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Décisions

Cass. com., 1 octobre 1996, n° 94-10.953

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocats :

M. Lafortune, SCP Defrénois et Levis, Me Le Prado, SCP Célice et Blancpain

Lyon, du 3 déc. 1993

3 décembre 1993

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 décembre 1993), que la Caisse d'épargne et de prévoyance de La Rochelle a avalisé douze lettres de change tirées par la Société d'études et de constructions de bâtiments (Secob) et acceptées par le tiré ; que la Secob a endossé ces effets à l'ordre de la société SNIG Feyzin qui lui a versé en contrepartie une somme sensiblement inférieure à celui du montant des effets ; que ceux-ci étant restés impayés à l'échéance, la société SNIG Feyzin a poursuivi en paiement la Caisse d'épargne ; que cet établissement a soutenu que la société Feyzin ne pouvait bénéficier de droits cambiaires, l'acquisition des effets par elle ayant été subordonnée non pas à la perception d'agios proportionnels, comme en matière d'escompte, mais d'une somme forfaitaire, caractéristique, selon lui, d'une " cession de créance aléatoire " ; qu'il a également conclu à l'annulation de l'opération financière comme étant contraire à l'objet social de la société Feyzin, et réservée aux banques ;

Sur la recevabilité de l'intervention accessoire de M. le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget :

Attendu que le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget invoque, pour prétendre à la recevabilité de son intervention accessoire au soutien du pourvoi, l'article 85 de la loi du 24 janvier 1984 autorisant la Commission bancaire à se constituer partie civile en cas d'infractions prévues aux articles 75 et 84 de cette loi ;

Attendu que ce texte ne prévoyant pas une action devant la juridiction civile aux fins d'annulation d'opérations de banques pratiquées par d'autres que les établissements de crédit, l'intervention n'est pas recevable ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt du rejet de sa prétention à faire qualifier de " cession de créance aléatoire " l'opération financière pratiquée par la société SNIG Feyzin, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acquisition d'effets de commerce contre paiement d'une somme forfaitaire très inférieure à la valeur nominale des effets ne saurait constituer une opération d'escompte laquelle suppose un intérêt proportionnel au temps restant à courir jusqu'à l'encaissement du titre et constitue une cession de créance aléatoire exclusive de tout recours contre les signataires des effets ; qu'en décidant du contraire la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1964 du Code civil, 119 du Code de commerce ; et alors, d'autre part, qu'en retenant que, dans un protocole demeuré sans suite, la Caisse d'épargne de La Rochelle n'avait pas contesté sa qualité d'avaliste et la nature juridique de l'opération d'escompte effectuée par la société SNIG Feyzin, la cour d'appel a retenu un aveu portant sur des points de droit et non sur des points de fait et a violé l'article 1354 du Code civil ;

Mais attendu qu'indépendamment de la référence, surabondante, à la reconnaissance confirmatrice de sa qualité d'avaliste par la Caisse d'épargne, l'arrêt relève que les effets litigieux présentent les mentions exigées par la loi pour valoir titres cambiaires et que la société SNIG Feyzin en est endossataire régulier ; que la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le mode inhabituel de la fixation de la rémunération prélevée par cette société ne la prive pas de ses droits cambiaires ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la Caisse d'épargne fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions tendant à l'annulation de l'acquisition des effets litigieux par la société SNIG Feyzin, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les dispositions de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 qui déclarent, dans les rapports avec les tiers, que la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, n'interdisent pas aux tiers de se prévaloir d'un dépassement de l'objet social pour justifier de la nullité d'une telle opération ; qu'ainsi, la cour d'appel, en décidant du contraire, a violé les dispositions de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 et, en réservant à la seule société et à ses membres la possibilité de solliciter la nullité d'un tel acte, a violé les articles 2 et 113 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, d'autre part, que l'escompte pratiqué par la société SNIG Feyzin constituait une opération de banque, réservée de par la loi aux seuls établissements de crédit et ne pouvait donc entrer dans l'objet social de cette société ou même avoir un lien avec cet objet, toute personne intéressée étant fondée à invoquer ce dépassement pour obtenir l'annulation de l'acte conclu au mépris du monopole des établissements de crédit ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 2 et 113 de la loi du 24 juillet 1966, ainsi que les articles 1 et 10 de la loi du 10 janvier 1984 ;

Mais attendu que l'acquisition d'effets de commerce par le dirigeant d'une société est opposable aux tiers, indépendamment de toute référence à l'objet social ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE l'intervention de M. le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget ;

REJETTE le pourvoi.