Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-11.697
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delvolvé
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 16 novembre 2006), que la société en nom collectif Phytoform (la société), constituée entre M. et Mme X..., a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 1er septembre 2000 ; que la gérante, Mme X..., ayant, le 19 octobre 2000, déclaré la cessation des paiements de la société, des procédures de liquidation judiciaire ont été ouvertes à l'égard de celle-ci et de ses deux associés ; que la Caisse régionale de crédit maritime mutuel de la région Nord (la banque), créancière de M. et Mme X... au titre de contrats de prêt et de cautionnement, soutenant que la société était fictive et destinée à permettre à M. et Mme X... d'échapper à leurs obligations à son égard, a demandé que soit prononcée son annulation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action de la banque alors, selon le moyen, que seul le représentant des créanciers ou le liquidateur judiciaire a intérêt à agir au nom de la collectivité des créanciers en nullité de la société débitrice pour fictivité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cependant déclaré recevable l'action du Crédit maritime au motif que cet organisme y avait intérêt ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 621-39, alinéa 1er, et L. 622-5, alinéa 3, du code de commerce et 32 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une société n'a pas pour effet d'interdire à un tiers, créancier d'un associé, d'en faire établir le caractère fictif ou frauduleux, une telle action n'étant pas exercée dans l'intérêt de la collectivité des créanciers de ladite société ; que c'est dès lors, à bon droit, que la cour d'appel a retenu que cette action n'était pas réservée au liquidateur de cette société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation de la société alors, selon le moyen :
1°/ que le caractère frauduleux d'une société suppose la preuve de l'intention des associés qui l'ont constituée ; qu'en l'espèce les juges du fond ont seulement relevé que les prêts contractés par les époux X... auprès du Crédit maritime étaient exigibles avant le prononcé de leur liquidation judiciaire, que les associés n'avaient pas fourni les apports financiers et les moyens nécessaires au fonctionnement normal de la société, que l'activité a été brève et le chiffre d'affaires insignifiant ; qu'il en a été déduit que les époux X... avaient procédé à un montage juridique destiné à les soustraire de leurs obligations à l'égard de leurs créanciers personnels ; qu'en l'état de ces seules constatations, impropres à caractériser l'intention frauduleuse des époux X... dès lors que la SNC a bien eu une activité, quoique modeste, et que l'intention frauduleuse ne pouvait se déduire a posteriori du seul prononcé de la liquidation judiciaire de la SNC Phytoform et des époux X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1832 du code civil et du principe fraus omnia corrumpit ;
2°/ que la fictivité d'une société résulte soit du défaut de l'un des éléments constitutifs du contrat de société, soit de la volonté de dissimuler derrière le contrat de société un contrat d'une autre nature ; que la cour d'appel a relevé que la SNC Phytoform avait eu une activité brève avant que Mme X... en déclare la cessation des paiements, que les associés n'avaient versé que 152 euros au titre du capital social, qu'ils n'avaient pas fourni à la société les moyens nécessaires à son activité et que le relevé d'activité depuis le 5 mai 2000 prouvait des encaissements pour 11 246 francs ; qu'en l'état de ces constatations, impropres à caractériser la fictivité de la société Phytoform dès lors qu'il n'est pas exigé de capital minimal ni un montant d'apport minimal pour constituer valablement une société en nom collectif et que la brièveté ou la faiblesse de l'activité ne suffit pas à révéler la fictivité d'une société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1832 du code civil et L. 235-1 du code de commerce ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve de l'intention frauduleuse que la cour d'appel a, par motif adopté, déduit des différentes circonstances de fait rappelées par le moyen que la création de la société procédait d'un montage juridique destiné à soustraire les époux X... à leurs obligations à l'égard de leurs créanciers personnels grâce à l'ouverture d'une procédure collective à leur encontre et qu'ainsi la société devait être annulée pour fraude ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.