Cass. 3e civ., 3 juillet 2013, n° 12-17.914
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Proust
Avocat général :
M. Laurent-Atthalin
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 février 2012), que par acte du 28 février 1998, la société Hays logistique France, aux droits de laquelle vient la société Immobilière Erteco (la société Erteco) a donné à bail à la société Bertelsmann services France, aux droits de laquelle vient la société ASF Arvato services France (la société Arvato) des locaux à usage de bureaux à compter du 1er mars 1998 ; que le bail a été renouvelé à compter du 1er mars 2007 ; que par acte du 31 août 2009, la société Arvato a donné congé pour le 31 mars 2010 ; que la société Erteco prétendant que le congé n'avait pu prendre effet qu'au 28 février 2013, la société Arvato l'a assignée en fixation de la date d'effet du congé ;
Attendu que la société Erteco fait grief à l'arrêt de dire que le congé signifié le 31 août 2009 prenait effet le 28 février 2010, alors, selon le moyen :
1°/ que le preneur commercial qui entend mettre fin au contrat de bail en cours ne peut le faire, en l'absence de mention spécifique du contrat, que pour les dates anniversaires des troisième, sixième et neuvième années ; que l'erreur dans la date d'échéance du congé délivré pour une date ne correspondant pas à l'une de ces échéances contractuelles, si elle n'entraîne pas la nullité du congé, ne peut avoir pour conséquence de voir les effets de ce congé anticipés à l'échéance triennale précédente mais doit, tout au contraire, entraîner le report desdits effets à l'échéance triennale suivante ; qu'en énonçant en l'espèce que le congé délivré le 31 août 2009 pour le 31 mars 2010 ¿ date ne correspondant à aucune échéance contractuelle ¿ devait néanmoins voir ses effets anticipés au 28 février 2010, date de la première échéance triennale, cependant que les effets dudit congé ne pouvaient qu'être reportés à l'échéance de la période triennale suivante, soit le 28 février 2013, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce ;
2°/ que le congé délivré le 31 août 2009 mentionnait que le contrat de bail devait « prendre fin le 28 février 2010 » et ne faisait aucunement état de « l'expiration d'une période triennale » ; qu'en énonçant cependant, pour qualifier de « sans équivoque » la volonté du preneur de mettre fin au bail à l'expiration de la première période triennale, que le congé « énonce exactement que l'échéance de la période triennale est le 28 février 2010 », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en énonçant que la volonté du preneur de mettre fin au bail à la date d'expiration de la première période triennale, soit le 28 février 2010, était sans équivoque, tout en constatant elle-même que le congé énonçait expressément avoir été donné pour le 31 mars 2010, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que le délai régissant la délivrance d'un congé commercial, qui court à rebours à partir d'une date déterminée à l'avance, n'est pas soumis aux règles de computation des délais édictées par les articles 640 et suivants du code de procédure civile qui ne concernent que les délais de procédure ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 641 et 642 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que les dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, relatives à la date pour laquelle le congé devait être donné, n'avaient vocation à s'appliquer qu'en cas de tacite prorogation du bail et non à l'occasion d'un congé donné en fin de période triennale et que le congé devait donc être donné pour la fin de période triennale, soit en l'espèce le 28 février 2010, la cour d'appel, qui a relevé par motifs propres et adoptés, sans dénaturation, que le congé, dont la régularité formelle n'était pas contestée, était délivré pour une date différente de l'échéance prévue au bail et pour le dernier jour du trimestre civil mais qu'il traduisait la volonté non équivoque du preneur de mettre fin au bail à l'expiration de la première période triennale, énonçait que le bail prenait fin au 28 février 2010 et que le bailleur, qui avait toujours soutenu que le dernier jour du trimestre civil visé à l'article L. 145-9 était étranger au congé donné pour une échéance triennale, ne s'y était jamais trompé, en a justement déduit que l'erreur commise par la société Arvato sur la date à laquelle son congé devait produire effet n'affectait pas son efficacité ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant à bon droit retenu par motifs propres et adoptés que la règle de computation des délais fixée par l'article 641 du code de procédure civile s'appliquait au congé donné en application de l'article L. 145-4 du code de commerce, la cour d'appel en a justement déduit que le congé signifié le 31 août 2009 respectait le délai de six mois imposé par l'article L. 145-9 du même code et qui expirait le dernier jour du mois de février 2010 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Erteco aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Erteco à payer la somme de 3 000 euros à la société Arvato services France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.