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Décisions

Cass. 3e civ., 3 novembre 2011, n° 10-14.986

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Terrier

Avocats :

Me Foussard, SCP Boutet, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Versailles, du 25 janv. 2010

25 janvier 2010

Joint les pourvois n° N 10-30.549 et W 10-14.986 ;

Donne acte à la Société d'économie mixte d'aménagement, de rénovation et d'équipement de Levallois-Perret du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Réaumur participations et la société Axa France IARD ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 janvier 2010), que par acte du 28 mai 1986, la commune de Levallois-Perret a acquis de la société Automobiles Citroën (société Citroën) un terrain qu'elle a revendu, par acte du même jour, à la Société d'économie mixte d'aménagement de rénovation et d'équipement de Levallois Perret (SEMARELP) ; que cette dernière, après exécution de travaux de démolition des installations a, par acte du 25 mars 1992, vendu une partie du terrain à la société Hôtel Levallois La Seine (hôtel Levallois), aux droits de laquelle est venue la société Réaumur participations, en vue de la construction d'un hôtel, ensuite vendu en l'état futur d'achèvement, par acte du 28 mai 1997, à la société Evergreen Laurel hôtel ; qu'invoquant une pollution du sol, la société Hôtel Levallois a fait assigner la société SEMARELP ainsi que la société Axa France IARD (société Axa France), son assureur et la société Citroën ainsi que la société Axa Corporate Solutions, son assureur ; que la SEMARELP a appelé en garantie la société Citroën et son assureur ;

Sur les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi n° N 10-30.549 formé par la société SEMARELP et le quatrième moyen du pourvoi n° W 10-14.986 formé par la société Axa France IARD, réunis :

Attendu que la société SEMARELP et la société Axa France font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie formée contre la société Citroën et son assureur, la société Axa Corporate solutions, alors, selon le moyen :

1°/ qu'à l'occasion de l'examen de la demande formée par la société Réaumur participations, à l'encontre de la société Automobiles Citroën, les juges du fond ont constaté que la société Réaumur participations exerçait une action de nature contractuelle ; que la société Citroën était tenue au coût des travaux relatifs aux études, évacuation et traitement des terres polluées, bref au coût de la dépollution du terrain chiffrée à 714 160,99 euros ; que ce qui avait été décidé à l'égard de la société Réaumur participations, exerçant l'action qui lui avait été transmise par la société SEMARELP à l'égard de la société Automobiles Citroën s'imposait, de la même manière, dans le cadre des rapports entre la SEMARELP et la société Automobiles Citroën ; qu'en décidant le contraire pour dénier à la société SEMARELP tout droit à réparation s'agissant du coût de la dépollution, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 1641 et 1645 du code civil ;

2°/ que dès lors que le coût de la dépollution était imputé à la carence de la société Automobiles Citroën, et que ce sont ces mêmes travaux de dépollution qui ont justifié qu'une somme de 1 182 644,25 euros fût mise à la charge de la société SEMARELP, les juges du fond ne pouvaient faire autrement que de faire droit, s'agissant de cette somme, à l'appel en garantie formé par la société SEMARELP à l‘encontre de la société Automobiles Citroën ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1641 et 1645 du code civil ;

3°/ qu'il était exclu que les juges du fond puissent considérer que les travaux de dépollution étaient étrangers à la vente intervenue en 1986 entre la société SEMARELP et la société Automobiles Citroën, dès lors qu'ils constataient que les travaux de dépollution devaient être effectués par la société Automobiles Citroën au titre des obligations contractuelles découlant de la vente ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 1641 et 1645 du code civil ;

4°/ que dès lors qu'ils avaient constaté que les travaux de dépollution entraient au nombre des réparations dues par la société Automobiles Citroën, à raison du vice caché affectant la vente du 28 mai 1986, les juges du fond ne pouvaient écarter l'appel en garantie formé par la société SEMARELP à l'encontre de la société Automobiles Citroën, s'agissant des pénalités sanctionnant les retards dans le déroulement du chantier, sans s'expliquer sur le point de savoir si ces retards ne trouvaient pas leur origine dans l'état du terrain faute d'avoir fait l'objet de travaux de dépollution ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1641 et 1645 du code civil ;

5°/ que, quand bien même la société SEMARELP aurait été condamnée à l'égard de la société Réaumur participations sur le fondement de la vente du 25 avril 1992, elle était néanmoins autorisée à demander la garantie de la société Automobiles Citroën sur le fondement de la vente du 28 mai 1986, dès lors que la condamnation prononcée trouvait son origine
dans le vice affectant la vente du 28 mai 1986 ; qu'en décidant le contraire, les juges du font ont, en toute hypothèse, violé les articles 1641 et 1645 du code civil ;

6°/ que les juges du fond devaient rechercher, quelle que soit la nature de la responsabilité encourue, si les règles d'ordre public issues de la loi du 19 juillet 1976 et du décret du 21 septembre 1977, imposant à l'exploitant l'obligation de remise en état, ne fondaient pas la demande en garantie de la société SEMARELP ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 6 du code civil, 1er de la loi du 19 juillet 1976 et 34-1 du décret du 21 septembre 1977 ;

7°/ que la garantie des vices cachés n'interdit pas à l'acheteur et à son assureur de rechercher la responsabilité du vendeur pris en sa qualité de dernier exploitant d'un site industriel, tenu en cette seul qualité d'une obligation de dépollution légale d'ordre public touchant à la protection générale de l'environnement ; qu'en statuant comme elle le fait, sans rechercher si l'inexécution par la société SEMARELP de ses obligations à l'égard de la société Réaumur participations en vertu de l'acte de vente du 25 avril 1992 n'était pas la conséquence du manquement dûment constaté de la société Citroën, dernier exploitant du site industriel, de son obligation légale de dépollution, ce qui fondait le recours en garantie de la société Axa France IARD, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'à l'époque de la vente du 28 mai 1986, la loi du 19 juillet 1976 et son décret d'application du 21 septembre 1977 étaient en vigueur et établissaient le principe de l'obligation de remise en état des lieux pollués par le dernier exploitant et retenu que la société Citroën, dernier exploitant du site, ne pouvait se prévaloir de la clause excluant la garantie des vices cachés en ce qui concerne la pollution du terrain, en raison du caractère d'ordre public de l'obligation de dépollution et retenu que la responsabilité de la société Citroën était engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil à l'égard tant de la société Réaumur participations que de la SEMARELP, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que la vente intervenue entre la société Citroën et la commune de Levallois-Perret portait sur un ensemble immobilier à usage industriel et commercial dans son état au jour du transfert de propriété et que la vente intervenue entre la SEMARELP et la société Hôtel Levallois portait sur un terrain réservé à la construction d'un hôtel et stipulait que le vendeur s'engageait à prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à l'acquéreur la mise en état d'habitabilité des bâtiments qui seraient édifiés par l'acquéreur et relevé que la société Citroën devait être condamnée à restituer une partie du prix de vente de l'immeuble correspondant aux travaux de dépollution du terrain et que la SEMARELP, qui était défaillante dans l'engagement contractuel qu'elle avait pris était tenue des dommages-intérêts envers la société Réaumur participations correspondant aux travaux supplémentaires sur le chantier de construction de l'hôtel et aux préjudices financiers, la cour d'appel a pu retenir que les dommages-intérêts que la SEMARELP était condamnée à payer à la société Réaumur participations n'avaient aucun rapport avec la vente du 28 mai 1989 mais découlaient du non-respect de ses obligations propres envers son propre acquéreur et en a exactement déduit que la demande de garantie de la SEMARELP contre la société Citroën devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les premiers moyens des pourvois incidents de la société Automobiles Citroën, réunis :

Attendu que la société Citroën fait grief à l'arrêt de dire que sa responsabilité est engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil à l'égard de la SEMARELP et de la société Réaumur participations et de la condamner à payer à la société Réaumur Participations une somme de 714 160,99 euros en restitution de partie du prix, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses élusives de garantie des vices cachés et de non responsabilité sont valables entre professionnels de même spécialité ; qu'en refusant de prêter effet à la clause élusive de garantie souscrite entre la société Citroën et la société SEMARELP, en relevant que la clause de non-garantie est valable sauf en ce qui concerne la pollution du terrain, en raison du caractère d'ordre public de l'obligation de dépollution, à la charge du dernier exploitant, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1643 du code civil ;

2°/ que les clauses élusives de garantie des vices cachés sont valables entre professionnels de même spécialité ; qu'en refusant de prêter effet à la clause élusive de garantie souscrite entre la société Citroën et la société SEMARELP, en relevant que la clause de non-garantie est valable sauf en ce qui concerne la pollution du terrain, la société Citroën étant professionnel des installations classées tandis que la SEMARELP ne serait qu'un professionnel de la vente d'immeuble mais non professionnelle des sites industriels classés, la cour d'appel, qui a ainsi refusé d'admettre la validité d'une clause élusive de responsabilité contractée envers un professionnel de l'immobilier, a violé les articles 1134 et 1643 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement relevé que la société Citroën, en sa qualité de dernier exploitant du site était tenue, par application de la loi du 19 juillet 1976 et de son décret d'application du 21 septembre 1977, d'une obligation de remise en état des lieux pollués, que cette obligation obéissait à des dispositions destinées à assurer la protection de l'environnement et la sécurité des personnes, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ne pouvait dispenser la société Citroën de son obligation de dépollution en raison du caractère d'ordre public de l'obligation de dépollution et que la société Citroën ne pouvait s'en prévaloir à l'égard, ni de la SEMARELP, ni de la société Réaumur participations et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur les seconds moyens des pourvois incidents de la société Automobiles Citroën, réunis :

Attendu que la société Citroën fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre son assureur, la société Axa Corporate solutions, alors, selon le moyen, que le contrat d'assurance garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité dans tous les cas où elle viendrait à être recherchée du fait des dommages causés aux tiers, quelle que soit la cause de responsabilité encourue, dès lors que la responsabilité encourue était relative à l'activité de l'assuré et survenait au cours de la période de validité du contrat ; que la condition visée à l'article 1-2 de l'annexe 4 du contrat, à savoir garantie des seuls sites en activité au 1er janvier 1994, ne concerne que les garanties visées à l'article 2 de ladite annexe, à savoir l'extension de garantie aux dommages à l'environnement trouvant leur origine dans un incendie ou une explosion de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la police d'assurance en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la police d'assurance et de son annexe 4 rendait nécessaire, la cour d'appel a retenu que par application de l'article 2 des conditions particulières et de l'article 1.2 de l'annexe 4 qui limitaient les garanties aux sites en activité au 1er janvier 1994, la police invoquée était inapplicable à l'espèce qui concernait un site cédé en 1986 avec cessation d'activité en 1988 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° W10-14.986 formé par la société Axa France :

Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de condamner la société SEMARELP à payer à la société Réaumur Participations la somme de 1 456 644,25 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1645 du code civil et de la condamner à garantir à hauteur de 754 622,63 euros la SEMARELP de la condamnation prononcée à son encontre, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 6-2 du contrat de vente du 25 mars 1992 stipule que " l'acquéreur prendra les biens, objet des présentes, dans l'état dans lequel le vendeur est tenu de les lui remettre et tel que défini sous le titre "propriété-jouissance" sans pouvoir exercer aucun recours ni répétition contre le vendeur en raison de la nature du sol ou du sous-sol" ; que cette clause de non-garantie ne comporte aucune distinction selon l'origine du vice affectant la nature du sol et qu'ainsi, en interprétant la clause en procédant à une distinction qu'elle ne postulait pas, la cour d'appel dénature ladite clause et viole l'article 1134 du code civil ;

2°/ que l'article 7 du cahier des clauses particulières de la ZAC, annexé à la vente du 25 mars 1992 (cf. article 6.1), stipule clairement que "dès la prise de possession de son terrain, le maître d'ouvrage ne pourra formuler aucune demande, ni exercer aucun recours auprès de l'aménageur à quelque titre que ce soit ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si en vertu de cette stipulation, le vendeur ne devait pas sa garantie au titre de la dépollution du sous-sol, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Axa rappelait que l'article 7 du cahier des clauses particulières de l'îlot 1.3.2. de la ZAC Front de Seine stipulait qu'après la prise de possession du terrain, le maître de l'ouvrage ne pourrait exercer aucun recours auprès de l'aménageur, à quelque titre que ce soit, et qu'ainsi cette clause d'exclusion de garantie faisait obstacle à l'action de la société Réaumur participations, de sorte que l'assureur ne devait pas sa garantie ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'article 6.2 de l'acte de vente du 25 mars 1992 stipulait que l'acquéreur prendrait les biens dans l'état dans lequel le vendeur était tenu de les lui remettre sans pouvoir exercer aucun recours contre le vendeur en raison de la nature du sol ou du sous-sol, la cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que la notion de sol et de sous-sol renvoyait aux caractéristiques géologiques ou géotechniques de celui-ci, que les phénomènes de pollution avaient affecté l'état du sol et que la clause limitative de garantie n'était pas applicable ;

Attendu, d'autre part, ayant relevé que le cahier des charges de cession des terrains faisant partie intégrante de la vente prévoyait que le maître de l'ouvrage devait faire tous sondages et recherches utiles, que les terrains seraient mis à disposition dans l'état où ils se trouveraient après démolition sans que l'aménageur soit tenu d'effectuer quelques travaux que ce soit pour les rendre propres à l'utilisation par le maître d'ouvrage et constaté que la société Réaumur participations n'avait pas effectué avant la vente les sondages et analyses mis à sa charge contractuellement, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées en les écartant, a souverainement retenu que les sondages n'avaient pour objet que de renseigner l'acquéreur sur les aléas géologiques et sur le système hydro-géologiques du terrain et non pas sur la pollution éventuelle du sol ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° W 10-14.986 formé par la société Axa France, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant constaté que l'article 4.2.2 des conditions particulières de la police d'assurance prévoyait une garantie lorsque la responsabilité de l'assuré était engagée en qualité de marchand de biens et retenu que la SEMARELP avait agi à la fois comme aménageur en procédant aux travaux de viabilisation de l'immeuble et comme marchand de biens en achetant cet immeuble pour le revendre après avoir réalisé les travaux nécessaires et qu'elle engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du code civil en sa qualité de vendeur d'immeuble, la cour d'appel a pu en déduire que la police d'assurance était applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal n° W 10-14.986, formé par la société Axa France, ci-après annexé :

Attendu que, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la police d'assurance rendait nécessaire, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de mention expresse d'exclusion au titre de la garantie complémentaire de l'article 4.2.2., celle prévue aux conditions générales ne s'appliquait pas à la garantie complémentaire prévue à cet article ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la société Réaumur participations, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant condamné la société Citroën à restituer la partie du prix de vente correspondant aux travaux de dépollution du terrain et relevé que les dommages-intérêts que la SEMARELP était condamnée à payer à la société Réaumur participations n'avaient aucun rapport avec la vente du 28 mai 1986, la cour d'appel a pu retenir, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, qu'il n'y avait pas lieu de condamner in solidum les deux sociétés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.