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Décisions

Cass. crim., 8 septembre 2010, n° 09-85.887

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Desgrange

Avocats :

Me Spinosi, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 1 juill. 2009

1 juillet 2009

I - Sur le pourvoi d'Alain A... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Jackie X... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré Jackie X... coupable de prise illégale d'intérêt ;

" aux motifs que, s'agissant du délit de prise illégale d'intérêts, qu'il est reproché à Jackie X... d'avoir exercé, de fait, des fonctions de directeur administratif et financier de l'entreprise Teuchos et d'avoir notamment travaillé sur la comptabilité de la société alors, qu'au temps de cet emploi, il avait, en qualité de fonctionnaire de l'administration fiscale affecté dans une brigade à compétence nationale, une mission de surveillance des affaires de l'entreprise ; qu'Alain A... est poursuivi du chef de complicité de ce délit pour être intervenu afin que Jean Y..., dirigeant de la société Teuchos, emploi Jackie X... ; que considérant, nonobstant les dénégations de Jackie X..., qu'il résulte des déclarations concordantes et réitérées de Jean Y..., Philippe Z... et Alain A... que l'intéressé a effectivement travaillé au sein de l'entreprise Teuchos ; que lors de la confrontation organisée par le juge d'instruction, Jean Y... a maintenu que " Jackie X... venait vérifier les comptes, mettre les comptes en ordre " ; que sa mission était " d'assurer le contrôle de gestion de Teuchos " et " d'assurer le suivi de la comptabilité " ; qu'il venait " de façon décousue ", parfois deux ou trois heures par jour précisant que le prévenu a du travailler six mois au cours de l'année 2000 et deux ou trois mois courant 2001 ; que Philippe Z... et Alain A... ont confirmé ces déclarations, Alain A... maintenant que " Jackie X... a travaillé chez Teuchos à l'époque ou ils n'avaient pas fini leur déclaration " ; qu'il est intervenu pour " terminer les liasses, la déclaration et le bilan sur lequel il a travaillé très longtemps " ; que Jackie X... lui " disait prendre deux demi-journées par semaine pour aller travailler chez Teuchos " ; considérant qu'à l'époque des faits, Jackie X..., inspecteur principal des impôts affecté à la direction nationale des enquêtes fiscales, avait nécessairement un pouvoir de surveillance sur la société Teuchos au sens de l'article 432-12 du code pénal ; que peu importe, comme il le prétend, que l'enquête relative à la situation fiscale personnelle de M. B..., salarié de l'entreprise, ait été terminée ; que le délit de prise illégale d'intérêts est constitué en tous ses éléments à l'égard du prévenu qui a agi sciemment, espérant, à terme, être embauché officiellement comme directeur administratif et financier de la société Teuchos pour un salaire annuel de 60 000 francs comme l'atteste le protocole d'embauche qu'il a souscrit le 29 juin 2000 ;

" alors que la prise illégale d'intérêt suppose de son auteur qu'il prenne, reçoive ou conserve, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou une opération dont il a, au moment de l'acte, la charge d'assurer en tout ou partie la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; qu'en déclarant Jackie X... coupable de ce chef lorsqu'il résulte des pièces de la procédure que le travail qu'il aurait prétendument effectué au sein de la société Teuchos est postérieur à l'enquête portant sur M. B... et sans expliquer en quoi l'exposant aurait exercé une surveillance concomitante à la prise d'intérêt reprochée, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé que l'exposant aurait pris un avantage dans cette entreprise au moment où il était en charge d'en assurer la surveillance, a privé sa décision de base légale ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 226-13 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la cour d'appel a déclaré Jackie X... coupable de violation du secret professionnel ;

" aux motifs que, s'agissant des délits de violation du secret professionnel et de recels de violation du secret professionnel, qu'il sera rappelé que lors de son audition, Patricia C... a révélé que Philippe Z... et Alain A... avaient mis en place un système consistant à dénoncer à l'administration fiscale des clients du cabinet pour ensuite, moyennant le versement d'honoraires, se proposer de les défendre dans les procédures les opposant à cette administration ; que le système de données de la direction nationale des enquêtes fiscales mentionne, outre une proposition de contrôle concernant Frédéric D..., le nom de plusieurs autres clients du cabinet ; que l'examen du disque dur de l'ordinateur d'Alain A... a permis de trouver trace de nombreux messages électroniques adressés à Jackie X..., inspecteur principal des impôts affecté à la direction nationale des enquêtes fiscales, visant à dénoncer des clients du cabinet Z... ; qu'enfin, Alain A..., qui conteste a aujourd'hui sa culpabilité, a reconnu devant les services de police et le juge d'instruction, de manière réitérée et circonstanciée, avoir transmis à la direction nationale des enquêtes fiscales des informations qui lui étaient communiquées par Philippe Z..., lesquelles provenaient de ses dossiers d'avocat, citant notamment les noms des groupes Villegrin, Teuchos et Vuillaume, clients du cabinet ; qu'ainsi, il a déclaré avoir " remis le dossier Vuillaume à la direction nationale des enquêtes fiscales " et donné à l'administration fiscale des lettres que l'avocat avaient reçues de ses clients pour la création de sociétés offshore, des documents comptables et financiers, beaucoup de factures, des copies d'incidents douaniers ainsi que des procès-verbaux ; qu'il a précisé que Philippe Z..., qui espérait une remise de sa dette fiscale et à qui il reversait une partie de sa rétribution d'aviseur, il avait déclaré qu'il fallait informer " ses copains " de la direction nationale des enquêtes fiscales " parce que tout le monde fraude " ; considérant, enfin, qu'il n'est pas contesté qu'Alain A... a obtenu de Jackie X... la divulgation de renseignements confidentiels dont des extraits du fichier Ficoba auxquels ce dernier, inspecteur principal des impôts, avait accès dans le cadre de ses fonctions ; qu'en effet, Alain A... a reconnu que Jackie X... " lui a communiqué des Ficoba ", outre des renseignements bancaires, des numéros de comptes et des informations sur les dettes fiscales des entreprises ; qu'il a précisé avoir transmis ces renseignements à caractère secret à Philippe Z..., lequel demandait des informations sur ses clients mais également sur les personnes de son entourage ; que Jackie X... a admis avoir donné à Alain A... des informations confidentielles " sur les Ficoba et le Spi " ainsi que la liste des comptes bancaires qui figurait sur les fichiers qu'il interrogeait ; que peu importe comme il le prétend, ce qui de surcroît n'est nullement avéré, qu'il ait agi ainsi de façon limitée ne tirant aucun avantage personnel des divulgations faites ; que la pratique des échanges d'informations alléguée par les prévenus, qui ne saurait en toute hypothèse concerner des documents couverts par le secret professionnel, n'est pas de nature à exonérer les intéressés de leur culpabilité, lesquels ont agi sciemment en toute connaissance de cause ; que la décision des premiers juges du chef de violation du secret professionnel à l'encontre de Jackie X... et de recels de violation du secret professionnel à l'encontre d'Alain A... sera donc confirmée ;

" alors que la violation du secret professionnel est un délit intentionnel ; que l'intention coupable, qui ne se déduit pas du seul caractère confidentiel des documents révélés, doit être caractérisée par les juges du fond ; qu'en entrant en voie de condamnation aux seuls motifs que la pratique des échanges d'informations, qui ne peut concerner des documents couverts par le secret professionnel n'est pas de nature à exonérer les intéressés de leur culpabilité, sans expliquer en quoi l'exposant aurait agi sciemment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.