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Décisions

Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-12.056

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Casorla

Avocats :

Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Lyon, du 15 déc. 2005

15 décembre 2005

Donne acte à MM. X et Y, respectivement administrateur et mandataire judiciaire de la société Maviflex, de leur reprise d'instance ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Nergeco est titulaire du brevet européen n° EP 0 398 791 déposé le 11 mai 1990 sous priorité d'une demande française, délivré le 13 octobre 1993, intitulé porte à rideau relevable renforcée par des barres d'armatures horizontales, la société Nergeco France étant titulaire d'une licence d'exploitation publiée au registre national des brevets le 3 juin 1998 ; qu'après saisie-contrefaçons, les sociétés Nergeco ont fait assigner en contrefaçon de la revendication 1 de ce brevet, la société Mavil, aux droits de laquelle se trouve la société Gewiss France (société Mavil) et la société Maviflex qui ont reconventionnellement conclu à la nullité de celui-ci ; que, par arrêt du 2 octobre 2003 devenu irrévocable après rejet du pourvoi, la cour d'appel a rejeté la demande en annulation de ce brevet, a dit que le modèle de porte Fil'up fabriqué et commercialisé par les sociétés Mavil et Maviflex était une contrefaçon de ce brevet, et, avant dire droit, a ordonné une expertise sur l'évaluation du préjudice ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Mavil et Maviflex font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à payer certaines sommes aux sociétés Nergeco et Nergeco France en réparation du préjudice causé par la fabrication et la commercialisation des portes contrefaisantes Fil'up version trafic et d'avoir décidé que les portes fabriquées et commercialisées sous la dénomination Mavitrafic étaient des contrefaçons du brevet n° 0 398 791, alors, selon le moyen :

1°) que, dans son arrêt du 2 octobre 2003, la cour d'appel a jugé qu'était contrefaisant le modèle de porte Fil'up dont la troisième barre reproduisait la caractéristique de l'invention selon le brevet n° 0 398 791, ayant la propriété de pouvoir reprendre sa forme d'origine, sans déformation permanente, après avoir subi les deux opérations successives de sortie de la glissière et de réintroduction dans cette même glissière ; qu'en énonçant que la cour d'appel avait jugé sans restriction ni distinction que les modèles de porte Fil'up commercialisés par les sociétés Mavil et Maviflex étaient une contrefaçon du brevet n° 0 398 791, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils résultaient de l'arrêt du 2 octobre 2003, en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2°) qu'en énonçant que l'arrêt du 2 octobre 2003 avait défini l'étendue de la masse contrefaisante, que les contestations élevées par les sociétés Mavil et Maviflex en ce qui concerne l'inclusion dans cette masse des portes selon le plan 4131 tendaient à remettre en cause, la cour d'appel a, pour cette raison encore, méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par cet arrêt, en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

3°) que la cour d'appel ne pouvait écarter le moyen selon lequel la porte selon le plan 4131 n'était pas contrefaisante dès lors qu'elle ne présentait pas en partie haute du tablier une latte de section rectangulaire 30 x 3 mm en se bornant à énoncer que, pour juger que le modèle de porte Fil'up était contrefaisant, l'arrêt du 2 octobre 2003 n'avait pas retenu les éléments dont les sociétés Mavil et Maviflex (faisaient) ici état, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, dans la porte selon le plan 4131, la latte de section rectangulaire 30 x 3 mm n'avait pas été remplacée par un tube en 8 placé en partie haute, lequel sous une poussée violente sortait des glissières et se trouvait déformé définitivement, sans que les autres renforts pussent sortir des glissières, de sorte que la caractéristique couverte par le brevet n'était pas reproduite, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) qu'il appartient au demandeur à l'action en contrefaçon de faire la preuve de celle-ci ; que pour inclure dans la masse contrefaisante les portes selon le plan 4131 et juger que les portes Mavitrafic, nouvelle dénomination de ces portes, étaient des contrefaçons du brevet, la cour d'appel a énoncé que le plan 4131 ne donnait aucune précision quant aux caractéristiques des deuxième, troisième et quatrième barres en partant du bas et que de telles précisions étaient nécessaires si la porte Fil'up, prétendument nouvelle selon ce plan 4131, devait comporter des barres différentes de celles équipant la précédente version de porte Fil'up et si, notamment, devait être modifiée la troisième barre constitutive de la contrefaçon ; qu'en statuant de la sorte, quand il appartenait aux sociétés Nergeco et Nergeco France, demanderesses à l'action en contrefaçon, de démontrer positivement que la troisième barre de la porte selon le plan 4131 présentait les caractéristiques de l'invention selon le brevet, en particulier la propriété de pouvoir reprendre sa forme d'origine, sans déformation permanente, après avoir subi les deux opérations successives de sortie de la glissière et de réintroduction dans celle-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 9 du nouveau code de procédure civile, 1135 du code civil et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

5°) qu'en considérant que les portes Fil'up trafic selon le plan 4131 devaient être incluses dans la masse contrefaisante et en déclarant contrefaisantes les mêmes portes sous leur nouvelle dénomination Mavitrafic, sans constater, de façon positive, que ces portes reproduisaient la caractéristique couverte par le brevet et déclarée contrefaisante selon laquelle la troisième barre présentait la propriété de pouvoir reprendre sa forme d'origine, sans déformation permanente, la cour d'appel, qui a relevé de façon inopérante que ces portes étaient quasiment identiques en ce qui concerne leur image et les textes qui les accompagnaient sur le site internet des sociétés Mavil et Maviflex, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que l'arrêt du 2 octobre 2003 avait jugé que le modèle de porte Fil'up était la contrefaçon du brevet n° 0 398 791, et que cette disposition ne comportait ni restriction ni distinction, c'est sans méconnaître l'objet du litige ni dénaturer cet arrêt, que la cour d'appel a retenu que les parties s'accordaient pour admettre qu'il existait plusieurs versions du modèle Fil'up et que seule la version commercialisée sous le nom de trafic était contrefaisante ;

Attendu, en second lieu, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, retenu que les sociétés Nergeco étaient bien fondées à faire juger que les portes Mavitrafic étaient la contrefaçon du brevet n° 0 398 791, et a statué comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que les sociétés Mavil et Maviflex reprochent encore à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à la société Nergeco une somme de 60 000 euros en réparation du préjudice causé par la fabrication et la commercialisation des portes fil'up, version trafic, alors, selon le moyen, que les dommages-intérêts doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; que la redevance indemnitaire allouée au propriétaire du brevet qui n'exploite pas son invention ayant pour objet de compenser la privation de la redevance que le breveté aurait été en droit d'exiger pour autoriser l'exploitation contrefaisante, la cour d'appel ne pouvait tenir compte, dans le calcul du taux de la redevance indemnitaire, du préjudice résultant de l'atteinte portée à l'image du produit breveté, préjudice qui ne pouvait être proportionnel à la masse contrefaisante, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale en violation des articles 1382 du code civil et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que, sous couvert d'une violation de la loi, le pourvoi ne tend qu'à remettre en question l'appréciation souveraine par la cour d'appel de l'existence et du montant du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 613-9 du code de la propriété intellectuelle, tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur le registre national des brevets ;

Attendu que, pour condamner les sociétés Mavil et Maviflex à payer une certaine somme à la société Nergeco France, l'arrêt retient d'un côté que le moyen présenté par ces sociétés pour faire déclarer irrecevable la demande de la société Nergeco France, faute d'inscription de son contrat de licence au registre national des brevets, tend à remettre en cause ce qui a déjà été jugé par l'arrêt du 2 octobre 2003, et d'un autre qu'il résulte du rapport d'expertise que de 1996 à 2003, inclus, ces sociétés ont vendu un certain nombre de portes Fil'up version trafic ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans son précédent arrêt, il n'avait pas été statué sur ce point, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions faisant valoir que le contrat de licence dont bénéficiait la société Nergeco France n'avait été inscrit au registre national des brevets que le 3 juin 1998, ce dont il résultait que c'est seulement à compter de cette date que les droits de cette société étaient opposables aux tiers, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant prononcé condamnation à dommages-intérêts au profit de la société Nergeco France, l'arrêt rendu le 15 décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.