Cass. 1re civ., 7 juin 1983, n° 82-14.469
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Joubrel
Rapporteur :
M. Jégu
Avocat général :
M. Sadon
Avocat :
Me Ryziger
SUR L'IRRECEVABILITE, RELEVEE D'OFFICE, DU POURVOI EN CE QU'IL EST DIRIGE CONTRE LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS :
ATTENDU QUE M B..., AVOCAT, A FORME UN POURVOI CONTRE UN ARRET RENDU PAR L'ASSEMBLEE DES CHAMBRES DE LA COUR D'APPEL D'ANGERS, STATUANT EN MATIERE DISCIPLINAIRE, SUR L'APPEL D'UNE DECISION DU CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS ;
QU'IL A DIRIGE SON POURVOI A LA FOIS CONTRE LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL ET LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS ;
ATTENDU QUE LEDIT BATONNIER, QUI PRESIDE LE CONSEIL DE L'ORDRE, JURIDICTION DISCIPLINAIRE DU PREMIER DEGRE, NE PEUT PAS ETRE PARTIE A LA PROCEDURE DISCIPLINAIRE ET QUE LE POURVOI, EN CE QU'IL EST DIRIGE CONTRE LUI, EST IRRECEVABLE ;
DECLARE IRRECEVABLE LE POURVOI FORME PAR M B... EN CE QU'IL EST DIRIGE CONTRE LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS ;
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL, STATUANT EN MATIERE DISCIPLINAIRE, SUR LE RECOURS FORME PAR M B..., AVOCAT, CONTRE UNE DECISION DU CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS QUI L'AVAIT CONDAMNE A LA PEINE DU BLAME D'AVOIR "ENTENDU ME X..., REPRESENTANT DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DU MANS EN SA PLAIDOIRIE" ALORS QUE, D'UNE PART, SI LA COUR D'APPEL PEUT, EN MATIERE DISCIPLINAIRE, APPELER LE BATONNIER A PRESENTER SES OBSERVATIONS, L'ORDRE AUQUEL APPARTIENT L'AVOCAT POURSUIVI NE PEUT PAS ETRE PARTIE A LA PROCEDURE PAR L'INTERMEDIAIRE D'UN AVOCAT ENTENDU EN SA PLAIDOIRIE, ALORS QUE, D'AUTRE PART, LE BATONNIER DE L'ORDRE NE PEUT ETRE APPELE A PRESENTER SES OBSERVATIONS QU'EN VERTU D'UNE COMPETENCE PROPRE, DE SORTE QUE L'ORDRE NE PEUT SE FAIRE REPRESENTER EN TANT QUE TEL DEVANT LA COUR D'APPEL ;
MAIS ATTENDU QU'IL RESSORT DES PIECES DU DOSSIER DE LA PROCEDURE QUE L'ORDRE DES AVOCATS N'A PAS ETE APPELE EN INTERVENTION ET N'EST PAS INTERVENU VOLONTAIREMENT DEVANT LA COUR D'APPEL, QU'IL N'A PAS DEPOSE DE CONCLUSIONS ET QUE C'EST PAR SUITE D'UNE ERREUR DE TERMINOLOGIE, QUI PEUT ETRE REPAREE SELON LA PROCEDURE PREVUE PAR L'ARTICLE 462 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, QUE LA COUR D'APPEL A ENONCE QUE ME X..., QUI ETAIT LE BATONNIER EN EXERCICE, AVAIT ETE ENTENDU COMME REPRESENTANT DE L'ORDRE EN SA PLAIDOIRIE, AU LIEU DE CONSTATER QU'IL AVAIT ETE ENTENDU, EN QUALITE DE BATONNIER DE L'ORDRE EN SES OBSERVATIONS ;
QU'AINSI LAPRESCRIPTION DE L'ARTICLE 123 DU DECRET DU 9 JUIN 1972 A ETE, EN FAIT, OBSERVEE, ET QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QUE M B..., AVOCAT AU BARREAU DU MANS, EXERCANT ACCESSOIREMENT LES FONCTIONS DE SYNDIC, A ETE COMMIS PAR LE TRIBUNAL DE COMMERCE POUR ASSISTER M A..., JUGE AUDIT TRIBUNAL, DANS UNE MISSION D'ENQUETE EN VUE DE DETERMINER LA SITUATION COMMERCIALE DE LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION ;
QUE, PENDANT LE COURS DE CETTE MISSION, IL A FAIT CONNAITRE A M Y..., DONT IL ETAIT L'AVOCAT HABITUEL ET QUI ETAIT CREANCIER DE LADITE SOCIETE, QUE CELLE-CI EPROUVAIT DE GRAVES DIFFICULTES FINANCIERES ET QU'ELLE ALLAIT DEVOIR DEPOSER PROCHAINEMENT SON BILAN ;
QUE M Y... S'EST ALORS FAIT REMETTRE DES TRAITES PAR LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION EN VUE D'OBTENIR LE PAIEMENT PAR PREFERENCE DE SES CREANCES ET A FAIT PART DE SON COMPORTEMENT A M B... QUI LUI A ALORS CONSEILLE SANS RESULTAT DE RESTITUER LES TRAITES ;
QUE, PAR LA SUITE, LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION A ETE DECLAREE EN LIQUIDATION DES BIENS, M B... ETANT DESIGNE EN QUALITE DE SYNDIC, ET QU'UNE INFORMATION JUDICIAIRE DU CHEF DE BANQUEROUTE ET COMPLICITE A ETE OUVERTE ;
QUE, DANS LE CADRE DE CETTE PROCEDURE, M B..., ENTENDU EN QUALITE DE TEMOIN PAR LE JUGE D'INSTRUCTION, A RELATE A CE MAGISTRAT LES REVELATIONS QUE LUI AVAIT FAITES M Y... AU SUJET DES TRAITES, AINSI QUE LES CONSEILS QU'IL LUI AVAIT VAINEMENT PRODIGUES EN VUE DE LEUR RESTITUTION ;
QUE M Y..., ESTIMANT QUE SON AVOCAT AVAIT VIOLE LE SECRET PROFESSIONNEL, A SAISI D'UNE RECLAMATION LE BATONNIER QUI A ENGAGE UNE POURSUITE DISCIPLINAIRE CONTRE M B... DEVANT LE CONSEIL DE L'ORDRE ;
QUE L'ARRET ATTAQUE, RETENANT QUE M B... AVAIT COMMIS UNE PREMIERE FAUTE EN REVELANT A M Y... LA SITUATION DE LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION ET UNE SECONDE FAUTE, EN SA QUALITE D'AVOCAT, EN REVELANT AU MAGISTRAT INSTRUCTEUR LES CONFIDENCES RECUES DE SON CLIENT, A PRONONCE CONTRE LUI LA PEINE DE TROIS MOIS DE SUSPENSION ;
ATTENDU QUE M B... REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR RETENU CONTRE LUI UNE PREMIERE FAUTE COMMISES DANS SES FONCTIONS DE SYNDIC, ALORS QUE, LORSQU'UN AVOCAT EST AUTORISE A EXERCER ACCESSOIREMENT LES FONCTIONS DE SYNDIC, LES FAUTES COMMISES PAR LUI EN CETTE QUALITE NE POURRAIENT DONNER LIEU A POURSUITE DISCIPLINAIRE QUE DANS LE CADRE DES ARTICLES 44 ET SUIVANTS DU DECRET N 59-708 DU 29 MAI 1959 ;
MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARTICLE 10 DU DECRET N 55-603 DU 20 MAI 1955, MODIFIE PAR L'ORDONNANCE N 58-1036 DU 29 OCTOBRE 1958 ET PAR L'ARTICLE 76, DERNIER ALINEA, DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1971, QUE LES REGLES CONCERNANT LE STATUT DE LA PROFESSION PRINCIPALE DES AVOCATS RELATIVES A LA DISCIPLINE SONT APPLICABLES AUX DILIGENCES ACCOMPLIES PAR LES AVOCATS EN EXECUTION DES MISSIONS DE SYNDIC QUI PEUVENT LEUR ETRE CONFIEES ;
QU'AINSI, LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
ATTENDU QUE M B... REPROCHE ENCORE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR RETENU CONTRE LUI UNE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL DANS L'EXERCICE DE LA MISSION D'ENQUETEUR QUI LUI AVAIT ETE CONFIEE PAR LE TRIBUNAL DE COMMERCE, EN FAISANT CONNAITRE A M Y... LA SITUATION FINANCIERE DE LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION ET L'IMMINENECE DU DEPOT DE BILAN, ALORS QUE, D'UNE PART, L'ENQUETEUR POURRAIT, SANS SE RENDRE COUPABLE D'UNE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL, REVELER A UN TIERS AUPRES DUQUEL IL ENQUETE LES INFORMATIONS NECESSAIRES POUR PROVOQUER DES CONFIDENCES DE CELUI-CI, ALORS QUE, D'AUTRE PART, NE SONT COUVERTES PAR LE SECRET PROFESSIONNEL QUE LES INFORMATIONS RECUEILLIES EN RAISON DE SES FONCTIONS ET QUE, FAUTE DE CONSTATER QUE LES REVELATIONS FAITES A M Y... PAR M B... ETAIENT PARVENUES A LA CONNAISSANCE DE CE DERNIER EN RAISON DE SES FONCTIONS D'ENQUETEUR, LA COUR D'APPEL N'AURAIT PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RELEVE QUE M ROUILLER AVAIT L'OBLIGATION DE RESERVER AU TRIBUNAL QUI L'AVAIT COMMIS LES INFORMATIONS QU'IL AVAIT RECUEILLIES SUR LA SITUATION FINANCIERE DE LA SOCIETE ROC-CONSTRUCTION ET QU'IL N'AVAIT, A AUCUN MOMENT, A EN REVELER LA TENEUR A SON CLIENT ;
QU'AYANT CONSTATE QUE, NEANMOINS, AU COURS DE SA MISSION D'ENQUETE, M B... AVAIT FAIT PART A M Z... QU'IL AURAIT A RECOUVRER SA CREANCE, PUIS DE L'IMMINENCE DU DEPOT DE BILAN DE LADITE SOCIETE, ELLE A AINSI ADMIS QUE CES INFORMATIONS AVAIENT ETE RECUEILLIES AU COURS DE L'ENQUETE ET QUE LES NECESSITES DE CELLE-CI NE JUSTIFIAIENT PAS LEUR DIVULGATION A UN TIERS ;
QU'ELLE A PU EN DEDUIRE QUE M B... AVAIT MANQUE AU SECRET PROFESSIONNEL AUQUEL IL ETAIT TENU EN QUALITE DE MANDATAIRE DE JUSTICE ET QU'ELLE A, AINSI, LEGALEMENT JUSTIFIEE SA DECISION ;
QU'AINSI LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN :
ATTENDU QUE M B... REPROCHE ENFIN A LA COUR D'APPEL D'AVOIR EGALEMENT RETENU CONTRE LUI UNE VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL AUQUEL IL ETAIT TENU EN QUALITE D'AVOCAT, ALORS QUE, SELON LE MOYEN, LE SECRET PROFESSIONNEL NE COUVRE QUE LES CONFIDENCES NECESSAIREMENT LIEES A L'EXERCICE DE LA PROFESSION D'AVOCAT ET QUE LES PROPOS TENUS A UN AVOCAT PAR UNE PERSONNE QUI EST SON CLIENT, MAIS EN DEHORS DE TOUTE RELATION PROFESSIONNELLE ET A L'OCCASION D'UNE AFFAIRE N'AYANT PAS DONNE LIEU A CONSULTATION OU A POSTULATION, NE SONT PAS COUVERTS PAR LE SECRET ;
QU'EN DECIDANT LE CONTRAIRE, LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE L'ARTICLE 378 DU CODE PENAL ;
MAIS ATTENDU QUE LE SECRET PROFESSIONNEL COUVRE TOUTES LES CONFIDENCES QUE L'AVOCAT A PU RECEVOIR A RAISON DE SON ETAT OU DE SA PROFESSION ;
QU'AYANT CONSTATE QUE M B... N'AVAIT RECU LES CONFIDENCES DE M Y... AU SUJET DE LA REMISE ES TRAITES QUE PARCE QU'IL ETAIT SON AVOCAT HABITUEL ET PARCE QU'IL LUI DONNAIT FREQUEMMENT DES CONSEILS JURIDIQUES POUR L'ENSEMBLE DE SON ACTIVITE COMMERCIALE, LA COUR D'APPEL A PU DECIDER QU'EN REVELANT AU JUGE D'INSTRUCTION LES CONFIDENCES DE M Y... CONCERNANT LES TRAITES, ET LE CONSEIL QU'IL LUI AVAIT DONNE A CE SUJET, M B... AVAIT MANQUE AU SECRET PROFESSIONNEL AUQUEL IL ETAIT TENU EN SA QUALITE D'AVOCAT ;
QU'AINSI LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 4 JUIN 1982 PAR LA COUR D'APPEL D'ANGERS.