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Décisions

CA Reims, 1re ch. sect. 2, 3 mai 2013, n° 12/02522

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

TGI de Reims, du 5 oct. 2012, n° 10/0240…

5 octobre 2012

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé hors la présence du public, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame D..., présidente chambre, et par Madame Bif, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur G... B... et Madame C... E... se sont mariés le 17 août 1996 à Kemerkaya en Turquie. Quatre enfants sont issus de cette union, Baris le 6 février 1998, Oktay le 27 mai 1999, Malek le 2 janvier 2003 et Gamze le 19 décembre 2004.

L'épouse a déposé une requête en divorce et, par ordonnance de non-conciliation du 23 novembre 2010, le juge aux affaires familiales de Reims a notamment :

- fixé la résidence des enfants chez la mère,

- fixé à 170 euros la pension alimentaire due par le père pour Baris (incluant la moitié des frais de scolarité) et 100 euros pour chacun des trois autres enfants, soit au total 470 euros,

- dit que l'époux supportera, au titre du devoir de secours, le remboursement du crédit immobilier aux échéances de 734,18 euros par mois, outre l'assurance obligatoire, étant précisé que Madame continuera à percevoir l'A.P.L. accessoire au crédit ou qu'il lui rétrocédera la somme correspondante.

Madame E... a délivré l'assignation en divorce le 23 février 2011 sur le fondement de l'article 233 du code civil.

Par conclusions du 3 juillet 2012 elle a saisi le juge de la mis en état aux fins de modifier les mesures provisoires.

Par ordonnance du 5 octobre 2012 le juge de la mise en état a, notamment :

- fixé, à compter du 3 mai 2012 à 400 euros le montant de la pension alimentaire due par l'époux au titre du devoir de secours,

- fixé à compter du 3 mai 2012 à 250 euros par mois et par enfant soit 1 000 euros, la part contributive du père à l'entretien et l'éducation des 4 enfants,

- dit que l'époux continuera à prendre en charge le crédit immobilier,

- enjoint Monsieur B... de communiquer les bilans et comptes de résultat des sociétés Isomarne et du restaurant La Turqua pour les exercices 2010 et 2011,

- sursis sur les autres demandes et ordonné l'audition de Baris et Oktay,

- condamné Monsieur B... au paiement d'une somme de 600 euros à son épouse au titre des frais irrépétibles.

Monsieur B... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Suivant conclusions du 1er mars 2013, il prie la cour d'infirmer cette ordonnance et de débouter son épouse de toutes ses demandes, en la condamnant aux dépens.

Aux termes de ses conclusions du 28 février 2013, Madame E... poursuit la confirmation de la décision et la condamnation de l'appelant, outre aux dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de frais de procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2013.

Sur ce, la cour :

Madame E... âgée de 37 ans a obtenu un CAP de coiffure en juillet 2011 (pièce n° 53) mais n'a pas trouvé de travail dans ce domaine. Elle est inscrite auprès de pôle emploi et se réoriente vers le secteur commercial.

Elle perçoit actuellement diverses prestations sociales : allocations familiales de 516,12 euros, complément familial de 165,35 euros et le R.S.A. de 613,78 euros soit au total 1 295,25 euros.

Elle vit seule avec les 4 enfants à charge, et précise sans être contredite que ceux-ci ne sont jamais accueillis par leur père, de sorte que la charge en revient à elle seule. Il n'est pas non plus contesté que la pension alimentaire est irrégulièrement versée et, en tout état de cause, l'appelant ne verse pas les montants arrêtés par la décision querellée, pourtant assortie de l'exécution provisoire.

Monsieur B... reproche à son épouse d'avoir quitté le domicile conjugal qui lui avait été attribué à titre gratuit aux termes de l'ordonnance de non-conciliation, et d'avoir dorénavant à sa charge un loyer de 690 euros.

Madame E... explique sur ce point que le domicile familial faisant l'objet d'une hypothèque du trésor public, elle craignait d'en être expulsée à tout moment et a préféré rejoindre un logement social du foyer rémois. En tout état de cause l'ex-domicile conjugal est mis en vente au prix de 197 300 euros.

Madame E... ne bénéficie plus de l'A.P.L. et justifie de ses autres charges énergétiques, d'assurance, téléphonie notamment.

Monsieur B..., 39 ans, est associé-gérant de la société Isomarne.

Il perçoit au vu du bulletin de paye du mois de novembre 2011 un revenu mensuel de l'ordre de 2.330 euros (25.636,38 euros sur 11 mois) étant précisé que le bulletin de salaire du mois de décembre susceptible de comporter des revenus complémentaires n'est pas produit aux débats, ni d'ailleurs aucune pièce relative l'année 2012.

Il verse aux débats les comptes annuels de la société Isomarne pour 2010, qui mettent en évidence un résultat net de 27.494 euros au 31 décembre 2010 alors qu'il était de 41.681 euros au 31 décembre 2009.

Madame E... indique que son époux perçoit également d'autres revenus de l'établissement Alaturka. Monsieur B... en verse les comptes annuels pour 2011. Il y est précisé que l'exercice social clos le 31 décembre 2011 n'a qu'une durée de 10 mois et qu'il s'agit du premier exercice depuis la création de l'entreprise, le résultat net comptable s'élevant à 4 235,45 euros.

Madame E... insiste essentiellement sur les revenus occultes mis en évidence par le contrôle fiscal dont son époux a fait l'objet. De fait, le couple - et non Monsieur B... seul - a fait l'objet d'une vérification de sa situation fiscale pour les années 2008 et 2009. Cet examen a fait ressortir des revenus d'origine indéterminée sous la forme, essentiellement, de remises de chèques, qui ont entraîné un redressement fiscal très important.

Ainsi en 2008, alors que l'époux déclarait un salaire annuel de 18.395 euros, des revenus non justifiés à hauteur de 62 541,78 euros étaient perçus.

En 2009, alors qu'il déclarait un revenu de 18.452 euros des revenus non justifiés de 73 756,31 euros étaient encaissés parallèlement (pièce n° 57 page 10).

Ce contrôle fiscal mettait aussi en évidence des retraits en espèces sur les comptes de la société, pour lesquels Monsieur E... n'a pu justifier de l'affectation professionnelle, et ce à hauteur de 79 760 euros en 2008 et 45 490 euros en 2009.

Aux termes de ce redressement, les sommes dues au trésor public étaient de 94 268 euros pour 2008 et 63 631 euros pour 2009.

Monsieur B... ne conteste pas cet état de fait mais souligne que son épouse a également profité de ces fonds du temps de la vie commune et, de fait, c'est bien le foyer fiscal dans son ensemble qui a fait l'objet du contrôle.

En tout état de cause, il n'est pas établi que depuis la séparation qui date de 2010, Monsieur B... poursuive ce type de dissimulation et la cour ne peut tirer argument de ces revenus occultes passés pour conclure ipso facto que ses revenus actuels seraient du même ordre que ceux retenus par l'administration fiscale pour les années 2008 et 2009, antérieures à la séparation.

Monsieur B... verse des quittances de loyer de 420 euros pour un domicile rue Emile Zola à Reims où il est domicilié .... Il justifie de ses charges d'assurance notamment. Il supporte aussi les échéances du remboursement du prêt immobilier à hauteur de 734,18 euros sans que l'on ne sache quand cette dette prendra fin.

Ainsi que précisé ci-dessus l'ex-domicile conjugal est hypothéqué. Par ailleurs, une saisie attribution a été pratiquée en avril 2012 sur les comptes du couple, pour un montant total de 157 914 euros.

Sont versés aux débats les multiples plaintes ou main-courantes déposées par Madame E... pour abandon de famille. Les parties étaient convoquées le 4 mars 2013 devant le délégué du procureur en vue d'une médiation pénale.

Les enfants sont aujourd'hui âgés de 15, 13, 10 et 8 ans. Alors que les deux aînés, collégiens, étaient précédemment scolarisés en établissement privé, Madame E... indique avoir dû les en retirer en raison du coût. Il est justifié de ce que Oktay, ensuite scolarisé au collègue Paul Fort en a été exclu temporairement en février 2012 en raison de problèmes de comportement.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et notamment des ressources respectives et effectives des parties, des dettes importantes résultant du contrôle fiscal, la décision querellée qui a mis à la charge de Monsieur B... une somme totale de 1.400 euros outre le remboursement du crédit immobilier aux échéances de 734,18 euros est excessive.

La décision doit par conséquent être infirmée et la pension alimentaire mise à la charge du père pour l'entretien et l'éducation des enfants plus justement fixée, à compter de la décision entreprise, soit à compter du 5 octobre 2012, à la somme mensuelle de 800 euros (200 euros par mois et par enfant).

En revanche, et par application de l'article 212 du code civil, Madame E... sera déboutée de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours.

Il n'y pas lieu de faire droit à la demande en frais irrépétibles formée par Madame E....

Cette dernière, succombant à titre principal, sera tenue aux dépens.

Par ces motifs :

Infirme partiellement l'ordonnance sur incident rendue le 5 octobre 2012 par le juge chargé du contrôle de la mise en état du tribunal de grande instance de Reims,

Statuant à nouveau,

Déboute Madame C... E... de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours,

Fixe, à compter du 5 octobre 2012, à 200 euros par mois et par enfant (soit 800 euros) le montant de la pension alimentaire mise à la charge de Monsieur G... B... au titre de l'entretien et de l'éducation des enfants et au besoin l'y condamne,

La confirme pour le surplus,

Déboute Madame C... E... de sa demande en frais irrépétibles,

Condamne Madame C... E... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE