Cass. com., 23 juin 2015, n° 14-18.291
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Rémy-Corlay, SCP Vincent et Ohl
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2014), que M. et Mme X... ont, le 27 mai 1990, constitué avec MM. Gérard et Nicolas Y... la société civile de placement FJM (la société FJM), dans le but d'acquérir une participation majoritaire dans le groupe Desamais ; que M. X... était cogérant avec M. Nicolas Y... de cette société, dont il détenait quatre cent quatre-vingt-seize des cinq cents parts ; que M. X... a en outre conclu avec M. Gérard Y... une convention de croupier stipulant qu'ils s'associaient en vue de la souscription par le premier des quatre cent quatre-vingt-seize parts, dont deux cent quarante-huit seraient détenues pour le compte de M. Gérard Y..., et du partage entre eux du produit de ces parts jusqu'au 31 décembre 2000 ou jusqu'à la disparition de la personnalité morale de la société FJM si celle-ci intervenait par anticipation ; qu'au mois de juin 1990, la société FJM a fait l'acquisition de 99,20 % du capital de la société Financière Desamais ; que soutenant que M. Gérard Y... était redevable de sommes au titre de la convention de croupier, M. X... et la société FJM l'ont assigné, ainsi que M. Nicolas Y..., en paiement ; que MM. Gérard et Nicolas Y... se sont opposés à cette prétention et, reconventionnellement, ont demandé la condamnation de M. X... à réparer le préjudice subi par la société FJM du fait de la moins-value de ses titres de participation dans la société Financière Desamais ;
Attendu que MM. Gérard et Nicolas Y... font grief à l'arrêt de condamner le premier au paiement d'une certaine somme à M. X... et de rejeter leur demande d'indemnisation au nom de la société FJM alors, selon le moyen :
1°/ que n'ayant pas la qualité d'associé de la société à laquelle il demeure complètement étranger, le croupier n'est tenu envers celle-ci d'aucune des obligations mises à la charge des associés telles que la contribution au paiement des dettes sociales ; qu'aux termes de la convention de croupe, ne pouvaient être mises à charge de la croupe (article 4 b), outre les frais réels de gestion , que « (2) les moins-values sur les parts », telles que déterminées par cet article selon la règle de calcul fixée à l'article 4 a, ce qui ne pouvait en aucun cas être une valeur négative, le prix minimum d'une part sociale étant nul et « (3) éventuellement en fin de croupe provoquée par la disparition de la personnalité de la société civile (la société FJM), la fraction revenant à l'associé du mali apparaissant à la clôture de liquidation de cette société » ; qu'en l'espèce il est constant que la société FJM n'a pas été liquidée et qu'il n'a pas été mis fin à la croupe en raison de la disparition de cette société ; que dès lors, les pertes de la société FJM au cours de la vie sociale ne figuraient pas au rang des charges de la croupe et ne pouvaient être confondues avec celles de la croupe ainsi que le faisaient valoir MM. Gérard et Nicolas Y... dans leurs conclusions récapitulatives d'appel ; qu'en condamnant néanmoins M. Gérard Y... à payer à M. X... la somme de 200 982 euros, correspondant aux pertes cumulées de la société FJM ramenées au nombre de parts du croupier, la cour d'appel a méconnu les termes de la convention de croupier et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que ce n'est qu'à la fin de la vie d'une société que le montant de ses pertes est déterminé et qu'il peut être partagé entre les associés ; qu'il en va a fortiori de même s'agissant des pertes de la société qui seraient mises à la charge du croupier dès lors que l'engagement de contribuer aux dettes sociales ne s'exécute qu'à la dissolution de la société ; qu'en condamnant M. Gérard Y... à payer à M. X... la somme de 200 982 euros, soit la part estimée du croupier dans les pertes de la société FJM au 31 décembre 2000, alors même que cette société n'a pas été liquidée, motifs pris de ce que le croupier serait mal fondé « à opérer une distinction artificielle entre pertes comptables (en cours de vie sociale) et pertes juridiques à la liquidation de la société civile FJM » et de ce que « M. François X... (aurait supporté) l'autre part dans les pertes », la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1832 et 1844 du code civil ;
3°/ que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et d'en être informé ; que plus particulièrement, le croupier doit être informé par l'associé de la situation de la société ainsi que le prévoyait expressément la croupe en son article 6 b) : « L'Associé s'engage formellement à recueillir l'avis préalable du « Croupier » avant toute participation à une décision collective des associés de la « Société civile¿.» ; que pour débouter MM. Gérard et Nicolas Y... de leur action sociale en responsabilité, exercée en leur qualité d'associés de la société FJM, contre M. X..., la cour d'appel a fait expressément fi du fait que « (¿) M. X... ait commis une faute en s'abstenant d'informer et de proposer à l'associé de la croupe (M. Gérard Y...) de participer à cette augmentation de capital du 18 décembre 1997¿. » ; qu'en statuant ainsi au motif inopérant que « rien ne démontre que la société FJM avait les moyens financiers de souscrire à cette augmentation de capital, ni même qu'elle aurait eu intérêt à le faire », la cour d'appel a violé l'article 1844 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que l'article 4 b) de la convention de croupier stipulait que les charges de la croupe comprenaient, outre les frais de gestion, les moins-values éventuelles constatées sur les parts, déterminées par la différence entre le prix d'acquisition de ces parts et leur valeur réelle actuelle en cas de dissolution de la croupe avant la clôture de la société civile, que les résultats nets seraient déterminés par différence entre produits et charges, et que la participation des associés dans ces résultats nets, positifs ou négatifs, serait, quel que soit leur montant, de 50 % pour l'associé et de 50 % pour le croupier, c'est par une interprétation souveraine du sens et de la portée de cette stipulation, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que les charges de la croupe devaient être déterminées par référence à la valeur réelle des parts de la société FJM au jour de la dissolution de la croupe, intervenue le 31 décembre 2000, et qu'elle en a déduit que M. Gérard Y... devait participer à ces charges à hauteur de la moitié du résultat net négatif arrêté à cette date ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel ayant estimé, par des motifs non critiqués, qu'il n'était pas démontré que le fait pour la société FJM de n'avoir pu souscrire à l'augmentation de capital de la société Financière Desamais lui avait causé un préjudice, la décision se trouve justifiée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.