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Décisions

Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 89-21.542

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

M. Lupi

Avocat :

M. Jacoupy

Reims, du 10 nov. 1988

10 novembre 1988

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1657 du Code civil ;

Attendu que la résolution de la vente au profit du vendeur en cas de défaut de retirement ne peut lui être reconnue que s'il a préalablement délivré l'objet vendu dans les conditions prévues au contrat ;

Attendu que, suivant bon de commande du 28 mars 1985, Mme X, garagiste, a vendu à M. Y une fourgonnette d'occasion, au prix de 23 000 francs ; que l'acte constatait le versement d'un acompte de 4 000 francs ; qu'il comportait la clause résolutoire suivante : « l'acheteur doit prendre livraison du véhicule dans les 10 jours suivant la date convenue portée au présent bon. Passé ce délai et 10 jours après mise en demeure de prendre livraison par lettre recommandée restée sans effet, la vente est résiliée et l'acompte versé reste acquis au vendeur » ; qu'il prévoyait la livraison « à partir du 20 avril 1985 » ; que les 29 mars et 10 avril, M. Y versait deux nouveaux acomptes de 4 000 francs ; que, le 20 avril, un expert commis par M. Y examinait le véhicule en présence des parties, constatait une fuite d'huile à réparer, des traces de choc sur la carrosserie appelant un contrôle du parallélisme du train avant, et prescrivait le remplacement des pneus ; que, par lettre recommandée avec avis de réception du 30 avril, Mme X mettait M. Y en demeure de retirer le véhicule « sous les 10 jours » sans faire mention d'aucune remise en état ; que, le 7 mai, date de réception de cette lettre, M. Y répondait qu'il était disposé à le faire, « sous réserve que les travaux aient été effectués », et que, le 3 décembre 1985, il a assigné Mme X en résolution de la vente et paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que, pour débouter M. Y et prononcer la résolution de la vente à ses torts, l'arrêt, après avoir énoncé que « seule la fuite d'huile aurait pu faire l'objet de réserves », retient que l'acheteur ne pouvait se prévaloir des vices apparents lors de la vente ; qu'il retient encore que M. Y n'a pas satisfait à l'injonction de retirer le véhicule, ni fait constater après cet acte la persistance de la fuite d'huile ;

Attendu, cependant, que la révélation d'un défaut de la chose vendue, couvert par la garantie des vices cachés, autorise l'acheteur à refuser la délivrance ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que la nécessité de remédier à la fuite d'huile, établie par l'expertise postérieurement à la vente, présentait les caractères d'un tel vice ; que, dès lors, le vendeur ne pouvait exiger l'enlèvement du véhicule tant que cette fuite n'avait pas été réparée ;

Qu'il s'ensuit que la lettre recommandée du 30 avril 1985, impartissant à M. Y un délai de retirement sans indiquer que la réparation avait été effectuée, n'avait pu faire courir ce délai et qu'en prononçant la résolution aux torts de l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.