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Décisions

CA Paris, ch. 3, 27 janvier 2021, n° 19/14665

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SASU PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE

Défendeur :

Monsieur Serge C.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Agnès THAUNAT

Conseillers :

Madame Sandrine GIL, Madame Elisabeth GOURY

Avocats :

Me Frédérique E., Me Bruno T.

TGI Paris, du 25 juin 2019

25 juin 2019

Selon un acte authentique en date du 24 décembre 1989, les époux Serge C. ont fait l'acquisition dans l'immeuble LA GOELETTE dépendant de la résidence de tourisme PIERRE ET VACANCES dénommée LES PORTES DE L'OCEAN du lot numéro 8. Ce bien par acte du 28 septembre 1989 a été donné à bail commercial par les époux C. à la société UGIGEET, ou à toute société qu'elle se substituerait, pour onze années consécutives, à compter du lendemain du jour de l'achèvement de l'ensemble immobilier.

A la suite d'un congé délivré le 29 mai 2000 par la société PIERRE ET VACANCES TOURISME FRANCE, M. et Mme Serge C. lui ont, par acte sous seing privé en date du 22 novembre 2000, donné à bail commercial l'appartement 8, lot n°8, dépendant de l'immeuble dit LA GOELETTE, situé au sein de la [...] pour une durée de 9 ans et 9 mois à compter du 1er janvier 2001 pour s'achever le 30 septembre 2010, sauf résiliation anticipée à l'initiative du preneur pour la première fois le 30 septembre 2004, puis à la fin de chaque période triennale, en application de l'article 3 du décret du 30 septembre 1953", ou 'à l'initiative du bailleur, pour la première fois le 30 septembre 2004 puis à la fin de chaque période triennale, sous un préavis minimum de six mois'.

Puis, par acte sous seing privé du 21 septembre 2010, M. et Mme Serge C. ont donné à bail renouvelé à la SAS PIERRE & VACANCES MAEVA TOURISME EXPLOITATION, aux droits de laquelle vient la SAS PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE, un appartement n°8, lot n°0008-10, dépendant de l'immeuble dit GOELETTE situé au sein de la [...] pour une durée de 11 ans à compter du 1er octobre 2010, s'achevant sauf résiliation anticipée le 30 septembre 2021, moyennant un loyer annuel en numéraire de 2.350 euros hors taxes et un loyer en nature correspondant à un droit de séjour de six semaines par an pour une activité commerciale "d'exploitation d'une résidence de tourisme ou para hôtelière de résidence de loisirs, consistant en la sous location dudit local meublé et équipé pour des périodes de temps déterminées, avec la fourniture de différents services ou prestations de services ".

Cet acte stipulait que le bail 'pourra prendre fin par anticipation sous un préavis de six mois:

- à l'initiative du bailleur, pour la première fois le 30 septembre 2012, puis à la fin de chaque période triennale, sous un préavis minimum de six mois ;

- [que] dans le cas où le bailleur souhaiterait mettre en vente son bien ci-dessous référencé, il pourra le faire en utilisant la faculté de résiliation annuelle pour cause de vente, (30 septembre de chaque année). Il devra préalablement à la réalisation de la vente avoir demandé la résiliation de son bail, par courrier recommandé avec accusé de réception dans le respect d'un préavis de trois mois, soit avant le 1er juillet de chaque année. Cette demande sera accompagnée de la copie du compromis signé.'

Par acte d'huissier de justice du 24 mars 2015, la SAS PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE a fait délivrer à M. et Mme Serge C. un congé pour le 30 septembre 2015 au seul visa des articles L145-4 et L145-9 du code de commerce en rappelant que ces textes disposent que 'le preneur aura la faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale' et que 'la partie qui voudra mettre fin au bail devra donner congé à l'autre au moins six mois avant l'expiration de la période triennale en cours'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 juin 2015, le conseil de M. et Mme Serge C. a contesté la régularité de ce congé au regard de l'article L145-7-1 du code de commerce et souligné en outre et au surplus que la date d'effet du congé était erronée et ne correspondait pas à la fin d'une période triennale.

Par acte d'huissier de justice en date du 24 septembre 2015, M. Serge C. a fait assigner la SAS PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE devant la 18ème chambre du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir :

- dire nul et de nul effet le congé délivré le 24 mars 2015 par la SCP N., huissier de justice,

- dire et juger que le bail continue à produire ses effets jusqu'à l'expiration de sa durée initiale,

- condamner la société PIERRE ET VACANCES au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de dommages et intérêts,

- condamner la société PIERRE ET VACANCES au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société PIERRE ET VACANCES en tous les dépens.

Saisi par conclusions d'incident de la société PV RÉSIDENCES & RESORTS FRANCE, par ordonnances du 14 décembre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L145-7-1 du code de commerce.

Par arrêt du 16 mars 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité au motif que "la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que la différence de traitement existant entre les preneurs de logements situés dans une résidence de tourisme classée, qui seuls ne peuvent user de la faculté de résiliation triennale, et les autres locataires commerciaux, est justifiée par un motif d'intérêt général d'ordre économique tenant à la nécessité de garantir la pérennité de l'exploitation des résidences de tourisme classées, lequel est en rapport avec l'objet de la loi qui est de protéger les propriétaires du risque de désengagement, en cours de bail, des exploitants".

Par jugement en date du 25 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

Constaté que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cause ne bénéficie qu'au bailleur,

Déclaré sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée au bailleur,

Dit et jugé que le congé délivré par la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE le 24 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021,

Dit n'y avoir lieu à déclarer nul le congé délivré le 24 mars 2015,

Condamné la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 14.154€,

Débouté M. C. de sa demande en paiement de la somme de 2.207€ à titre de contrepartie financière du loyer payable en nature prévu au bail,

Débouté M. C. de sa demande en paiement de la somme de 14.154€ à titre de dommages et intérêts,

Condamné la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Rejeté les autres demandes,

Condamné la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître JD M., avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 16 juillet 2019, la SASU PV RESIDENCES ET RESORTS FRANCE a interjeté appel de ce jugement.

Le 29 novembre 2019, M. et Mme C. ont formé un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 30 septembre 2020, la SASU PV RESIDENCES ET RESORTS FRANCE, demande à la Cour de :

Vu les dispositions du bail commercial,

Vu l'article L. 145-7-1 du Code de commerce,

Vu l'article L. 145-60 du Code de commerce,

- INFIRMER le jugement rendu le 25 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a :

- Constaté que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cours ne bénéficiait qu'au bailleur ;

- Déclaré sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée à la preneuse ;

- Jugé que le congé délivré par la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE le 24 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021,

- Condamné la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du jugement dont appel ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 14.154€ ;

- Condamné la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Condamné la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE aux entiers dépens avec distraction au profit de M. JD M., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

- CONFIRMER le jugement rendu le 25 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a :

- Débouté M. C. de sa demande en paiement de la somme de 2.207 € au titre de la contrepartie financière du loyer payable en nature prévu au bail ;

- Débouté M. C. de sa demande en paiement de la somme de 14.154€ à titre de dommages et intérêts,

En conséquence et statuant à nouveau,

- JUGER que la demande de M. C. est irrecevable et prescrite depuis le 22 septembre 2012,

- JUGER que la validité du congé de la PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE délivré en application de la faculté de résiliation triennale prévue contractuellement ne peut aucunement être remise en cause depuis le 22 septembre 2012,

- JUGER que le congé signifié par la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à M. C. est valable

- DEBOUTER M. C. de l'ensemble de ses demandes

- CONDAMNER M. C. à payer à la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER M. C. aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par le RVPA le 29 novembre 2019, M. Serge C. et Mme Chantal VAN H. épouse C., demandent à la Cour de :

Vu l'article L145-7-1 du code de commerce,

CONFIRMER le jugement attaqué du tribunal de grande instance du 25 juin 2019 en ce qu'il :

« Constate que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cause ne bénéficie qu'au bailleur,

Rejette comme étant sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée au bailleur,

Dit et juge que le congé délivré par la Sté PV RESIDENCES & RESORTS France le 25 mars 2015 (sic) prendra effet le 30 septembre 2021,

Dit n'y avoir lieu à déclarer nul le congé délivré le 25 mars 2015 (sic),

Condamne la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à la Sté 3E (sic) la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Rejette les autres demandes,

Condamne la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître B. T. (sic), avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile. »

INFIRMER le jugement attaqué du tribunal de grande instance du 25 juin 2019 en ce qu'il :

« Condamne la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 14.154 €,

Déboute M. C. de sa demande en paiement de la somme de 2.207 € à titre de contrepartie financière du loyer payable en nature prévu au bail,

Déboute M. C. de sa demande en paiement de la somme de 14.154€ à titre de dommages et intérêts, »

JUGER que la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE a résilié unilatéralement et à tort le bail commercial signé avec M. et Mme C..

JUGER que le congé de PV RESIDENCES & RESORTS France est irrégulier et que l'ensemble des loyers pour la durée du bail commercial signé sont dues.

CONDAMNER la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. et Mme C. la somme de 19.541 euros au titre de la dette locative, correspondant à la partie en numéraire du loyer jusqu'au terme du bail, majorée suivant le taux d'intérêt légal à compter de l'assignation de M. et Mme C..

CONDAMNER la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. et Mme C. la somme de 6.312 euros au titre de la dette locative, correspondant à la partie en nature du loyer jusqu'au terme du bail, majorée suivant le taux d'intérêt légal à compter de l'assignation du 17 mars 2016 de M. et Mme C..

CONDAMNER la société PV RESIDENCES & RESORTS France à régler à M. et Mme C. la somme d'un montant de 5469,60 € correspondant aux charges jusqu'au terme du bail ; 311,39 € d'arriérés de charges ; les taxes des ordures ménagères pour un montant de 509 € ; le remboursement des factures d'eau pour 1329€, des factures d'électricité de 1232,73 €, des frais d'assurance de 943€, la taxe d'habitation résidence secondaire de 1650€, la taxe locale CFE mairie de 750€.

CONDAMNER la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. et Mme C. la somme de 15.000 euros au titre de sa résistance abusive.

CONDAMNER la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. et Mme C. la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

Le preneur soutient que l'action des bailleurs serait prescrite depuis le 22 septembre 2012 aux motifs que le bail liant les parties contient une clause octroyant au preneur une faculté de résiliation triennale, qu'en assignant le preneur en nullité du congé délivré en violation de l'article L145-7-1 du code de commerce, le bailleur a entendu remettre en question la clause sur laquelle le preneur s'est fondé pour délivrer ledit congé ; qu'en conséquence la validité du congé ne peut être appréciée qu'au regard de la validité de la faculté de résiliation triennale stipulée aux termes du bail commercial, or en application de l'article L145-60 du code de commerce l'action en nullité de cette clause est prescrite étant, en outre, soutenu que la loi 18 juin 2014, dite loi PINEL en ce qu'elle a transformé la sanction applicable aux clauses contraires aux dispositions d'ordre public énoncées aux articles L145-15 et L145-16 du code de commerce, en substituant le 'non écrit' à la nullité est inapplicable en l'espèce ; ce à quoi, s'opposent les bailleurs qui concluent sur ce point à la confirmation du jugement entrepris.

En l'espèce, les bailleurs ont introduit une action en nullité du congé qui leur avait été délivré au visa des articles L145-4 et L145-9 du code de commerce. Ce congé ne vise aucune clause du contrat liant les parties. Dans ces conditions, l'examen de la validité de la clause litigieuse est sans objet à ce stade, puisqu'elle ne fonde pas l'action.

L'action en nullité d'un congé est soumise à la prescription biennale de l'article L145-60 du code de commerce. Le congé ayant été délivré le 24 mars 2015 pour le 30 septembre 2015, l'action en nullité du congé, introduite par acte d'huissier de justice en date du 24 septembre 2015, enrôlée auprès du greffe du tribunal de grande instance de Paris sous le n°RG15/1471, c'est à dire dans le délai de deux ans, n'est pas prescrite.

Sur l'application des dispositions de l'article L145-7-1 du code de commerce au bail litigieux

Le preneur conclut sur ce point à l'infirmation du jugement entrepris. Il soutient principalement qu'il ne convient pas de retenir une application littérale de l'article L145-7-1 du code de commerce, car tous les baux renouvelés ne sont pas signés et qu'une application littérale du texte conduirait à créer des différences entre bailleurs, parfois au sein de la même résidence, qu'ils aient ou non signé un bail commercial ; que compte tenu de la rédaction du texte sujet à interprétation, il y a lieu pour en déterminer la portée de se référer aux travaux parlementaires et au but poursuivi par le législateur ; qu'il en résulte que ce texte n'est applicable qu'aux baux commerciaux initialement conclus entre un bailleur et un preneur, et non aux baux renouvelés, même dans l'hypothèse où ces derniers feraient l'objet d'un avenant signé par les parties.

Les bailleurs concluent sur ce point à la confirmation du jugement entrepris, l'article L145-7-1 du code de commerce interdisant au preneur de donner congé à l'issue de chaque période triennale étant applicable en l'espèce et son non-respect entraînant la nullité du congé délivré en application de l'article L145-4 du code de commerce.

La cour rappelle que l'article L145-7-1 du code de commerce dispose que :

'Les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidence de tourisme mentionnées à l'article L321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale.'

L'article L145-4 du code de commerce dans sa rédaction modifié par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006, en vigueur à l'époque de la rédaction de l'article L145-7-1 susvisé, dispose que :

'La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9.

Le bailleur a la même faculté s'il entend invoquer les dispositions des articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 afin de construire, de reconstruire ou de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l'immeuble dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain. [...]'

La notion de 'baux commerciaux signés' retenue par la rédaction de l'article L145-7-1 créé et inséré dans le code de commerce par la loi n°2009-888, 22 juillet 2009, n'est pas courante en la matière des baux commerciaux, puisque ceux-ci peuvent être verbaux, qu'il en est fréquemment ainsi s'agissant des baux renouvelés, l'article L145-57 du code de commerce prévoyant expressément ce cas lorsque le bailleur refuse de soumettre à la signature du preneur un nouveau bail, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail, valant bail.

Dans ces conditions, ce texte qui n'a que l'apparence de la clarté, doit en conséquence être interprété.

Il résulte des débats parlementaires que ce texte a été introduit dans la loi sur amendement sénatorial, afin de lutter contre le désengagement du preneur lors du bail initial et parfois même lors de la première période triennale du bail initial, ce qui avait notamment pour effet de priver les bailleurs du bénéfice fiscal qu'ils pensaient obtenir en concluant ce type de baux commerciaux. Cet avantage fiscal prenant fin avec le premier bail, l'article L145-7-1 du code de commerce qui institue un régime dérogatoire au régime légal de droit commun qui permet au preneur de mettre fin au bail à l'issue de chaque période triennale en application de l'article L145-4 du code de commerce, et protège ainsi le bailleur pendant la durée initiale de neuf ans de toute perte de l'avantage fiscal, n'a plus de justification en ce qui concerne les baux ultérieurement renouvelés, or, il est de principe que la loi cesse, là où cesse ses motifs.

En outre, l'application littérale du texte, en ce qu'il se réfère à la notion de 'signature', aurait pour effet d'établir une différence entre les bailleurs qui auraient signé un contrat de bail renouvelé et ceux auxquels un tel document n'aurait pas été proposé à la signature, mais qui seraient néanmoins tenus envers le preneur par un bail renouvelé non signé, ce qui serait dépourvu de sens.

De même, aucun avantage fiscal n'étant lié à la conclusion des baux successifs pour un même bien, quand bien même ne s'agirait-il pas à proprement parler de baux renouvelés, faute pour le preneur d'établir qu'il vient aux droits du preneur initial, alors que cette preuve lui incombe si elle est contestée par l'autre partie, mais uniquement à la conclusions des baux initiaux conclus lors de l'édification de la résidence de tourisme ou de sa réhabilitation selon les conditions prévues au code général des impôts, l'article L145-7-1 du code de commerce, en ce qu'il établit une exception au principe de droit commun ouvrant droit au preneur d'exercer un droit de résiliation triennale, ne peut trouver à s'appliquer à ces baux.

En conséquence, il convient d'interpréter l'article L145-7-1 du code de commerce, en ce que le terme 'baux signés' renvoie à la notion de "baux initiaux conclus lors de l'édification de la résidence ou lors de sa réhabilitation selon les conditions fixées au code général des impôts".

Dans ces conditions, s'agissant en l'espèce d'un bail renouvelé et en toute hypothèse d'un bail qui n'est pas le bail initial conclu après la construction de l'immeuble ou sa réhabilitation dans des conditions permettant aux propriétaires d'obtenir des avantages fiscaux, le preneur pouvait délivrer un congé au bailleur afin d'y mettre un terme en fin de période triennale, en application de l'article L145-4 du code civil.

Sur la validité du congé

Le bail renouvelé, dont s'agit, a pris effet au 1er octobre 2010. En conséquence, la première période triennale prenait fin au 30 septembre 2013 et la seconde période triennale au 30 septembre 2016.

Le congé litigieux a été délivré par acte d'huissier de justice en date du 24 mars 2015 pour le 30 septembre 2015.

Il est constant qu'un congé délivré pour une date erronée n'est pas nul, mais voit ses effets reportés jusqu'à la date pour laquelle il aurait dû être délivré. En l'espèce, le congé a été délivré pour le 30 septembre 2015, alors qu'il aurait dû être délivré pour le 30 septembre 2016. En conséquence, le bail renouvelé dont s'agit a pris fin au 30 septembre 2016.

Sur la demande en paiement des loyers

Les bailleurs sollicitent la condamnation du preneur à leur payer les loyers jusqu'au terme du bail. Ils reconnaissaient dans leur écritures avoir reçu les clés des biens loués en octobre 2016.

Le bail liant les parties ayant régulièrement pris fin le 30 septembre 2016 de par l'effet du congé régulièrement délivré pour la fin de la première période triennale, le preneur reste redevable envers les bailleurs des loyers échus pour la période écoulée entre 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016.

Par courrier recommandé en date du 11 octobre 2016, adressé aux époux C., par la société PV RESIDENCES et RESORTS FRANCE, du groupe PIERRE et VACANCES, la société a reconnu que le congé n'ayant pas été délivré dans les délais de l'article L145-4 du code de commerce, ses effets en étaient reportés à la fin de la période triennale suivant sa délivrance et indiqué qu'elle avait en conséquence poursuivi l'exploitation de la résidence jusqu'au 30 septembre 2016. Elle indiquait également dans ce courrier que les époux C. n'avaient pas donné suite au contrat de mandat de gestion locative pour l'exploitation du bien à partir du 1er octobre 2016 qu'elle leur avait adressé ; confirmait que l'appartement était désormais libre, les invitait à prendre contact dans les 8 jours pour l'établissement d'un état des lieux contradictoire et précisait qu'à défaut elle leur restituerait les clés.

Il ressort d'un document intitulé 'décompte de loyers [...] pour l'échéance du 1/10/2014 au 30/ 09/2015" établi par la société locataire que 'le loyer en espèce forfaitaire conformément [au] bail' s'élevait à la somme de 2501,08 euros HT soit 2751,19 euros TTC et le loyer en nature à la somme de 4894,77 euros HT et 5384,25 euros TTC ' (prorata : 365/365).

Dès lors, les bailleurs sont bien fondés à solliciter le paiement des loyers en numéraire pour la période écoulée entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016, date d'effet du congé. A compter de cette date le preneur n'est redevable que d'une indemnité d'occupation jusqu' à la restitution des clés. Cependant, il convient d'observer qu'aucune demande en ce sens n'est faite par les bailleurs et que sauf à statuer ultra petita aucune indemnité d'occupation ne peut être fixée pour la période écoulée entre la fin du contrat de bail et la restitution des clés aux bailleurs.

Par ailleurs, les bailleurs n'établissent pas que la résidence n'était plus exploitée depuis la délivrance du congé, ainsi qu'ils le soutiennent, ce qui est contredit par le courrier daté du 11 octobre 2016, que leur a adressé le preneur par lequel il reconnaissait que la date d'effet du congé devait être différée à l'expiration de la période triennale et indiqué qu'il poursuivait l'exploitation de la résidence. Rien ne vient établir que les bailleurs n'ont pu jusqu'à la restitution des clés par le preneur jouir en nature de leur bien, selon les stipulations contractuelles. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter leur demande de paiement de ce chef.

En outre, les bailleurs n'établissent par la production d'aucune pièce que des charges n'auraient pas été payées par le preneur pour la période écoulée jusqu'à la fin du bail et la restitution des clés, les documents qu'ils produisent aux débats correspondant à une période postérieure à la restitution des clés. Ils seront en conséquence déboutés de ce chef de demande.

Sur les demandes accessoires

Les intérêts de retard sur les sommes dues seront calculés conformément à l'article 1155 du code civil, l'action ayant été introduite avant la réforme de ce texte.

Les bailleurs ne pourront qu'être déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, le congé litigieux étant validé par le présent arrêt même si ses effets ont été reportés afin de respecter les dispositions de l'article L145-4 du code de commerce.

Le jugement entrepris étant partiellement confirmé, il le sera en ce qui concerne le sort des dépens de première instance, ainsi que celui de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et le preneur, qui succombe dans ses prétentions, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- dit et jugé que le congé délivré par la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE le 24 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021 ;

- Condamné la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. C. les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 14.154 €,

L'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit et juge que le congé délivré par la société PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE le 24 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2016 ;

Condamne la Sté PV RESIDENCES & RESORTS FRANCE à payer à M. Serge C. et Mme Chantal VAN H. épouse C., ensemble, en deniers ou quittances, la somme de 2501,08 euros HT soit 2751,19 euros TTC au titre des loyers contractuels échus entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2016, outre les intérêts au taux légal au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, en application de l'article 1155 (ancien) du code civil,

Déboute les bailleurs de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PV RESIDENCES et RESORTS FRANCE aux entiers dépens.