Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-23.328
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Rapporteur :
M. Riffaud
Avocats :
SARL Ortscheidt, SCP Alain Bénabent
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 21 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 22 janvier 2020, pourvoi n° 18-23.257), le 15 novembre 2004, la société Dabag et la société Maisons du Monde France (la société MMF) ont signé une transaction pour mettre fin définitivement à leurs relations contractuelles et apurer leurs comptes. Par cet accord, la société Dabag renonçait à toute action en réparation de la rupture des relations qui avaient existé entre les parties.
2. Par un jugement du 15 février 2005, la société Dabag a été mise en redressement judiciaire, M. [J] étant désigné en qualité de représentant des créanciers et M. [X] en celle d'administrateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 14 novembre 2004.
3. Le 9 mai 2005, le représentant des créanciers et l'administrateur ont assigné la société MMF pour obtenir l'annulation de la transaction en application des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce et obtenir réparation des conséquences dommageables de la rupture brutale des relations entre les deux sociétés.
4. La société Dabag, qui n'a pas respecté le plan de continuation arrêté à son profit le 28 novembre 2006, a été mise en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007, M. [J], auquel a succédé la société Vitani-Bru, étant désigné en qualité de liquidateur.
5. Par un jugement du 25 novembre 2016, la transaction a été annulée et la société MMF condamnée à verser des dommages-intérêts au liquidateur de la société Dabag.
6. La société MMF a interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à l'annulation de la transaction, alors « que sont nuls les paiements pour dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements ; que la créance née de la rupture brutale des relations commerciales établies est échue au jour du fait dommageable, c'est-à-dire au jour de la rupture des relations ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que "les créances réciproques en réparation des dommages respectivement allégués (préjudices étendus à l'ensemble des magasins de la société d'une part et ceux liés à la rupture des relations contractuelles d'autre part) n'avaient aucun caractère certain à la date retenue de cessation de paiement et ne peuvent être envisagées comme entrant dans les prévisions de l'article L. 621-107, I, 4° précité, s'analysant en réalité comme la renonciation réciproque à engager des procédures judiciaires visant à faire retenir le principe et l'étendue de leurs droits respectifs" et qu' "à tout le moins à l'égard de la société Maisons du Monde, la prétendue dette imputée à cette dernière ne pouvaient être regardée comme une dette échue au sens de ce même article et irrégulièrement soldée par la société Dabag durant la période suspecte", la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 621-107, 4° du code de commerce, devenu l'article L. 632-1 4° du même code. »
Réponse de la Cour
9. La créance objet du moyen étant, aux termes de celui-ci, la créance de dommages-intérêts qui serait née de la rupture de la relation commerciale établie entre les sociétés MMF et Dabag, il résulte des conclusions des parties et de l'arrêt que, malgré la rédaction maladroite de celui-ci, c'est la société Dabag qui prétendait être titulaire de cette créance, de sorte qu'il ne pouvait s'agir d'une dette de celle-ci envers la société MMF dont la société Dabag aurait, au moyen de la transaction litigieuse, fait le paiement annulable en application de l'article L. 621-107, I, 4°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005.
10. Le moyen manque donc en fait.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que la transaction conclue entre les sociétés Dabag et MMF lui soit déclarée inopposable, alors « qu'en vertu de l'effet relatif des contrats, une transaction est inopposable aux tiers ; que le liquidateur, qui ne représente ni le débiteur ni les créanciers pris individuellement, doit être regardé comme un tiers à la transaction signée entre le débiteur et l'un de ses créanciers ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris qu' "il est certain que le liquidateur qui demande à titre principal la nullité d'un acte sur le fondement des dispositions du code de commerce et relative à la période suspecte ne se substitue pas au débiteur dessaisi pour agir en son nom mais exerce une action au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers" et que "le mandataire ne peut toutefois le faire que dans le cadre des voies de droit qui lui sont ouvertes par le droit spécial des procédures collectives. La SCP Vitani-Bru ne peut ainsi agir en opposabilité d'une convention dont elle n'a pu obtenir l'annulation dans le cadre des dispositions légales expressément prévues pour anéantir les actes qui auraient été passés durant la période suspecte au détriment de l'intérêt collectif des créanciers", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard de l'article 1165 du code civil, devenu article 1199 du même code, ensemble les articles L. 641-4 et L. 622-20 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
12. Une transaction conclue entre un tiers et un débiteur avant sa mise en procédure collective est opposable au liquidateur de ce dernier, à l'égard duquel elle constitue un fait juridique, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'elle aurait été conclue en fraude des droits des créanciers.
13. Il résulte de l'arrêt que le liquidateur a attaqué la transaction comme constituant, de première part, un contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie et un mode anormal de paiement d'une dette échue, et de seconde part, un paiement pour dette échue effectué en connaissance de l'état de cessation des paiements de la société Dabag, sans soutenir que cette transaction serait frauduleuse.
14. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile la décision se trouve légalement justifiée de ce chef.
15. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.