Cass. com., 12 mai 2004, n° 02-14.375
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 janvier 2002), que la société Sergio Y... SPA, titulaire des marques "Sergio Y..." et "ST", et la société Sandys France, devenue la société Sergio Y... France, qui distribue en France les produits ainsi marqués, ont poursuivi la société Auchan France en contrefaçon de ces marques et en concurrence déloyale, pour avoir présenté à la vente des survêtements "Cabriera" qui en étaient revêtus ; que la société Auchan a appelé en garantie la société Trading international-STI, qui a elle-même mis en cause son propre vendeur, la société One X... One, qui a soutenu s'être fournie auprès de la société irlandaise Amazon Leisure, distributrice des produits marqués ;
Attendu que les sociétés Sergio Y... SPA et Sergio Y... France font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :
1) qu'il incombe à l'opérateur qui invoque l'épuisement du droit du titulaire de la marque, d'établir le consentement de celui-ci à la mise sur le marché au sein de l'Espace économique européen de chaque exemplaire des produits pour lequel l'épuisement est invoqué, et non au titulaire de la marque, d'établir son absence de consentement ; qu'en retenant en l'espèce que les produit litigieux argués de contrefaçon avaient régulièrement été mis sur le marché de l'Union européenne, avec le consentement de la société Sergio Y... SPA, qui avait donc épuisé ses droits de marque, dès lors que celle-ci n'établissait pas que la société Amazon Leisure, fournisseur originaire des produits litigieux, n'était plus l'un de ses distributeurs officiels à l'époque où elle avait vendu lesdits produits, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter au sens de l'article 7 de la directive n° 89-104 CE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etas membres sur les marques ;
2) que le consentement du titulaire de la marque à la mise dans le commerce dans l'Espace économique européen entraînant l'épuisement des droits de celui-ci doit porter sur chaque exemplaire du produit pour lequel l'épuisement est invoqué et s'il peut être implicite, il doit néanmoins résulter de circonstances le traduisant de façon certaine, sans qu'il puisse être présumé ; qu'en déduisant en l'espèce l'épuisement des droits de la société Sergio Y... SPA sur les produits litigieux argués de contrefaçon du simple fait que ceux-ci proviendraient de l'un des distributeurs officiels de cette société, sans constater que les exemplaires des produits incriminés avaient été mis sur le marché par la société Sergio Y... ou avec son consentement, la cour d'appel, qui a présumé le consentement de celle-ci, a violé l'article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 7 de la directive précitée ;
3) qu'il n'est pas pertinent, pour ce qui concerne l'épuisement du droit exclusif du titulaire de la marque, que l'opérateur qui commercialise des produits revêtus de celle-ci n'ait pas connaissance de l'opposition du titulaire à leur mise sur le marché dans l'Espace économique européen ; que dès lors, en retenant qu'il n'était pas sans intérêt de noter que, postérieurement aux ventes intervenues, la société Amazon Leisure apparaissait toujours comme distributeur officiel de la marque sur le site Internet de la société Sergio Y..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation encore de l'article L 713-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit s'interpréter au regard de l'article 7 de la directive précitée ;
Mais attendu, d'une part, que la preuve de l'épuisement du droit de marque incombant à celui qui l'allègue, la cour d'appel n'en a pas inversé la charge en retenant que le titulaire de la marque, qui soutenait, non pas qu'il était indifférent que la société Amazon Leisure ait été son distributeur agréé, mais que cette société avait perdu cette qualité au moment de la vente des produits en cause, ne faisait pas la preuve de ce fait, contraire à ceux dont elle a déduit le consentement contesté ;
Attendu, d'autre part, qu'en constatant que tous les survêtements modèles Cabriera de marque Sergio Y... vendus à la société STI par la société One X... One ont été acquis par cette dernière auprès de la société Amazon Leisure, la cour d'appel a caractérisé le consentement du titulaire pour chacun des produits faisant l'objet de cette livraison précise ;
Et attendu, enfin, que le moyen s'attaque en sa troisième branche à un motif surabondant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches, et ne peut être accueilli en sa troisième branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.