Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-13.625
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mollard
Avocats :
SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Spinosi
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux,19 décembre 2019), MM. [S], [J], [B], [F], [Y], [D], [K] et [T] ont constitué une société en participation, la SDF Cardiologie Saint-Augustin, chargée de fixer les conditions de l'exercice en commun de leur activité de cardiologie, et une société de moyens, la SCM Angiographie Saint-Augustin, destinée à apporter aux associés les moyens matériels pour exercer leur profession.
2. Par un jugement du 17 septembre 2013, devenu définitif, un tribunal de grande instance a prononcé la dissolution de la SDF Cardiologie Saint-Augustin.
3. MM. [D], [T] et [K] ont assigné MM. [S], [B], [J], [F], [Y], les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J] et la SCM Angiographie Saint-Augustin en désignation d'un administrateur provisoire de cette dernière. Les défendeurs ont formé une demande reconventionnelle en dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin.
4. La SCM Angiographie Saint-Augustin a été mise en liquidation judiciaire par un jugement d'un tribunal de grande instance du 27 octobre 2017, confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 28 mars 2018, devenu définitif, la SCP Silvestri-Baujet étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
5. Cette dernière est intervenue volontairement à l'instance.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, et le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, réunis
Enoncé des moyens
6. Par le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal, la SCP Silvestri-Baujet, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SCM Angiographie Saint-Augustin fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait ordonné la dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin et de constater que la demande de dissolution de cette société était devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 mars 2018, alors « qu'il résulte de l'article 1844-7 du code civil que la dissolution de la société résulte notamment de l'extinction de son objet ou de justes motifs constatés par le juge, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que l'ouverture d'une liquidation judiciaire, qui n'entraîne pas la dissolution de la société, n'interdit pas que cette dissolution soit constatée par le juge pour l'une des causes prévues à l'article 1844-7 du code civil ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'était justifiée la dissolution de la société, ordonnée par le premier juge, en raison de l'extinction de l'objet social de la société, de l'inexécution des obligations incombant aux associés et de la mésentente paralysant le fonctionnement de la société ; qu'en retenant cependant, pour rejeter cette demande de dissolution, que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement la rendait sans objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil. »
7. Par le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, MM. [J], [F], [Y], [B] et [S] et les sociétés Dr [X] [Y] et Dr [C] [J] font le même grief à l'arrêt, alors « que, conformément à l'article 1844-7 du code civil, la dissolution d'une société peut être prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés qui en paralyse le fonctionnement ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société, qui n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, ne fait pas obstacle à ce que cette dissolution soit prononcée pour l'une des causes prévues à l'article susvisé ; qu'en l'espèce, en retenant, pour rejeter la demande de dissolution de la société SCM Angiographie Saint-Augustin, que la liquidation judiciaire prononcée à son encontre la rendait sans objet, lorsqu'elle constatait que la dissolution ordonnée par le premier juge était justifiée au regard de la dissolution définitive de la société SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, la cour d'appel a violé l'article 1844-7 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1844-7, 7°, du code civil :
8. En vertu de ce texte, la société prend fin par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif.
9. Pour rejeter la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin formée par MM. [S], [B], [J], [F], [Y] et par les sociétés Dr [E] [Y] et Dr [C] [J], après avoir retenu que c'était par d'exacts motifs, que les débats d'appel ne remettent pas en cause, que la dissolution de cette société avait été ordonnée en considération de la dissolution définitive de la SDF Cardiologie Saint-Augustin, de la mésentente manifeste entre associés et de l'inexécution de leurs obligations, l'arrêt retient que la liquidation judiciaire ordonnée après le jugement rend cette dissolution sans objet.
10. En statuant ainsi, alors que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire d'une société n'entraîne pas sa dissolution de plein droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il constate que la demande de dissolution de la SCM Angiographie Saint-Augustin est devenue sans objet en raison de sa liquidation judiciaire prononcée par arrêt du 28 mars 2018 et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.