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Décisions

Cass. com., 29 septembre 2009, n° 08-20.526

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre (président)

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Bénabent, SCP de Chaisemartin et Courjon

cour d'appel de Besançon,04 juin 2008

4 juin 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Saint Honoré Paris a, par contrat du 12 septembre 2002, concédé à la société Evaflor, la licence de la marque "Saint Honoré Paris", pour la fabrication et la commercialisation de parfums, cosmétiques et produits dérivés ; que le contrat, conclu pour une durée de sept ans, prévoyait le paiement par la licenciée d'une redevance de 4 % du chiffre d'affaires réalisé hors taxes, avec des minima annuels garantis ; que le 20 juin 2005 la société Saint Honoré Paris a assigné la société Evaflor en résiliation du contrat ; que la société Evaflor en a demandé reconventionnellement l'annulation ;

Attendu que pour prononcer la nullité du contrat, l'arrêt retient que les modèles des produits à commercialiser devaient recevoir l'agrément de la société Saint Honoré Paris, sans que les standards de qualité fussent définis autrement que par une référence à «une fabrication particulièrement soignée et une diffusion en rapport avec la notoriété et le standing élevé de la marque», et que la volonté commune des parties de situer les produits sur le créneau des parfums haut de gamme tels que Chanel, Christian Dior n'empêche pas qu'en l'absence d'éléments objectifs de définition de ce «créneau» l'acceptation des produits était entièrement laissée à la discrétion de la société Saint Honoré Paris ; qu'obligeant une des parties contractantes à exécuter son obligation de paiement alors que la contrepartie attendue, c'est à dire la diffusion des produits était soumise à la seule volonté de l'autre partie, le contrat dont s'agit est entaché de potestativité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat faisait référence à une fabrication particulièrement soignée et une diffusion en rapport avec la notoriété et le standing élevé de la marque et qu'il existait une volonté commune des parties de situer les produits sur le créneau des parfums haut de gamme tels que Chanel, Christian Dior, ce dont il résultait que la détermination des critères auxquels devaient répondre les produits ne dépendait pas de la seule volonté du concédant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Evaflor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille neuf.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Saint Honoré Paris

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du contrat conclu entre la SAS SAINT HONORE PARIS et la SA EVAFLOR le 12 septembre 2002, par application des articles 1170 et 1174 du Code civil,

AUX MOTIFS QUE «en application de l'article 1174 du Code civil, qui répute toute obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige, et de l'article 1170 du même code, qui définit la condition potestative comme celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; qu'en effet, selon le contrat litigieux, la licenciée EVAFLOR était tenue de payer à la concédante SAINT HONORE PARIS des redevances calculées a minima sur un chiffre d'affaires prévisionnel, à partir de la date d'effet du contrat soit le 1er juin 2003, et d'ailleurs confrontée à l'exigence manifestée par la SAS SAINT HONORE PARIS le 9 septembre 2000 d'obtenir le règlement des minima contractuels sans report de cette date, la SA AVAFLOR s'est exécutée, alors même que la fabrication et la commercialisation des produits n'avaient pas débuté ; Qu'or, aux termes du contrat, les modèles des produits à commercialiser devaient recevoir l'agrément de la SAS SAINT HONORE PARIS, sans que les standards de qualité fussent définis autrement que par une référence à «une fabrication particulièrement soignée et une diffusion en rapport avec la notoriété et le standing élevé de la marque» ; de plus, contrairement à l'avis du premier juge, la volonté commune des parties de situer les produits SAINT HONORE sur le créneau des parfums haut de gamme tels que CHANEL, CHRISTIAN DIOR….n'empêche pas qu'en l'absence d'éléments objectifs de définition de ce «créneau» l'acceptation des produits était entièrement laissée à la discrétion de la SAS SAINT HONORE PARIS ; qu'il s'en déduit qu'obligeant une des parties contractante à exécuter son obligation de paiement alors que la contrepartie attendue, c'est-à-dire la diffusion des produits était soumise à la seule volonté de l'autre partie, le contrat dont s'agit est entaché de potestativité ; que la nullité en résultant affecte la validité du contrat, ce qui rend inutile l'examen des demandes réciproques en résolution pour inexécution»,

ALORS QUE D'UNE PART les dispositions contractuelles qui ne sont pas incertaines quant aux conditions de leur réalisation eu égard aux engagements pris, ne constituent pas une condition affectant l'existence de l'obligation déterminée mais de simples modalités d'exécution de cette obligation ; qu'en l'espèce, la clause soumettant les produits de la société licenciée à «une fabrication particulièrement soignée et une diffusion en rapport avec la notoriété et le standing de la marque», ne faisait aucunement dépendre le sort du contrat d'un événement incertain mais constituait une simple modalité d'exécution de la convention ; qu‘en assimilant néanmoins les engagements souscrits à une «condition» au sens des articles 1168 et suivants du Code civil, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision,

ALORS QUE D'AUTRE PART la condition potestative n'est frappée de nullité que si elle est purement potestative ; qu'en l'espèce, le fait de pouvoir vérifier que les produits ont fait l'objet d'«une fabrication particulièrement soignée et une diffusion en rapport avec la notoriété et le standing élevé de la marque», ne relève pas d'une «volonté arbitraire et discrétionnaire» mais permet seulement au concédant de contrôler la fabrication des produits ; qu'en retenant la qualification de condition potestative sans expliquer en quoi la clause litigieuse laisserait libre cours à une volonté arbitraire et discrétionnaire du concédant et sans justifier du caractère purement potestatif de cette condition, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1174 du Code civil,

ALORS QU'ENFIN la condition purement potestative n'est nulle que lorsqu'elle bénéficie au débiteur ; qu'en l'espèce, en décidant que la clause litigieuse, qui bénéficiait à la société SAINT HONORE PARIS, créancière des redevances et dont l'intérêt était que les prestations soient exécutées, était nulle, la Cour d'appel a violé l'article 1174 du Code civil.