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Décisions

Cass. com., 11 juillet 2006, n° 04-16.759

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Pietton

Avocat général :

M. Casorla

Avocat :

Me Spinosi

Rennes, du 20 avr. 2004

20 avril 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, de 1990 à 1995, MM. X et Y ont eu des intérêts communs dans le fonctionnement d'une société en participation (la société) ayant, à l'origine, pour objet, la revente de médicaments à usage vétérinaire pour les besoins de leurs professions respectives de pharmacien et de vétérinaire, le premier acceptant de délivrer à sa clientèle des médicaments vétérinaires sans prescriptions préalables que le second régularisait ultérieurement lors de ses visites d'élevage ; qu'à la suite de désaccords entre les associés dans l'établissement de leurs comptes après la dissolution de la société, M. X a saisi le tribunal de commerce en vue d'obtenir le paiement d'une certaine somme dont le montant résultait d'un état liquidatif établi par un expert nommé par le juge des référés, et la restitution d'une autre somme versée par lui au titre d'un apurement partiel de leurs comptes ;

que le tribunal de commerce a constaté la nullité de la société en raison du caractère illicite de son activité et a déclaré irrecevables les demandes de M. X, sur le fondement de l'adage "nemo auditur" ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement constatant la nullité de la société, alors, selon le moyen, qu'aux termes des articles 1131 et 1133 du code civil, un contrat est nul lorsque sa cause est illicite, soit qu'elle est prohibée par la loi, soit qu'elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ; que la violation des règles déontologiques entraînent des sanctions disciplinaires mais ne saurait entraîner à elle seule la nullité d'un contrat pour cause illicite, sans que soit constaté que ce contrat est contraire à l'ordre public ; que, partant, ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 1844-10, 1131, 1133 du code civil, ensemble l'article 6 du même code, la cour d'appel qui annule un contrat de société pour cause illicite en se bornant à relever qu'il est contraire aux règles déontologiques d'une profession, sans caractériser que ce contrat était contraire à l'ordre public ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'activité de la société portait sur des pratiques illicites constitutives de manquements graves aux dispositions d'ordre public du code de la santé publique relatives à la délivrance de médicaments vétérinaires réglementée par l'article L. 5143-5 dudit code, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à une appréciation portée au regard des seules règles déontologiques de la profession de pharmacien, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1131 du code civil ;

Attendu que l'objet illicite d'une société ne fait pas obstacle aux opérations d'apurement des comptes entre les associés, consécutives à sa dissolution ;

Attendu que pour déclarer irrecevable les demandes de M. X, l'arrêt retient qu'il y a lieu de refuser la répétition dès lors que les parties ont également participé à l'illicéité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en restitution de la somme de 36 587,76 euros, l'arrêt rendu le 20 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.