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Décisions

CA Paris, 24 novembre 2004

PARIS

Arrêt

Confirmation

CA Paris

23 novembre 2004

Vu l'appel interjeté par la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP du jugement 
rendu le 28 février 2003 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- déclaré parfait  le désistement d'instance et d'action engagée à l'encontre de la société RAZEL Frères, 
- débouté la société FREYSSINET INTERNATIONAL de l'intégralité de ses demandes, 
- rejeté la demande reconventionnelle, 
- condamné la société FREYSSINET INTERNATIONAL à verser à la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; 
Vu les dernières écritures signifiées le 7 juin 2004 par lesquelles la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP, ci-après FREYSSINET, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la Cour de : 
- à titre principal 
- dire que la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, en offrant l'utilisation sur le territoire français du procédé 'DSI CONTEN" a contrefait la revendication 1 du brevet français N' 2 652 866, 
- interdire à la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL la poursuite des actes illicites sous astreinte de 15.245 euros par infraction constatée dès la signification de 
l'arrêt, 
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou revues de son choix, aux frais avancés de la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, 
- condamner la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL à lui payer la somme de 38.112 euros à titre de dommages-intérêts, 
- se réserver l'exécution de l'arrêt à intervenir en application des dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991, 
- à titre subsidiaire 
- rejeter la demande de dommages-intérêts de la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, 
- en toutes hypothèses 
- condamner la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL à lui verser la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure 
civile ; 
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2004 aux termes desquelles la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL, ci-après DSI, sollicite la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 1" mars 2001 et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et prie la Cour de : 
- annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 1" mars 2001 comme dépourvu de toute description du procédé argué de contrefaçon, 
- condamner la société FREYSSINET à lui verser la somme de 35.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du caractère malicieux de la procédure engagée, outre celle de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant que la société FREYSSINET, qui exerce son activité dans le domaine des travaux publics, en particulier des ponts à haubans, est titulaire d'un brevet français, déposé le 5 octobre 1989, enregistré sous le N° 89 13020, délivré le 7 janvier 1994, ayant pour titre "Perfectionnements aux procédés et dispositifs pour mettre sous tension des câbles à brins multiples" ; 
Qu'ayant appris que la société RAZEL Frères avait communiqué à la D.D.E. du Calvados, dans le cadre d'un appel d'offres relatif à l'aménagement de l'échangeur de Mondeville par haubanage, des documents techniques établissant qu'elle proposait la mise en oeuvre du procédé dénommé "DSI-CONTEN" pour mettre sous tension des haubans, la société FREYSSINET, après y avoir été autorisé par ordonnance sur requête du 5 février 2001, a fait procéder à une saisie-contrefaçon le 1(er) mars suivant, dans les locaux de la DDE; 
Qu'au vu des éléments recueillis lors de ces opérations, elle a assigné la société RAZEL Frères et la société DSI en contrefaçon de la revendication 1 de son brevet puis s'est désistée de son action à l'encontre de la société RAZEL ; 
I - Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 1(er) mars 2001 
Considérant que la société RSI soulève la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon au motif que l'article L.615-5 du Code de la propriété intellectuelle prescrit une description détaillée des produits ou procédés prétendus contrefaits et qu'en l'espèce, l'huissier instrumentaire s'est contenté de procéder à la saisie réelle de photocopies de documents, sans se livrer à une description des procédés argués de contrefaçon ; 
Considérant qu'il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 1(er) mars 2001 que l'huissier instrumentaire a procédé à la saisie par voie de photocopies en deux exemplaires de six pièces que lui a remises Nicolas P, chef de la mission "Ouvrages d'art", au sein du service "Etudes et Grands travaux" de la DDE du Calvados ; 
Mais considérant que les premiers juges ont relevé à juste titre que les faits incriminés consistant en une offre d'utilisation d'un procédé, dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas été mis en oeuvre, les opérations de saisie ne pouvaient porter que sur des documents écrits de nature à rapporter la preuve de cette offre ; qu'ils en ont déduit à bon droit qu'en procédant à la saisie, sous forme de photocopie, l'huissier s'est conformé à l'exigence de description détaillée du procédé incriminé requise par l'article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle ; 
Que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ; 
II - Sur la contrefaçon de la revendication 1 du brevet N° 89 13020 
Considérant que la revendication 1 du brevet concerne un procédé de mise sous tension successive d'un câble à brins multiples de manière à ce que tous les brins soient soumis à une même valeur de tension ; 
Que l'état antérieur de la technique décrit dans le brevet est constitué de deux procédés entraînant des calculs très difficiles ou des suites d'opérations délicates à effectuer : 
- le premier, consistant à exercer la tension d'ancrage sur l'ensemble du câble, c'est-à-dire 
simultanément sur la totalité des brins montés en parallèle (page 1 lignes 17 à 20), 
présente l'inconvénient de nécessiter un vérin de tension lourd et encombrant et donc, une 
mise en oeuvre peu aisée, 
- le second consiste à tendre les brins un à un à l'aide d'un petit vérin individuel mais il est alors difficile, selon le breveté, d'obtenir des valeurs identiques pour les tensions appliquées successivement sur les différents brins, car la mise sous tension de chaque brin soulage légèrement les brins préalablement tendus (page 1 lignes 29 à 35) ; 
Que, pour remédier à ces inconvénients, le procédé met en oeuvre une mise sous tension successive des différents brins à l'aide d'un vérin individuel caractérisé par la suite des 
opérations suivantes : on met sous tension un premier brin (A) du câble, appelé "brin témoin " ci-après, tout en rendant possible la mesure de la tension de ce brin à chaque instant, puis on tire un second brin (B) jusqu'à ce que sa tension soit égale à celle du brin témoin, mesurée au même instant, et on ancre alors ce second brin ainsi tendu, puis on tire un troisième brin (C) jusqu'à ce que sa tension soit égale à celle du brin témoin mesurée à l'instant correspondant et on ancre alors ce troisième brin ainsi tendu, et ainsi de suite jusqu'à l'ancrage du dernier brin (D), après quoi on note la tension alors appliquée sur le brin témoin (A) et, après avoir détendu ce dernier et l'avoir libéré des moyens de mesure, on ancre ce brin témoin en appliquant sur lui la tension ainsi notée (revendication 1) ; 
Considérant que la société DSI ne conteste pas la validité de cette revendication mais fait valoir que les documents saisis ne montrent pas que le procédé dénommé "DSI CONTEN" met en oeuvre ses caractéristiques ; 
Considérant qu'il est constant que le procédé mis en oeuvre lors de l'aménagement par haubanage de l'échangeur de Mondeville ne reprend pas celui décrit au brevet en cause ; que néanmoins, la société DSI reconnaît que le procédé "DSI CONTEN", visé dans la description faite par la société RAZEL Frères dans l'offre litigieuse, fait l'objet du brevet allemand N° 195 36 701 C 2, délivré à son nom, le 15 juillet 1999 ; 
Que pour apprécier les faits de contrefaçon reprochés, il convient donc d'examiner les documents saisis, à savoir les réponses de la société RAZEL aux questions de la DDE du Calvados sur la mise en tension des haubans et son annexe N° 1, au regard de l'invention, objet du brevet allemand relatif au procédé "DSI CONTEN" ; 
Considérant que le procédé DSI CONTEN est ainsi décrit dans le document saisi : 
" Ce procédé consiste à tendre individuellement et successivement chaque toron en utilisant deux vérins monotorons reliés entre eux par un peson hydraulique, suivant le shéma joint en annexe N°1 au présent mémoire. Au cours de la mise sous tension des différents torons, la structure se déforme et entraîne la dé-tension progressive des torons antérieurement tendus et bloqués . Le procédé utilisé permet de ne tendre chaque nouveau toron qu'à l'effort qui existe dans le toron précédent mesuré à l'aide du vérin témoin . On obtient ainsi, à la fin de la mise en tension, le même effort dans chacun des torons du hauban" ; 
Que la revendication 1 du brevet allemand DSI, dont une traduction est produite aux débats, décrit un procédé de mise sous tension comprenant les étapes suivantes : 
a) mise sous tension d'un premier élément individuel ou d'un groupe d'éléments 
individuels jusqu'à une valeur de tension déterminée à l'avance et ancrage de celui-ci, 
b) mise sous tension d'un deuxième élément individuel ou d'un groupe d'éléments 
individuels, jusqu'à ce que la valeur de tension soit aussi élevée que celle du ou des 
éléments individuels préalablement mis sous tension, au même moment... un circuit de 
régulation permettant de comparer directement les valeurs de tension, à la suite de quoi, 
le deuxième élément ou le groupe d'éléments individuels sont ancrés, c) répétition des étapes b) du procédé jusqu'à ce que tous les éléments individuels soient mis sous tension et ancrés ; 
Considérant que le brin témoin décrit au brevet FREYSSINET reste, pendant la durée de la mise sous tension du câble, équipé des moyens de mesure de la tension, le texte même de la revendication précisant que la mesure de tension de ce brin est possible à chaque instant ; qu'en outre, il n'est ancré qu'à la fin des opérations de mise sous tension ; qu'enfin, la mesure de la tension est réalisée, au moyen d'un instrument de mesure, une cellule dynamométrique, montée sur le premier brin, qui est retirée à la fin des opérations 

Considérant, d'une part, que, contrairement aux allégations de la société FREYSSINET, le procédé DSI CONTEN n'utilise pas un brin témoin, la réponse donnée par la société RAZEL Frères dans l'offre comme la revendication 1 du brevet DSI indiquant que la mise sous tension de chaque toron s'effectue en tenant compte de l'effort qui existe dans le toron précédent ; 
Que, d'autre part, la mesure de tension fait appel à un mécanisme comparateur à partir d'un circuit de régulation constitué de vérins individuels reliés entre eux par un peson hydraulique, représenté sur l'annexe 1 des pièces saisies, ce qui exclut le recours à un brin servant de référence ; que la société FREYSSINET soutient vainement que la revendication 1 de son brevet couvre tous les moyens de mesure alors que la description (page 3 lignes 7 à 12) précise qu'il s'agit d'une cellule dynamométrique et qu'il n'est aucunement indiqué que le vérin sert à la fois de moyen de tension et de mesure ; 
Qu'enfin, dans le procédé DSI CONTEN, le premier toron est ancré dès sa mise sous tension, comme prévu au point a) de la revendication 1 du brevet DSI de sorte qu'il ne peut servir de témoin unique pendant toute la durée de l'opération ; que la dernière étape décrite à la revendication 1 du brevet FREYSSINET, qui prévoit l'ancrage du premier brin après avoir appliqué sur lui la tension donnée par l'instrument de mesure, n'est donc pas reproduite ; que la société FREYSSINET invoque à tort le caractère secondaire de l'opération finale d'ancrage alors qu'il s'agit d'une des étapes du procédé revendiqué, destinée à tendre le brin témoin en lui appliquant la tension relevée sur l'instrument de mesure ; 
Que le procédé DSI CONTEN se distingue donc de celui revendiqué par la société FREYSSINET par les moyens utilisés et leur mise en oeuvre pour opérer la mise sous tension des câbles ; 
Qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le procédé décrit dans l'offre adressée à la DDE du Calvados ne constitue pas la contrefaçon de la revendication 1 du brevet N° 89 13020 appartenant à la société FREYSSINET ; 
III - Sur les autres demandes 
Considérant que la société FREYSSINET a pu de bonne foi se méprendre sur la portée de son brevet de sorte que la demande de dommages-intérêts formée par la société DSI, pour procédure engagée avec une intention malicieuse, doit être rejetée ; 
Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société DSI, la somme complémentaire de 15.000 
euros devant lui être allouée à ce titre ; 
Que la solution du litige commande de rejeter la demande formée sur ce même fondement par la société FREYSSINET ; 

PAR CES MOTIFS Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, 
Y ajoutant, 
Condamne la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP à verser à la société DYWIDAG SYSTEMS INTERNATIONAL DSI la somme complémentaire de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 
Condamne la société FREYSSINET INTERNATIONAL STUP aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.