Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 13 novembre 2017, n° 16/04941

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Brisset, Mme Coudy

TGI Bordeaux, du 25 juill. 2016

25 juillet 2016

La marque 'Haute Borderie' a été déposée en France le 14 mars 1996 et enregistrée sous le n° national 96616620 et sert à désigner les produits suivants de la classe 33 vins d'appellation d'origine contrôlée et provenant de l'exploitation viticole exactement dénommée Haute Borderie.

M. E. en est propriétaire pour l'avoir acquise de M. B., lequel utilisait cette marque pour commercialiser une partie des vins classés en AOC Côtes de Blaye issus de son exploitation, selon acte de vente du 2 avril 2010 de la propriété viticole et comprenant en outre cession des marques Domaine des Rosiers, Haute Borderie et l'Agrière. M. E. était précédemment titulaire d'un bail à ferme sur la propriété selon acte du 23 avril 2007. L'acte de cession du 2 avril 2010 a été publié à l'INPI le 27 janvier 2012.

La SA Cheval Q., négociant et distributeur en vins, a acquis de l'EARL Christian B. entre le 10 janvier 2006 et le 10 décembre 2007 des vins 'château Haute Borderie' millésimes 2004, 2005 et 2006.

Postérieurement à l'acte du 2 avril 2010, M. E. a découvert la commercialisation par la SA Cheval Q. d'un vin dénommé Château Haute Borderie émanant du vignoble B. Père et Fils. L'EARL des vignobles B. Père et Fils a déposé la marque 'château Haute Borderie' auprès de l'INPI le 12 octobre 2010 sous le numéro 3773543.

Autorisé sur requête, M. E. a, par acte du 10 juillet 2012, fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Cheval Q., puis, par acte du 17 juillet 2012, l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en contrefaçon. Une seconde saisie contrefaçon a été autorisée sur requête entre les mains d'un client de la société Cheval Q. et il y a été procédé selon acte du 2 janvier 2013.

L'EARL des vignobles B. Père et Fils a renoncé à sa marque 3773543 le 14 janvier 2015.

Par jugement du 26 avril 2016, le tribunal a statué dans les termes suivants :

Prononce la déchéance des droits de M. Stéphane E. sur la marque 'Haute Borderie' n° 96616620 pour les produits de la classe 33 visés à l'enregistrement à compter du 24 avril 2012,

Dit que dans les trois mois de la signification du présent jugement, M. Stéphane E.devra faire procéder à la radiation de la marque 'Haute Borderie' n° 96616620 au Registre National des Marques,

Autorise la société Cheval Q. à faire procéder elle-même à la radiation de marque déchue sur production de la présente décision, à défaut d'exécution de cette formalité par M. Stéphane E. dans les trois mois de la signification du jugement,

Condamne M. Stéphane E. à rembourser à la société Cheval Q. les frais qu'elle pourra être amenée à exposer pour faire procéder à la radiation de la marque 'Haute Borderie' n° 96616620,

Déclare irrecevable l'action en contrefaçon intentée par M. Stéphane E. pour la période antérieure à la date du 27 janvier 2012 correspondant à la publication à l'INPI de l'acte de cession du 2 avril 2010, et celle postérieure au 24 avril 2012, date d'effet de la déchéance de ses droits sur la marque 'Haute Borderie' n° 96616620,

Dit que la société Cheval Q. n'a pas commis d'actes de contrefaçon de la marque 'Haute Borderie' n° 96616620 pour la période comprise entre le 27 janvier 2012 et le 24 avril 2012,

Déboute en conséquence M. Stéphane E. de l'intégralité de ses demandes présentées à titre de sanction et de réparation de la contrefaçon alléguée,

Déboute la société Cheval Q. de sa demande indemnitaire reconventionnelle,

Condamne M. Stéphane E. à payer à la société Cheval Q. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Stéphane E. aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrementdirect au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

Rejette toutes autres demandes comme non fondées.

Le tribunal a retenu que M. E. ne pouvait être déchu de ses droits sur la marque Haute Borderie à raison de sa déceptivité mais qu'en revanche il n'existait pas d'usage sérieux de la marque laquelle était devenue un accessoire de la marque Domaine des Rosiers depuis la signature du bail à ferme du 23 avril 2007. Le tribunal a en conséquence prononcé la déchéance à compter du 24 avril 2012 avec les conséquences y afférentes. Par suite, le tribunal a considéré que M. E. n'était recevable à agir en contrefaçon que pour la période comprise entre la publicité de l'acte de cession de la marque du 27 janvier 2012 et la déchéance du 24 avril 2012 et que pour cette période il n'était justifié d'aucun acte de contrefaçon. Le tribunal a enfin écarté comme non fondée la demande indemnitaire présentée par la société Cheval Q..

M. E. a relevé appel de la décision le 25 juillet 2016.

Dans ses dernières écritures en date du 29 septembre 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. E. formule les demandes suivantes :

Réformer le jugement argué d'appel.

Débouter la société Cheval Q. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, incluant ses demandes incidentes.

Dire et juger que Cheval Q. a réalisé des actes de contrefaçon en exploitant la marque Haute Borderie sans l'accord de M. E. conformément aux articles L713-2, L713-3 et L716-1 du code de la propriété intellectuelle.

Interdire à Cheval Q. d'utiliser sous quelque forme que ce soit le vocable «Haute Borderie» pour désigner des vins ou des spiritueux de la classe 33 et ce sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, commençant à courir 15 jours après la signification du jugement à intervenir.

Condamner Cheval Q. à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à M. E., à titre provisionnel, le reste sera à établir par expert désigné par la cour pour les millésimes commercialisés depuis l'année 2008 et ceux commercialisés postérieurement à l'année 2011 et au millésime 2009.

Condamner Cheval Q. à payer la somme de 6 000 euros à M. E. conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner Cheval Q. au paiement de tous les dépens de première instance et d'appel incluant les actes de saisies contrefaçon.

Il invoque la mauvaise foi de l'intimée en admettant qu'il ne s'agit pas d'un élément de la contrefaçon invoquée. Il considère qu'il n'existe aucune déceptivité de la marque dès lors qu'il est bien propriétaire de parcelles sur le [...] et des bâtiments lui permettant de les exploiter en viticulture. Il conteste la déchéance de sa marque pour défaut d'usage sérieux retenue par le tribunal considérant qu'il a exploité la marque Haute Borderie conjointement avec celle de Domaine des Rosiers et qu'il produit des éléments de fait quant à cet usage sérieux de la marque. Il estime que le tribunal n'a pas fait une exacte application du principe de dilution de marque lequel ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce. Se prévalant de la marque il invoque des actes de contrefaçon faisant valoir que l'intimée a dissimulé une partie des achats au premier huissier instrumentaire. Il soutient que la publicité tardive de la cession de la marque à son profit n'est pas une condition de recevabilité de son action mais une condition d'opposabilité aux tiers, lesquels peuvent se voir opposer une connaissance antérieure de la cession ce qui en l'espèce a été admis par la société Cheval Q. dans ses conclusions devant le tribunal. Il ajoute qu'il avait préalablement la qualité de licencié laquelle lui permettait d'intervenir dans une instance en contrefaçon qu'aurait initiée M. B. et qu'il a maintenant la possibilité d'agir à la fois en tant que propriétaire et en tant qu'ancien licencié. Il s'oppose aux demandes incidentes de l'intimée.

Dans ses dernières écritures en date du 28 septembre 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Cheval Q. formule les demandes suivantes :

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a débouté M. E. de ses demandes, prononcé la déchéance de ses droits sur la marque Haute Borderie à compter du 24 avril 2012 et dit que la société Cheval Q. n'avait pas commis d'actes de contrefaçon,

En conséquence, à titre principal,

Rejeter les pièces communiquées par M. E. sous les numéros 10 à 16, 22, 23, 24 et 25 pour défaut de caractère probant,

Constater que la marque Haute Borderie n°96616620 n'a pas fait l'objet d'aucun usagesérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans pour les produits cités en classe 33 à compter du 23 avril 2007,

Prononcer la déchéance des droits de M. E. sur la marque Haute Borderie n°96616620 pour les produits précités en classe 33 à compter du 24 avril 2012,

Ordonner le retrait du registre national des marques françaises de la marque Haute Borderie n°96616620 au frais de M. E.,

Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera transmis à l'INPI pour transcription dans le registre national des marques,

Dire et juger que la société Cheval Q. ne s'est rendue coupable d'aucun actede contrefaçon,

Débouter M. E. de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau pour le surplus,

Nommer un expert afin d'examiner la comptabilité de M. E. et la réalité des ventes et des livraisons du vin [...],

Constater le caractère déceptif de la marque Haute Borderie n°96616620 pour les produits cités en classe 33 à compter du 23 avril 2007,

Prononcer, de ce chef également, la déchéance des droits de M. E. sur la marque Haute Borderie n°96616620 pour les produits précités en classe 33 à compter du 23 avril 2007,

Ordonner, également de ce chef, le retrait du registre national des marques françaises de la marque Haute Borderie n°96616620 au frais de M. E.,

Constater que M. E. ne démontre pas l'existence d'un éventuel risque de confusion entre la marque Haute Borderie et la marque Château Haute Borderie,

En conséquence, écarter le grief de contrefaçon de la marque commerciale Haute Borderie n°96616620 par la marque domaniale Château Haute Borderie n°3773543 et débouter M. E. de ses demandes,

Dire que M. E. a commis une faute en agissant en contrefaçon contre la sociétéCheval Q. alors qu'il n'exploite pas la marque « Haute Borderie» et qu'il ne pouvait ignorer la déchéance de ses droits sur ladite marque en raison de son caractèredéceptif à compter du 23 avril 2007 et en raison du défaut d'usage sérieux à compter du 24 avril 2012,

Condamner, en conséquence, M. E. à payer à la société Cheval Q. la somme de 121 600 euros au titre de la marge perdue par la société Cheval Q. pour les millésimes 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 en Château Haute Borderie.

À titre subsidiaire,

Constater que M. B. a cédé la marque Haute Borderie à M. E. le 2 avril 2010 et que cette cession a été publiée sur le registre national des marques, le 27 janvier 2012,

Dire et juger que la cession de la marque Haute Borderie entre M. B. et M. E. n'est opposable à la société Cheval Q. qu'à compter du 27 janvier 2012,

Constater que la marque Haute Borderie n°96616620 n'a pas fait l'objet d'aucun usagesérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans pour les produits cités en classe 33 à compter du 23 avril 2007,

Prononcer la déchéance des droits de M. E. sur la marque Haute Borderie n°96616620 pour les produits précités en classe 33 à compter du 24 avril 2012,

Dire et juger que M. E. n'est donc recevable à agir en contrefaçon sur le fondement de la marque Haute Borderie qu'à l'encontre d'actes de contrefaçon commispar la société Cheval Q. entre le 27 janvier 2012 et le 24 avril 2012,

Dire et juger que M. E. ne rapporte pas la preuve d'actes de contrefaçon commis par la société Cheval Q. entre le 27 janvier 2012 et le 24 avril 2012,

Débouter M. E. de l'ensemble de ses demandes.

À titre infiniment subsidiaire,

Constater que M. B. a cédé la marque Haute Borderie à M. E. le 2 avril 2010 et que cette cession a été publiée sur le registre national des marques, le 27 janvier 2012,

Dire et juger que la cession de la marque Haute Borderie entre M. B. et M. E. n'est opposable à la société Cheval Q. qu'à compter du 27 janvier 2012,

Dire et juger que M. E. n'est donc recevable à agir en contrefaçon sur le fondement de la marque Haute Borderie qu'à l'encontre d'actes de contrefaçon commispar la société Cheval Q. à partir du 27 janvier 2012,

Dire et juger que la société Cheval Q. a réalisé une marge de 3 478 € en commercialisant les millésimes 2008 et 2009 à compter du 27 janvier 2012, et limiter le préjudice réparable de M. E. à cette somme,

Débouter M. E. de sa demande visant à faire désigner un expert en vue d'établir les volumes de Château Haute Borderie commercialisés, la société Cheval Q. ayant fait état de ces volumes dans ses écritures,

Débouter M. E. de sa demande de dommages et intérêts à titre provisionnel.

En toute hypothèse,

Condamner M. E. à verser à la société Cheval Q. des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros au titre des préjudices qu'elle a subis pour les actes de concurrence déloyale par dénigrement dont M. E. s'est rendu coupable,

Condamner M. E. à payer à la société Cheval Q. une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Elle conteste toute dissimulation et fait valoir que M. B. lui avait concédé l'exclusivité pour l'achat et la commercialisation de son vin sous l'étiquette Château Haute Borderie. Elle précise que sa dernière commande concerne le millésime 2006. Elle ajoute que c'est de manière justifiée et à raison du défaut d'exploitation de la marque que M. B. avait lui même procédé au dépôt depuis retiré. Elle invoque le caractère déceptif de la marque invoquée par l'appelant dans la mesure où elle fait référence à une exploitation qui n'existe pas et laisse croire à l'existence d'un lieu dit imaginaire où la qualité du vignoble serait supérieure. Il ajoute que les marques Domaine des Rosiers et Haute Borderie ne peuvent être exploitées qu'exclusivement l'une de l'autre pour se rapporter à des exploitations différentes. Elle invoque en outre un défaut d'usage sérieux de la marque. Elle conteste toute contrefaçon. Elle invoque sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil un préjudice par elle subi à raison d'actes de dénigrement de la part de l'appelant. Subsidiairement, elle discute l'évaluation du dommage tel qu'invoqué par M. E. et conteste avoir eu connaissance de la cession de la marque préalablement à la mesure de publicité, n'admettant aucun aveu à ce titre et contestant sa qualité de tiers informé. Sur l'application des dispositions de l'article L 716-5 du code de la propriété intellectuelle, elle fait valoir qu'il appartient à M. E. de justifier en tant que licencié exclusif qu'il avait mis en demeure M. B. d'agir, ce qu'il ne fait pas. Elle ajoute que le préjudice de M. E. ne saurait excéder la marge par elle réalisée postérieurement au 27 janvier 2012 pour la somme de 3 478 euros.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 2 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient en premier lieu de préciser que les nombreux 'constater' figurant dans le dispositif des écritures de l'intimée ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile mais le résumé des moyens. De même, outre que la demande est reprise dans les conséquences d'une confirmation, il ne saurait y avoir lieu à rejet de pièces pour défaut de caractère probant, ceci procédant d'une analyse au fond des dites pièces.

À titre principal l'appelant conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance de ses droits sur la marque Haute Borderie à compter du 24 avril 2012 alors que l'intimée conclut de ce chef à la confirmation.

Le tribunal a prononcé cette déchéance en considération d'une absence d'usage sérieux de la marque. L'appelant soutient que c'est à tort que le tribunal a de ce chef fait droit à l'argumentation de la société Cheval Q. dans la mesure où il démontre un usage de la marque. Il précise que ce n'est pas une marque 'Château Haute Borderie' qui a été déposée, de sorte qu'il n'avait pas à se conformer à la réglementation viticole sur les noms de château et qu'il pouvait parfaitement exploiter sa marque avec celle de Domaine des Rosiers, la pratique des cuvées étant par ailleurs tout à fait usuelle.

Mais si la pratique des cuvées est certes courante et peut donner lieu à des dépôts de marque, il convient de revenir aux termes mêmes du dépôt de la marque Haute Borderie. Elle a été déposée ainsi que suit : vins d'appellation d'origine contrôlée et provenant de l'exploitation viticole exactement dénommée Haute Borderie.

Le titulaire de la marque, pour bénéficier de la protection qui y est associée, s'est donc obligé à exploiter dans les termes de ce dépôt. Il ne s'agit pas de considérer que l'exploitation de deux marques de manière conjointe est impossible dans le domaine viticole de manière générale mais de constater qu'en l'espèce l'exploitation de la marque Haute Borderie sous la forme d'une cuvée de la marque Domaine des Rosiers ne correspond pas au dépôt tel que rappelé ci-dessus et ce de manière significative. Il s'en déduit, alors que les seules pièces justifiant d'un usage de la marque correspondent toutes à une cuvée Haute Borderie d'un vin autrement dénommé, que c'est à bon droit, mais sans qu'il y ait lieu de faire référence au principe de dilution que le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi d'usage sérieux de la marque Haute Borderie, déposée dans les termes rappelés ci-dessus.

Il y avait ainsi lieu à déchéance de la marque, le point de départ du délai de 5 ans étant exactement fixé au jour du bail à ferme, soit le 23 avril 2007. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance à compter du 24 avril 2012 avec les conséquences y attachées. Il convient d'ailleurs d'observer que pour l'avenir M. E. ne s'est pas expliqué sur les conséquences de l'absence de renouvellement de la marque alors que ce défaut de renouvellement lui est opposé dans les dernières écritures de l'intimée.

Tirant les conséquences de cette déchéance et de la date de publication par M. E. de la cession de marque, le tribunal n'a envisagé l'existence d'acte de contrefaçon que pour la période entre le 27 janvier 2012 et la date de déchéance. Pour conclure à l'infirmation de ce chef, l'appelant se prévaut de l'article L 714-7 du code la propriété intellectuelle et fait valoir que l'intimée avait connaissance de la cession avant la publicité de sorte que la cession lui était opposable.

L'appelant considère que l'intimée a reconnu dans ses écritures devant le tribunal qu'elle avait connaissance de la cession de marque et que par ailleurs la pièce 2 le démontre. S'agissant de la pièce 2, elle consiste en un courrier électronique en date du 15 avril 2010. Les termes du document ne démontrent pas une connaissance de la cession de marque au profit de M. E. puisqu'il est uniquement fait état de l'impossibilité d'utiliser 'Château Haute Borderie' alors qu'il existe une réglementation spécifique du terme Château dans le domaine viticole, ce que l'appelant reprend d'ailleurs dans ses écritures dans le cadre du moyen précédent. Quant aux écritures de l'intimée, s'il en résulte qu'il a existé des discussions entre les parties à propos de la marque, il n'en demeure pas moins qu'aucun élément ne permet de préciser à quel moment l'intimée aurait eu connaissance de la cession. L'appelant ne précise d'ailleurs pas cette date. Dans de telles conditions la cour ne peut, comme le tribunal, que s'en tenir à la date de publicité.

M. E. fait encore valoir qu'il avait la possibilité, antérieurement à la cession, d'intervenir dans une instance qu'aurait initiée le propriétaire, M. B., et ce en sa qualité de licencié. Cependant, aucune instance n'avait été engagée par M. B. Sur le fondement des dispositions de l'article L 716-5 du code de la propriété intellectuelle, il n'est justifié, ni même invoqué, aucune mise en demeure que M. E. aurait adressée à M. B. de sorte que le moyen tiré de ces dispositions manque en fait.

Ainsi que l'a retenu le tribunal et comme soutenu par l'intimée il n'est caractérisé aucun acte d'utilisation par la société Cheval Q. de la marque Haute Borderie pendant la période limitée où M. E. pouvait se prévaloir de la protection y attachée.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de M. E. sur le fondement de la contrefaçon de sorte qu'il ne saurait y avoir lieu à expertise.

Dès lors que le jugement est confirmé de ces chefs, ce qui constitue le principal des prétentions de l'intimée dans le dispositif de ses écritures, la question de la déceptivité de la marque devient sans objet et il ne saurait y avoir lieu de 'statuer à nouveau pour le surplus'.

Demeure en débat la seule question de la demande indemnitaire formée à titre reconventionnel par l'intimée. Elle considère que l'appelant a commis une faute en agissant en contrefaçon et que son attitude est blâmable et caractérise l'existence d'un abus.

Toutefois, ainsi qu'il est exactement énoncé par le tribunal, le seul fait que M. E. succombe en son action et qu'il soit dit qu'il est déchu de ses droits sur la marque pour défaut d'usage sérieux, ne saurait en soit caractériser un abus du droit d'agir en justice. En effet, la question de l'usage sérieux relevait d'une appréciation de la juridiction. Les moyens de M. E. ont certes été rejetés ce qui ne saurait en soi être suffisant pour caractériser l'abus invoqué alors que les opérations de saisie contrefaçon ont été entreprises dans des conditions régulières. Aucun élément ne permet de retenir que M. E. aurait fait des pressions sur un tiers (EARL des vignobles B. et fils) pour qu'elle radie sa marque. C'est à bon droit que le premier juge a rejeté les demandes indemnitaires. La cour observe de surcroît que l'intimée n'établit pas un préjudice en produisant un simple tableau par elle réalisé.

Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions.

L'appel étant mal fondé, M. E. sera condamné à payer à la société Cheval Q. la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. E. à payer à la SA Cheval Q. la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. E. aux dépens.