Cass. com., 25 avril 2006, n° 01-15.754
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2001), que la société Le Matériel Ondia (la société LMO), titulaire de 587 actions de la Société immobilière de l'industrie hôtelière de Paris (la SIIHP), ayant pour objet la réalisation d'opérations à finalité locative prévue à l'article R. 313-17 I et II du Code de la construction et de l'habitation, au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, a procédé au cours de l'année 1995, à un achat d'actions de cette société auprès d'autres actionnaires (les cédants), jusqu'à détenir 40 % du capital; que la SIIHP, soutenant que ces achats avaient été effectués dans un but contraire à son objet social, a assigné la société LMO et les cédants en annulation des cessions d'actions ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société LMO fait grief à l'arrêt d'avoir annulé les ordres de mouvements d'actions enregistrés à son profit depuis le 6 juin 1995 dans les livres de la SIIHP alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article L. 228-23 du Code de commerce (anciennement article 274 de la loi du 24 juillet 1966) que, dans une société anonyme, la seule cession d'actions à un tiers peut être soumise à l'agrément de la société, et que les cessions d'actions entre actionnaires sont libres ; que la libre cessibilité des actions entre actionnaires ne peut être limitée par l'exigence de la société actionnaire souhaitant acquérir les actions d'autres actionnaires ; qu'il n'est apporté aucune dérogation à ces règles ni par les statuts de la SIIHP, ni par aucune disposition du Code de la construction et de l'habitation applicable aux sociétés dont le capital est constitué de la participation des employeurs à l'effort de construction ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société LMO était actionnaire et que par conséquent les cessions étaient entachées de fraude comme visant à éluder la nécessité d'un agrément par la société, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 228-23 du Code de commerce et par fausse application les articles L. 313-1 à L. 313-6 et R. 313-1 à R. 313-6 du Code de la construction et de l'habitation ;
2°/ qu'aucune disposition du Code de la construction et de l'habitation ni aucun principe applicable aux sociétés dont le capital est constitué par la participation des employeurs à l'effort de construction n'interdisent à la société et à ses actionnaires de tirer profit de la gestion et, le cas échéant, de la réalisation du patrimoine social, dès lors que sont respectées les conditions particulières imposées par la loi à ce type de sociétés ; qu'en l'espèce, en se bornant pour annuler les cessions litigieuses, à déclarer qu'elles avaient été faites dans une intention de profit de la part du cessionnaire, sans constater qu'elles avaient eu pour objet ou pour effet de soustraire la SIIHP à ses obligations légales, tenant notamment à l'affectation de son patrimoine immobilier au logement social pendant vingt ans, ou de permettre à la société LMO de revendre ses actions à des conditions illégales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-1 à L. 313-6, R. 313-1 à R. 313-6 et L. 313-27 du Code de la construction et de l'habitation ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société LMO, qui avait une activité de maintenance électrique et qui était en sommeil depuis 1976, a été acquise par la société Consortium de valeurs mobilières (CMV), spécialisée en opérations financières, que son objet social a été modifié par ses nouveaux dirigeants, communs à la société CMV, lors d'une assemblée générale du 15 juin 1995 pour devenir purement financier, qu'elle a concomitamment en septembre 1995, sans en informer dans un premier temps les actionnaires et les dirigeants de la SIIHP, engagé des négociations avec un tiers en vue d'échanger les immeubles de la SIIHP contre un immeuble appartenant à celui-ci, plus une soulte ; qu'il relève encore qu'après cette opération, la société LMO n'a plus exercé aucune activité, confirmant ainsi que son réveil et la transformation de son objet social par les dirigeants de la société CMV n'avait eu pour finalité que la prise de contrôle de la SIIHP et la cession simultanée du patrimoine de celle-ci ; qu'il en a déduit que malgré une apparente régularité formelle, l'acquisition des titres de la SIIPH s'est faite par l'intermédiaire de la société LMO, "coquille vide" entre les mains de la société CMV, qui n'était animée d'aucune affectio sociétatis puisque l'opération était faite, non pas dans le but d'assurer le logement locatif des employés des sociétés hôtelières actionnaires, mais seulement dans celui d'obtenir une plus-value importante par un démantèlement du patrimoine de la société immobilière allant bien au-delà d'une simple prise de bénéfice ; qu'en l'état de ces appréciations et constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la seconde branche, a pu déduire que les cessions d'actions étaient entachées de fraude ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société LMO fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que les cédants conserveront à titre de dommages-intérêts les sommes versées par la société LMO au titre des cessions annulées alors, selon le moyen, qu'en statuant par de tels motifs, qui ne caractérisent pas le préjudice subi par les cédants, ni un quelconque lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice subi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société LMO avait manqué de loyauté en incitant les actionnaires qui étaient de bonne foi, à céder leurs titres dans des conditions retenues comme frauduleuses, la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir le préjudice des cédants, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.