Cass. crim., 7 novembre 1974, n° 72-93.034
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Combaldieu
Rapporteur :
M. Depaulee
Avocat général :
M. Boucheron
Avocats :
Me Consolo, Me Galland
SUR LES POURVOIS DES CONDAMNES, ET LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 59, 60, 418, ALINEA 3 DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, VIOLATION DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE, RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LES DEMANDEURS, AUTEUR ET COMPLICE D'UNE COMMUNICATION DE SECRET DE FABRICATION DE L'ALCOOLAT CONTENU DANS LE PUNCH DES ILES ;
" AUX MOTIFS QU'UNE CERTAINE ANALOGIE " DOIT FAIRE PRESUMER " LA COMMUNICATION D'UN SECRET ET " QU'IL FAUT PRESUMER " QUE L'AUTEUR PRINCIPAL CONNAISSAIT CE SECRET ET L'A COMMUNIQUE ;
" ALORS QUE CES MOTIFS NE SAURAIENT JUSTIFIER LA CONDAMNATION, D'UNE PART EN RAISON DE LEUR CARACTERE HYPOTHETIQUE, D'AUTRE PART PARCE QU'ILS CONSTITUENT UN RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE ET UNE VIOLATION DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DES PREVENUS " ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE X..., EMPLOYE DE LA SOCIETE COUILLOUX, DONT LA SOCIETE JEAN CHATEL ET CIE AVAIT ACQUIS LE FONDS ET LES PROCEDES DE FABRICATION D'UN PRODUIT DENOMME " PUNCH DES ILES ", EST PASSE, EN 1968, AU SERVICE DE LA SOCIETE Y... Z... ;
QUE CELLE-CI A, QUELQUES MOIS PLUS TARD, MIS SUR LE MARCHE UN " PUNCH ROYAL " QUI PRESENTAIT DES CARACTERES SEMBLABLES A CEUX DU " PUNCH DES ILES " ;
ATTENDU QUE, POUR DECLARER CONSTANTS LES FAITS DE COMMUNICATION ET D'UTILISATION DE SECRET DE FABRIQUE, IMPUTES A X... ET A ALEXANDRE Y... Z..., LA COUR D'APPEL, SE FONDANT SUR LES RAPPORTS DE DEUX COLLEGES D'EXPERTS, RETIENT QUE LES ECHANTILLONS DES PRODUITS PRELEVES EN 1968 " OFFRAIENT UNE TRES GRANDE SIMILITUDE, LES EXTRAITS ESSENTIELS - ELEMENTS PREPONDERANTS DE TELLES LIQUEURS - ETANT " IDENTIQUES " ;
QUE, SI D'AUTRES EXTRAITS, UTILISES ULTERIEUREMENT PAR LES FABRICANTS CHATEL ET Y... Z... ET QUI ETAIENT SENSIBLEMENT LES MEMES, SE TROUVAIENT DANS LE COMMERCE, LE PROCEDE ORIGINEL DE FABRICATION DU PUNCH DES ILES PAR LA SOCIETE COUILLOUX COMPORTAIT, COMME ELEMENT DETERMINANT DE SON AROME, UN ALCOOLAT DONT LADITE SOCIETE AVAIT GARDE LA FORMULE SECRETE ;
QUE LA MAISON CHATEL ETAIT DEVENUE CESSIONNAIRE DE CETTE FORMULE, MAIS QU'EN DECEMBRE 1967, LA MAISON Y... Z... AVAIT PASSE COMMANDE AU FOURNISSEUR DE COUILLOUX D'UNE IMPORTANTE QUANTITE DE MATIERES PREMIERES ENTRANT DANS LA COMPOSITION DE L'ALCOOLAT ;
QU'A CETTE EPOQUE, X... S'APPRETAIT A SE METTRE AU SERVICE DE LA MAISON Y... Z..., OU IL EST ENTRE EN JANVIER 1968 ;
ATTENDU QUE L'ARRET CONSTATE ENCORE QUE X... " EMPLOYE PENDANT VINGT-NEUF ANS PAR LA MAISON COUILLOUX, Y PARTICIPAIT AUSSI BIEN A LA PREPARATION DES ALCOOLATS QU'AUX OPERATIONS DE FABRICATION QUI EN SONT LA SUITE " ;
QU'IL ENONCE ENFIN " QUE DE TOUS LES FAITS EXPOSES RESULTENT DES " PRESOMPTIONS PRECISES, GRAVES ET CONCORDANTES QUE X..., CONNAISSANT LES PROCEDES DE PREPARATION DE L'ALCOOLAT, EN A COMMUNIQUE LE SECRET A SON NOUVEL EMPLOYEUR Y... Z..." ;
ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LES JUGES DU FOND N'ONT FAIT QU'USER, SANS INSUFFISANCE NI CONTRADICTION, DU POUVOIR QUI LUI APPARTIENT D'APPRECIER SOUVERAINEMENT LES ELEMENTS DE PREUVE CONTRADICTOIREMENT DEBATTUS DEVANT EUX ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION PROPRE A Y... Z... ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 59, 60, 418, ALINEA 3, DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU ALEXANDRE Y... Z... COMPLICE DE LA COMMUNICATION D'UN SECRET DE FABRICATION A LUI FAITE PAR LE PREVENU X... ;
" AU SEUL MOTIF QU'IL AVAIT ACCUEILLI LES RENSEIGNEMENTS ET LES AVAIT MIS EN OEUVRE EN CONNAISSANCE DE CAUSE ;
" ALORS QUE LES ELEMENTS LEGAUX DE LA COMPLICITE, LAQUELLE SUPPOSE UN ACTE DIRECT DE PROVOCATION, D'AIDE OU D'ASSISTANCE PRECEDANT OU ACCOMPAGNANT LA COMMUNICATION DU SECRET, NE RESULTENT PAS DES CONSTATATIONS SUSVISEES " ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE, A TORT, ALEXANDRE Y... Z... COMPLICE DU DELIT DE COMMUNICATION DE SECRET DE FABRIQUE COMMIS PAR X..., ALORS QU'IL N'A RELEVE, DE LA PART DU DEMANDEUR, AUCUN ACTE DE PROVOCATION, D'INCITATION, D'AIDE OU D'ASSISTANCE ANTERIEUR OU CONCOMITANT A LA CONSOMMATION DE CETTE INFRACTION ;
QU'EN REVANCHE, LA CONSTATATION, FAITE PAR LES JUGES D'APPEL, QUE Y... Z... A ACCUEILLI, EN CONNAISSANCE DE CAUSE LES RENSEIGNEMENTS FRAUDULEUSEMENT APPORTES PAR X... ET QU'IL LES A MIS EN OEUVRE, CARACTERISE LE DELIT DE RECEL, PREVU ET PUNI PAR L'ARTICLE 460 DU CODE PENAL ;
QU'EN EFFET, LEDIT ARTICLE, CONCU EN TERMES GENERAUX, ATTEINT TOUS CEUX QUI, EN CONNAISSANCE DE CAUSE, ONT, PAR UN MOYEN QUELCONQUE, BENEFICIE DU PRODUIT D'UN CRIME OU D'UN DELIT ;
ATTENDU QUE LA PEINE PRONONCEE CONTRE Y... Z... ENTRE DANS LES PREVISIONS DE L'ARTICLE 460 ET QU'ELLE EST, DES LORS, JUSTIFIEE ;
QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE RETENU ;
SUR LE POURVOI DE LA SOCIETE JEAN CHATEL ET CIE, PARTIE CIVILE, ET LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 418, ALINEA 3, DU CODE PENAL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DE SES DEMANDES TENDANT A L'INTERDICTION DE FABRICATION DU PUNCH ROYAL PAR LA MAISON Y... Z..., A LA SAISIE DUDIT PUNCH ROYAL, A SA DESTRUCTION ET A L'INSERTION DE L'ARRET DANS LA PRESSE ;
" AUX MOTIFS QUE LES EXTRAITS SERVANT ACTUELLEMENT A LA FABRICATION DU PUNCH DES ILES ET DU PUNCH ROYAL N'AVAIENT PAS LE CARACTERE DE SECRETS DE FABRIQUE ;
" ALORS QU'IL RESULTE DES MOTIFS MEMES DE L'ARRET ATTAQUE QUE CES EXTRAITS SONT DE MEME FORMULE ET COMPOSITION QUE L'ALCOOLAT D'ORIGINE, RECONNU SECRET DE FABRIQUE ET DONT LA RECETTE AVAIT SERVI A LA FABRICATION DES EXTRAITS UTILISES PAR LES DEUX MAISONS CONCURRENTES, ET QU'EN TOUTE HYPOTHESE, S'IMPOSAIT LA DESTRUCTION DES STOCKS DE PUNCH ROYAL INITIALEMENT FABRIQUES A PARTIR DE L'ALCOOLAT, DONT LE SECRET, PROPRIETE DE LA PARTIE CIVILE, AVAIT ETE FRAUDULEUSEMENT COMMUNIQUE A LA MAISON Y... Z... " ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES MENTIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE JEAN CHATEL ET CIE, PARTIE CIVILE, A RECLAME UNE SOMME DE DIX MILLIONS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS ET SOLLICITE L'AUTORISATION DE FAIRE SAISIR ET DETRUIRE, SUR TOUT LE MARCHE DE LA REUNION, LE PUNCH ROYAL QUI POURRAIT S'Y TROUVER AINSI QUE LA PUBLICATION DANS LA PRESSE DE L'ARRET A INTERVENIR ;
ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL ENONCE, A CET EGARD, QU'IL Y A LIEU DE NE TENIR COMPTE QUE DU PREJUDICE RESULTANT DE LA DIVULGATION DU SECRET DE L'ALCOOLAT, DANS LA MESURE OU CETTE SUBSTANCE EST ENTREE, EN 1968 ET 1969, DANS LA COMPOSITION DU PUNCH ROYAL, LES MAISONS CHATEL ET Y... Z... AYANT CESSE DE L'UTILISER DEPUIS LORS ;
QUE LE TROUBLE COMMERCIAL ET LE MANQUE A GAGNER, CAUSES DE CE CHEF A LA PARTIE CIVILE, ONT ENTRAINE POUR ELLE UN DOMMAGE EVALUE A UN MILLION DE FRANCS, DONT LA REPARATION INCOMBE SOLIDAIREMENT AUX PREVENUS X... ET ALEXANDRE Y... Z..., LES AUTRES DEMANDES DE LA SOCIETE CHATEL NE PARAISSANT PAS JUSTIFIEES ;
ATTENDU QUE L'EVALUATION A LAQUELLE SE SONT AINSI LIVRES LES JUGES D'APPEL, DANS LES LIMITES DES CONCLUSIONS DE LA PARTIE CIVILE, RELEVE DE LEUR POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION ET QU'ELLE ECHAPPE AU CONTROLE DE LA COUR DE CASSATION DES LORS QUE, COMME EN L'ESPECE, ELLE EST EXEMPTE D'INSUFFISANCE ET DE CONTRADICTION ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;
REJETTE LES POURVOIS.