Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-85.670
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Turcey
Avocat général :
M. Bougy
Avocat :
SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 septembre 2021, M. [C] a été mis en examen par le juge d'instruction des chefs précités, et a désigné comme avocats Maître Chiche et Maître Bidnic.
3. Le même jour, il a comparu devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire et a sollicité un délai pour préparer sa défense, de telle sorte que l'examen de l'affaire a été renvoyé au 9 septembre suivant, avec incarcération provisoire de l'intéressé.
4. Le 7 septembre 2021, les avocats désignés, ayant reçu chacun un permis de communiquer avec M. [C], ont sollicité du juge d'instruction, par télécopie, la délivrance de nouveaux permis de communiquer comportant, outre leurs noms, ceux de leurs collaborateurs et associés respectifs.
5. Le même jour, le juge d'instruction a refusé de faire droit à ces demandes, en y portant la mention, au visa de l'article 115 du code de procédure pénale, que le permis de communiquer est délivré aux seuls avocats désignés par la personne mise en examen.
6. Par télécopies en date du 9 septembre 2021, les avocats convoqués en vue du débat contradictoire différé ont informé le juge des libertés et de la détention qu'ils n'étaient pas en mesure d'assister personnellement M. [C] lors de ce débat, et qu'en raison du refus du juge d'instruction de leur délivrer des permis de communiquer comportant également les noms de leurs collaborateurs et associés respectifs, ce dernier n'avait pas été en mesure de préparer sa défense, ce dont il convenait de tirer les conséquences, au besoin en prescrivant un report du débat.
7. Le 9 septembre 2021, à l'issue du débat contradictoire auquel aucun avocat ne s'était présenté, la personne mise en examen a été placée en détention provisoire.
8. M. [C] a relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles 115 et R. 57-6-5 du code de procédure pénale, et des dispositions de l'article 8 du Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [C] en énonçant que le refus du juge d'instruction de délivrer des permis de communiquer à certains collaborateurs et associés des cabinets de M. Chiche et M. Bidnic, dont la qualité professionnelle était établie, n'a pas permis à l'intéressé de s'entretenir avec l'un d'entre eux et de préparer utilement sa défense et éventuellement, de s'exprimer devant le juge des libertés et de la détention au cours du débat contradictoire, de telle sorte que M. [C] n'a pas effectivement pu exercer ses droits, alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de rechercher quels étaient les avocats désignés nommément par la personne mise en examen et selon quelles modalités, puis d'apprécier la réalité d'une atteinte portée aux droits de la défense et l'existence d'un grief, alors que l'avocat pour lequel le permis de communiqué sollicité a été refusé par le juge d'instruction ne pouvait se prévaloir d'un quelconque mandat donné par le mis en examen.
Réponse de la Cour
Vu l'article 115 du code de procédure pénale :
11. Selon ce texte, les parties peuvent à tout moment de l'information, dans les formes qu'il prévoit, faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat choisi par elles.
12. Si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant un débat contradictoire tenu en vue de l'éventuelle prolongation de la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du code de procédure pénale.
13. Pour prononcer la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire et ordonner la remise en liberté de M. [C], l'arrêt attaqué retient que si ce dernier aurait pu faire connaître au juge d'instruction lors de l'interrogatoire de première comparution ou ultérieurement au greffe de la maison d'arrêt, qu'il entendait choisir tous les avocats des cabinets Chiche et Bidnic pour assurer sa défense, il n'en demeure pas moins que le refus du juge d'instruction de délivrer des permis de communiquer à certains collaborateurs et associés de ces mêmes cabinets dont la qualité professionnelle était établie, n'a pas permis à l'intéressé de s'entretenir avec l'un d'entre eux et de préparer utilement sa défense et éventuellement, de s'exprimer devant le juge des libertés et de la détention au cours du débat contradictoire.
14. Les juges concluent que cette atteinte portée aux droits de la défense lui fait nécessairement grief et justifie l'annulation de la décision critiquée.
15. En se déterminant ainsi, alors que l'article 115 du code de procédure pénale ne prévoit l'envoi des convocations et notifications qu'aux avocats nommément désignés par les parties, ce dont il se déduit que le juge d'instruction n'est tenu de délivrer un permis de communiquer qu'à ces derniers, et qu'il résulte de ses propres constatations que M. [C] n'avait désigné que M. Chiche et M. Bidnic pour l'assister, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 septembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.