CA Paris, 5e ch. A, 21 novembre 1990, n° 90/5318
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Hagar, Lysczynski-Troiekouroff-Roubaud
Défendeur :
Galitzine, Société Nouvelle Immobilière (SNI), Pitoun
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chavanno
Conseillers :
M. Chardon, Mme Briottet
Avoués :
Me Bernabé, Me Ricard, Me Faure, Me Arnaudy, Me Mira
Avocats :
Me Brouillaud, Me Le Pen, Me Madar
La Cour est saisie de l’appel interjeté par Olga Hagar et Pierre Roubaud du Jugement rendu le 31 janvier 1990 par le tribunal de commerce de Paris qui a débouté 0.Hagar de sa demande de nullité de la promesse de vente consentie par la Société Nouvelle Immobilière (SNI) à Alain Pitoun et a condamné 0.Hagar à payer à A.Pitoun les intérêts au taux légal de la somme de 350.000 F à compter du 29 septembre 1989 jusqu’à la signature de l’acte de vente de la « case Florry », 50.000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que 5.000 F au titre de l’article 700 du NCPC et a condamné in solidum Mme Hagar et M.Roubaud à payer la SNI les intérêts au taux légal de la somme de 5.500.000 F à compter du 29 septembre 1989 jusqu’à la signature de l’acte de vente de la « Casa Florry » et celle de 5.000 F au titre de l’article 700 du NCPC à payer à Georges Galitzine la somme de 5.000 F au titre de l’article 700 du NCPC.
Pour ce qui concerne les faits, la procédure et les prétentions antérieures des parties, il est fait référence au jugement déféré puisqu’il n’est pas contesté que G.Galitzine, en sa qualité de président du conseil d’administration de la S.N.I., a consenti à A.Pitoun une promesse de vente portant sur un immeuble appartenant à cette société et dénommé « cas Florry ». Mme Hagar s assigné le président et Pitoun en nullité de cet acte, la S.N.I. assigné Mite Hagar et un autre associé, P.Roubaud, qui s’opposait à cette vente, en dommages—intérêts.
Les appelants soutiennent que G.Galitzine a outrepassé ses pouvoirs de président car il s’agissait du seul bien de la société et qu’il était l’objet social jans lequel la S.N.I n’a plus d’objet et que la cession totale de l’actif qui entraine la disparition de l’objet social relève de la décision de la “collectivité des associés” et qu’il n’est justifié d’aucune autorisation de l’assemblée générale ou du conseil d’administration. A l’égard de Pitoun, ils soutiennent qu’en sa qualité de marohand de bien implanté dans la région, il ne pouvait ignorer cette situation et que la nullité de la promesse lui est opposable.
Ils concluent à l’infirmation du jugement, à la nullité de cette promesse de vente. Subsidiairement, ils concluent à l’absence de préjudice de Pitoun.
La S.N.I et G.Galitzine répliquent que le président a agi dans le cadre de ses pouvoirs, que cet immeuble n’était qu’un élément de l’objet social et que les associés ont été tenus informés et avaient accepté cette vente.
Ils concluent à la confirmation du jugement, sauf en ce qu’ils ont été déboutés de leurs demandes reconventionnelles, et sollicitent le paiement par Mme Hagar et P.Roubaud des sommes de 500.000 F pour procédure abusive au profit de la S.N.I et de 300.000 F au même titre pour G. Galitzine. Ils sollicitent le paiement de 30.000 F en application de l’article 700 du NCPC.
A.Pitoun réplique que la promesse est valide sur les mêmes moyens que la S.N.I. et Galitzine et qu’en tout état de cause la nullité ne lui serait pas opposable car il ignorait la situation, compte tenu de l’affirmation du notaire relative à la régularité des pouvoirs de Galitzine pour engager la S.N.I.
Il conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne l’évaluation de son préjudice qu’il demande de fixer à 2 millions de francs « en l’état », et demande de réserver ses droits sur un préjudice ultérieur. Il sollicite que les intérêts courent du jour du paiement, le 17 janvier 1989. Il sollicite le paiement de 50.000 F en application de l’article 700 du NCPC.
Sur quoi, la Cour,
Considérant, sur la nullité de la promesse de vente, qu’en application de l’article 113 de la loi du 24 juillet 1966, le président du conseil d’administration dispose “des pouvoirs les plus étendus” pour agir au nom de la société; qu’il peut donc ,notamment ,vendre un immeuble sans autorisation préalable des actionnaires, en l’absence d’une telle exigence des statuts, mais qu’il doit respecter l’objet social;
Considérant qu’en l’espèce l’objet de cette société est précisé dans l’article 2 de ses statuts : ”la propriété, l’administration et l’exploitation par bail, location ou autrement de tous immeubles et notamment de la propriété appelée « casa Florry » située commune d’Anglet (Basses Pyrénées) avenue des Crites,
l’achat, la prise à bail avec ou sans promesse de vente, la location de tous immeubles bâtis ou non bâtis, ainsi que leur administration ou exploitation, l’achat de toutes valeurs mobilières ou autres,
l’aliénation en totalité ou en partie des biens meubles ou immeubles de la société, même par appartoments, soit sous la forme de vente, échange ou apport en société,
et généralement de toutes opérations quelconques devant se rattacher directement ou indirectement à son objet”;
Qu’ainsi il apparait que l’objet social était particulièrement vaste et que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la maison “casa Florry” ne représentait qu’une partie de l’objet social voulu par les associés eux-mêmes;
qu’il entrait dans cet objet et donc dans le cadre des pouvoirs du président « d’aliéner un bien immeuble » et que le fait qu’il s’agisse du seul bien immobilier de la société à ce moment-là ne modifie en rien le principe puisque le prix de vente était au crédit de la société qui pouvait l’utiliser pour continuer l’un des nombreux éléments de l’objet social, sans doute moins déficitaire, et que donc, contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette cession n’entraine pas la “disparition” de l’objet social, alors qu’au surplus “l’aliénation en totalité des biens immeubles” était prévue dans les statuts;
Considérant que rien dans les statuts ne soumettait cet acte courant des fonctions du président à l’approbation des associés;
Considérant qu’en conséquence le jugement doit être a confirmé de ce chef ;
Considérant, sur les demandes de A. Pitoun, que c’est à bon droit que le tribunal à décidé qu’il pouvait prétendre aux intérêts sur la somme de 350.000 F qu’il a versée à la SN.I. et inutilisable du seul fait de l’instance diligenté par Mme Hagar, puis l’appel de celle-ci et de P.Roubaud et qu’il était d’une prudence élémentaire de la part dis notaires et des partie de suspendre la passation de tout acte de vente ; que c’était bien là le but recherché par les appelants qui doivent dès lors réparer les conséquences de leurs actes, ces intérêts étant dus sur cette somme depuis le 29 septembre 1989 puisqu’entre son versement et la date prévue pour passer l’acte de vente elle était de toutes façons bloquée et improductive d’intérêts pour Pitoun ;
Considérant que de nombreuses factures versées par Pitoun pour justifier de son préjudice émament de sociétés qui ne sont pas dans la cause; que d’autres sont relatives à d’autres opérations ou ne correspondent pas à la même période; que d’autres frais ne représentent pas un préjudice dans la mesure où ils sont relatifs à des actes nécessaires et utiles à Pitoun (permis de construire, recherche de clients); que les fonds qu’il prétend avoir dû rembourser ne lui étaient pas entièrement destinés et devaient rester indisponibles;
Qu’ainsi ses prétentions doivent être ramenées à de plus raisonnables proportions pour réparer son préjudice réel démontré; qu’il le sera par la somme justement fixée par les premiers juges;
Considérant que la réparation de ce préjudice ne saurait incomber ni à la S.N.I. ni à son représentant, G.Galitzine, qui a agi dans le cadre de ses fonctions; que le jugement doit encore être confirmé de ce chef;
Considérant que la S.N.I. est bien fondée dans sa demande d’intérêts sur le prix de vente qu’elle aurait dû percevoir sans la procédure diligentée par Mme Hagar et l’opposition de Roubaud; que le jugement sera là encore confirmé;
Considérant qu’il n’est démontré aucun abus ni intention malicieuse dans l’utilisation de voies de droit qui étaient ouvertes aux parties;
Considérant qu’il n’est justifié d’aucun autre préjudice;
Considérant que les appelants doivent être condamnés aux entiers dépens et ne peuvent donc pas bénéficier des dispositions de l’article 700 du NCPC; qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de leurs adversaires les frais, non compris dans ces dépens, qui doivent être fixés à 8.000 F pour chacun des intimés devant la Cour, les premiers juges ayant justement évalué ceux de première instance;
Par ces motifs,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne in solium Olga Galitzine épouse Hagar, et Pierre Roubaud à payer à chacun des intimés, la S.N.I., Georges Galitzine et Alain Pitoun, la somme de huit mille francs (8.000 F) au titre de l’article 700 du NCPC;
Déboute des parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne Olga Hagar et Pierre Roubaud aux entiers dépens d’appel et admet Mes Faure et Arnaudy avoués associés, d’une part, et Me Mira, avoué, d’autre part, au bénéfice de l’article 699 du NCPC.