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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 27 janvier 2021, n° 19/14773

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SASU PV

Défendeur :

SARL 3 E

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Agnès THAUNAT

Conseillers :

Madame Sandrine GIL, Madame Elisabeth GOURY

Avocats :

Me Frédérique E., Me Bruno T.

CA Paris n° 19/14773

26 janvier 2021

Par acte sous seing privé non daté, la SARL 3 E a donné à bail commercial à la SA PIERRE ET VACANCES TOURISME FRANCE, un appartement n°S005, lot n°5 dépendant de l'immeuble dit LES SANTOLINES situé [...] à compter du lendemain du jour de l'achèvement de l'ensemble immobilier, pour deux périodes consécutives, la première du jour de la date de prise d'effet du bail jusqu'au 30 septembre suivant et la seconde pour les neuf années entières et consécutives suivantes.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2011, la SARL 3 E a donné à bail renouvelé à la SAS PV-CP RÉSIDENCES EXPLOITATION, actuellement dénommée SAS PV [...], un appartement n°0005-42, lot n°S005, à usage commercial dépendant de l'immeuble dit LES SANTOLINES situé [...] à compter du 1er octobre 2011 pour s'achever le 30 septembre 2021 moyennant un loyer annuel en numéraire de 5.810 euros hors taxes, augmenté de la TVA au taux en vigueur, pour une activité commerciale "d'exploitation d'une résidence de tourisme ou para hôtelière de résidence de loisirs, consistant en la sous location dudit local meublé et équipé pour des périodes de temps déterminées, avec la fourniture de différents services ou prestation à sa clientèle".

Cet acte stipulait que le bail "pourra prendre fin par anticipation sous un préavis de six mois:

- à l'initiative du bailleur, pour la première fois le 30 septembre 2015, puis à la fin de chaque période triennale, sous un préavis minimum de six mois ;

- [que] dans le cas où le bailleur souhaiterait mettre en vente son bien ci-dessous référencé, il pourra le faire en utilisant la faculté de résiliation annuelle pour cause de vente, (30 septembre de chaque année). Il devra préalablement à la réalisation de la vente avoir demandé la résiliation de son bail, par courrier recommandé avec accusé de réception dans le respect d'un préavis de trois mois, soit avant le 1er juillet de chaque année. Cette demande sera accompagnée de la copie du compromis signé."

Par acte d'huissier de justice du 25 mars 2015, la SAS PV [...] a fait délivrer à la SARL 3 E un congé pour le 30 septembre 2015 au visa des article L145-4 et L145-9 du code de commerce.

Par acte d'huissier de justice en date du 17 mars 2016, la SARL 3 E a fait assigner la SAS PV [...] devant la 18ème chambre du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir :

- juger que la société PV [...] a résilié unilatéralement et à tort le bail commercial signé en 2011 avec la société 3 E pour une durée de 10 années,

- condamner la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 42.516,78 euros au titre de la dette locative arrêtée au 30 septembre 2016 ainsi que 2.835,30 au titre des charges générales, ayant fait l'objet d'un appel de fonds en janvier 2016, la somme totale étant à parfaire au jour du jugement,

- condamner la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 5.059,12 euros au titre du remboursement de la TVA à l'administration fiscale du fait de la résiliation unilatérale et anticipée du bail commercial,

- condamner la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 6.557,25 euros au titre des travaux de rattrapage nécessaires en l'absence d'entretien du bien par le preneur,

- condamner la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 3.900 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Par jugement en date du 25 juin, 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

Constaté que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cause ne bénéficie qu'au bailleur,

Rejeté comme étant sans objet la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée au bailleur,

Dit et jugé que le congé délivré par la Sté PV [...] le 25 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021,

Dit n'y avoir lieu à déclarer nul le congé délivré le 25 mars 2015,

Condamné la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 26.812€ ,

Condamné la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E la somme de 500€ au titre des charges générales pour les années 2017 à 2021,

Débouté la Sté 3E de sa demande en paiement de la somme de 3.035,47 € au titre du remboursement de la TVA du fait de la résiliation anticipée du bail,

Débouté la Sté 3E de sa demande en paiement de la somme de 15.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamné la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la Sté PV [...] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Rejeté les autres demandes,

Condamné la Sté PV [...] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître B. T., avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 17 juillet 2019, la SASU PV [...] HOTEL a interjeté appel de ce jugement.

Le 26 novembre 2019, la SARL 3E a formé un appel incident.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 19 février 2020, la SASU PV [...] HOTEL, appelante, demande à la Cour de :

Vu les dispositions du bail commercial,

Vu l'article L. 145-7-1 du Code de commerce,

Vu l'article L. 145-60 du Code de commerce,

- INFIRMER le jugement rendu le 25 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a :

- Constaté que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cours ne bénéficiait qu'au bailleur ;

- Déclaré sans objet la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée à la preneuse ;

- Jugé que le congé délivré par la société PV [...] le 25 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021,

- Condamné la société PV [...] à payer à la société 3E les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2016 jusqu'à la date du jugement dont appel ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 26.812€ ;

- Condamné la société PV [...] à payer à la société 3E la somme de 500€ au titre des charges générales pour les années 2017 à 2021,

- Condamné la société PV [...] à payer à la société 3E la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile; - Débouté la société PV [...] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- Condamné la société PV [...] aux entiers dépens avec distraction au profit de Monsieur (sic) B. T., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

- CONFIRMER le jugement rendu le 25 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a :

- Débouté la société 3E de sa demande en paiement de la somme de 3.035,47 € au titre du remboursement de la TVA,

- Débouté la société 3E de sa demande en paiement de la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

En conséquence et statuant à nouveau,

- JUGER que la demande de la société 3E est irrecevable et prescrite depuis le 1er octobre 2013,

- JUGER que la validité du congé de la PV [...] délivré en application de la faculté de résiliation triennale prévue contractuellement ne peut aucunement être remise en cause depuis le 1er octobre 2013,

- JUGER que le congé signifié par la société PV [...] à la société 3E est valable

- DEBOUTER la société 3E de l'ensemble de ses demandes

- CONDAMNER la société 3E à payer à la société PV [...] la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER la société 3E aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RVPA le 26 novembre 2019, la SARL 3E, intimée, demande à la Cour de :

Vu l'article L145-7-1 du code de commerce,

CONFIRMER le jugement attaqué du tribunal de grande instance du 25 juin 2019 en ce qu'il :

« Constate que la clause de résiliation anticipée prévue à l'article 2 du contrat en cause ne bénéficie qu'au bailleur,

Rejette comme étant sans objet la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation de la clause offrant une faculté de résiliation anticipée au bailleur,

Dit et juge que le congé délivré par la Sté PV [...] le 25 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021,

Dit n'y avoir lieu à déclarer nul le congé délivré le 25 mars 2015,

Condamne la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance,

Condamne la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E la somme de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sté PV [...] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Condamne la Sté PV [...] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître B. T., avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile. »

INFIRMER le jugement attaqué du tribunal de grande instance du 25 juin 2019 en ce qu'il :

« précise que la somme totale payée ne peut excéder 26.812€ », laissant peser les charges sur la bailleresse, en violation du bail commercial signé.

Condamne la Sté PV [...] à payer à la Sté 3E la somme de 500 € au titre des charges générales pour les années 2017 à 2021,

Déboute la Sté 3E de sa demande en paiement de la somme de 3.035,47€ au titre du remboursement de la TVA du fait de la résiliation anticipée du bail,

Déboute la Sté 3E de sa demande en paiement de la somme de 15.000€ de dommages et intérêts pour résistance abusive ».

JUGER que la société PV [...] a résilié unilatéralement et à tort le bail commercial signé en 2011 avec la société 3 E pour une durée de 10 années.

JUGER que le congé de PV [...] est irrégulier et que l'ensemble des loyers pour la durée du bail commercial signé sont dues.

CONDAMNER la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 26.812 euros au titre de la dette locative relative aux loyers des années 2018, 2019, 2020 et 2021, majorée suivant le taux d'intérêt légal à compter de l'assignation du 17 mars 2016 de la société 3 E.

CONDAMNER la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 8.500 euros au titre des charges générales relatives aux charges générales des années 2017, 2018, 2019, 2020, 2021),majorée suivant le taux d'intérêt légal à compter de l'assignation du 17 mars 2016 de la société 3 E.

CONDAMNER la société PV [...] à garantir et à payer en lieu et place de la société 3 E, le cas échéant, toute demande de remboursement de la TVA à l'administration fiscale du fait de la résiliation unilatérale et anticipée du bail commercial litigieux.

CONDAMNER la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 15.000 euros au titre de sa résistance abusive.

CONDAMNER la société PV [...] à payer à la société 3 E la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

Le preneur soutient que l'action de la bailleresse serait prescrite depuis le 1er octobre 2013 aux motifs que le bail liant les parties contient une clause octroyant au preneur une faculté de résiliation triennale, qu'en assignant le preneur en nullité du congé délivré en violation de l'article L145-7-1 du code de commerce, la bailleresse a entendu remettre en question la clause sur laquelle le preneur s'est fondé pour délivrer ledit congé ; qu'en conséquence la validité du congé ne peut être appréciée qu'au regard de la validité de la faculté de résiliation triennale stipulée aux termes du bail commercial, or en application de l'article L145-60 du code de commerce l'action en nullité de cette clause est prescrite étant, en outre soutenu, que la loi 18 juin 2014, dite loi PINEL en ce qu'elle a transformé la sanction applicable aux clauses contraires aux dispositions d'ordre public énoncées aux articles L145-15 et L145-16 du code de commerce, en substituant le "non écrit" à la nullité est inapplicable en l'espèce. Ce à quoi, s'opposent le bailleur qui conclut sur ce point à la confirmation du jugement entrepris.

En l'espèce, la bailleresse a introduit une action en nullité du congé qui lui avait été délivré au visa des articles L145-4 et L145-9 du code de commerce. Ce congé ne vise aucune clause du contrat liant les parties. Dans ces conditions, l'examen de la validité de la clause litigieuse est sans objet à ce stade, puisqu'elle ne fonde pas l'action.

L'action en nullité d'un congé est soumise à la prescription biennale de l'article L145-60 du code de commerce. Le congé ayant été délivré le 25 mars 2015 pour le 30 septembre 2015, l'action en nullité du congé, introduite par acte d'huissier de justice en date du 17 mars 2016, enrôlée auprès du greffe du tribunal de grande instance de Paris sous le n°RG16/07668, c'est-à-dire dans le délai de deux ans, n'est pas prescrite.

Sur l'application des dispositions de l'article L145-7-1 du code de commerce au bail litigieux

Le preneur conclut sur ce point à l'infirmation du jugement entrepris. Il soutient principalement qu'il ne convient pas de retenir une application littérale de l'article L145-7-1 du code de commerce, car tous les baux renouvelés ne sont pas signés et qu'une application littérale du texte conduirait à créer des différences entre bailleurs, parfois au sein de la même résidence, qu'ils aient ou non signé un bail commercial ; que compte tenu de la rédaction du texte sujet à interprétation, il y a lieu pour en déterminer la portée de se référer aux travaux parlementaires et au but poursuivi par le législateur ; qu'il en résulte que ce texte n'est applicable qu'aux baux commerciaux initialement conclus entre un bailleur et un preneur, et non aux baux renouvelés, même dans l'hypothèse où ces derniers feraient l'objet d'un avenant signé par les parties.

La bailleresse conclut sur ce point à la confirmation du jugement entrepris, l'article L145-7-1 du code de commerce interdisant au preneur de donner congé à l'issue de chaque période triennale étant applicable en l'espèce et son non-respect entraînant la nullité du congé délivré en application de l'article L145-4 du code de commerce.

La cour rappelle que l'article L145-7-1 du code de commerce dispose que :

"Les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidence de tourisme mentionnées à l'article L321-1 du code du tourisme sont d'une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale."

L'article L145-4 du code de commerce dans sa rédaction modifié par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006, en vigueur à l'époque de la rédaction de l'article L145-7-1 susvisé, dispose que :

"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.

Toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9.

La bailleresse a la même faculté s'il entend invoquer les dispositions des articles L. 145-18, L. 145-21, L. 145-23-1 et L. 145-24 afin de construire, de reconstruire ou de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l'immeuble dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain. [...]"

La notion de "baux commerciaux signés" retenue par la rédaction de l'article L145-7-1 créé et inséré dans le code de commerce par la loi n°2009-888, 22 juillet 2009, n'est pas courante en la matière des baux commerciaux, puisque ceux-ci peuvent être verbaux, qu'il en est fréquemment ainsi s'agissant des baux renouvelés, l'article L145-57 du code de commerce prévoyant expressément ce cas lorsque la bailleresse refuse de soumettre à la signature du preneur un nouveau bail, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail, valant bail.

Dans ces conditions, ce texte qui n'a que l'apparence de la clarté, doit en conséquence être interprété.

Il résulte des débats parlementaires que ce texte a été introduit dans la loi sur amendement sénatorial, afin de lutter contre le désengagement du preneur lors du bail initial et parfois même lors de la première période triennale du bail initial, ce qui avait notamment pour effet de priver les bailleurs du bénéfice fiscal qu'ils pensaient obtenir en concluant ce type de baux commerciaux. Cet avantage fiscal prenant fin avec le premier bail, l'article L145-7-1 du code de commerce qui institue un régime dérogatoire au régime légal de droit commun qui permet au preneur de mettre fin au bail à l'issue de chaque période triennale en application de l'article L145-4 du code de commerce, et protège ainsi la bailleresse pendant la durée initiale de neuf ans de toute perte de l'avantage fiscal, n'a plus de justification en ce qui concerne les baux ultérieurement renouvelés, or, il est de principe que la loi cesse, là où cesse ses motifs.

En outre, l'application littérale du texte, en ce qu'il se réfère à la notion de "signature", aurait pour effet d'établir une différence entre les bailleurs qui auraient signé un contrat de bail renouvelé et ceux auxquels un tel document n'aurait pas été proposé à la signature, mais qui seraient néanmoins tenus envers le preneur par un bail renouvelé non signé, ce qui serait dépourvu de sens.

De même, aucun avantage fiscal n'étant lié à la conclusion des baux successifs pour un même bien, quand bien même ne s'agirait-il pas à proprement parler de baux renouvelés, faute pour le preneur d'établir qu'il vient aux droits du preneur initial, alors que cette preuve lui incombe si elle est contestée par l'autre partie, mais uniquement à la conclusion des baux initiaux conclus lors de l'édification de la résidence de tourisme ou de sa réhabilitation selon les conditions prévues au code général des impôts, l'article L145-7-1 du code de commerce, en ce qu'il établit une exception au principe de droit commun ouvrant droit au preneur d'exercer un droit de résiliation triennale, ne peut trouver à s'appliquer à ces baux.

En conséquence, il convient d'interpréter l'article L145-7-1 du code de commerce, en ce que le terme "baux signés" renvoie à la notion de "baux initiaux conclus lors de l'édification de la résidence ou lors de sa réhabilitation selon les conditions fixées au code général des impôts".

Dans ces conditions, s'agissant en l'espèce d'un bail renouvelé et en toute hypothèse d'un bail qui n'est pas le bail initial conclu après la construction de l'immeuble ou sa réhabilitation dans des conditions permettant aux propriétaires d'obtenir des avantages fiscaux, le preneur pouvait délivrer un congé au bailleur afin d'y mettre un terme en fin de période triennale, en application de l'article L145-4 du code civil.

Sur la validité du congé

Le bail dont s'agit, a pris effet au 1er octobre 2011. En conséquence, la première période triennale prenait fin au 30 septembre 2014 et la deuxième période triennale au 30 septembre 2017.

Le congé litigieux a été délivré par acte d'huissier de justice en date du 25 mars 2015 pour le 30 septembre 2015.

Il est constant qu'un congé délivré pour une date erronée n'est pas nul, mais voit ses effets reportés jusqu'à la date pour laquelle il aurait dû être délivré. En l'espèce, le congé a été délivré pour le 30 septembre 2015, alors qu'il aurait dû être délivré pour le 30 septembre 2017.

Il importe peu qu'une clause du bail stipule que le bail "pourra prendre fin par anticipation sous un préavis de six mois:

- à l'initiative du bailleur, pour la première fois le 30 septembre 2015, puis à la fin de chaque période triennale, sous un préavis minimum de six mois". En effet, cette clause ne permet qu'au bailleur de délivrer congé pour le 30 septembre 2015 et aucune clause du bail n'ouvre ce droit au preneur, lequel ne peut en conséquence délivrer congé que pour la fin de chaque période triennale.

En conséquence, le bail dont s'agit a pris fin au 30 septembre 2017.

Sur la demande en paiement des loyers

Le bail liant les parties ayant régulièrement pris fin le 30 septembre 2017 par l'effet du congé régulièrement délivré pour la fin de la deuxième période triennale, le preneur reste redevable envers la bailleresse des loyers échus pour la période écoulée entre 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2017.

La bailleresse sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné le preneur à lui verser les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance'. Elle demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a précisé que la somme totale payée ne peut excéder 26.812 euros, laissant peser les charges sur la bailleresse en violation du bail commercial signé'.

Selon le jugement entrepris, la bailleresse sollicitait alors le paiement de la somme de 26.812 euros au titre de la dette locative relative aux loyers des années 2018, 2019, 2020 et 2021, ainsi que 8500 euros au titre des charges générales relatives aux charges générales des années 2017, 2018, 2019 et 2020, ayant fait l'objet d'un appel de fonds en janvier 2016, la somme totale étant à parfaire au jour du jugement'.

En conséquence, il en résulte que c'est à tort que le jugement entrepris a cru devoir condamner le preneur à payer les loyers contractuels depuis le 30 septembre 2015, alors que la demande de condamnation ne portait que sur les loyers contractuels appelés pour les années 2018 et suivantes.

Le bail ayant pris fin au 30 septembre 2017, la bailleresse ne peut demander le paiement des loyers contractuels échus postérieurement à cette date. Le jugement sera en conséquence réformé sur ce point.

Par ailleurs, la bailleresse sollicite la condamnation du preneur à lui payer les somme de 8500 euros 'au titre des charges générales des années 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021" ainsi que l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné le preneur à lui verser la somme de 500 euros au titre des charges générales pour les années 2017 à 2021.'

Elle produit à l'appui de ses demandes en pièce 9, le procès verbal d'assemblée générale du 25 septembre 2015, en pièce 10 un document intitulé 2ème appel de fonds 2015/2016, en pièce 20.1 un relevé de compte personnel pour la période du 19/04/ 2016 au 01/07/ 2016, en pièce 20.2 un document intitulé répartition exercice 2017/2018 période du 01/10/2017 au 30/09/2018 ; en pièce 20.3 un relevé de compte personnel pour la période écoulée entre le 01/10/2017 et le 19/11/2018 et en pièce 20.4 un relevé de compte personnel pour la période écoulée entre le 19/04/2016 et le 01/07/2016, identique à la pièce 20.1.

Le preneur conteste devoir les sommes réclamées.

La cour rappelle que s'il appartient à un débiteur d'apporter la preuve du paiement des sommes dont il est redevable, encore faut-il que la bailleresse apporte la preuve de sa créance.

Aucune somme au titre des charges n'est due postérieurement à la fin du bail, dès lors, la bailleresse ne peut solliciter que le paiement des charges appelées pour la période antérieure au 30 septembre 2017, dont elle justifie par les pièces 9, 10 et 20.1. Il en résulte qu'elle est bien fondée à solliciter la condamnation du preneur à lui payer au titre des charges pour la période antérieure à la fin du bail les sommes de 434,04 euros (2e appel de fonds période du 1/01/2016 au 31/03/2016 charges communes générales et charges d'eau) et de 2188,86 euros 'solde appel de rattrapage au 15/05/2016" , soit la somme totale de 2622,90 euros, en deniers ou quittances. Elle sera en conséquence déboutée du surplus de sa demande.

Sur le remboursement de la TVA à l'administration fiscale

La bailleresse soutient que le propriétaire-bailleur en résidence de tourisme doit rembourser au prorata à l'administration l'avantage fiscal de l'exemption de TVA consentie en contrepartie d'une location obligatoire dans une résidence de tourisme, conformément à un cadre légal et réglementaire précis ; que cet avantage fiscal n'est acquis qu'au bout de 20 années ; que dans l'hypothèse de l'arrêt de l'exploitation fondée sur le bail commercial, le remboursement de la TVA se fait par vingtième restant par année; que le preneur doit en conséquence être condamné à la garantir et à payer en ses lieu et place, le cas échéant, toute demande de remboursement de la TVA à l'administration fiscale du fait de la résiliation unilatérale et anticipée du bail commercial litigieux. Le preneur s'oppose à cette demande et fait principalement valoir que le maintien des avantages fiscaux relatifs à la TVA n'est pas lié à la poursuite des baux.

La cour relève que selon les pièces produites aux débats, et notamment la pièce 15 de la bailleresse, établie par son expert-comptable, que le bien dont s'agit a été acquis en 2001, et que l'acquéreur a bénéficié d'une exonération de TVA à hauteur de la somme de 20.236,46 euros. Le bien étant détenu depuis 15 ans, et n'étant plus loué dans les conditions existantes avant la rupture du bail, le reversement de la TVA par 20ème s'élèverait la somme de 3.035,47 euros.

Il résulte des textes du code général des impôts, et notamment des articles 261 D, 268, 210 annexe II, que l'avantage fiscal accordé relatif à la TVA, n'est pas lié à la poursuite du bail, mais à l'activité économique exercée dans l'immeuble dont l'assujetti est propriétaire. Afin de ne pas perdre l'avantage fiscal qui lui a été accordé, la société 3 E, à l'issue du bail commercial la liant au preneur, a la possibilité de :

- conclure un nouveau bail commercial avec un autre exploitant d'un établissement d'hébergement ;

- exercer directement une activité visée à l'article 261, D, alinéa 2 du CGI, à savoir la réalisation de prestations para-hotelières (soit 3 des 4 prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture du linge de maison et la réception de la clientèle), le propriétaire pouvant néanmoins faire appel à des sociétés prestataires pour réaliser, au minimum, 3 de ces 4 prestations, réduisant la contrainte que cela suppose pour lui.

- céder ou apporter en société, soumis à TVA, le bien immobilier.

Dès lors, la conservation de la TVA récupérée sur le prix d'achat du bien est certes rendue plus difficile par la rupture du bail commercial, mais n'est pas impossible.

De plus, il convient d'observer, qu'alors que la clôture n'est intervenue que le 17 septembre 2020, la bailleresse n'a pas actualisé ses écritures quant au fait qu'une demande de remboursement de la TVA lui aurait été présentée par le service des impôts, le préjudice dont elle se plaint est dans ces conditions hypothétique, puisqu'elle n'établit pas sa réalité au jour où la cour statue.

Elle sera en conséquence déboutée de sa prétention tendant à être garantie d'une éventuelle demande de remboursement de la TVA.

Sur les demandes accessoires

La bailleresse ne pourra qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, le congé litigieux étant validé par le présent arrêt.

Le jugement entrepris étant partiellement confirmé, il le sera en ce qui concerne le sort des dépens de première instance, ainsi que celui de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et le preneur, qui succombe dans ses prétentions, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le congé délivré par la société PV [...] le 25 mars 2015 prendra effet le 30 septembre 2021 ;

- Condamné la Sté PV [...] à payer à la SARL 3 E les loyers contractuels échus depuis le 30 septembre 2015 jusqu'à la date du présent jugement ainsi qu'au paiement des loyers contractuels à échoir jusqu'au 30 septembre 2021 au fur et à mesure de leurs dates d'échéance, étant précisé que la somme totale payée ne peut excéder 26.812€ ;

- Condamné la Sté PV [...] à payer à la SARL 3 E la somme de 500 euros au titre des charges générales pour les années 2017 à 2021 ;

l'infirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit et juge que le congé délivré par la société PV [...] le 25 mars 2015 a pris effet le 30 septembre 2017 ;

Condamne la SARL 3 E à payer, en deniers ou quittances à la société PV [...] la somme 2622,90 euros, au titre des charges échues antérieurement à la fin du bail liant les parties ;

Déboute la SARL S3 E pour le surplus de ses demandes en paiement et en garantie ;

Déboute la bailleresse de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PV [...] aux entiers dépens.