Cass. com., 8 décembre 2021, n° 20-18.455
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 7 janvier 2020), la société Banque populaire Alsace Lorraine (la banque) a consenti deux prêts et une facilité de caisse à la société des Galipes, dont M. [Y] s'est rendu caution, son épouse ayant donné son accord exprès à chacun des cautionnements.
2. La société a été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2016.
3. Après que la banque eut mis en demeure M. et Mme [Y] d'avoir à lui payer le montant de ses créances sur la société débitrice, elle a été autorisée, par une ordonnance du juge de l'exécution du 14 octobre 2016, à inscrire des hypothèques sur les biens dont M. et Mme [Y] sont propriétaires. Le 28 novembre 2016, la banque les a assignés en paiement. Un plan de redressement de la société débitrice a été arrêté le 6 juin 2017.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la banque était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant même que la créance ne soit exigible à son égard, la cour d'appel a violé l'article L. 628-28 alinéas 2 et 3 du code de commerce, ensemble les articles R. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-28, alinéa 2 et 3 et L. 622-29 rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14, L. 631-20 du code de commerce et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le créancier, dont la créance n'a pas été rendue exigible par l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et qui a inscrit sur les biens de la personne physique, caution du débiteur principal soumis à une procédure de redressement judiciaire, une hypothèque judiciaire provisoire, est autorisé, pour éviter la caducité de cette sûreté, à assigner la caution en vue d'obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues, l'obtention de ce titre n'étant pas subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution.
6. Pour rejeter la demande de condamnation formée par la banque, l'arrêt
énonce que, selon l'article L. 622-29 du code de commerce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé, contrairement à ce que soutient implicitement mais nécessairement la banque.
7. En statuant ainsi, alors que la banque, qui, sans contester que sa créance n'était pas en totalité exigible, était fondée, afin d'éviter la caducité de sa mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant même l'exigibilité totale de sa créance à son égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.