Cass. 3e civ., 23 mars 2011, n° 10-13.540
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Avocat :
SCP Richard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 novembre 2009), que la SCI 7 rue des Cordeliers, propriétaire de locaux donnés à bail à usage commercial à la société Les Ciseaux d'Alain X..., a délivré congé avec offre de renouvellement à M. Alain X..., par acte extrajudiciaire du 29 septembre 2005 ; qu'un second congé a été délivré aux mêmes fins à la société Les Ciseaux d'Alain X... par acte du 30 mai 2006 ; que la bailleresse a demandé la fixation du prix du bail renouvelé par l'effet du congé du 30 mai 2006 ;
Attendu que pour dire que le congé du 30 mai 2006 avait mis fin au bail, l'arrêt retient que le congé du 29 septembre 2005 a été signifié par la SCI 7 rue des Cordeliers non pas à la société Les Ciseaux d'Alain X..., désignée au bail comme locataire, mais à M. Alain X... à titre personnel, que cette erreur sur l'identité du preneur est assimilable à une irrégularité de fond, qui n'est pas soumise à la preuve d'un grief et peut être soulevée par tout intéressé, puisque l'acte a été délivré à une personne dépourvue de toute qualité pour le recevoir et qu'un tel congé, qui équivaut à une absence de congé, n'a pu mettre fin au bail qui s'est donc poursuivi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'erreur affectant la désignation du locataire constitue un vice de forme et que la société locataire, qui seule pouvait se prévaloir d'une telle irrégularité, n'invoquait aucun grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la société 7 rue des Cordeliers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société 7 rue des Cordeliers à payer à la société Les Ciseaux d'Alain X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la société Les Ciseaux d'Alain X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le bail avait pris fin par l'effet du congé délivré le 30 mai 2006 pour le 30 novembre 2006 et d'avoir ainsi constaté que le bail expiré avait eu, par tacite reconduction, une durée supérieure à douze ans excluant le plafonnement du loyer renouvelé applicable à compter du 1er décembre 2006, puis d'avoir fixé la valeur locative à la somme de 6. 128 euros par an en principal ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 145-9 du Code de commerce, les baux de locaux soumis au statut ne cessent que par l'effet d'un congé au moins de six mois à l'avance et par acte extra-judiciaire ; que le congé doit être donné au preneur, cocontractant ; que celui en date du 29 septembre 2005 a été signifié par la SCI du 7 rue des Cordeliers non pas à la SNC LES CISEAUX D'ALAIN X..., qui est désignée au bail du 14 février 1994 comme ayant la qualité de locataire et qui est par ailleurs seule propriétaire du fonds exploité dans les lieux loués, mais à Monsieur Alain X... à titre personnel ; que cette erreur sur l'identité du preneur est à elle seule de nature à priver ce congé de tout effet ; qu'elle est assimilable à une irrégularité de fond, qui n'est pas soumise à la preuve d'un grief et peut être soulevée par tout intéressé, puisque l'acte a été délivré à une personne dépourvue de toute qualité pour la recevoir ; qu'un tel congé, qui équivaut à une absence de congé, n'a pu valablement mettre fin au bail, qui s'est donc poursuivi ; que seul le nouveau congé délivré le 30 mai 2006 à la SNC LES CISEAUX D'ALAIN X... en la personne de son gérant a fait cesser le bail à l'expiration du délai de six mois visé à cet acte, soit au 30 novembre 2006 ; que la SCI du 7 rue des Cordeliers a agi en fixation du loyer renouvelé sur le fondement de ce seul congé du 30 mai 2006 ; qu'aucun des moyens destinés à faire écarter cette action ne peut être admis ; que l'assignation a été délivrée le 24 mai 2007, soit dans le délai de l'article L 145-60 du Code de commerce, de sorte qu'aucune forclusion biennale n'est encourue ; qu'en toute hypothèse, le délai court non à compter du congé mais de la date pour laquelle il a été donné ; que le bailleur ne peut se voir opposer une quelconque fraude ou mauvaise foi, nullement démontrée, dès lors que le preneur disposait, en vertu des articles L 145-8 et L 145-10 du Code de commerce, de la faculté de demander le renouvellement, à son initiative, mais ne l'a pas exercée ; que le bail s'est donc renouvelé à compter du 1er décembre 2006 ; qu'à cette date, le bail expiré avait une durée qui excédait douze ans, puisqu'il avait pris effet le 1er avril 1994 au vu du contrat de location du 14 février 1994 et s'était reconduit tacitement au-delà de sa date d'échéance contractuelle du 31 mars 2003 ; qu'en vertu de l'article L 145-34 dernier alinéa du Code de commerce le plafonnement ne s'applique donc pas ; que le plafonnement est acquis de droit et le loyer du local du 7 rue des Cordeliers doit être fixé à la seule valeur locative ;
1°) ALORS QU'est entaché d'un vice de forme, le congé qui est délivré par le bailleur au preneur d'un bail commercial, sans mentionner la qualité du destinataire de l'acte ; que la nullité ne peut en être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité ; qu'en décidant néanmoins que le congé, notifié le 29 septembre 2005 à Monsieur X... sans mention de sa qualité de gérant de la Société LES CISEAUX D'ALAIN X..., était entaché d'un vice de fond, pour en déduire que la nullité de l'acte n'était pas soumis à la preuve de l'existence d'un grief, la Cour d'appel a violé les articles 114, 117 du Code de procédure civile et L 145-34 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la nullité sanctionnant l'absence de mention de la qualité du destinataire du congé est une nullité relative, de sorte que seul celui-ci peut s'en prévaloir ; qu'en décidant néanmoins que la SCI du 7 rue des Cordeliers pouvait se prévaloir de l'irrégularité tirée de ce que l'acte qu'elle avait fait délivrer à Monsieur X... ne mentionnait pas qu'il lui était remis en sa qualité de gérant de la Société LES CISEAUX D'ALAIN X..., la Cour d'appel a violé les articles 1304 du Code civil et 117 du Code de procédure civile.