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Décisions

Cass. com., 17 décembre 1996, n° 94-20.568

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Crédit Lyonnais (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Vier et Barthélemy

Agen, 1re ch. civ., du 12 sept. 1994

12 septembre 1994

Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. et Mme Y..., respectivement président du conseil d'administration et associée de la société Créations Murby (la société), se sont portés, envers le Crédit Lyonnais (la banque), cautions solidaires des dettes de la société ; que le 23 juin 1987, ils ont cédé la totalité des parts qu'ils détenaient dans le capital de la société à un tiers qui s'est engagé à obtenir mainlevée des cautionnements; que le 17 février 1988, la société a été mise en redressement judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. et Mme Y reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 544 980,30 francs représentant la totalité du solde débiteur de la société à la date du 17 février 1988 alors, selon le pourvoi, que, d'une part, que le cautionnement personnel à durée indéterminée consenti par un dirigeant ou un associé de la société débitrice est, sauf clause contraire, réputé avoir pour terme implicite la cessation des fonctions de la caution ou la perte de sa qualité d'associé; que la cour d'appel a constaté que les époux Y qui s'étaient portés cautions, par divers actes, de la société, avaient, par acte du 23 juin 1987, cédé leurs actions de cette société à M. Marie de L'Isle et abandonné leurs fonctions de dirigeants; qu'en condamnant néanmoins les époux Y à payer à la banque le montant du solde débiteur du compte de la société au 17 février 1988, au motif que les actes de cautionnement ne comportaient pas de limitation de l'obligation des cautions à la durée de leur activité au sein de la société, la cour d'appel a violé l'article 2015 du Code civil; alors, d'autre part, que tout cautionnement à durée indéterminée peut être à tout moment résilié par décision unilatérale de la caution; que pour écarter la résiliation invoquée par les époux Y, la cour d'appel a retenu que le courrier de la banque du 29 juin 1987 ne constituait pas une acceptation de la résiliation des engagements de cautions des époux Y dès lors qu'il ne contenait aucun terme pouvant laisser penser que la banque avait accepté de les délier de ces engagements pour l'avenir, ou qu'elle avait accepté une novation par changement de débiteur; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 2034 du Code civil ; et alors, enfin, que dans leurs conclusions signifiées le 23 novembre 1993, les époux X avaient fait valoir que la banque les avait induits en erreur en leur adressant le courrier du 29 juin 1987 dans lequel elle prenait acte de la cession intervenue le 23 juin 1987, sous condition expresse de la levée de leurs engagements de caution, et leur faisait part des engagements de la société cautionnée à son égard à cette date, les laissant ainsi penser qu'ils avaient valablement résilié leurs engagements de cautions pour l'avenir, ou du moins qu'elle les considérait comme déliés des dettes ultérieurement contractées par la société, dès lors que le rappel des dettes antérieures à la cession n'avait aucune signification si ladite cession était sans incidence sur l'engagement des cautions; qu'en déclarant que la banque n'avait commis aucune faute par les seuls motifs cités au moyen, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions des époux Y, si la banque avait pu, sans manquer à l'obligation générale de bonne foi et de loyauté, prendre acte de la cession intervenue sous condition de mainlevée de leurs engagements de caution sans informer les époux Y de ce qu'elle considérait leurs cautionnements comme toujours en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la disparition des liens de droit existant entre une caution et un débiteur principal n'emporte pas, à elle seule, la libération de la caution envers le créancier, l'arrêt retient que les actes de cautionnement stipulaient qu'ils continueraient de produire effet jusqu'à leur révocation dûment signifiée, de telle sorte que M. et Mme Y ne peuvent valablement prétendre avoir été trompés par la banque qui, selon eux, aurait dû, en prenant connaissance de l'acte de cession des parts, leur faire connaître de manière explicite que les cautionnements demeuraient en vigueur; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme Y reprochent encore à l'arrêt d'avoir mis à leur charge, en leur qualité de cautions, les intérêts conventionnels incombant à la société, débitrice principale, et compris dans les sommes dont la banque demandait le paiement, alors, selon le pourvoi, que dans leurs conclusions signifiées le 23 novembre 1993, les époux Y avaient fait valoir que la banque avait constamment manqué à l'obligation d'information des cautions mise à sa charge par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, entrée en vigueur le 2 mars 1985 et immédiatement applicable à tous les prêts en cours à cette date; que pour refuser de prononcer la déchéance des intérêts contractuels échus après l'entrée en vigueur de la loi du 1er mars 1984, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'il était établi par les pièces versées que les avertissements prévus par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, ont bien été adressés aux cautions ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les époux avaient l'un et l'autre reçu de la banque pour la première fois avant le 31 mars 1985, et ensuite tous les ans jusqu'à extinction de la dette, l'ensemble des informations énumérées à l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article ;

Mais attendu que l'arrêt relève "qu'il est établi par les pièces versées que les avertissements prévus par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ont bien été adressés aux cautions"; qu'en l'état de cette constatation, et dès lors qu'il ne précise pas pour quelle année l'information n'aurait pas été envoyée ou quelle mention, dans l'information, aurait été omise, le moyen est sans fondement ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme Y reprochent enfin à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque la somme de 544 980,30 francs avec intérêts au taux conventionnel à compter du 17 février 1988, jusqu'au jour du parfait règlement alors, selon le pourvoi, que, dans la lettre adressée le 6 octobre 1987 aux époux Y, la banque se bornait à porter à la connaissance des cautions le montant des engagements dus par la société à la banque, à cette date et à les informer de ce que, contrairement à ce qui avait été prévu, le nouveau gérant de la société ne l'avait pas désintéressée; qu'elle concluait en ajoutant "si notre dossier n'était pas régularisé dans un délai de 15 jours, nous nous verrions contraints d'engager des poursuites à votre encontre, à titre de caution solidaire"; que cette lettre claire et précise ne contenait aucune sommation de payer adressée aux époux Y; que dès lors, en jugeant que cette lettre valait mise en demeure des cautions "de s'acquitter de leur dette", la cour d'appel a dénaturé cet écrit clair et précis et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement si la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 6 octobre 1988, comportait une interpellation suffisante, retient, hors toute dénaturation, que cette lettre vaut mise en demeure; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 2013 du Code civil et 55 de la loi du 25 janvier 1985, ce dernier texte dans sa rédaction applicable en la cause;

Attendu que l'arrêt condamne solidairement M. et Mme Y à payer à la banque les intérêts au taux conventionnel, sur la somme de 544 980,30 francs représentant le solde débiteur du compte courant de la société;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts et que, l'obligation de la caution ne pouvant excéder ce qui est dû par le débiteur principal, cet arrêt profite à la caution, même si celle-ci reste tenue, à titre personnel, après sa mise en demeure, des intérêts au taux légal, sur le fondement de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme Y à payer au Crédit Lyonnais les intérêts de la somme de 544 980,30 francs au taux de 15,35% l'an, l'arrêt rendu entre les parties le 12 septembre 1994, par la cour d'appel d'Agen ;

Et attendu qu'il y a lieu, par application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que le taux des intérêts dus sur la somme de 544 980,30 francs est le taux légal;

REJETTE, par voie de conséquence, la demande présentée par le Crédit Lyonnais, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.