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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 25 mai 2022, n° 21/11363

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

CMS Dental APD (Sté)

Défendeur :

Septodont (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Lignières

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Hery, Me Pelit-Jumel, Me Renard

T. com. Créteil, du 19 avr. 2016, n° 201…

19 avril 2016

La société par actions simplifiée Septodont est spécialisée dans la fabrication et la distribution de médicaments et dispositifs médicaux dédiés aux professionnels du secteur dentaire.

La société CMS Dental est une société de droit danois, qui distribue au Danemark des produits d'endodontie et de parodontologie.

Depuis un contrat du 1er juin 1995, la société Septodont confiait en exclusivité à la société CMS Dental la distribution de ses produits au Danemark, avec interdiction pour celle-ci de vendre des produits concurrents.

Le 2 octobre 2000, les parties ont conclu un contrat de distribution exclusive contenant une clause d'approvisionnement exclusif.

Ce contrat, initialement conclu pour deux années, a été stipulé renouvelable par tacite reconduction, sauf notification entre parties de la résiliation 90 jours avant la date du terme.

Par lettre recommandée du 17 mai 2010, la société Septodont a notifié à la société CMS Dental sa volonté de ne pas renouveler le contrat, à effet du 3 octobre 2010. Elle y a annoncé la fin de la relation commerciale pour le 31 octobre 2011.

La société CMS Dental a conclu en novembre 2010 un accord de distribution avec un nouveau partenaire, la société Inibsa, établissement pharmaceutique espagnol. La société CMS Dental a commencé la commercialisation des produits Inibsa en mars 2011.

L'ayant appris, la société Septodont a fait grief au distributeur de ne pas respecter ses obligations et lui a notifié l'arrêt immédiat de leurs relations commerciales, par lettre du 21 avril 2011.

Par acte extrajudiciaire du 13 juillet 2011, la société Septodont a assigné la société CMS Dental devant le tribunal de Créteil, sur le fondement de la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de distribution exclusive, afin d'obtenir, conformément au droit français stipulé applicable, d'une part, l'indemnisation du préjudice né des manquements prétendument commis par la société CMS Dental à ses obligations contractuelles et, d'autre part, le paiement de factures impayées.

La société CMS Dental ayant soulevé l'incompétence du juge français au profit du juge danois, la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), par arrêt définitif du 8 octobre 2013, a rejeté le contredit dont elle était saisie.

C'est dans ces conditions que le tribunal de commerce de Créteil, par jugement du 19 Avril 2016 a :

- condamné la société CMS Dental, au titre de factures impayées, à payer à la société Septodont les sommes de 169 616 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2011 et de 56 455,65 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2011 ;

- condamné la société CMS Dental à payer à la société Septodont la somme de 57 956 euros à titre de dommages et intérêts pour la marge brute perdue et débouté la société Septodont de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation ;

- débouté la société CMS Dental de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts au titre de la rupture des relations commerciales établies ;

- débouté la société CMS Dental de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour dénigrement et pour comportement parasitaire ;

- débouté la société CMS Dental du paiement de sa facture du 4 février 2010 ;

- débouté la société CMS Dental de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts au titre de frais de justice qu'elle a engagés au Danemark dans l'intérêt du fournisseur ;

- débouté la société CMS Dental de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour pratique commerciale illicite ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire, sous réserve qu'en cas d'appel la société Septodont produise une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;

- condamné la société CMS Dental à payer à la société Septodont la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Septodont du surplus de sa demande et la société CMS Dental de sa demande de ce chef ;

- condamné la société CMS Dental aux dépens qui comprendront la somme de 2 151,84 euros au titre de la traduction de l'assignation en danois ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe.

Par déclaration reçue au greffe le 22 août 2016, la société CMS Dental a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 2 mai 2017, le conseiller de la mise en état de la présente chambre a ordonné la radiation de l'appel, pour défaut d'exécution d'une disposition du jugement entrepris revêtu de l'exécution provisoire.

L'affaire a été remise au rôle sous le RG 19/06562, le 29 mars 2019.

Par arrêt du 24 juin 2020, la cour d'appel a :

Réformé le jugement entrepris, mais seulement en ce que :

- il a retenu que les relations entre les parties, à compter du 3 octobre 2010, étaient régies par le contrat du 2 octobre 2010 résilié,

- il a condamné la société CMS Dental à payer à la société Septodont la somme de 57 956 euros au titre de dommages et intérêts au titre de la marge perdue,

- il a rejeté la demande de la société CMS Dental au titre d'une facture de frais de justice,

- il a retenu la compétence de la loi nationale pour connaitre de l'action en concurrence déloyale,

- il a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés :

Condamné la société Septodont à payer à la société CMS Dental les sommes suivantes :

- 158 333,33 euros au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies,

- 50 811,54 euros au titre de frais de justice,

Débouté la société Septodont de ses demandes au titre de la marge perdue,

Ordonné la compensation des créances,

Sursis à statuer sur l'action en concurrence déloyale de la société CMS Dental contre la société Septodont et sur les pratiques commerciales illicites de ventes liées reprochées à la société Septodont,

Rouvert les débats à l'audience du 23 septembre 2020 à 14h00 et invité les parties à s'expliquer, d'une part, sur le droit danois applicable à l'action en concurrence déloyale et, d'autre part, sur l'applicabilité et la teneur du droit danois, quant à la demande au titre des pratiques commerciales illicites,

Sursis à statuer sur les dépens de première instance et sur l'article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

Confirmé le jugement entrepris,

Rejeté toute autre demande.

Vu les dernières conclusions de la société CMS Dental, déposées et notifiées le 23/06/2021, qui demande à la cour de :

Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 19 avril 2016, en ce qu'il a débouté CMS Dental de ses demandes reconventionnelles sanctionnant des pratiques déloyales et fautives de Septodont ;

Juger à nouveau

1) Sur les demandes reconventionnelles de la société CMS Dental :

' Sur l'indemnisation de la société CMS Dental du fait du dénigrement de CMS Dental par la société Septodont :

- Juger que la société Septodont a commis des actes de concurrence déloyale, ou des actes fautifs au sens du droit danois applicable, en dénigrant la société CMS Dental auprès des pharmacies danoises ;

- Juger que la société Septodont a commis des actes de concurrence déloyale, ou des actes fautifs au sens du droit danois applicable, en dénigrant la société CMS Dental auprès des grossistes danois ;

En conséquence :

- Condamner la société Septodont à payer à la société CMS Dental la somme de 219.500 euros en réparation du préjudice subi au titre des pertes éprouvées et des gains manqués en raison du dénigrement de la société CMS Dental par Septodont ;

- Condamner la société Septodont à payer à la société CMS Dental la somme de 100.000 euros en réparation des pertes résultant de la distorsion du marché en raison du dénigrement de la société CMS Dental ;

' Sur l'indemnisation de la société CMS Dental du fait de l'usage illicite de sa marque par Septodont :

- juger que la société Septodont a fautivement utilisé la marque CMS Dental, au sens du droit danois applicable, pour commercialiser ses produits sans autorisation de CMS Dental aprés la cessation de leurs relations ;

En conséquence :

- Condamner la société Septodont à payer à la société CMS Dental la somme de 199 185 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'usage illicite de sa marque par Septodont;

' Sur l'indemnisation de la société CMS Dental du fait des pratiques commerciales illicites de ventes liées commises par Septodont :

- juger que la société Septodont a soumis la société CMS Dental à des pratiques commerciales illicites ou fautives de ventes liées, au sens du droit danois applicable ;

En conséquence :

- Condamner la société Septodont à payer à la société CMS Dental la somme de 35 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des pratiques commerciales illicites imposées par Septodont ;

2) En tout état de cause :

- Condamner la société Septodont à payer à la société CMS Dental la somme de 75 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et

- La condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, agissant par Maître Matthieu BOCCON-GIBOD ;

Vu les dernières conclusions de la société Septodont, déposées et notifiées le 08/11/2021, qui demande à la cour de :

A titre principal :

Infirmer le jugement rendu, le 19 avril 2016, par le tribunal de commerce de Créteil uniquement en ce qu'il a débouté la société CMS Dental de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour pratique commerciale illicite de ventes liées ;

Statuant à nouveau sur ce seul chef :

Prononcer la demande de la société CMS Dental pour pratique commerciale illicite (ventes liées) irrecevable car prescrite ;

A titre subsidiaire :

Confirmer le jugement rendu, le 19 avril 2016, par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a débouté la société CMS Dental de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour pratique commerciale illicite (ventes liées) ;

En tout état de cause :

Confirmer le jugement rendu, le 19 avril 2016, par le Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a débouté la société CMS Dental de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour dénigrement et pour comportement parasitaire ;

Déclarer la société CMS Dental mal fondée en son appel et l'en débouter ;

Débouter la société CMS Dental de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société CMS Dental à payer à la société Septodont la somme de 84 996 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société CMS Dental aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARLU Belgin PELIT-JUMEL qui pourra les recouvrer dans les conditions prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'action en concurrence déloyale

La société CMS Dental invoque deux pratiques d'agissements déloyaux de la part de Septodont pour l'avoir d'une part dénigrée auprès de ses distributeurs et d'autre part pour avoir continué à utiliser sa marque de manière illicite.

Sur le dénigrement

CMS Dental reproche à Septodont d'avoir mené une double campagne de dénigrement pour l'empêcher d'écouler ses stocks.

Elle fait état à cet égard :

- du courrier de Septodont du 11 août 2011 aux grossistes leur demandant d'acheter le produit Septanest auprès de son nouveau distributeur Plandent et non-plus auprès de CMS Dental ( sa pièce 21 et sa traduction 21 bis),

- du courriel du nouveau distributeur Plandent reçu le 5 octobre 2011 par les pharmaciens disant que CMS Dental vendait de façon illicite certains produits de Septodont, et que par conséquent les pharmacies devaient absolument cesser leur approvisionnement auprès de CMS Dental pour ces produits (sa pièce 8).

Le 1er novembre 2011, l'Agence Danoise du Médicament (ci-après, « ADM ») a écrit à l'association des pharmacies danoises pour démentir le courrier du 5 octobre 2011 et préciser que CMS Dental disposait toujours de l'autorisation de vendre les produits en cause (Pièce 10 CMS Dental)

CMS Dental demande réparation en vertu des règles du droit danois applicable produisant à cet égard la consultation du professeur [C], de l'atteinte portée à son image par Septodont auprès des grossistes et pharmaciens et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'écouler son stock de marchandises d'une valeur de 137 188 euros, dont elle a fait don à des associations caritatives.

Elle sollicite l'indemnisation du stock à sa valeur d'achat de 137 188 euros, ainsi que l'indemnisation du gain manqué chiffré à 82 313 euros, correspondant à la marge manquée de CMS Dental, outre les pertes résultant de la distorsion de marché par l'allocation d'une indemnité spécifique d'un montant de 100 000 euros.

Selon la société Septodont, le dénigrement auprès des grossistes n'existe pas, s'étant bornée à informer un grossiste (la société Nomeco) d'un changement de distributeur au Danemark, ce qui ne peut lui être reproché.

Au surplus, elle fait état de la promotion de produits concurrents par CMS Dental à cette période, ainsi que de l'obstruction de CMS Dental à l'enregistrement auprès de l'Agence Danoise du Médicament de la fin de ses fonctions de représentation, pour justifier la nécessité pour elle d'informer, dans des termes purement factuels et sans jamais porter atteinte à la considération de son ancien partenaire, son grossiste de son changement de distributeur.

S'agissant du dénigrement auprès des pharmacies, Septodont soutient qu'on ne peut lui faire grief d'un courriel provenant de la société Plandent.

Sur le droit danois applicable,

Selon la consultation du professeur [C], en matière de dénigrement, le droit danois prévoit l'application de la loi relative aux pratiques commerciales (loi n°426 du 3 mai 2017), dont l'article 20(3) dispose : « Les pratiques commerciales entre entreprises ne doivent pas être agressives ou inappropriées », cet article devant être interprété au regard de l'article 12 du Code de la publicité et des communications marketing de la Chambre de commerce internationale qui dispose :

« Les communications marketing ne doivent pas dénigrer une personne ou un groupe de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ni chercher à les mépriser ou ridiculiser en public. » (Édition 2018).

Cependant, il résulte de la consultation du professeur [V] que la loi n°426 du 3 mai 2017 relatives aux pratiques commerciales n'est pas applicable temporellement en 2011, date des faits litigieux.

Il sera donc retenu que la loi danoise n°1389 du 21 décembre 2005, refondue par la loi n°839 du 31 août 2009 est applicable. Selon ces dispositions « le marketing qui, par son contenu, sa forme ou l'approche utilisée, est trompeur, agressif ou expose les consommateurs ou les commerçants à une influence injustifiée et qui est susceptible de fausser sensiblement leur comportement économique n'est pas autorisé ».

Le courriel de Septodont adressé le 11 août 2011 par l'un de ses grossistes lui demandant d'acheter le produit Septanest auprès de son nouveau distributeur Plandent et non-plus auprès de CMS Dental n'est ni trompeur, ni agressif, ni n'expose le grossiste à une influence injustifiée susceptible de fausser sensiblement son comportement économique.

A cet égard, le professeur [V] retient justement que 'il est légal et conforme aux pratiques commerciales normales d'informer le grossiste d'un changement de distributeur.'

En effet, le contrat de distribution entre Septodont et CMS Dental a pris fin le 2 octobre 2010 et cette dernière s'est trouvée déliée de la clause d'approvisionnement exclusif.

Quant au courriel du nouveau distributeur Plandent reçu le 5 octobre 2011, celui-ci ne peut être imputé à faute à Septodont en l'absence de tout élément de nature à établir que la société française en serait à l'initiative.

Dès lors aucune faute imputable à Septodont ne peut être retenue en application du droit danois.

Il sera de surcroît ajouté comme le relève le professeur [V] que moins d'un mois s'est écoulé entre le courriel de Plandent et celle de l'Agence danoise des médicaments rappelant aux pharmaciens qu'ils pouvaient continuer à vendre les produits Septodont et à les acheter auprès de CMS Dental.

Ainsi, CMS Dental ne démontre pas avoir été empêchée de vendre son stock, la circonstance qu'elle en ait fait don à des associations étant sans emport à cet égard, de sorte que conformément au droit danois, l'absence de preuve de préjudice, conduit au rejet de la demande indemnitaire.

Ce d'autant qu'à partir de février 2011, CMS Dental a lancé une campagne pour inciter ses clients à passer aux produits de son nouveau fournisseur.

La demande indemnitaire de CMS Dental du chef de dénigrement est rejetée.

Sur l'usage illicite de la marque CMS Dental par Septodont

Selon la société CMS Dental, Septodont a fautivement continué à partir d'avril 2011 à commercialiser des produits Septocanest et Septocaine dans des emballages portant le nom et le logo de « CMS Dental », sans autorisation de sa part et en toute illégalité au regard de la réglementation pharmaceutique en vigueur.

Le 1er novembre 2011 l'Agence danoise du médicament a envoyé un courrier afin que Septodont cesse de commercialiser des produits étiquetés « CMS Dental » au plus tard le 1er janvier 2012 (Pièce CMS Dental n°22).

CMS Dental produit une photographie et une facture en date du 3 février 2012 d'un produit « Scandonest », afin de prouver que Septodont a continué à vendre les produits en question (ses pièces 30 et 31).

CMS Dental, se fondant sur le « National Institute for Health Data and Disease Control » (NIHDDC), soutient que plus de 19 450 boites de produits estampillées CMS Dental ont été vendues entre 2011 et 2012, précisant que chaque point de vente a l'obligation de déclarer chacune des ventes de médicaments effectuée (ses pièces 24 et 32).

Selon elle, pour réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de l'utilisation illicite de sa marque et donc de sa réputation, Septodont doit être condamnée au paiement de dommages et intérêts :

- 55 000 euros pour le préjudice d'image et lié aux ventes perdues,

- 64 185 euros correspondant à la redevance de dix pour cent sur la base du chiffre d'affaires réalisé par Septodont (19.450 boites x 33 euros/ boites (sur la base d'un prix unitaire compris entre 239 et 267 DKK par unité) = 641.850 euros / dix pour cent = 64.185 euros),

- 80 000 euros au titre de la distorsion du marché de CMS Dental causée par l'acte illicite de Septodont, soit 199 185 euros au total.

En application du droit danois, les deux parties sont d'accord pour considérer la marque « CMS Dental » comme une marque d'usage, dans la mesure où celle-ci n'est pas enregistrée.

Sur le droit applicable le Professeur [C] estime que les dispositions de l'article 43.1. 3 de la loi sur les marques de commerce (TMA) s'appliquent :

« (1) Toute personne qui enfreint intentionnellement ou par négligence le droit à la marque d'une autre personne paie :

(i) un dédommagement raisonnable à la partie lésée pour l'utilisation et

(ii) des dommages et intérêts à la partie lésée en raison du préjudice causé par l'infraction.

(2) Lors de la détermination du dédommagement, conformément au paragraphe 1, le préjudice subi par la partie lésée et le bénéfice injustifié obtenu par le contrevenant sont pris en considération.

(3) Dans les cas prévus au paragraphe 1, un dédommagement supplémentaire peut être accordé à la partie lésée pour préjudice non financier. » .

CMS Dental estime avoir droit à une indemnisation couvrant les trois chefs de réparation cités.

Selon Septodont, s'appuyant sur l'affidavit du professeur [V], la loi danoise ne sanctionne l'usage de la marque d'autrui que si cet usage est délibéré, si cet usage a eu pour effet ou pour objet d'induire les clients en erreur et s'il y a des preuves irréfutables des pertes alléguées. Elle invoque en l'espèce, toujours selon l'affidavit, l'exception de l'Agence danoise des médicaments et le refus de CMS Dental de corriger le nom du distributeur sur la base de connées DKMAnet (sa pièce 15) et ajoute que l'importance des dommages s'il y en a ne peut être prouvée.

Sur ce point, CMS Dental, s'appuyant sur l'affidavit du professeur [C] rétorque que la jurisprudence danoise laisse une grande marge de manoeuvre aux tribunaux afin de procéder à l'évaluation des éléments de preuve et du degré de documentation requis sur la perte réelle subie par la partie lésée.

Sur ce,

La Cour retient que la responsabilité de CMS Dental est engagée pour avoir continué à partir d'avril 2011 à commercialiser des produits anesthésiques injectables Septodont dans des emballages portant le nom et le logo de « CMS Dental », sans autorisation de sa part ainsi qu'il résulte notamment de la lettre du 1er novembre 2011 que lui a adressé l'Agence danoise du médicament et de l'attestation du pharmacien responsable et Directeur Qualité Eurpoe Septodont reconnaissant qu'un lot Septanest B01120AA de 2 831 boîtes a été expédié fin mai 2011 avant la réalisation des modifications (pièce 36 Septodont).

Le chiffre de 19 450 boites de produits estampillées CMS Dental vendues entre 2011 et 2012 selon le « National Institute for Health Data and Disease Control » (NIHDDC) ne peut être retenu comme celui correspondant aux produits vendus par Septodont sans autorisation de CMS, en ce qu'il ne permet pas de distinguer les produits vendus par cette dernière et ceux vendus par Plandent.

En application du droit danois et sur la base de 2 831 boîtes vendues, Septedont doit être condamnée à réparer le préjudice subi par CMS Dental du fait de l'utilisation illicite de sa marque d'usage à hauteur de :

- la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'image et lié aux ventes perdues,

- la somme de 4 671 euros calculée sur la base d'une redevance de cinq pour cent de son chiffre d'affaires sur 2 831 boites au prix unitaire de 33 euros.

En revanche, la somme sollicitée au titre de la distorsion du marché n'est pas justifiée, étant observé que CMS Dental n'était que le distributeur et non le fabricant du produit.

Septodont doit ainsi être condamnée au paiement à CMS Dental de la somme totale de 7 671 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les pratiques commerciales illicites de ventes liées

CMS Dental reproche à Septodont d'avoir pratiqué des « ventes liées », constitutives de pratiques commerciales illicites.

La société CMS Dental estime qu'au mois de juillet 2009, Septodont a mis en place des pratiques commerciales illicites, en cherchant à contraindre CMS Dental à commander autant d'aiguilles que de doses d'anesthésiants. Septodont aurait abusé de sa position de force pour créer un déséquilibre significatif entre les parties et aurait retenu unilatéralement une commande sur la vente de Septocaine, la privant ainsi du gain escompté sur la revente de cette commande, étant observé qu'elle ne pouvait en aucun cas s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur.

Dès lors CMS Dental demande une indemnisation à hauteur de 35 000 euros du fait des pratiques de vente liées.

Sur le droit applicable danois et la prescription

Les parties ne contestent pas l'application du droit danois aux pratiques illicites alléguées de ventes liées reprochées à Septodont conformément à l'article 4.1 du règlement européen n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) qui désigne la loi de survenance du dommage, en l'espèce au Danemark.

S'appuyant sur la consultation du Professeur [V] et l'article 15 (h) du règlement Rome II , Septdodont soulève la prescription de la demande au motif que CMS Dental a connu les faits lui permettant d'élever cette demande le 21 août 2009 et ne l'a formée que le 20 mai 2014, soit plus de trois ans après.

CMS Dental ne répond pas à cette fin de non-recevoir.

Sur ce,

Selon l'article 15 du Règlement Rome II, 'la loi applicable à une obligation non contractuelle en vertu du règlement régit notamment :

(h) le mode d'extinction des obligations ainsi que les règles de prescription et de déchéance fondées sur l'expiration d'un délai'

Il résulte de la consultation du Professeur [V] qu'en vertu de la loi n° 522 du 6 juin 2007 applicable aux faits de l'espèce, une demande doit en règle générale être présentée au plus tard 3 ans après que le créancier a eu ou aurait dû avoir connaissance de la demande.

En l'espèce, le 16 juillet 2009 Septodont a envoyé à CMS Dental une lettre disant attendre de lui que ses commandes en aiguilles soient proportionnelles à ses commandes en anesthésiques (pièce 4 CMS Dental) et le 10 août 2019 (pièce 5 CMS Dental) Septodont indiquait à CMS Dental : 'Votre p/o 2024 pour 2800 boîtes de septocaïne est prêt. Dès que nous aurons reçu votre commande de 1400 boîtes d'aiguilles, nous procéderons à l'expédition.'

Il en résulte que CMS dental a connu les faits lui permettant d'agir en justice le 10 août 2009 , de sorte qu'en formant sa demande en justice le 20 mai 2014 (pièce 43 Septodont), celle-ci est se trouve prescrite.

Cette demande de CMS Dental est donc irrecevable comme prescrite.

Sur les dépens et l'article 700 code de procédure civile

La société Septodont qui succombe pour l'essentiel, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et est condamnée à verser, en équité, une somme de 20 000 euros à la société CMS Dental au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée à ce titre par le tribunal à l'encontre de la société CMS Dental étant infirmée et la demande sur ce fondement de Septodont étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Vu son arrêt du 24 juin 2020,

Dit que la loi danoise est applicable à l'action en concurrence déloyale et aux pratiques commerciales illicites de ventes reprochées à la société Septodont ;

Déboute la société CMS Dental APS de ses demandes fondées sur le dénigrement tant au titre des pertes éprouvées et du gain manqué qu'en raison des pertes résultant de la distorsion du marché ;

Condamne la société Septodont à payer à la société CMS Dental APS la somme de 7 671 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de l'usage illicite de sa marque ;

Déclare prescrite l'action en réparation des pratiques commerciales illicites de ventes liées reprochées à Septodont ;

Infirme le jugement sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ;

Condamne la société Septodont aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société CMS Dental APS la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.