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Décisions

Cass. com., 7 décembre 2010, n° 10-11.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Grenoble, du 23 nov. 2009

23 novembre 2009

Attendu selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 novembre 2009) que, par acte du 22 mai 2003, l'Université Joseph Fourier (l'Université) a cédé à la société Microvitae technologies (Microvitae) trois brevets dont M. X, dirigeant de cette dernière, était l'inventeur ainsi que du savoir-faire, moyennant paiement de la somme de 280 000 euros HT payable en trois annuités ; qu'alléguant que le savoir-faire ne lui avait pas été transmis, la société Microvitae s'est abstenue de payer les annuités et a assigné l'Université aux fins d'obtenir sous astreinte la délivrance de divers documents en contrepartie du versement de la somme de 111 626, 66 euros ainsi que le paiement de dommages-intérêts ; que reconventionnellement l'Université a sollicité la résiliation du contrat pour défaut de paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Microvitae fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les conclusions qu'elle avait signifiées le jour de l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen, que les conclusions signifiées le jour de l'ordonnance de clôture dont il n'est ni soutenu, ni constaté qu'elles l'auraient été après et qui, par conséquent, sont présumées l'avoir été avant, sont recevables à moins qu'il ne soit constaté que l'adversaire aurait été mis dans l'impossibilité d'y répondre ; qu'en déclarant irrecevables les conclusions signifiées par le cessionnaire le jour même de l'ordonnance de clôture sans caractériser les circonstances qui auraient empêché le cédant d'y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16 et 783 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a souverainement retenu que les conclusions du 13 octobre 2009, jour de la clôture, n'avaient pas été produites en temps utile au sens de l'article 15 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Microvitae fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de droits portant sur un ensemble de travaux, constitué d'un savoir-faire et de brevets, de sa demande tendant à la condamnation de l'Université à lui délivrer les pièces et documents constituant l'objet du contrat tels que décrits par l'expert judiciaire, d'avoir reconventionnellement prononcé la résolution de la cession pour défaut de paiement du prix et d'avoir ordonné la restitution de trois brevets, alors, selon le moyen que :

1°) d'une part, l'obligation principale du vendeur est de délivrer la chose vendue, de sorte que l'acquéreur est fondé à ne pas payer le prix tant que la chose vendue ne lui a pas été délivrée ; qu'en considérant que la cédante n'avait pas à délivrer au cessionnaire le savoir-faire objet de la cession à partir du moment où ce savoir-faire se trouvait " dans la mémoire vivante " du dirigeant de l'exposante qui était l'inventeur des trois brevets également cédés et qui avait dirigé les thèses des membres de son équipe, exonérant ainsi le cédant de son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1184 et 1604 du code civil ;

2°) en se fondant, pour déclarer que le cédant n'avait pas l'obligation de délivrer la chose cédée, en l'occurrence le savoir-faire associé aux trois brevets cédés également, sur des pourparlers précontractuels qui ne prévoyaient pas la cession du savoir-faire, lesquels étaient contraires au contrat de cession qui visait expressément, moyennant un prix plus élevé, la cession de ce savoir-faire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°) à partir du moment où le vendeur reconnaît devoir encore livrer la chose, l'acquéreur est fondé à suspendre le paiement du prix et la résolution du contrat ne saurait être prononcée à ses torts ; qu'en relevant qu'il résultait des courriers échangés entre 2004 et 2008 que le cédant était disposé à communiquer au cessionnaire les éléments du savoir-faire qui n'auraient pas été en sa possession, mais en exonérant néanmoins le cédant de son obligation de livrer lesdits éléments, et en prononçant de surcroît la résolution du contrat aux torts du cessionnaire pour non-paiement du prix pour la raison que celui-ci aurait demandé plus que ce qu'il pouvait exiger, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1184 et 1604 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu, par des motifs non critiqués que les savoir-faire évoqués au contrat de cession concernaient non seulement l'objet direct des brevets, à savoir la fabrication d'électrodes et un procédé de leur connexion mais aussi le traitement du signal recueilli in vivo par leur moyen, à savoir la connaissance matérielle et la pratique de tous éléments physiques et logiques de la chaîne de recueil et de présentation des signaux, l'arrêt relève que les thèses de Mme Y et de MM. Z, B, et C décrivent le principe des électrodes faisant l'objet du premier et du deuxième brevets, leur mode de réalisation, les difficultés rencontrées ainsi que des aspects concernant les résultats obtenus à partir de ces électrodes, des algorithmes, des logiciels et programmes informatiques ; qu'il retient que les données à type de savoir-faire, énumérées par l'expert judiciaire, étaient présentes en la mémoire vivante de M. X qui est l'inventeur des trois brevets et qui a dirigé, outre les thèses précitées, les travaux de M. A dans le cadre de sa thèse CNAM ; qu'il relève encore que Mme Y et M. A ont attesté avoir laissé à M. X tous les matériels correspondants à leur travail de thèse et de mémoire ; qu'il en déduit que le contrat a simplement transmis à la société Microvitae la propriété d'un savoir-faire détenu par M. X et dont l'Université avait financé le développement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations desquelles il résulte que le cédant n'a pas été exonéré de son obligation de délivrance du savoir-faire, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur les pourparlers pré-contractuels, a pu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.