Cass. crim., 19 septembre 2006, n° 05-85.360
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que José X..., employé par la société Novovis en qualité de chef d'atelier, a donné sa démission et a gardé par devers lui les plans d'une machine-outil, conçue par son employeur, permettant de fabriquer des "bandes armées", produit destiné à renforcer les assemblages de panneaux en plâtre ; qu'ayant remis ces plans à André Y... qui avait déjà fabriqué cette machine pour le compte de la société Novovis, et ayant été successivement employé par deux sociétés concurrentes de son ancien employeur, il a permis à celles-ci d'acquérir des exemplaires de la machine-outil qu'André Y... avait réalisés ; qu'il s'est ensuite associé à ce dernier pour créer la société FMP BAT qui a eu pour activité de produire de telles pièces à l'aide de la même machine ; que, renvoyés par ordonnance du 16 novembre 2004, ils ont été déclarés coupables des délits de révélation d'un secret de fabrique et de recel ; qu'ils ont été condamnés et ont relevé appel ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 621-1 du code de la propriété intellectuelle, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a reconnu José X... coupable de révélation d'un secret de fabrique ;
" aux motifs propres qu'en l'espèce, il est prouvé que le prévenu José X... a emporté les plans d'une machine conçue par son employeur et qu'il a remis intentionnellement à deux autres sociétés concurrentes puis créé lui-même une société qui a pu ainsi se procurer des machines identiques (arrêt, pp.10-11) ;
" et aux motifs adoptés qu'au cas particulier il est établi qu'un procédé de fabrication (savoir faire) mis au point par un industriel a été copié par un concurrent (jugement, p.4, 2) ;
" alors, en premier lieu, que ne constitue pas le délit de révélation d'un secret de fabrique le seul fait d'avoir concurrencé un industriel en copiant son procédé de fabrication ; qu'en retenant pour de tels faits la culpabilité de José X..., la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, en deuxième lieu, que le délit de révélation d'un secret de fabrique présuppose l'existence d'une information, méritant la protection légale en ce qu'elle porte sur un procédé innovant ou améliorant la fabrication de biens manufacturés ; qu'en se bornant à affirmer que José X... avait copié un procédé de fabrication de bandes armées, sans relever en quoi ledit procédé revendiqué par la partie civile était doté d'un intérêt pratique ou commercial particulier, la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, en dernier lieu, que le délit de révélation d'un secret de fabrique présuppose l'existence d'une information portant sur un procédé de fabrication que son détenteur s'est efforcé de maintenir secrète ; qu'en se bornant à affirmer que José X... avait copié un procédé de fabrication de bandes armées, sans caractériser l'accomplissement par la partie civile d'actes manifestant une volonté particulière de tenir caché ledit procédé de fabrication, la cour d'appel a violé les textes précités " ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré José X... coupable du délit de révélation de secret de fabrique, l'arrêt retient que la machine-outil présente une réelle originalité et que la complexité et le degré d'élaboration sont certains au regard des documents fournis et de la technicité mise en oeuvre ; qu'après avoir constaté que la même machine était utilisée par trois autres entreprises pour fabriquer le même produit, la cour d'appel énonce, par motifs propres et adoptés, qu'il n'importe que le procédé de fabrication révélé soit ou non la propriété d'un seul industriel, les dispositions des articles L 621-1 du code de la propriété industrielle et 157-2 du code du travail s'appliquant à la divulgation d'un procédé de fabrication connu d'un petit nombre d'industriels et tenu caché à leurs concurrents et, qu'en l'espèce, "ceux qui étaient censés connaître le secret le cachaient eux aussi" ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de révélation de secret de fabrique dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 621-1 du code de la propriété intellectuelle, 121-1 et 321-1 du code pénal, et 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, défaut de motif ;
" en ce que l'arrêt attaqué a reconnu André Y... coupable de recel de révélation d'un secret de fabrique ;
" aux motifs que sur le délit de recel de secret de fabrique reproché à José X..., il est établi que pour le montage de la machine, José X... avait fourni des plans à la société TAP ainsi qu'à la société PAI, qu'ensuite, André Y... ne peut invoquer le défaut de précaution de M. Z... qui n'avait pas expressément stipulé de confidentialité tant dans le contrat de travail de José X... que lors de la commande d'une machine ;
( ) qu'André Y... qui connaissait les origines de la machine s'est associé avec José X... en fondant avec lui la société FMP BAT concurrente de la société Novovis et obtenu pour cette société la fabrication d'une autre machine à bandes armés ; que la constitution de cette société avait pour but de tirer profit du procédé provenant de la société Novovis par l'intermédiaire de José X... et qu'André Y... avait agi en toute connaissance de cause (arrêt, pp.11-12) ;
" alors, en premier lieu, qu'en raison de l'indivisibilité entre le délit de révélation d'un secret de fabrique et le recel de ce délit, la cassation de l'arrêt sur le chef de dispositif attaqué par le premier moyen emportera conséquemment sa censure sur le chef de dispositif attaqué par le second ;
" alors, en deuxième lieu, que l'arrêt déduit l'existence d'une action de recel à partir de faits imputés alternativement à José X... et à André Y... ; que par de tels motifs, qui ne permettent pas de s'assurer qu'André Y... soit l'auteur de l'infraction qui lui est reprochée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, en dernier lieu, que le recel de révélation d'un secret de fabrique suppose que son auteur ait connu l'existence d'un tel secret avant d'en bénéficier ; qu'en se bornant à relever qu'André Y... connaissait l'origine de la machine et avait, en connaissance de cause, constitué une société destinée à tirer profit de la fabrication de bandes armées, sans préciser que celui-ci connaissait l'existence d'un secret de fabrique portant sur ce procédé, la cour d'appel a violé les textes précités" ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré André Y... coupable de recel de secret de fabrique, l'arrêt attaqué retient que José X... lui a fourni les plans à l'aide desquels il a fabriqué la machine-outil et que la société FMP BAT constituée entre eux avait pour but de tirer profit du procédé de fabrication provenant de la société Novovis ; que la cour d'appel ajoute qu'André Y... a agi en toute connaissance de cause ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de recel de secret de fabrique dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.