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Décisions

Cass. 3e civ., 24 octobre 2019, n° 18-24.077

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocat :

Me Balat

Caen, du 6 sept. 2018

6 septembre 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 6 septembre 2018), que, le 1er septembre 2010, la société Sanor Aeos, locataire principale de locaux à usage commercial, en a sous-loué une partie à la société Qualiterre ; que, par lettre recommandée du 18 février 2016, celle-ci lui a donné congé pour l'échéance triennale du 1er septembre 2016 ;

Attendu que, pour déclarer nul ce congé, l'arrêt retient que le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré par le preneur que dans les délais et suivant les modalités prévues par l'article L. 145-9 du code de commerce qui, dans sa version applicable au 16 février 2016 et issue de la loi du 6 août 2015, imposait la délivrance du congé par acte extrajudiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Qualiterre en validité du congé délivré le 18 février 2016 et la condamne à payer à la société Sanor Aeos la somme de 73 955,12 euros au titre des loyers impayés échus au 26 février 2018 et les loyers échus impayés pour la période du mois de mars 2018 inclus au mois de septembre 2018 inclus outre les intérêts au taux de 1 %, l'arrêt rendu le 6 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Sanor Aeos aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sanor Aeos à payer à la société Qualiterre la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Qualiterre

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Qualiterre de sa demande tendant à ce que soit déclaré valide le congé délivré le 18 février 2016 et de l'avoir condamnée à payer à la société Sanor Aeos la somme de 73.955,12 € au titre des loyers impayés échus au 26 février 2018 et les loyers échus impayés pour la période du mois de mars 2018 inclus au mois de septembre 2018 inclus, ainsi que les intérêts au taux de 1% l'an produits par la somme de 4.034,67 € à compter de la mise en demeure du 4 décembre 2013, par la somme de 8.878,76 € à compter du 4 juillet 2014, par la somme de 5.239,40 € à compter du 9 octobre 2014, par la somme de 18.511,40 € à compter du 5 avril 2016, par la somme de 14.407,80 € à compter du 14 novembre 2016 et par la somme de 22.683,20 € à compter du 20 mars 2018 et les intérêts au taux de 1% l'an produits par chaque terme de loyer et charges échus et impayés pour la période du 1er mars 2018 au 6 septembre 2018 et ce à compter de l'échéance correspondante ;

AUX MOTIFS QU' aux termes d'un acte sous seing privé dénommé « Bail commercial » et daté du 1er septembre 2010 la société « Sanor - établissement Lecorps services », dénommée locataire principale, a donné à bail à la société Qualiterre, dénommée sous locataire, des locaux à usage commercial situés [...] dans l'Orne ; que cet acte sur lequel est apposée la mention « annexé à la minute d'un acte reçu par le notaire associé soussigné le 6 juin 2013 », comporte l'exposé préalable suivant : « Le locataire principal est locataire des dits locaux selon les termes arrêtés lors de la signature de l'acquisition du fonds de commerce Lecorps service par la SARL Sanor le 01/09/2010. Un bail pour des locaux à usage commercial situés [...] est en cours suite à la levée d'option du crédit bail immobilier par la SCI du Haut Faix. L'accord prévoit une location consentie par la SCI du haut Faix pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2010. Le bail principal est exécuté sous diverses charges et conditions dont le sous locataire déclare avoir pris connaissance, un exemplaire du dit projet de bail établi par Me B... le 26 juillet 2011 et du chapitre 6.2 de l'acte de cession du fonds de commerce en septembre 2010 étant annexé aux présentes » ; que l'article 2 consacré à la durée précise que « La présente sous location, régie par le statut des baux commerciaux, est consentie et acceptée à la suite de la sous location précaire instaurée lors de l'acquisition du fonds de commerce Lecorps par la société Sanor. Elle prendra fin à l'expiration du bail principal susvisé, soit le 31 août 2019 » ; que l'article 6 du bail indique qu'il est consenti et accepté moyennant un loyer annuel hors taxe et principal de 12.000 € payable mensuellement en douze fractions égales de 1.000 € HT ; que selon l'article 4 intitulé « situation immobilière » du titre A de l'acte sous seing privé de cession de son fonds de commerce par la société Lecorps service à la société Sanor Aeos en date du 31 août 2010 : « Les locaux (objets du droit au bail cédé) sont situés [...] et se composent d'un ensemble immobilier
Le cédant déclare que la SCI du haut Faix a toujours respecté les termes du contrat de crédit bail immobilier avec la société de crédit bail Unicom, et que la dite SCI a régulièrement levé dès avant ce jour l'option d'achat pour une acquisition de l'ensemble immobilier. Le cédant déclare que la SARL Lecorps services a toujours respecté les termes du bail de sous location en date du 1er novembre 2004, et que les locaux sont aux normes. Le cessionnaire déclare avoir pris connaissance du bail précité et avoir visité les locaux. Les soussignées dispensent le rédacteur de plus amples renseignements et/ou descriptions étant précisé comme il est dit ci-après qu'un bail commercial soumis au décret de 1953 sera établi entre la SCI du haut Faix et la SARL Lecorps services dès la formalisation du transfert de propriété de l'immeuble de la société Unicom à la SCI du haut Faix (devant intervenir courant du 4ème trimestre 2010) » ; que l'article 6.2 du titre B du même acte intitulé « conclusion d'un nouveau bail commercial » précise que : « Dans les 30 jours au plus tard de l'acquisition de l'immeuble par la SCI du haut Faix consécutivement à la levée d'option du crédit-bail immobilier, il sera conclu avec la SARL Lecorps services un bail commercial aux conditions usuelles en la matière et sous celles suivantes : - bail : durée 3/6/9 à compter rétroactivement du 01/09/2010,

.. - loyer : 3 000 € H.T/mois payable d'avance le 1er de chaque mois, et pour la première fois le 01/01/2011 (franchise de 4 mois de loyers), - révision triennale en fonction de l'indice Insee du coût de la construction (base 1er trim.2010) et pour la première fois le 01/09/2013,

.. - autorisation de sous-location au profit de toute société du groupe Ecodis et autorisation de sous location au profit de la société Qualiterre dans le cadre d'un bail précaire de 23 mois et moyennant un loyer mensuel de 1.000 euros hors taxes à compter du 01/09/2010 (+1/3 de la taxe foncière ramenée prorata temporis pour 2010 et 2012 » ; que par acte authentique du 6 juin 2013 la SCI du Haut Faix a donné à bail commercial à la société Sanor Aeos l'ensemble immobilier situé [...] dont une partie est l'objet de la sous location litigieuse, « pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er septembre 2010 au 31 août 2019 » ; que selon l'article B que lui consacre le bail « la sous location ne pourra intervenir qu'avec l'agrément préalable et par écrit du bailleur. Celui-ci devra être appelé à concourir à l'acte de sous location. La sous location devra obligatoirement être effectuée par acte notarié
Par exception toute sous location au profit de toute société du groupe Ecodis sera autorisée, cette sous location pouvant intervenir par acte sous seing privé et sans information préalable du bailleur » ; que le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré par le preneur à bail que dans les délais et suivant les modalités prévues par l'article L. 145-9 du code de commerce dans sa version applicable à la date du congé ; qu'en l'espèce il ressort des courriers échangés que la société Qualiterre a donné congé une première fois par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 août 2013 ; que dans sa version applicable à cette date, issue de la loi nº 2012-387 du 22 mars 2012, l'article L. 145-9 du code de commerce imposait la délivrance du congé par acte extra judiciaire ; que par conséquent le congé délivré le 29 août 2013 n'est pas valide et n'a pas mis fin au bail, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a statué en ce sens ; que la société Qualiterre a délivré un second congé par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 16 février 2016 ; qu'en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celles présentées en première instance c'est à dire la mise à néant du contrat la demande de l'appelante tendant au constat de la résiliation du bail par la délivrance de ce congé doit être déclarée recevable par application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile ; que dans sa version applicable au 16 février 2016, issue de la loi nº 2015-990 du 6 août 2015 l'article L. 145-9 du code de commerce imposait la délivrance du congé par acte extra judiciaire ; que le congé délivré le 16 février 2016 n'est donc pas valide et n'a pas mis fin au bail et que la société Qualiterre doit être déboutée de sa demande tendant à sa validation et à ce qu'il soit dit qu'au plus tard le bail a pris fin au 1er septembre 2016 ; que faute de congé valablement délivré la société Qualiterre reste débitrice des loyers dont le paiement est mis à sa charge par le bail commercial sous seing privé du 1er septembre 2010 ; que selon l'extrait du grand livre auxiliaire produit sous le numéro 72 par l'intimée la somme due au titre des loyers impayés au 26 février 2018 par la société Qualiterre à la société Sanor Aeos s'élève à la somme non discutée de 73.955,12 € ; que le bail liant les parties prévoit que « toutes échéances de loyers et de charges qui n'auraient pas été payées un mois après mise en demeure, portera de plein droit un intérêt de retard de 1% l'an » ; qu'un terme de loyer ne peut toutefois produire intérêts qu'une fois échu et donc exigible, ce qui implique que la bailleresse ne peut prétendre à l'allocation des intérêts au taux de 1% pour la totalité des sommes dues à compter de l'unique mise en demeure de payer la somme échue de 4.034,67 € délivrée le 4 décembre 2013 ; que pour le même motif tenant à l'exigibilité de la somme elle ne peut poursuivre la condamnation à paiement de la société Qualiterre pour des loyers à échoir dont le défaut de paiement à l'échéance ne peut être présumé et a fortiori pour les intérêts de retard qu'ils pourraient produire à défaut de paiement ; que la société Qualiterre doit donc être condamnée à payer à la société Sanor Aeos la somme totale de 73.955,12 € au titre des loyers échus impayés au 26 février 2018 et les loyers échus impayés pour la période du mois de mars 2018 inclus au mois de septembre 2018 inclus, le jugement déféré étant réformé en conséquence ; que la société Sanor Aeos doit être déboutée de sa demande en paiement des loyers à échoir postérieurement au présent arrêt et des intérêts de retard y afférents ; que la société Qualiterre doit être condamnée à payer à la société Sanor Aeos les intérêts au taux de 1% l'an produits par la somme de 4.034,67 € à compter de la mise en demeure du 4 décembre 2013, par la somme de 8.878,76 € à compter du 4 juillet 2014, par la somme de 5.239,40 € à compter du 9 octobre 2014, par la somme de 18.511,40 € à compter du 5 avril 2016, par la somme de 14.407,80 € à compter du 14 novembre 2016 et par la somme de 22.683,20 € à compter du 20 mars 2018 ; que la société Qualiterre sera également condamnée à payer les intérêts au taux de 1% l'an produits par chaque terme de loyer et charges échus et impayés pour la période du 1er mars 2018 au 6 septembre 2018 et ce à compter de l'échéance correspondante ;

ALORS, D'UNE PART, QUE seules les dispositions de l'article L. 145-4 du code de commerce sont applicables aux congés délivrés par le locataire avant une échéance triennale ; que dans sa rédaction en vigueur à la date du congé litigieux, issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, le texte dispose que « (...) le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire » ; qu'en considérant dès lors qu'était irrégulier le congé délivré par le preneur le 16 février 2016 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au motif que ce congé aurait dû nécessairement être délivré par acte extra judiciaire (arrêt attaqué, p. 7 in fine et p. 8, alinéa 1er), cependant que la société Qualiterre était fondée à délivrer son congé donné à l'échéance triennale par le moyen d'un courrier recommandé avec demande d'avis de réception, le congé ayant été délivré le 16 février 2016, soit plus de six mois avant l'échéance triennale du 31 août 2016, le bail initial étant en date du 1er septembre 2010, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 145-4, alinéa 2, du code de commerce et par fausse application l'article L. 145-9 du même code, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions du 20 septembre 2016, p. 15, alinéa 11), la société Qualiterre faisait valoir que « le congé peut être délivré par lettre recommandée depuis la réforme de 2014 [lire : 2015] » ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.