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Décisions

Cass. com., 11 juillet 1995, n° 93-10.385

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pasturel

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Me Barbey, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Paris, du 20 oct. 1992

20 octobre 1992

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 20 octobre 1992, n° 91-006466) que la société Codec a été mise en redressement judiciaire sans avoir payé diverses marchandises que lui avait livrées la compagnie Marseillaise d'importation Amazone ; que cette dernière, invoquant une clause de réserve de propriété, en a demandé la restitution ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Codec reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors, selon le pourvoi, que l'acceptation d'une clause de réserve de propriété, dérogatoire du droit commun et modifiant l'économie du contrat de vente, doit émaner d'un représentant de l'acheteur ayant la qualité nécessaire pour conclure le contrat de vente lui-même ; qu'en retenant la validité de la signature du salarié préposé à la réception matérielle des marchandises, sans relever aucune circonstance qui, en l'espèce, aurait autorisé le fournisseur à croire qu'un tel préposé à de simples opérations matérielles eût été qualifié pour modifier au nom de la société les conditions juridiques de la vente, la cour d'appel a violé les articles 121 de la loi du 25 janvier 1985 et 1984 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que l'opposabilité à l'acheteur d'une clause de réserve de propriété n'est pas subordonnée à l'existence d'une acceptation écrite de sa part ; que la cour d'appel, qui a constaté, par des motifs non critiqués, que cette clause, stipulée par écrit par le vendeur et adressée à l'acheteur, avait été acceptée par celui-ci par l'exécution du contrat en connaissance de cause, n'avait pas à effectuer la recherche inopérante visée au pourvoi ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Codec reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer le prix des marchandises revendiquées, majoré des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 1990, date de la requête en revendication présentée au juge-commissaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acheteur d'une chose grevée d'une clause de réserve de propriété n'est pas débiteur d'une somme d'argent, mais d'un corps certain ; que si la mise en demeure d'exécuter cette obligation de donner a pour conséquence de mettre à sa charge les risques de perte, elle ne constitue pas le point de départ d'intérêts légaux ; que la cour d'appel ne pouvait donc faire produire à l'indemnité représentant la contre valeur des marchandises, pour le cas où elles ne pourraient être restituées en nature, des intérêts légaux moratoires à dater du jour de la requête en revendication, sans violer ensemble les articles 1138 et 1153 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la clause de réserve de propriété constitue une garantie du seul prix de vente, dont le bénéfice ne peut s'étendre au-delà du solde encore dû sur ce prix lui-même ; que dès lors que ce solde ne produit pas d'intérêts légaux en raison de la suspension du cours des dits intérêts par l'ouverture du redressement judiciaire, la non-restitution de la valeur des marchandises ne peut avoir pour effet de conférer au fournisseur le bénéfice des intérêts suspendus ; que la cour d'appel a donc violé l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ne s'applique qu'aux intérêts des créances dont l'origine est antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que tel n'est pas le cas de la créance du vendeur, titulaire d'une clause de réserve de propriété, lorsque les marchandises, qui existaient en nature à la date du jugement d'ouverture, ont été revendues par la suite ;

Attendu, en second lieu, qu'en fixant, à une date autre que celle de sa décision, le point de départ des intérêts de la créance d'indemnité allouée en réparation du dommage causé par la non-restitution des marchandises revendiquées, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1 du Code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.