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Décisions

Cass. crim., 30 mai 2000, n° 99-86.695

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Desportes

Avocat général :

M. Lucas

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Aix-en-Provence, 7e ch., du 27 sept. 199…

27 septembre 1999

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 du Code du travail, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, du principe de la personnalité des délits et des peines, défaut de motifs et manque de base légale ;

en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu Jean-Claude X coupable des faits reprochés et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 15 000 francs d'amende ;

aux motifs que sur l'imputabilité des infractions poursuivies :

au moment de l'accident, le prévenu était directeur de l'établissement Sollac à Fos-sur-Mer ; qu'il ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité que s'il apportait la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs en matière de sécurité à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ; que le prévenu soutient qu'il a donné délégation de pouvoirs à Jean-Pierre Y ; que si l'existence d'une délégation de pouvoirs n'est pas subordonnée à la rédaction d'un écrit, encore faut-il que ladite délégation soit certaine et dépourvue d'ambiguïté ; qu'en l'espèce, Jean-Pierre Y a contesté avoir été investi d'une quelconque délégation au moment de l'accident ; qu'il a précisé avoir reçu une délégation de pouvoirs en matière de sécurité courant 1995, soit postérieurement audit accident, ce qui laisse supposer qu'il n'en avait pas auparavant ; que le fait qu'il soit responsable du département acier et président du CHSCT n'implique nullement qu'il bénéficie d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité ; que le prévenu ne saurait prétendre démontrer la réalité d'une délégation de pouvoirs par la production de trois notes de service concernant la prise de nouvelles fonctions de salariés signées par Jean-Pierre Y et dont il ne résulte pas même que ce dernier aurait lui-même pris la décision de ces modifications d'affectation ; que le nombre de salariés placés sous les ordres de Jean-Pierre Y invoqué par le prévenu n'est pas déterminant alors qu'il résulte de l'organigramme produit que huit personnes travailleraient sous ses ordres ; qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler que lors de son audition par les enquêteurs, le prévenu n'a pas fait précisément état d'une délégation de pouvoirs confiée nommément à Jean-Pierre Y, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si telle était le cas ;

qu'ainsi, le prévenu n'a pas rapporté la preuve qu'il avait confié une délégation de pouvoirs en matière de sécurité à Jean-Pierre Y ; qu'il résulte de la procédure et des débats que le prévenu n'a pas personnellement veillé, comme il en avait l'obligation, à la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de son personnel et a ainsi commis une faute personnelle d'imprudence, de négligence et de manquement à une obligation de sécurité imposée par la loi ou les règlements qui a concouru à la réalisation de l'accident ; qu'il n'a pas accompli les diligences normales lui incombant au regard de ses missions, de ses fonctions, de ses compétences et des pouvoirs et des moyens dont il disposait en sa qualité de directeur de l'établissement Sollac de Fos-sur-Mer ;

alors, d'une part, qu'en se déterminant par la considération que Jean-Pierre Y a contesté avoir été investi d'une quelconque délégation au moment de l'accident (arrêt, p. 7, 7) quant il résultait du procès-verbal d'audition de ce dernier (PV du 15 septembre 1997, 4) qu'il avait seulement déclaré ne pas être investi d'une délégation écrite de pouvoirs, la cour d'appel, qui s'abstient de rechercher, comme il le lui était demandé (conclusions de Jean-Claude X, p. 8), si, en l'occurrence, Jean-Pierre Y, pris en tant que directeur du département Acier, doté d'un CHSCT spécifique, n'était pas titulaire d'une délégation fonctionnelle de responsabilité résultant notamment de l'organigramme de l'entreprise et ne disposait pas dès lors, des moyens et de l'autonomie nécessaire pour assurer la sécurité au sein de son département, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 121-3 du Code pénal et L. 263-2 du Code du travail ;

alors, d'autre part, qu'en se déterminant par la considération que Jean-Pierre Y aurait eu 8 personnes seulement sous ses ordres (arrêt, p. 7, avant-dernier alinéa), sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions de Jean-Claude X p. 7, alinéa 5 et p. 8 dernier alinéa) sur le fait que, indépendamment des 8 responsables désignés dans l'organigramme, Jean-Pierre Y avait en réalité autorité à l'égard de très importants effectifs soumis à des notes de service signées de sa main et relatives aux modifications d'affectation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

qu'il en est d'autant plus ainsi, que la cour d'appel ne s'explique pas sur l'attestation de M. Z, régulièrement versée aux débats d'où il résultait que ce contremaître disposait d'une capacité d'initiative en matière de sécurité, ce qui était de nature à démontrer, a fortiori, l'autonomie de son supérieur hiérarchique en la matière, à savoir celle de Jean-Pierre Y ;

alors, enfin, que viole l'article 593 du Code de procédure pénale, la cour d'appel qui, pour entrer en voie de condamnation, a recours à des motifs purement hypothétiques selon lesquels la délivrance d'une délégation écrite à Jean-Pierre Y après l'accident, laisserait supposer qu'il n'en avait pas auparavant (arrêt, p. 7 8) ;

Attendu que le moyen revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance ou de caractère hypothétique et répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui leur étaient soumises, qu'aucune délégation de pouvoirs en matière de sécurité n'avait été consentie par le prévenu ;

Qu'un tel moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.