Cass. com., 1 juin 2022, n° 20-18.960
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Etablissements H. Baudet et fils (SAS)
Défendeur :
Claas France (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Comte
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2020), depuis 2004, la société Etablissements H. Baudet et fils (la société Baudet) distribuait le matériel commercialisé par la société Claas France (la société Claas) en vertu de contrats de distribution, qui s'inscrivaient dans une relation commerciale de 56 ans, dans la mesure où la société Class avait succédé à la société Renault agriculture qui collaborait avec la société Baudet.
2. Par lettre du 26 septembre 2014, la société Claas a signifié à la société Baudet sa décision de ne pas lui proposer un nouveau contrat de distribution à compter du 1er octobre 2014, lui accordant un préavis de 18 mois, soit jusqu'au 31 mars 2016, porté ultérieurement à 30 mois, par une lettre du 27 octobre 2015.
3. La société Baudet a mis fin à l'exécution du préavis par lettre du 29 octobre 2015.
4. Reprochant à la société Claas une rupture brutale de leur relation commerciale établie, la société Baudet l'a assignée en réparation de ses préjudices.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Baudet fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir juger que la société Claas aurait dû lui consentir un préavis d'une durée de 36 mois et à la voir condamnée à lui verser une indemnité d'un montant de 618 300 euros en réparation du préjudice subi, alors « qu'en cas de rupture d'une relation commerciale établie, le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture ; qu'en jugeant que le préavis de rupture d'une durée de 18 mois accordé par la société Claas était suffisant dès lors que la société Baudet avait unilatéralement décidé de ne pas accepter la prorogation proposée par la société Claas, la cour d'appel, qui a statué au regard d'une circonstance postérieure à la notification de la rupture, a violé l'article L. 442-6 I. 5 ancien du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 :
6. Il résulte de ce texte que le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture.
7. Pour rejeter la demande, la cour d'appel a retenu que la société Baudet ne pouvait prétendre à réparation pour 18 mois de préavis manquants dès lors qu'elle a unilatéralement décidé de mettre fin à ce préavis, rendant impossible la prolongation à 30 mois que la société Claas lui avait accordée dès le 27 octobre 2015.
8. En statuant ainsi, en se fondant sur une circonstance postérieure à la notification de la rupture et sans fixer, hors cette circonstance, la durée de préavis à laquelle la société Baudet pouvait prétendre, notamment, au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.