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Décisions

Cass. crim., 20 juin 2006, n° 05-83.659

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Guirimand

Avocat général :

Mme Commaret

Avocat :

Me Bouthors

Lyon, du 18 mai 2005

18 mai 2005

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Pascale, épouse Y...,

- Y... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 18 mai 2005, qui, pour violation du secret professionnel et complicité, les a condamnés, chacun, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 4 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 121-6 à 121-7, 226-13 et 226-31 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que la Cour a retenu les requérants dans les liens de la prévention de violation du secret de l'instruction et complicité de ce délit à l'encontre des requérants ;

" aux motifs que Jacques Y... conteste le délit qui lui est reproché en soutenant qu'il n'avait pas donné à Annick Z... l'autorisation de consulter le dossier pénal, que celle-ci s'est présentée sans rendez-vous à son cabinet alors qu'il était absent et qu'il n'a appris la remise du dossier à cette dernière qu'en fin de journée ; qu'il précise qu'il avait joint à son dossier "juridique" du groupe A... la copie du dossier pénal qui avait été délivrée à son épouse et associée, car il avait dû intervenir pour faire cesser la divulgation d'informations couvertes par le secret de l'instruction, et surtout pour connaître les obligations du contrôle judiciaire de Georges A... et envisager les mesures qui s'imposaient dans la réorganisation des sociétés ; que Pascale X..., épouse Y..., sollicite également sa relaxe et déclare et qu'elle a fait remettre par sa secrétaire le dossier A... à Annick Z... en ignorant que son mari avait glissé dans celui-ci la copie des pièces pénales ; qu'il résulte de l'audition d'Annick Z..., dont aucun élément ne permet de mettre en doute la sincérité, que celle-ci a téléphoné à Me Y... pour lui demander la possibilité de consulter le dossier, que Me Y... a accepté et qu'elle a alors pris rendez-vous à son cabinet ; qu'il découle de la déclaration d'Annick Z... qu'elle n'a téléphoné à Me Y... que dans le but de savoir ce qui était reproché à Georges A... après sa mise en examen et qu'elle n'avait nul besoin de consulter le dossier commercial de l'avocat ;

que la minutie avec laquelle elle a noté sur un carnet les éléments essentiels des pièces pénales fait apparaître que ceux-ci devaient nécessairement être communiqués à un tiers qui ne pouvait être que Manuel B... dont elle était la collaboratrice et la maîtresse et qui ne faisait pas encore l'objet d'une mise en examen ; que, par ailleurs, si la jonction de certaines pièces du dossier pénal au dossier commercial pouvait être justifiée par les impératifs invoqués par Me Y..., par contre, il n'était nullement nécessaire pour lui d'y incorporer l'intégralité des investigations réalisées par les enquêteurs et notamment les transcriptions d'écoutes téléphoniques ; que Pascale X..., épouse Y..., dont les déclarations devant la Cour divergent de celles qu'elle a effectuées en cours d'information, indique lors des débats qu'elle a demandé à sa secrétaire de remettre le dossier à Annick Z..., alors qu'elle a reconnu devant le juge d'instruction qu'elle lui avait remis elle-même le dossier A... ; qu'Annick Z... a également affirmé que Pascale X..., épouse Y..., lui avait amené elle-même le dossier et qu'elle l'avait installée dans une salle de documentation afin qu'elle puisse le consulter ; que celle-ci a alors pris connaissance du dossier pendant deux heures avant de le remettre à Pascale X..., épouse Y..., en fin de matinée ; que, revenue en début d'après- midi, elle a de nouveau obtenu le dossier des mains de Pascale X..., épouse Y..., et a pu le consulter durant deux heures ;

que Pascale X..., épouse Y..., qui, en sa qualité d'avocat de mis en examen, avait obtenu la délivrance de copies des pièces de l'instruction, connaissait nécessairement le dossier qu'elle remettait à Annick Z... et, compte tenu de la durée pendant laquelle celle-ci I'a consulté, a su qu'elle souhaitait l'étudier de manière approfondie ; qu'elle a ainsi, en sa qualité d'avocat, révélé à un tiers les informations à caractère secret et commis la violation du secret professionnel qui lui est reprochée ; qu'en acceptant de donner rendez-vous à Annick Z... pour qu'elle prenne connaissance à son cabinet des pièces du dossier pénal instruit à l'encontre de Georges A..., Jacques Y... a facilité la préparation et la commission du délit de violation du secret professionnel commis par Pascale X..., épouse Y... ; que le jugement doit être réformé en ce qu'il l'a renvoyé des fins de la poursuite ;

" 1) alors que, d'une part, le principe de légalité des poursuites et la nécessaire protection des droits de la défense interdisent aux autorités judiciaires d'installer à l'encontre des avocats de prévenus des poursuites pénales fondées sur une prétendue violation du secret de l'instruction quand les faits de la prévention correspondante sont équivoques ; que la nature des informations couvertes par le secret n'est pas autrement précisée ;

que leur bénéficiaire n'est pas lui-même poursuivi au titre du recel d'un secret protégé et qu'aucune atteinte n'est démontrée ni alléguée aux intérêts généraux de la justice ; qu'en cet état I'orientation même des poursuites contre des avocats avait pour but ou pour effet de priver les prévenus du concours de leurs défenseurs ; qu'il appartenait à la cour d'appel de contrôler la légalité des poursuites ;

" 2) alors que, d'autre part, le refus de disjonction des poursuites a fait peser sur la défense une indisponibilité totale pendant cinq ans ainsi que la réprobation liée à leur situation de prévenus ; que les requérants ont ainsi été privés de la chance d'être mis hors de cause dans un délai raisonnable dans le cadre d'un procès distinct équitable et impartial ; qu'en outre, la prévention reposant exclusivement sur l'interprétation des dires de la maîtresse d'un prévenu figurant dans la cause principale, le maintien dans le même procès des avocats a nécessairement placé ces derniers dans une situation désavantageuse pendant une durée manifestement excessive en violation des droits de la défense et des garanties fondamentales du procès équitable ;

" 3) alors, que, de troisième part, la mise à disposition du dossier commercial d'un groupe de sociétés pour consultation par l'assistante de l'expert-comptable du groupe ne réalise pas une violation d'un secret protégé ; que la présence malencontreuse dans ce dossier de quelques pièces d'une procédure pénale en cours sur lesquelles l'assistante avait, seule, pris l'initiative de prendre des notes, ne confère pas à la mise à disposition du dossier le caractère d'une révélation intentionnelle du secret de l'instruction par l'avocat concerné ; qu'en l'absence de constatation d'un accord frauduleux entre l'avocat et l'assistante de l'expert-comptable avant ou au moment même de la mise à disposition, la Cour a méconnu le caractère intentionnel de l'infraction visée à la prévention pour déduire la responsabilité pénale du praticien d'une véritable obligation de sécurité de résultat indépendamment du comportement propre du tiers, d'ailleurs non poursuivi en la cause du chef de recel du secret de l'instruction ;

" 4) alors que, de quatrième part, la responsabilité pénale d'un praticien ne peut être déduite d'une simple abstention de sa part ou d'un défaut de vérification dans le cadre de poursuites pénales fondées sur la violation du secret de l'instruction ;

" 5) alors, en tout état de cause, que la complicité par aide ou assistance ne s'entend que dans la perspective de la commission d'une infraction déterminée ; qu'en l'absence d'éléments précis susceptibles d'être reprochés à l'avocat avant ou concomitamment à la consultation incriminée du dossier commercial d'une société cliente par l'assistante de l'expert-comptable du groupe, l'arrêt infirmatif a encore violé les règles et principes gouvernant la complicité punissable " ;

Attendu quil ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pascale X... épouse Y..., avocate de Georges A..., et Jacques Y..., avocat du groupe A..., ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle du chef de violation du secret professionnel et de complicité de ce délit ; qu'il leur est reproché d'avoir laissé consulter par Annick Z..., collaboratrice et compagne de Manuel B..., expert-comptable mis en examen ultérieurement dans la même procédure, le dossier commercial du groupe auquel avaient été annexées les copies d'une procédure pénale intéressant personnellement Georges A... ;

Attendu que, pour dire la prévention établie, l'arrêt, infirmant partiellement le jugement entrepris, relève que Pascale X... épouse Y... a reconnu avoir remis en mains propres à Annick Z... le dossier en cause qui comportait des copies de documents dont elle-même avait obtenu la délivrance en sa qualité d'avocate ; que les juges ajoutent qu'elle a sciemment laissé consulter pendant plusieurs heures des pièces pénales par Annick Z..., qui en a recopié l'essentiel sur un carnet pour renseigner Manuel B..., et qu'ainsi, la prévenue a révélé à un tiers des informations en violation du secret professionnel auquel elle était astreinte ;

Que, pour dire Jacques Y... complice de ce délit, les juges retiennent qu'en acceptant de donner rendez-vous à Annick Z..., qui avait manifesté l'intention de connaître le sort réservé à Georges A... dans l'information judiciaire, pour qu'elle vienne consulter à son cabinet les pièces du dossier pénal, le prévenu a facilité la préparation et la commission du délit poursuivi ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte qu'en violation de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991, alors applicable, Pascale X..., épouse Y..., et Jacques Y... ont sciemment la première comme auteur et le second en qualité de complice, révélé à un tiers des renseignements provenant d'une procédure pénale, la cour d'appel, sans méconnaître les dispositions invoquées par le demandeur, a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnels, les infractions retenues ;

D'où il suit que le moyen, qui en ses deux premières branches ne critique aucun des motifs de l'arrêt attaqué, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.