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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 21 mars 2019, n° 16/07491

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SARL VIGNOBLES ALAIN J. ET FILS

Défendeur :

SCA LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS PRODUCTEUR DE GIGONDAS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Pierre CALLOCH

Conseillers :

Monsieur Baudouin FOHLEN, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR

Avocats :

Me Cédric C. de la SCP L. C. C., Me Laurie V., avocat au barreau de PARIS

TGI de MARSEILLE, 24 mars 2016

24 mars 2016

FAITS ET PROCÉDURE 

Le 19 avril 2006, la S.A.R.L. VIGNOBLES ALAIN J. ET FILS, devenue depuis lors la société VIGNOBLES ALAIN J., spécialisée dans le négoce des vins de la vallée du RHÔNE et propriétaire de deux vignobles, a déposé auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle la marque verbale LES VALATS en classe 33 pour désigner des boissons alcoolisées. 

La société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, également spécialisée dans le négoce du vin, a déposé auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 15 février 2007 la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT en classes 33, 35 et 41. Elle a déposé le même signe le 30 juin 2009 en marque internationale. 

Par acte en date du 4 septembre 2013, la société VIGNOBLES ALAIN J. a fait assigner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, demandant notamment l'interdiction sous astreinte de tout acte de contrefaçon et de tout acte de concurrence déloyale, la condamnation de la défenderesse au paiement d'une somme de 23 500 € au titre de dommages intérêts et l'annulation de l'enregistrement de la marque arguée de contrefaçon. 

Suivant jugement en date du 24 mars 2016, le tribunal a débouté la société VIGNOBLES ALAIN J. de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à verser à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 25 avril 2016. 

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 14 janvier 2019 et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 11 février 2019. 

A l'appui de son appel, par conclusions déposées le 28 octobre 2016, la société VIGNOBLES ALAIN J. conclut à la confirmation de la décision ayant rejeté le moyen tiré de la forclusion de son action, sa connaissance de la marque contrefaisante n'étant pas établie, pas plus que son caractère prétendument notoire. Elle se réfère particulièrement à la motivation des premiers juges sur ce point. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. conclut à la réformation du jugement pour le surplus. 

Sur la contrefaçon de marque, elle insiste sur la similarité des signes en cause, contestant l'analyse du tribunal, mais aussi sur la contrefaçon se déduisant de l'usage pour la commercialisation des produits du signe LES PIERRES DU VALLAT, et par l'utilisation du slogan LE VOICI LE VALLAT. Elle indique en outre que le terme PIERRE est faiblement distinctif pour désigner des vins, et que l'attention du consommateur se reporte essentiellement sur le signe VALATS, signe dont le caractère usuel ne serait pas démontré. Selon elle, la marque ne pourrait de ce fait être considérée comme constituée d'un tout indivisible. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. fait observer que les premiers juges ont omis de prendre en compte la similitude des produits en cause et affirme que le risque de confusion dans l'esprit des consommateurs concernés est établie, notamment en raison du caractère courant du produit concerné, le vin, de la méconnaissance du terme VALAT pour un consommateur de langue française, de la proximité des appellations en cause et du caractère distinctif élevé de la marque LES VALATS. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. conclut à la nullité de la marque postérieure en application de l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, mais aussi en raison du caractère frauduleux de son dépôt, cette marque devant s'analyser comme une véritable marque de barrage associant en réalité deux signes, LES PIERRES DU VALLAT et LA PIERRE DU VALLAT, en un même enregistrement. 

Sur les actes de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires, elle invoque la présentation commerciale du produit, qui, selon elle, accentuerait la confusion dans l'esprit du consommateur. En outre, la société défenderesse aurait tenté de profiter de sa renommée, notamment par la présentation de ses produits et le slogan par elle utilisé. 

Sur son préjudice, la société VIGNOBLES ALAIN J. invoque la perte de redevances, la dévalorisation de sa propre marque mais aussi les efforts financiers consentis pour promouvoir ses vins. 

Subsidiairement, elle demande à la cour de prononcer la déchéance de la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT pour défaut d'usage sérieux, les documents versés sur ce point étant insuffisant pour démontrer un tel usage tel que défini par la jurisprudence. 

Au terme de ces écritures, la société VIGNOBLES ALAIN J. demande à la cour de : 

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE le 24 mars 2016 uniquement en ce qu'il a jugé que l'action intentée par la société VIGNOBLES ALAIN J. n'est pas forclose, 

Réformer sur tous les autres points le jugement rendu par le Tribunal de grande instance en ce qu'il a débouté la société VIGNOBLES ALAEN J. de ses demandes, 

Statuant à nouveau : 

PRINCIPALEMENT, 

En premier lieu, 

Constater l'imitation de la marque « LES VALATS '', l'usage et l'apposition du signe imité par 

la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, 

Dire et juger que ces agissements sont constitutifs d'actes de contrefaçon, 

Ordonner à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS - sous astreinte de 1.000 euros 

par infraction constatée - de cesser d'imiter la marque « LES VALATS '' et donc d'utiliser, 

d'exploiter les signes «LES PIERRES DU VALLAT» et «LES PIERRES DU VALLAT LA 

PIERRE DU VALLAT '', 

Ordonner à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS - sous astreinte de 1.000 euros 

par infraction constatée - de cesser de diffuser, de mettre sur le marché, de distribuer, de 

commercialiser tout vin imitant la marque « LES VALATS '', 

Ordonner à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS - sous huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard - de 

rappeler, à ses frais, l'ensemble des stocks de vin qu'elle a vendu sous la dénomination « LES 

PIERRES DU VALLAT '', d'écarter ces stocks définitivement des circuits commerciaux et de les détruire à ses frais, 

Condamner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS au paiement de la somme de 

33.500 euros, somme à parfaire, à la société VIGNOBLES ALAIN J. en réparation du 

préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de contrefaçon de la société LES VIGNERONS 

DE VACQUEYRAS, 

En deuxième lieu, 

Constater les agissements fautifs de la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS distincts des agissements de contrefaçons, 

Dire et juger que ces agissements sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, 

Ordonner à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS de cesser ces actes de concurrence déloyale et parasitaire, sous astreinte 1.000 euros par infraction constatée, 

Condamner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS au paiement de la somme de 10.000 euros, somme à parfaire, à la société VIGNOBLES ALAIN J. en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, 

En troisième lieu, 

Constater que l'enregistrement de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU 

VALLAT '' pour désigner les produits de la classe 33 porte atteinte aux droits antérieurs de la société VIGNOBLES ALAIN J. sur sa marque «LES VALATS '', du fait du caractère frauduleux de son dépôt, 

Dire et juger que cet enregistrement est nul et non avenu en ce qui concerne l'ensemble des 

produits de la classe 33, 

Constater que le dépôt de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT» a un caractère frauduleux, 

Dire et juger que cet enregistrement est nul et non avenu pour l'ensemble des produits et services qu'il désigne, 

Ordonner la transmission à |'institut National de la Propriété Industrielle de I'arrêt à intervenir, 

une fois devenu définitif, par le greffe de la Cour requise par la partie la plus diligente, pour 

inscription au Registre National des Marques, 

SUBSIDIAIREMENT, 

En premier lieu, 

Constater que la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS n'a pas fait un usage sérieux 

de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT '' pour l'ensemble des produits et services visés dans son enregistrement, pendant une période de cinq (5) ans à compter de sa publication, 

Dire et juger qu'à défaut d'un tel usage sérieux de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA 

PIERRE DU VALLAT '', la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS est déchue de l'ensemble de ses droits conférés par les dispositions du Livre VII du Code de la propriété intellectuelle sur ladite marque pour l'ensemble des produits et services visés, 

En deuxième lieu, 

Constater les agissements fautifs de la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, 

Dire et juger que ces agissements sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, 

Ordonner à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS de cesser ces actes de concurrence déloyale et parasitaire, sous astreinte 1.000 euros par infraction constatée, 

Condamner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS au paiement de la somme de 43.500 euros, somme à parfaire, à la société VIGNOBLES ALAIN J. en réparation du 

préjudice qu'elle a subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire de la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, 

EN TOUT ETAT DE CAUSE, 

Débouter la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS de l'intégralité de ses prétentions, 

Ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq (5) journaux ou revues au choix 

de la société VIGNOBLES ALAIN J. et aux frais de la société LES VIGNERONS DE 

VACQUEYRAS, à hauteur de 10.000 euros H-T. par insertion, 

Condamner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS à verser la somme de 15.000 

euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, 

Condamner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Joseph M., par application de l'article 699 du Code de 

procédure civile. 

La société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS, par conclusions déposées le 2 décembre 2016, invoque la forclusion de la demande formée plus de six ans après le dépôt de la marque en application de l'article L 716-5 du Code de la propriété intellectuelle, la demanderesse ne pouvant ignorer l'usage de la dite marque. 

Subsidiairement, la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS concluent au caractère non fondé de l'action en raison de l'absence de risque de confusion, invoquant notamment le caractère usuel de l'appellation VALLAT pour désigner un vin ou une boisson alcoolisée, les différences entre les signes sur le plan visuel, phonétique et conceptuel et le caractère indivisible de sa propre marque. Selon elle, l'appelante ne démontrerait pas le caractère renommé de sa propre marque. Les demandes en contrefaçon et en nullité de la marque devraient en conséquence être rejetées, ainsi que la demande en nullité pour dépôt frauduleux. 

La société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS concluent à la confirmation de la décision ayant rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale en invoquant l'absence de faits distincts de ceux allégués au titre de l'action en contrefaçon mais aussi l'absence de tout acte illicite, notamment faute de risque de confusion et de l'existence d'une identité propre au vin ' les pierres du Vallat'. Elle invoque à titre subsidiaire l'absence de preuve des préjudices allégués. 

Les demandes subsidiaires en déchéances et en concurrence déloyale seraient selon elle irrecevables faute d'intérêt à agir et en raison d'un usage sérieux de la marque. Invoquant là encore l'absence de risque de confusion, mais aussi l'absence de captation d'une identité propre du vin ' les Valats', elle estime l'action en concurrence déloyale non fondée et conteste en toute hypothèse l'existence d'un préjudice démontré. Au terme de ses conclusions, elle demande à la cour de : 

' REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Marseille le 24 mars 2016 uniquement en ce qu'il jugé que l'action intentée par la société VIGNOBLES ALAIN J. n'était pas forclose ; 

' CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Marseille le 24 mars 2016 sur tous les autres points ; 

' En conséquence 

A titre principal : 

' DIRE ET JUGER que la société VIGNOBLES ALAIN J. a toléré pendant plus de cinq ans l'usage de la marque postérieure « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 de la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS; 

' DIRE ET JUGER que les demandes de la société VIGNOBLES ALAIN J. formulées au titre de l'article L. 713-3 du CPI sont infondées et que la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS n'a commis aucun acte de contrefaçon par imitation de la marque « LES VALATS » n°3424869 ; 

' DIRE ET JUGER qu'il n'existe pas de faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire par rapports aux faits reprochés au titre de la contrefaçon de marque, et qu'en tout état de cause la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ; 

' DIRE ET JUGER que la société VIGNOBLES ALAIN J. n'établit aucun préjudice subi dû à des prétendus actes de contrefaçon ou de concurrence déloyale de la part de la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS ; 

' DIRE ET JUGER que le dépôt de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 ne revêt aucun caractère frauduleux ; 

En conséquence : 

' DÉCLARER IRRECEVABLE en raison de la forclusion par tolérance la demande de la société VIGNOBLES ALAIN J. en contrefaçon et sa demande en nullité de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834; 

' DÉBOUTER la société VIGNOBLES ALAIN J. de l'intégralité de ses demandes, prétentions, fin et conclusions ; 

A titre subsidiaire : 

' DIRE ET JUGER la société VIGNOBLES ALAIN J. irrecevable à solliciter la déchéance de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 pour les classes 35 et 41 ; 

' DIRE ET JUGER que la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 a fait l'objet d'un usage sérieux en relation avec les produits visés à son libellé et notamment les « boissons alcooliques (à l'exception des bières) » ; 

' DIRE ET JUGER qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits en cause et que la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ; 

En conséquence : 

' DECLARER IRRECEVABLE la demande en déchéance partielle de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 pour les classes 35 et 41 introduite par société VIGNOBLES ALAIN J. ; 

' DEBOUTER la société VIGNOBLES ALAIN J. de sa demande en déchéance de la marque « LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT » n°3482834 et plus généralement de toutes ses demandes, fins et prétentions ; 

En tout état de cause : 

' CONDAMNER la société VIGNOBLES ALAIN J. à verser à la société VIGNERONS DE VACQUEYRAS la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du Code de 

Procédure Civile ; 

' CONDAMNER la société VIGNOBLES ALAIN J. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE L. C. C., en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile. 

MOTIFS DE LA DÉCISION 

Sur la forclusion de l'action 

L'article L 716-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose en son dernier alinéa qu'est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. 

Le point de départ de ce délai de forclusion par tolérance est constitué non par le dépôt de la marque attaquée, mais par la date à laquelle le demandeur a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l'existence de la marque qu'il conteste. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. ayant fait assigner la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS par acte daté du 4 septembre 2013, il appartient à cette dernière invoquant la forclusion de l'article L 716-5 d'établir que la demanderesse avait toléré, et donc connaissait l'existence de la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT, depuis au moins cinq années, soit au plus tard le 4 septembre 2008. 

La société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS produit une facture en date du 19 novembre 2008 (pièce 10) prouvant qu'elle exploite sous la forme PIERRE DE VALLAT sa marque depuis l'année 2008 ; cette facture ne suffit cependant pas à elle seule à prouver que la société VIGNOBLES ALAIN J. connaissait cette exploitation ; les extraits de site internet versés en pièce 11 prouvent que le vin commercialisé sous le nom PIERRE DE VALLAT a été répertorié par certains media ou sites de vente, et en conséquence que l'usage de ce signe doit être présumé connu de tous les professionnels du secteur ; cependant, le document le plus récent, une capture du site winespectator.com date du 23 août 2010, et est donc postérieur au 4 septembre 2008. 

Enfin, même si la société VIGNOBLES ALAIN J. est un professionnel du négoce du vin et qu'elle exerce son activité dans un secteur géographique proche de celui des VIGNERONS DE VACQUEYRAS, elle ne peut être présumée connaître toutes les marques utilisées par les sociétés concurrentes ; les pièces produites aux débats par la société les VIGNERONS DE VACQUEYRAS ne démontrent pas que le vin commercialisé sous le signe PIERRE DU VALLAT jouissait d'une notoriété ou d'une diffusion telle qu'il devait nécessairement être connu de la demanderesse, ni aucune circonstance particulière antérieure au 4 septembre 2008 permettant de constater une telle connaissance ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la forclusion de l'action. 

Sur la contrefaçon de la marque LES VALATS 

Il convient tout d'abord de retenir pour juger de l'existence d'une contrefaçon de la marque LES VALATS par la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS que si celle ci a exploité la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT uniquement sous la forme LA PIERRE DU VALLAT, l'existence d'une contrefaçon par imitation doit s'apprécier en fonction des enregistrements des marques en question, et non des modalités de leur exploitation. 

Afin de déterminer s'il y a ou non risque de confusion du fait de l'utilisation du signe, il convient tout d'abord de relever que les produits désignés sont strictement similaires, à savoir des vins. 

Le caractère distinctif du signe VALAT pour désigner un vin n'est discuté, ni discutable, et ce quand bien même ce signe a été déposé au moins à sept reprises comme élément de marque pour désigner ce type de boisson ; le signe PIERRE est, lui, arbitraire pour désigner une boisson et à ce titre doit être considéré lui aussi comme distinctif ; néanmoins la société VIGNOBLES ALAIN J. souligne à juste titre son utilisation très fréquente, à titre d'exemple 18 vins référencés dans le guide Hachette comportant le nom commun pierres ou pierre, et donc son caractère plus faiblement distinctif que le signe VALAT. 

Visuellement et phonétiquement, les signes LES VALATS et LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT se rapprochent incontestablement par l'utilisation du terme VALAT ; en revanche, la calligraphie et l'orthographe du terme commun est nettement distincte, l'attaque différente et la marque arguée contrefaisante se caractérise par une redondance du terme VALLAT ; intellectuellement, le signe LES VALATS apparaît désigner un nom propre, nom de lieu ou nom d'un domaine, tandis que le signe LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT fait référence à un monde minéral ; comme l'ont relevé les premiers juges, l'impression d'ensemble produite par les deux signes apparaît distincte, la marque de la société VIGNOBLES ALAIN J. ET FILS renvoyant à un nom unique pouvant être un nom propre, cette référence étant accentuée par l'utilisation du pluriel, tandis que la marque déposée par la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS évoque un minéral provenant d'une rivière ou d'un vallon ; il apparaît ainsi que du fait de cette impression d'ensemble, il n'existe pas malgré la similitude des produits de risque de confusion pour le consommateur sur l'origine des vins désignés ; c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont débouté la demanderesse de son action en contrefaçon de marque. 

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme. 

L'examen des étiquettes et des reproductions de bouteille versées aux débats permet de constater qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l 'esprit du consommateur du fait du signe utilisé par la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS dès lors que l'attention de ce consommateur est attirée non par le signe commun phonétiquement, VALAT, mais par l'appellation d'origine, RASTEAU d'un côté, GIGONDAS de l'autre, que figure sur l'étiquette utilisée par la société VIGNOBLES ALAIN J. de manière traditionnelle le nom du producteur et que de par la calligraphie, la couleur et la présence d'un bandeau sur l'étiquette LES PIERRES DU VALLAT, l'impression visuelle produite est totalement différente. 

Ainsi qu'il a été indiqué plus haut le signe VALAT a été à plusieurs reprises utilisé comme éléments de marques destinées à désigner des vins ; la société VIGNOBLES ALAIN J. ET FILS ne peut prétende disposer d'un monopole sur ce signe au motif qu'elle est titulaire de la marque LES VALATS ; les pièces versées par elle démontrent que certains vins produits ou commercialisés par la société VIGNOBLES ALAIN J. jouissent d'une bonne réputation parmi les critiques, mais n'établissent pas une renommée pour le vin spécifiquement désigné par la marque LES VALATS ; dès lors, il n'existe pas d'élément permettant de soutenir que par l'utilisation de ses étiquettes reprenant le signe VALLAT ou du slogan LE VOICI, LE VALLAT, la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS ont entendu se placer dans son sillage et bénéficier de sa renommé ou de ses efforts de publicité ; la décision ayant débouté l'appelante de sa demande en concurrence déloyale et parasitisme sera en conséquence confirmée. 

Sur la nullité de la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT 

La marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT forme un signe verbal unique malgré la répétition des termes VALLAT et elle ne peut être considérée comme une marque dite de barrage, rappel étant fait que le titulaire d'une marque n'a pas l'obligation légale d'exploiter dans son intégralité le signe déposé et que la répétition d'un terme ne peut être considérée comme manifestant une intention de fraude. 

Ainsi qu'il a été jugé plus haut, la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT ne peut être considérée comme créant par imitation de la marque LES VALATS un risque de confusion pour le consommateur ; le dépôt de cette marque postérieure ne peut être considéré en conséquence comme frauduleux et le jugement ayant débouté la société VIGNOBLES ALAIN J. de sa demande en nullité sera confirmé. 

Sur la déchéance la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT 

L'article L 714- 5 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ; cet article précise en son avant dernier alinéa que la preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. 

La société VIGNOBLES ALAIN J. ne justifie pas exercer d'activité économique dans les secteurs de la publicité et de la formation, ni même avoir l'intention d'en développer une ; elle n'a en conséquence aucun intérêt à agir pour demander la déchéance de la marque LES PIERRES DU VALLAT LA PIERRE DU VALLAT en classe 35 et 41 ; elle dispose par contre d'un tel intérêt dès lors que la marque dont elle demande la déchéance a été déposée dans son secteur d'activité. 

En son paragraphe b), l'article L 714-5 indique qu'est assimilé à un usage sérieux l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. 

Il apparaît des documents versés aux débats que durant les cinq années ayant précédé la demande en déchéance, la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS ont commercialisé du vin sous le signe LA PIERRE DU VALLAT ; il ne peut être contesté que l'élément distinctif de la marque verbale déposée est le terme ' pierre du Vallat' ; les signes ' les pierres du vallat' précédent le groupe ' la pierre du vallat' apparaît un élément redondant, observation étant faite que telle que déposé, le signe complet ne peut faire l'objet d'un usage réel dans la vie économique du fait de sa longueur inusuelle ; au vu de ce constat, il apparaît que l'usage du signe ' la pierre du Vallat' doit être considéré comme un usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; le jugement ayant rejeté la demande en déchéance sera en conséquence confirmé. 

Sur les demandes accessoires 

La société VIGNOBLES ALAIN J. succombant à la procédure d'appel, elle devra verser une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme allouée de ce chef en première instance. 

PAR CES MOTIFS, LA COUR : 

- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 24 mars 2016 dans l'intégralité de ses dispositions, 

Y ajoutant, 

- CONDAMNE la société VIGNOBLES ALAIN J. à verser à la société LES VIGNERONS DE VACQUEYRAS PRODUCTEURS DE GIGONDAS la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. 

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société VIGNOBLES ALAIN J., dont distraction au profit des avocats à la cause.