix de 120 000 euros.
Par jugement du 22 février 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que la vente était parfaite ;
- fait injonction à la SCI VALERIE de comparaître devant le notaire instrumentaire dans le délai d'un mois à compter du caractère définitif du présent jugement pour signer l'acte authentique de vente portant sur le lot n°2, bâtiment A, dépendant de l'immeuble sis 8 rue Alexandre Dumas Paris 12ème, et les 15/1000èmes des parties communes, cadastré section AN 91 section CE n° de plan 6, pour le prix de 120.000euros, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;
- dit qu'à défaut de comparution de la SCI VALERIE, le présent jugement vaudrait vente
- condamné la SCI VALERIE à payer à la société AJ AUDIT la somme de 3190euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la SCI VALERIE de sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation ;
- dit que la société AJ AUDIT est bénéficiaire d'un bail soumis au statut ;
- condamné la SCI VALERIE à payer à la société AJ AUDIT la somme de 3000euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la SCI VALERIE aux dépens.
Par déclaration du 13 mars 2017, la SCI VALERIE a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 18 décembre 2018, la SCI VALERIE
demande, sur le fondement des articles 1134 et 1583 du code civil, à la cour de :
A titre principal,
-Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-Dire et juger que Monsieur D F a manifesté son intention d'une vente
nette d'impôt de plus-value, lors des pourparlers débutés en 2012 sans discontinuer
jusqu'en 2015.
-Dire et juger qu'un prix net d'impôt de plus-value était un élément substantiel des
intentions des parties pour un projet de vente,
-Dire et juge que le prix de 120 000 euros exprimé par Monsieur D F était net de plus-value et résultait des conseils de l'expert-comptable, candidat acquéreur,
-Dire et juger que l'accord des parties était subordonné à la signature d'une promesse
de vente,
-Dire et juger que le terme de la vente et la volonté de conserver sa liberté de pourparlers jusqu'à la conclusion d'un avant contrat sont des éléments essentiels, conditions de la vente, afin notamment d'arrêter les modalités du prêt,
-Dire et juger que les relations entre les parties sont demeurées au stade des
pourparlers,
-Constater l'absence d'accord des parties sur la chose, sur le prix et sur les éléments
essentiels de la vente et par voie de conséquence constater l'absence de vente parfaite,
-Dire et juger que la rupture des pourparlers est intervenue à l'initiative du candidat
acquéreur,
-Dire et juger mal fondées les demandes indemnitaires formulées :
Au titre du préjudice subi du fait d'un retard de la vente,
Au titre de la perte de chance de devenir propriétaire,
Au titre de la perte de jouissance.
-Débouter la société AJ AUDIT de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner la société AJ AUDIT au paiement d'une somme de 25 379,66 euros au titre de l'indemnité d'occupation due depuis mars 2017 jusqu'à décembre 2018,
-Condamner la société AJ AUDIT au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile,
-Condamner la société AJ AUDIT aux entiers dépens
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 juin 2018, la SARL AJ AUDIT
demande à la cour de :
-Confirmant la décision de première instance,
Au principal :
-Débouter la société SCI VALERIE de toute ses demandes fin et conclusions ;
-Enjoindre à la société SCI VALERIE d'avoir à comparaître devant le notaire instrumentaire dans le délai d'un mois à compter du jugement pour signer les actes authentiques de vente portant sur le lot immobilier sis à Paris XIème Arrdt (75011) 8 rue Alexandre Dumas, cadastré AN 91 section CE, NUMERO DE PLAN 6, NUMERO DE VOIRIE 8, ADRESSE rue Alexandre Dumas, lot 2, Bat A, ENT 01, niveau 00, numéro de porte 02001 INVARIANT 1110134766 et les 15/1000éme de parties communes pour un prix de 120 000 euros A défaut de comparution de l'acquéreur dans ce dernier délai, dire que la décision à intervenir vaudra acte de vente authentique et pourra être publiée à ce titre par l'acquéreur ;
-Dire et juger qu'AJ AUDIT a subi un préjudice certain du fait du refus de Monsieur F de confirmer la vente par la signature d'un acte notarié.
-Condamner la SCI VALERIE à payer à AJ AUDIT la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens de première instance.
Réformant le jugement entrepris,
-Condamner la société SCI VALERIE à payer à la société AJ AUDIT la somme de
15.958,44 euros arrêtée au 30 janvier 2017, sauf à parfaire à raison de 886,58 euros par mois à compter du 1 er février 2017, jusqu'au transfert de propriété du lot immobilier objet du litige.
Subsidiairement,
-Condamner la SCI VALERIE à payer la société AJ AUDIT la somme de 145.750,64 euros en réparation du préjudice subi du fait de la faute de la société SCI VALERIE.
Ajoutant au jugement,
-Condamner la SCI VALERIE à payer la société AJ AUDIT la somme de 15.000,00 euros en réparation du préjudice de jouissance.
-Condamner encore la SCI VALERIE à payer à la SARL AJ AUDIT la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2019.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la vente du bien immobilier
La SCI VALERIE fait valoir que son intention connue de la société AJ AUDIT était de consentir un prix de vente net, exonéré de l'impôt sur la plus-value, qu'il y a lieu de relever l'absence de promesse de vente, l'absence d'échange des consentements, l'absence d'accord sur l'objet de la vente et sur le prix.
La société AJ AUDIT répond que l'échange de mails du 7 mai 2015 entre les parties fixe l'accord sur la chose et sur le prix, que la SCI VALERIE lui a fait part de conditions supplémentaires à compter du 19 mai : modicité de la CSG et exonération de la plus-value, que cet accord perdure jusqu'au 12 juin, date à laquelle le représentant de la SCI VALERIE l'informe de sa volonté de renoncer à la vente, qu'il n'existait aucune autre condition posée par la SCI VALERIE pour cette vente.
Aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L'accord sur la chose et sur le prix, élément essentiel prévu à l'article 1583 du code civil, ne suffit pas notamment lorsque les parties sont convenues de signer un compromis de vente et doivent s'accorder sur les éléments substantiels du contrat c'est-à-dire les éléments qui ne conditionnent pas nécessairement la conclusion d'un contrat mais auxquels les parties ont entendu subordonner leur consentement et de conférer un caractère essentiel (modalités de paiement, transfert de propriété, entrée en jouissance, et signature du compromis)
Les mails échangés entre les parties démontrent qu'elles avaient trouvé un accord sur les locaux mis en vente au prix de 120 000 euros.
Plusieurs courriers électroniques établissent que les deux parties subordonnaient la vente à la signature d'un compromis devant un notaire.
Le représentant de la SCI VALERIE, bailleresse et venderesse adresse le 22 avril 2015 le message électronique suivant au représentant de la société AJ AUDIT, preneur et acquéreur : «Je vous remercie d'être passé me voir fin mars et suis heureux que vous ayez accepté la proposition que je vous avais faite pour l'acquisition du local que vous me louez'.
La société AJ AUDIT adressait le message suivant le 4 mai 2015 à la SCI VALERIE :
« Je vous remercie pour votre mail du 22 avril, auquel je réponds un peu tardivement, bousculé par les échéances de la période fiscale. J'attends également un retour de ma banquière pour l'organisation du financement.
Je pensais également faire intervenir mon notaire, d'autant que je l'avais sollicité pour des
estimations et des demandes d'informations, il y a 3 ans, lorsque nous commencions à discuter de la cession du local ; mais compte tenu du montant de la transaction, procédons comme vous le proposez en confiant les formalités à Maître Q.
Il peut rédiger le projet de promesse et nous le soumettre avant RDV pour signature ».
Par courriel du 4 mai 2015, la SCI VALERIE précisait :
« Il peut y avoir deux notaires()
Je souhaite avoir vendu avant la date de résiliation du bail précaire ' qui comme je vous
l'indiquais sera résilié en juillet.
Courant mai, je me permettrai de vous adresser un congé.
Si cela vous convient, bien entendu, je demande à Me Q, dès demain ».
Par message du 7 mai 2015, la SCI VALERIE indiquait à la société AJ AUDIT être d'accord pour la vente du local commercial au prix de 120 000 euros et la signature d'une promesse de vente le 18 mai 2015 et la société AJ AUDIT répondait qu'elle acceptait cette proposition.
Des échanges se sont poursuivis entre les parties relatifs aux modalités de la vente.
Par courriel du 19 mai 2015, le représentant de la SCI VALERIE ajoutait notamment :
« Donner dans un premier temps cette semaine le juridique au notaire (règlement Copro, AG, titre et statuts SCI, etc.) permettant de vérifier les exonérations de taxation (achat du bien en février 1990)' Et permettant donc une promesse que j'espère sous quinzaine
Le point de l'exonération de la plus-value et la modicité de la CSG est pour moi essentiel,
comme je vous l'expliquais.
Dès confirmation je propose qu'on signe alors cette promesse de vente ».
Le représentant de la société AJ AUDIT en accusait réception le 20 mai 2015 dans les termes suivants : « J'ai bien reçu votre message » .
Maître H de l'Etude M adressait à la SCI VALERIE un courriel le 27 mai 2015 : « Je vous remercie de bien vouloir me confirmer le prix de vente convenu avec l'acquéreur».
Le 12 juin 2015, la SCI VALERIE écrivait à la société AJ AUDIT :
« Je regrette de vous donner ces informations négatives mais je renoncerai à la vente en objet sauf signature avant fin juillet 2016.
(')
Mes conditions de vente concernant les inscriptions hypothécaires et les taxes CSG et plus-
values restent sans réponses ».
Le 12 juin 2015, la société AJ AUDIT répondait :
« Je ne comprends pas la teneur de votre mail. Si j'en juge par les informations qui m'ont été transmises le dossier serait bien avancé et votre notaire devrait recevoir aujourd'hui ou en début de semaine prochaine la seule pièce indispensable qui lui faisait défaut, à savoir, le règlement de copropriété signé (') je me suis d'ailleurs organisé pour cette acquisition prévue pour l'été ».
Le 15 juin 2015 la SCI VALERIE adressait à la société AJ AUDIT le message suivant :
« Votre offre de prix de 120.000 euros a été acceptée avec des contreparties :
- une vente définitive dans les délais (fin juin puis fin juillet)
- une vente à un prix net de tout ' en particulier net de taxes de plus-value et CSG (il reste à vérifier l'absence ou les coûts de ces taxes et d'une éventuelle inscription hypothécaire purgée)
- des formalités simples.
Or vous avez en effet pris beaucoup de temps depuis Pâques pour me répondre, peut-être du fait des échéances fiscales et aussi peut-être en raison d'une condition à laquelle vous avez renoncée, location de la loge. Je vous ai alerté, votre Notaire devait être seul pour aller vite et a refusé de se déplacer, mon Notaire a pris sa retraite et un nouveau Notaire s'avère compliquer les actes Les Notaires ont tout, on est mi-juin le bail précaire se termine bientôt et je préfère reprendre ce local et le mettre en vente auprès d'une agence. Si fin juillet la vente est faite avec vous tant mieux pour vous. Je reste donc sur un terme ferme pour la vente définitive et pour mes conditions de prix comme sur des modalités notariales ».
Le 15 juin 2015, la société AJ AUDIT répondait qu'elle souhaitait poursuivre la vente.
La SCI VALERIE envoyait le 16 juin 2015 le message suivant à son interlocuteur :
« On a repris le dossier.
Nous sommes déliés de tout « engagement initial ». Un engagement conditionnel lie quand les conditions sont remplies ()
Pouvons-nous, dans l'attente d'une promesse, éviter ces longues discussions et considérer que nous sommes libres de tout engagement '
Merci de confirmer sans réserve par retour mail que vous acceptez ce cadre.
A réception, je demanderai à Camille de ré-ouvrir le dossier et de contacter Me B.
Dans la négative, je confierai la vente à une agence immobilière »
La société AJ AUDIT lui répondait le 16 juin 2015 :
'Je vous propose de signer un compromis de vente
Je me propose de le préparer, de vous le transmettre par mail et de passer par exemple demain vers 17h30 à votre domicile pour signature,
- de verser dès à présent l'indemnité d'immobilisation de 5% à Maître B (mon notaire pourra certainement me transmettre les coordonnées de son compte Caisse des Dépôts).
De la sorte, les conditions et les délais initialement prévus seront respectés.
Peut-on procéder de la sorte '
J'attends votre accord ».
La société AJ AUDIT envoyait le 18 juin 2015 à la SCI VALERIE le message suivant :
« Je ne suis pas d'accord avec vous, nous ne sommes pas du tout déliés de l'engagement initial que nous avons pris d'un commun accord. Je ne vois pas en quoi mes propos seraient une pression. Vous voulez faire une vente rapide et j'essaie de trouver des solutions. De plus, vous ne vous êtes jamais réservé le droit de renoncer à cette vente.
Maître I n'a jamais été indisponible, au contraire, il a même pu se libérer dès que nous l'avons sollicité, mais c'est vous qui n'avez pas voulu vous déplacer à son étude. J'ai donc insisté auprès de lui et il a finalement accepté d'intervenir en dehors de son étude. Je n'évoque même pas le fait que vous ayez retiré le dossier à Me M qui selon vous n'était pas réactif. Est-ce de mon fait ' Pourquoi ne pas avoir sollicité Me B dès le début de cette affaire, puisqu' « il s'est déjà occupé de transactions rapides dans l'immeuble » '
Pour rappel, j'ai repris l'historique des mails :
- Le 4 mai, j'ai accepté votre proposition de confier les formalités à Me Q.
Vous lui avez retiré le dossier le 11 mai parce qu'elle était débordée.
Vous avez sollicité Me M qui demande des pièces le 19 mai. Le 8 juin j'attends
toujours une date pour la signature de la promesse. Le 12 juin, vous m'annoncez que vous
retirez le dossier à ce 2 nd notaire qui vous semble trop lent (chose faite le lundi 15 juin) et vous me proposez « si vous vous chargez de ce dossier pour une vente définitive dans les conditions de départ et dans les délais, je reste vendeur. Sinon je renonce. »
Ce à quoi, mon notaire et moi-même voulons nous employer, mais nous attendons une date de signature de la promesse depuis le 4 mai.
- Le 16 juin, vous m'annoncez le recours possible à Me B.
Sur le montant de la vente
Vous souhaitez recevoir une somme nette de 120.000 euros. Pour rappel, dans votre mail du 7 mai, vous précisez « Une vente définitive fin juillet convient aussi pour la vente du local commercial que vous occupez, 8 rue Alexandre Dumas, 75012 au prix de 120.000 euros. »
Il n'était pas question au départ de la prise en charge de l'impôt sur la plus-value du cédant par le cessionnaire. Vous m'aviez, à l'époque fait part de ce point, en précisant qu'il devait s'agir d'une somme modique que vous alliez assumer. Vous m'en avez reparlé en marge de la réunion de copropriétaires du 8 rue Alexandre Dumas (du 11 mai), à laquelle vous m'aviez convié, afin de me présenter en tant que futur copropriétaire, mais passons.
N'ayant toujours pas l'estimation du montant de cet impôt, j'ai, sur vos conseil, pris contact avec Mr KAHN, votre expert-comptable. Il était absent hier, mais je suis parvenu à lui parler aujourd'hui. Il n'était pas disponible, avant lundi, pour évaluer cet impôt. Il m'a tout de même communiqué le prix d'achat du local par la SCI VALERIE. J'aimerais avoir confirmation du montant précis de ces prélèvements sociaux et donc du montant total de la vente du local, pour accepter ou non la prise en
charge. Je ne peux donner un accord sans montant précis.
Si la vente venait à échouer (ce qui ne serait pas de mon fait, puisque mon notaire et moi-
même sommes prêts depuis début mai et nous sommes toujours en mesure de tenir la date du 31 juillet si vous y êtes disposé), je resterai locataire.»
La SCI VALERIE répondait le 19 juin 2015 :
« J'ai pris bonne note de votre refus de poursuivre les pourparlers à l'aide d'un nouveau notaire de la SCI VALERIE permettant de définir le prix de ce bien acquis en 1985.
Je comprends aussi que les délais vous semblaient trop courts pour obtenir un crédit.
Peut-on arrêter les discussions plutôt que de poursuivre un malentendu sur la responsabilité de l'échec de ces pourparlers '
- Le 19 juin 2015, la SCI VALERIE précisait:
« Il y a en effet pour ma part trop de malentendus, raison pour laquelle je décide d'arrêter les pourparlers concernant la vente du local que vous louez ».
La société AJ AUDIT répondait le 19 juin :
« Je prends acte de votre décision d'arrêter les pourparlers sans raison valable ».
Il résulte de ces échanges que tout en faisant préparer le dossier par le notaire en vue de la signature de la promesse de vente, élément essentiel pour chacune des parties, la SCI VALERIE a continué à discuter de l'exonération de la plus value et de son souhait de percevoir un prix net de 120 000 euros ; les parties ont interrompu leurs démarches à la demande de la SCI VALERIE, faute d'information suffisante sur un prix net pour cette dernière de 120 000 euros ; l'accord projeté ne peut donc s'analyser comme une vente parfaite au sens de l'article 1583 du code civil, les parties n'ayant pas signé devant le notaire la promesse de vente qui constituait un élément essentiel de leur engagement.
Le jugement sera infirmé en ce que le tribunal a déclaré la vente parfaite et fait injonction à la SCI VALERIE de comparaître devant le notaire pour signer l'acte authentique.
Sur la demande de dommages et intérêts du fait du retard de la vente
Dans la mesure où la vente n'a pas eu lieu sans que l'on puisse en imputer la faute à la SCI VALERIE qui pouvait renoncer au projet en l'absence d'accord des parties sur celui-ci, la société AJ AUDIT sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le préjudice résultant de la perte de jouissance
La société AJ AUDIT soutient que le local a connu un dégât des eaux en octobre 2015 et n'est plus parfaitement exploitable ; que le refus de signer la vente et l'instance ont interdit à la société AJ AUDIT d'effectuer des travaux, qu'il y a donc un lien direct entre la faute de la SCI VALERIE et le préjudice subi, égal à la moitié du loyer fixé soit 15.000 euros, ce à quoi s'oppose la SCI VALERIE.
La cour relève que la renonciation à la vente n'a pas été déclarée fautive ; de plus, la société AJ AUDIT ne justifie pas du fait que la renonciation de la SCI VALERIE à la vente du local a constitué un obstacle à la remise en état de celui-ci à la suite d'un dégât des eaux. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la rupture des pourparlers
La cour rappelle qu'en vertu du principe de la liberté contractuelle, les négociateurs doivent conserver la liberté de ne pas contracter et donc de rompre les pourparlers. Ainsi, en soi, la rupture ne saurait être considérée comme fautive, sous réserve du respect du devoir de loyauté entre les parties.
L'abus de la liberté de rompre les pourparlers engage, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, la responsabilité de celui qui a pris l'initiative s'il a commis une faute causant un préjudice à son interlocuteur.
Il résulte des échanges de mails entre les parties qu'un accord était intervenu sur une vente du bien au prix de 120 000 euros. Postérieurement au 10 mai 2015, la SCI VALERIE a indiqué qu'elle entendait ce prix exonéré de taxe sur la plus value ; cette exigence transparaît expressément dans ses messages ce qui signifie que si elle devait payer une plus value, elle remettrait en cause le prix ; lorsqu'elle a rompu les négociations, elle n'avait toujours pas la réponse du notaire sur cette exonération de taxe.
Enfin, si la plus value devait être réglée par le vendeur, la SCI VALERIE, celle-ci la considérait comme un élément à prendre en compte dans la fixation du prix, le représentant de la société AJ AUDIT, avisée que la SCI VALERIE renonçait à la vente, souhaitait poursuivre les négociations en tenant compte de la plus value fiscale : « J'aimerais avoir confirmation du montant précis de ces prélèvements sociaux et donc du montant total de la vente du local, pour accepter ou non la prise en charge. Je ne peux donner un accord sans montant précis.'
Par mail du 16 juin 2015, la SCI VALERIE indique : Pouvons-nous, dans l'attente d'une promesse, éviter ces longues discussions et considérer que nous sommes libres de tout engagement '
Merci de confirmer sans réserve par retour mail que vous acceptez ce cadre.
A réception, je demanderai à Camille de ré-ouvrir le dossier et de contacter Me B.
Dans la négative, je confierai la vente à une agence immobilière »
Le 18 juin 2015, le représentant de la société AJ AUDIT répondait qu'il ne comprenait pas l'attitude de la SCI VALERIE et qu'il était prêt pour la signature du compromis de vente.
La SCI VALERIE a rompu les négociations par mail du 18 juin 2015 alors que les parties n'étaient pas d'accord sur les termes précis de celle-ci ; en conséquence, il y a lieu de considérer que compte tenu du temps écoulé sans qu'un accord ait été trouvé entre les parties, alors que certaines modalités relatives à la fiscalité n'était toujours pas claires pour la SCI VALERIE, celle-ci avait un motif légitime de rompre les négociations ; il résulte des messages échangés entre les deux sociétés qu'antérieurement au mois de mai 2015, les parties s'étaient entretenues des incidences fiscales de la vente et que cet élément n'était pas nouveau dans le débat.
En conséquence, cette rupture des pourparlers n'étant pas fautive, la société AJ AUDIT sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation
Aux termes du jugement, le tribunal a dit que la société AJ AUDIT était bénéficiaire d'un bail soumis au statut. Les parties ne forment aucune demande spécifique sur cet élément du dispositif, la SCI VALERIE sollicitant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions sans développer de moyen sur la qualification du bail. En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
La SCI VALERIE sollicite le paiement de la somme de 22 132,02 euros pour l'occupation du local sur la base d'un décompte d'un montant pour la période du 1er mars 2017 au 31 décembre 2018 de : 886,58euros (loyer) + 70,00euros (charges)+ 191,32euros (TVA de 20%) outre un arriéré de 132 euros, tout en précisant que la société AJ AUDIT dont elle ne sollicite pas l'expulsion avait cessé de régler les sommes dues à compter du 1er mars 2017.
La société AJ AUDIT qui ne formule aucune observation quant à cette dette locative, fait remarquer que le jugement entrepris a reconnu que la convention liant les parties était un bail commercial, sera condamnée à payer à la SCI VALERIE cette somme justifiée par le bail et le décompte produit.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et la société AJ AUDIT, qui succombe, paiera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la société AJ AUDIT est bénéficiaire d'un bail soumis au statut ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate l'absence d'accord sur la vente,
Déboute la société AJ AUDIT de sa demande tendant à obtenir la signature de l'acte authentique de vente portant sur le local commercial situé à Paris 75011 8 rue Alexandre Dumas et de ses demandes d'indemnisation,
Déboute la société AJ AUDIT de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture de pourparlers,
Condamne la société AJ AUDIT à payer à la SCI VALERIE au titre de l'occupation du local commercial la somme de 22 132,02 euros arrêtée au 31 décembre 2018,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles en première instance et en appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société AJ AUDIT aux dépens de première instance et d'appel.