Cass. com., 29 mars 2011, n° 09-16.330
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin
Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 09-68. 144 et n° M 09-16. 330 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2009), qu'après avoir fait procéder à une saisie-contrefaçon à l'encontre de M. X, qui commercialise des matériels agricoles, M. Y, titulaire d'un certificat d'utilité n° 99. 15633 déposé le 10 décembre 1999 auprès de l'INPI sous priorité d'un modèle d'utilité allemand déposé le 18 décembre 1998 portant sur un éparpilleur de balle pour moissonneuse-batteuse, a, par acte du 9 mai 2005, assigné en contrefaçon M. X et la société de droit espagnol Talleres Tort SL, fabricante de matériels agricoles, laquelle a refusé la citation arrivée en Espagne le 12 mai 2005 et portée à sa connaissance le 16 mai 2005 ; que la traduction de la citation a été remise à cette société le 28 février 2006 ; que la société Y Maschinenbau GmBh & Co KG, licenciée exclusive du certificat d'utilité, est intervenue à l'instance ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° F 09-68. 144 :
Attendu que la société Talleres Tort SL fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à dire que la saisie réelle de documents, et par voie de conséquence, l'assignation que lui a délivrée M. Y étaient nulles pour défaut d'assignation dans la quinzaine ou dans le mois de la saisie contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°) que l'inobservation du délai de procédure fixé par l'article L. 615-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle ne constitue ni un vice de forme auquel serait applicable l'article 112 du code de procédure civile, ni une exception de procédure entrant dans les prévisions de l'article 74 de ce code ; qu'en décidant que la demande de nullité de la saisie était irrecevable parce qu'elle n'avait pas été soulevée in limine litis, la cour d'appel a violé ensemble les articles 74 et 112 du code de procédure civile par fausse application et l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;
2°) que seule la délivrance d'une traduction de l'assignation dans la langue officielle de l'Etat membre requis ou dans une langue intelligible pour son destinataire dans les meilleurs délais de la signification permet de satisfaire aux exigences des articles L. 615-5, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle et des articles 8 et 9 du Règlement n° 1348/ 2000 du Conseil du 29 mai 2000 ; que dès lors, en considérant au cas d'espèce que seule la date de la signification de l'assignation importait et que la traduction était intervenue dans un délai raisonnable, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la production d'une traduction plus de deux mois après le refus d'une assignation qui devait intervenir dans les quinze jours avait été effectuée dans les meilleurs délais au regard du délai initial, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
3°) qu'enfin la saisie réelle est caractérisée lorsque l'huissier de justice, avant de photocopier des documents, les appréhende et les emporte avec lui pour les faire reproduire avant de les restituer ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que M. Y s'est régulièrement pourvu devant le tribunal dans le délai de quinzaine après la saisie-contrefaçon, la cour d'appel a, abstraction faite du motif de droit erroné mais surabondant critiqué par la première branche, justifié le rejet de la demande d'annulation de la saisie-contrefaçon et, par voie de conséquence, de l'assignation ;
Attendu, d'autre part, que par motifs adoptés, la cour d'appel a souverainement apprécié, après avoir procédé à la recherche prétendument omise, que le délai, compris entre le refus de l'assignation par la société Talleres Tort SL et l'expédition de l'assignation, justifié par la traduction, était raisonnable ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni du procès-verbal de saisie-contrefaçon, ni de l'arrêt que l'huissier aurait appréhendé les documents et les aurait emportés avec lui pour les faire reproduire avant de les restituer ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du même pourvoi et sur le premier moyen du pourvoi n° M 09-16. 330, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que M. X fait grief à l'arrêt de dire qu'il avait contrefait les revendications 1, 3, 5 et 6 du certificat d'utilité n° 9915633 dont M. Y est titulaire et la société Y Maschinenbau GmBh & Co KG licenciée, et de le condamner in solidum avec la société Talleres Tort SL à payer tant à M. Y qu'à la société Y Maschinenbau GmBh & Co kG la somme de 30 000 euros en réparation des actes de contrefaçon, outre les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de la saisie contrefaçon, et la somme globale de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne statue que sur les dernières conclusions déposées ; qu'en statuant au visa des conclusions de M. X déposées le 23 février 2009, bien que ce dernier ait déposé des conclusions postérieurement à cette date, le 3 avril 2009, complétant son argumentation, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date n'est nécessaire que si le juge n'expose pas succinctement leurs prétentions et leurs moyens ; que l'arrêt ayant rappelé dans sa motivation les prétentions et moyens de M. X dont l'exposé correspond à ses dernières conclusions du 3 avril 2009, la cour d'appel, abstraction faite du visa erroné des conclusions du 23 février 2009, a satisfait aux exigences de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi n° M 09-16. 330 :
Attendu que M. X fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'offre ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause ; qu'il importe peu, à cet égard, que la personne qui a offert ou mis les produits litigieux dans le commerce les aient acquis à l'étranger ; qu'en jugeant, après avoir retenu " que Hervé X, qui a acquis les machines litigieuses auprès de la société Talleres Tort SL pour les revendre en France, (….) a la qualité d'importateur ", que " dans cette circonstance, la preuve de la connaissance de cause exigée par l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle n'est pas nécessaire ", la cour d'appel a violé le texte précité ;
Mais attendu que l'importateur d'un produit contrefait étant coupable de contrefaçon sans qu'il soit nécessaire d'établir qu'il a agi en connaissance de cause, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.