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Décisions

Cass. com., 20 juin 2000, n° 97-11.422

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Boré, Xavier et Boré

Cass. com. n° 97-11.422

19 juin 2000

Attendu, selon l'arrêt déféré, que le 8 février 1990, la société Semppa s'est engagée à céder à la société Lecomte publicité (société LP) trois cents contrats de location d'emplacements publicitaires ; qu'après l'ouverture de la procédure collective de la société Semppa, la société LP a demandé l'annulation de cette promesse de cession et la condamnation de la société Semppa à lui rembourser la somme de 300 000 francs versée à titre d'acompte ; qu'elle a en outre demandé que la société Semppa " soit garantie de toutes les condamnations mises à sa charge " par la société civile professionnelle Dutertre-Guilloux (la SCP) ; que le tribunal, par jugement du 1er mars 1995, a annulé la promesse de cession du 8 février 1990, fixé le montant de la créance de la société LP à l'égard de la société Semppa et de son liquidateur judiciaire à la somme de 300 000 francs, condamné ces derniers à restituer l'acompte d'un montant de 300 000 francs, et dit la SCP tenue de garantir la société Semppa et son liquidateur judiciaire ; que la cour d'appel a confirmé le jugement en ses dispositions non contraires à sa décision et, infirmant le jugement en ce qu'il a condamné la société Semppa et son liquidateur judiciaire à restituer l'acompte de 300 000 francs, a constaté qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre la société Semppa et son liquidateur judiciaire, et rejeté les demandes de la société LP tendant au paiement par la société Semppa des intérêts à compter de l'assignation, à la capitalisation desdits intérêts ainsi qu'à la condamnation de la SCP au paiement de dommages-intérêts ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société LP reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée contre la SCP alors, selon le pourvoi, d'une part, que la SCP, quoique condamnée par le jugement entrepris à garantir la société Semppa à hauteur des condamnations prononcées contre cette dernière envers la société LP, ne contestait, dans ses écritures d'appel, ni le principe de sa garantie, ni l'existence de la faute qu'elle avait commise au préjudice de la société Semppa ; qu'en retenant, pour débouter la société LP de sa demande dirigée contre la SCP, qu'aucune faute commise par cette dernière au préjudice de la société Semppa n'était prouvée, la cour d'appel a soulevé un moyen d'office et violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que la société LP se prévalait bien, dans ses conclusions déposées le 18 janvier 1996, de la faute commise à son préjudice par la SCP et demandait la condamnation directe de cette dernière au paiement de dommages-intérêts ; qu'en retenant néanmoins que la société LP n'avait pas engagé, en son nom personnel, d'action en responsabilité contre la SCP, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société LP et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le juge est tenu de restituer aux faits et actes litigieux leur véritable qualification en rectifiant les erreurs de qualification commises par les parties ; qu'en rejetant la demande de la société LP de condamnation de la SCP à garantir la société Semppa en raison du fait qu'aucune faute commise par la SCP au préjudice de la société Semppa n'était prouvée, sans rechercher si les fautes que la société LP reprochait à la SCP d'avoir commises à son préjudice ne pouvaient fonder la responsabilité délictuelle directe de la seconde à l'égard de la première, quoique la société LP ait, par erreur, qualifié son recours, de recours en garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 12, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en application des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge soit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; qu'ayant constaté, sans dénaturer les conclusions de la société LP, que cette société, après avoir soutenu que la SCP avait commis une faute à l'égard de toutes les parties et invoqué un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par elle, demandait la condamnation de la SCP à garantir la société Semppa des condamnations mises à sa charge, la cour d'appel, qui a relevé qu'il appartenait à la société LP d'engager, pour son propre compte, une action en responsabilité contre la SCP, et constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que la preuve d'une faute de la SCP à l'égard de la société Semppa n'était pas rapportée, a fait l'exacte application des textes précités en retenant que la demande de la société LP ne pouvait être accueillie ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Semppa et son liquidateur judiciaire à restituer l'acompte de 300 000 francs, l'arrêt retient que la société Semppa ayant fait l'objet d'une procédure collective ouverte le 4 novembre 1991, aucune condamnation ne pouvait être prononcée à son égard pour des créances ayant leur cause dans des faits antérieurs au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de restitution de l'acompte de 300 000 francs ordonnée par le jugement du 1er mars 1995 qui a annulé le contrat est née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société LP en paiement des intérêts à compter de l'assignation avec capitalisation de ces intérêts, l'arrêt retient que, par application du texte susvisé, le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les intérêts des sommes dues sur le fondement de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 n'entrent pas dans les prévisions du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt prononcé le 29 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.