Cass. com., 2 février 2022, n° 20-18.989
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Barassi (SARL)
Défendeur :
Procureur général près la cour d'appel de Nancy, Bruart (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 juin 2020, RG n° 19/01317), après le prononcé, le 5 février 2019, de la liquidation judiciaire de la société Barassi 54, locataire-gérante d'un fonds artisanal appartenant à la société Financière Barassi (la SOFIBA), le liquidateur a, en application de l'article L. 641-11-III, 3° du code de commerce, informé cette dernière de la résiliation du contrat de location-gérance et lui a demandé de prendre parti sur la restitution du fonds et le transfert des contrats de travail qui lui étaient liés. La SOFIBA n'ayant pas répondu dans le délai imparti par le liquidateur, l'absence de règlement des salaires a conduit le procureur de la République à déposer une requête en redressement judiciaire de la SOFIBA.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La SOFIBA fait grief à l'arrêt de confirmer l'ouverture de son redressement judiciaire, alors :
« 1° ) que, si par l'effet de l'expiration du contrat de location-gérance le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail, c'est à la condition que le fonds ne soit pas devenu inexploitable ; qu'en retenant que la restitution du fond litigieux et le transfert de l'ensemble des contrats de travail du personnel attaché à son exploitation étaient intervenus à effet du 8 février 2019 sans rechercher si, comme le faisait valoir l'exposante, le fonds, en l'absence de tout matériel et de clientèle, n'était pas devenu inexploitable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
2°) qu'aucune disposition ne permet au liquidateur judiciaire du locataire-gérant d'enjoindre au bailleur de prendre parti sur la restitution du fonds dans un délai qu'il a unilatéralement fixé, et ce à peine d'être privé de la faculté d'opposer au transfert du fonds le caractère inexploitable de celui-ci ; qu'en se fondant, pour retenir que la restitution du fond litigieux et le transfert de l'ensemble des contrats de travail du personnel attaché à son exploitation étaient intervenus à effet du 8 février 2019, faute pour la société Financière Barassi d'avoir notifié au liquidateur, dans le délai de huit jours qui lui avait été imparti, son refus de reprendre possession du fonds artisanal, la cour d'appel a violé les articles L. 641-10 et L. 641-11-1 du code de commerce, L. 1224-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) que le silence ne vaut pas acceptation, sauf circonstances permettant de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; qu'en se fondant, pour retenir que faute de réponse de la société Financière Barassi dans le délai qui lui était imparti la restitution effective de ce fonds à la société appelante était intervenue à effet du 8 février 2019, sur les circonstances que la société Financière Barassi n'avait retiré le courrier recommandé adressé par le liquidateur et que celui-ci était tenu par le délai légal de quinze jours pour procéder aux licenciements des salariés au sein de l'entreprise Barassi 54, quand de telles circonstances étaient impropres à donner au silence de l'exposante, pendant le délai fixé par le liquidateur, la signification d'une acceptation, la cour d'appel a violé 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
3. Après avoir fait ressortir que la résiliation du contrat de location-gérance en application de l'article L. 641-11-1, III, 3° du code de commerce n'était pas contestée, ce dont il résulte que le principe de la restitution du fonds était acquis, et que la société loueuse et la société locataire-gérant avaient les mêmes dirigeants de droit ou de fait, l'arrêt relève que le liquidateur de la société locataire-gérante, qui avait l'obligation de licencier les salariés dans le délai de quinze jours afin que les salaires et indemnités de rupture soient pris en charge par l'AGS, a informé la société loueuse et chacun de ses dirigeants des conséquences de la résiliation, savoir la restitution du fonds et la reprise des contrats de travail, ainsi que de la possibilité pour le loueur de manifester son refus de reprendre possession du fonds artisanal, dans l'hypothèse où celui-ci estimerait qu'il est totalement ruiné, leur demandant d'adresser une réponse dans un délai suffisant pour lui permettre de licencier les salariés dans le délai légal.
4. L'arrêt constate en outre que tant la SOFIBA que ses dirigeants s'abstiennent d'apporter une explication pertinente à l'absence de retrait des lettres recommandées avec demande d'avis de réception qui leur étaient adressées par le liquidateur et que ce n'est que le 29 mars 2019 que la SOFIBA s'est opposée au retour du fonds en défense à la requête en redressement judiciaire déposée par le ministère public le 8 mars 2019.
5. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir le caractère déloyal du comportement de la SOFIBA, qui avait ainsi rendu impossible le respect par le liquidateur de son obligation de licencier les salariés dans le délai, le dispensant d'assumer les obligations afférentes aux contrats de travail poursuivis, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.