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Décisions

Cass. crim., 28 octobre 2008, n° 08-81.432

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joly

Rapporteur :

M. Straehli

Avocat général :

M. Charpenel

Avocat :

SCP Defrenois et Levis

Paris, du 10 janv. 2008

10 janvier 2008

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-13 et 226-31 du code pénal, 11, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale, 160 du décret du 27 novembre 1991, 5 du décret du 12 juillet 2005 et 25 du décret du 15 mai 2007, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'appel a confirmé en toutes ses dispositions pénales le jugement déféré, qui a déclaré la prévenue, coupable du délit de violation du secret professionnel et l'a condamnée à payer à la société Laboratoire Glaxosmithkline un euro à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs propres qu'il sera seulement précisé, sur le moyen tiré du défaut d'élément légal de l'infraction, qui tend en réalité à relever un défaut de visa de l'ensemble des textes législatifs et réglementaires applicables, que c'est à bon droit que les premiers juges ont rappelé que si les avocats ne concourent pas à la procédure au sens de l'article 11 du code pénal (sic), il sont tenus de respecter le secret professionnel en vertu des dispositions réglementant leur profession, notamment celles de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991 applicable à la date des faits, qui prévoyait que « l'avocat ne doit, en toute matière, commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel » … et « doit, notamment, respecter le secret de l'instruction en matière pénale … en s'abstenant de communiquer, sauf à son client pour les besoins de la défense, des renseignements extraits du dossier ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une information en cours » ; que les modification postérieurement intervenues, en particulier celles contenues dans le décret du 15 mai 2007, qui a remplacé les termes « sauf à son client pour les besoins de sa défense », par l'expression « sauf pour l'exercice des droits de la défense », n'ont pas fait disparaître l'obligation au secret professionnel imposée aux membres de cette profession ; que comme visé dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la violation de cette obligation est incriminée et réprimée par les articles 226-13 et 226-31 du code pénal ;

" et aux motifs adoptés que Gisèle X... sollicite en premier lieu sa relaxe du chef de violation du secret professionnel en l'absence d'élément légal, faisant valoir que la citation qui lui a été délivrée ne vise pour support légal de la prévention et de sa répression que les articles 226-13 et 226-31 du code pénal et non l'article 11 du code de procédure pénale et les dispositions applicables des lois et décrets régissant la profession d'avocat en la matière ; que si les avocats doivent respecter le secret de l'instruction en matière pénale, ils ne concourent pas nécessairement à la procédure au sens de l'article 11 du code de procédure pénale, dont le visa ne saurait dès lors s'imposer ; qu'en revanche, l'avocat qui révèle sciemment à une personne étrangère à la procédure le contenu des actes couverts par ce secret est susceptible d'être poursuivi pour violation du secret professionnel ; que tel est bien l'objet de l'article 226-13 du code pénal qui sert de fondement aux poursuites et qui se situe dans un paragraphe du code pénal précisément intitulé « de l'atteinte au secret professionnel » ; que, dès lors, en se référant expressément au secret professionnel auquel se trouve tenue Gisèle X... en sa qualité d'avocat et à l'article 226-13 précité, la prévention renvoie nécessairement aux dispositions sur le secret professionnel de l'avocat, soit l'article 160 du décret du 27 novembre 1991 organisant cette profession, applicable à l'époque des faits et remplacé aujourd'hui par l'article 5 du décret du 12 juillet 2005 et qui disposait « l'avocat, en toute matière, ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. Il doit, notamment, respecter le secret de l'instruction en matière pénale, en s'abstenant de communiquer, sauf à son client pour les besoins de la défense, des renseignements extraits du dossier ou de publier des documents, pièces ou lettre intéressant une information en cours » ; qu'il s'ensuit que l'infraction visée est bien qualifiée pénalement (jugement p. 3, § 2 à 6) ;

" 1) alors qu'aux termes de l'article 551, alinéa 2, du code de procédure pénale, la citation est régulière lorsqu'elle énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime ; que la cour d'appel, pour rejeter le grief pris du défaut de visa de l'ensemble des textes législatifs et réglementaire applicable à Gisèle X..., s'est contentée d'affirmer que les premiers juges avaient rappelé que les avocats sont tenus de respecter le secret professionnel en vertu des dispositions réglementant la profession, notamment celles de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991 applicables à la date des faits ; qu'en se prononçant ainsi, alors que la citation délivrée à Gisèle X... ne visait pas les dispositions de l'article 160 dudit décret et qu'une telle manière de procéder ne correspond ni à la lettre ni à l'esprit du texte précité et porte atteinte aux intérêts de la personne concernée, en ce que tout prévenu à droit à être informé d'une manière détaillée et non ambiguë de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen et en particulier les articles 551 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

" 2 / alors qu'il résulte de l'article 112-1 du code pénal que les dispositions nouvelles plus favorables doivent s'appliquer immédiatement ; que sont des dispositions nouvelles plus favorables à l'avocat, les dispositions qui justifient une révélation nécessitée par l'exercice des droits de la défense et écartent le secret de l'instruction ; que la cour d'appel, en considérant cependant que les dispositions anciennes sur le secret de l'instruction auquel est tenu un avocat, en vigueur au moment de la réalisation des faits, étaient applicables à la procédure en cours, a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation de la prévenue, qui soutenait que la citation était irrégulière en ce qu'elle ne visait que les articles 226-13 et 226-31 du code pénal et non les dispositions régissant la profession d'avocat, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que la citation mentionnait que Gisèle X... était poursuivie pour avoir, en sa qualité d'avocat, commis une violation du secret professionnel, les griefs allégués ne sont pas encourus ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1, 226-13 et 226-31 du code pénal, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale, 160 du décret du 27 novembre 1991, article 5 du décret du 12 juillet 2005 et 25 du décret du 15 mai 2007, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

" en ce que la cour d'appel a confirmé en toutes ses dispositions pénales le jugement déféré, qui a déclaré la prévenue, coupable du délit de violation du secret professionnel et l'a condamnée à payer à la société Laboratoire Glaxosmithkline un euro à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs propres que les avocats sont tenus de respecter le secret professionnel en vertu des dispositions réglementant leur profession, notamment celles de l'article 160 du décret du 27 novembre 1991 applicable à la date des faits (…) ; que les modifications postérieurement intervenues, en particulier celles contenues dans le décret du 15 mai 2007, qui a remplacé les termes « sauf à son client pour les besoins de sa défense », par l'expression « sauf pour l'exercice des droits de la défense », n'ont pas fait disparaître l'obligation au secret professionnel imposée aux membres de cette profession ; qu'en ce qui concerne le prétendu défaut d'élément matériel, c'est également à bon droit que le tribunal l'a estimé caractérisé, relevant : qu'il n'était pas discuté que les propos tenus par Gisèle X... reflétaient la teneur des conclusions de l'expert commis par le magistrat instructeur ; (…) qu'il n'est aucunement démontré que les révélations en cause, au demeurant favorables à la thèse des clients de Gisèle X..., aient été nécessaires à l'exercice des droits de ceux-ci, lesquels droits pouvaient pleinement s'exercer dans le cadre de l'information en cours, sous le contrôle du magistrat instructeur ;

" et aux motifs adoptés que la matérialité du délit n'est donc pas contestable, du fait de la révélation par la prévenue à la presse d'informations contenues dans le rapport d'expertise du docteur Y... et couvertes par le secret de l'instruction ;

" 1) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour déclarer la prévenue coupable de violation du secret de l'instruction, l'arrêt s'est borné à énoncer qu'« il n'était pas discuté que les propos tenus par Gisèle X... reflétaient la teneur des conclusions de l'expert commis par le magistrat instructeur » ; qu'en se déterminant par des motifs qui n'établissaient pas, d'une part, la preuve de l'existence du rapport d'expertise en question et, d'autre part, que ledit rapport faisait partie des pièces du dossier de l'instruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 2) alors qu'en vertu de l'article 5 du décret du 12 juillet 2005, modifié par l'article 25 du décret du 15 mai 2007, régissant le secret de l'instruction auquel sont tenus les avocats, l'exercice des droits de la défense par l'avocat prime sur cette obligation au secret de l'instruction ; qu'il résulte des faits aux débats que la divulgation d'informations dans les médias par Gisèle X..., avocat des familles des victimes du vaccin de l'hépatite B, était faite dans l'intérêt des parties civiles, défendues par Gisèle X... et que, dès lors, le secret de l'instruction devait être écarté ; que la cour d'appel, ne pouvait se borner à affirmer qu'il n'était pas démontré que la diffusion en question n'était pas nécessaire à l'exercice des droits de la défense, que ce faisant la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 226-13 et 226-31 du code pénal, 11, 591 et 593 du code de procédure pénale, 160 du décret du 27 novembre 1991, article 5 du décret du 12 juillet 2005 et 25 du décret du 15 mai 2007, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

" en ce que la cour d'appel a confirmé en toutes ses dispositions pénales le jugement déféré, qui a déclaré la prévenue, coupable du délit de violation du secret professionnel et l'a condamnée à payer à la société Laboratoire Glaxosmithkline un euro à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs propres que l'intention délictueuse est avérée, dès lors que, peu importe les mobiles de Gisèle X..., celle-ci avait nécessairement conscience de divulguer des informations dont elle n'avait eu connaissance qu'en sa qualité d'avocat des parties civiles ;

" et aux motifs adoptés que c'est à tort que Gisèle X... estime que l'élément intentionnel ferait défaut en l'espèce, dans la mesure où elle a agi dans le strict respect des prescriptions de sa profession et dans les limites et pour les besoins de la défense de ses clients, alors que l'intention frauduleuse dans le délit de violation du secret professionnel consiste dans la conscience qu'a le prévenu de révéler le secret dont il a connaissance quel que soit le mobile qui a pu le déterminer ; qu'en dépit du mobile noble dont elle se prévaut, à savoir la défense de l'intérêt de ses clients, par ses déclarations se référant au contenu du rapport de l'expert désigné par le juge d'instruction, Gisèle X... avait nécessairement conscience de révéler des éléments couverts par le secret de l'instruction, lequel n'est pas instauré au seul bénéfice de ses clients qui n'ont pas le pouvoir de l'en affranchir, mais a pour vocation de protéger le cours serein de la justice, l'efficacité des enquêtes et la réputation des personnes mises en cause ;

" alors que l'élément intentionnel du délit de violation du secret de l'instruction disparaît lorsque l'avocat a communiqué des éléments du dossier en vue d'assurer la défense des intérêts de son client, c'est-à-dire lorsqu'il existe un fait justificatif ; que la cour d'appel s'est bornée à relever une prétendue conscience chez la prévenue de divulguer des informations dont elle avait eu connaissance qu'en sa qualité d'avocate des parties civiles ; qu'en s'abstenant de rechercher si la prévenue, auteur de la révélation, pouvait invoquer un fait justificatif faisant disparaître l'élément intentionnel du délit de violation du secret de l'instruction et consistant, comme celle-ci le soutenait, dans la défense des intérêts de ses clients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'issue d'une information suivie sur plainte avec constitution de partie civile de la société Laboratoire Glaxosmithkline, Gisèle X... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel, du chef de violation du secret professionnel, pour avoir, en qualité d'avocate de parties civiles constituées dans une information distincte portant sur d'éventuelles pathologies contractées par des personnes ayant reçu une vaccination contre l'hépatite B, accordé des entretiens à plusieurs organes de presse sur le contenu d'un rapport d'expertise judiciaire remis au juge d'instruction ; que le tribunal l'a déclarée coupable, l'a dispensée de peine et l'a condamnée à des réparations civiles ;

Attendu que, pour confirmer ce jugement par motifs propres et adoptés, l'arrêt énonce que le décret du 15 mai 2007 n'a pas fait disparaître l'obligation au secret professionnel imposée à l'avocat par l'article 160 du décret du 27 novembre 1991, applicable à l'époque des faits, et qui consiste, notamment, en l'abstention de communiquer, sauf pour l'exercice des droits de la défense, des renseignements extraits du dossier ou de publier des documents, pièces ou lettres intéressant une information en cours ; que les juges ajoutent que les propos tenus par Gisèle X... reflétaient la teneur des conclusions de l'expert commis par le magistrat instructeur et qu'il n'est pas démontré que les révélations en cause aient été nécessaires à l'exercice des droits des clients de l'intéressée ; qu'enfin, ils relèvent que l'intention délictueuse est avérée, dès lors que la prévenue avait nécessairement conscience de divulguer des informations dont elle n'avait eu connaissance qu'en sa qualité d'avocate des parties civiles ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, dont il se déduit que la violation du secret professionnel n'était pas, en l'espèce, rendue nécessaire par l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable, sans méconnaître les textes visés aux moyens ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.