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Décisions

Cass. crim., 22 octobre 1991, n° 89-86.770

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Milleville

Avocat général :

M. Robert

Avocat :

Me Delvolvé

Chambéry, ch. corr., du 7 nov. 1989

7 novembre 1989

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 et L. 263-6 du Code du d travail, de l'article 320 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de base légale ;

en ce que la cour d'appel a condamné X à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, à 19 000 francs d'amende, ainsi qu'à la publication et l'affichage de l'arrêt ;

aux motifs que l'accident du travail dont Diaz Manoura avait été victime était dû à des anomalies de construction du coffrage de la dalle qui s'était effondrée sur lui ; que X qui n'avait remis aucune délégation de pouvoir expresse et écrite à un de ses employés, était donc personnellement responsable de l'accident ; qu'il devait à l'évidence interdire l'accès de la pièce située sous la dalle en cours de construction et surtout s'assurer préalablement des conditions de cette construction ; qu'en l'espèce il était parfaitement établi que ces conditions étaient des plus fantaisistes au regard des règles de l'art ;

alors que, d'une part, la preuve d'une délégation de l'employeur à un de ses préposés n'est soumis à aucune forme particulière et qu'en se fondent sur l'absence de délégation expresse et écrite, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes précités ; alors que, d'autre part, et subsidiairement l'absence de délégation ne suffit pas à établir la responsabilité personnelle du chef d'entreprise ; alors enfin que les autres motifs de l'arrêt n'établissent pas davantage cette responsabilité, la Cour n'ayant pas relevé que X connaissait les conditions dans lesquelles les travaux étaient effectués, ni le danger qui en résultait pour les préposés, ni la nécessité de leur interdire l'accès de la pièce ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que si le chef d'entreprise, tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées en vue d'assurer la sécurité des travailleurs est, en règle générale, pénalement responsable des infractions constatées à cet égard sur ses chantiers, il peut toutefois être exonéré de cette responsabilité s'il rapporte la preuve qu'il a délégué la direction du chantier à un préposé investi d par lui et pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur ; que si, pour être exonératoire, une telle délégation doit être certaine et exempte de toute ambiguité, sa preuve n'est pourtant soumise à aucune forme particulière ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un accident du travail survenu dans l'entreprise qu'il dirigeait, Henri X a été poursuivi des chefs de blessures involontaires et infraction à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs ; que, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, il a invoqué devant les juges du fond, l'existence d'une délégation de pouvoirs ; Attendu que, pour écarter ce moyen, la cour d'appel se borne à énoncer que le prévenu n'a remis aucune délégation de pouvoir expresse et écrite ;

Mais attendu qu'en se fondant ainsi sur le défaut d'une preuve littérale, au lieu de rechercher si, au regard des circonstances de la cause, il était, ou non, établi que la direction du chantier eût été déléguée à un préposé investi par l'employeur et que, dans l'affirmative, ce préposé eût possédé la compétence, l'autorité et les moyens nécessaires pour assurer efficacement, sur ledit chantier, l'observation des dispositions protectrices de la sécurité des travailleurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry en date du 8 novembre 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi.