Cass. 1re civ., 16 octobre 2013, n° 12-26.729
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gridel
Rapporteur :
Mme Darret-Courgeon
Avocat général :
M. Mellottée
Avocats :
Me Blondel, Me Le Prado
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 17 mars 2011), que MM. X..., A...et B..., notaires associés de la société civile professionnelle X...-A...-B...-Y..., aux côtés de M. Y..., ont demandé la dissolution anticipée de l'office notarial invoquant l'inexécution par ce dernier de ses obligations et la mésentente entre les associés, paralysant le fonctionnement de la société ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de prononcer la dissolution de la société, alors, selon le moyen :
1°/ que la mésentente grave entre associés d'une société civile professionnelle dont l'un d'eux est seul responsable ne peut constituer pour celui-ci un juste motif l'autorisant à demander la dissolution anticipée de cette société ; que la cour d'appel, qui a prononcé la dissolution de la SCP A..., B..., X... et Y..., en relevant que la mésentente entre M. Y... et ses associés était avérée et profonde, le premier n'ayant plus confiance dans la probité professionnelle des autres, et les second ne supportant plus les mises en cause incessantes de M. Y... tant par voie judiciaire que par voie de presse, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette mésentente n'était pas imputable à MM. A..., B...et X..., dont les agissements motivaient les actions notamment pénales engagées par M. Y..., ni si la demande de dissolution, loin d'être fondée sur un juste motif, ne tendait pas pour les demandeurs à limiter les conséquences de leurs agissements, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 5, du code civil ;
2°/ que la mésentente entre associés n'est une cause de dissolution de la société que dans la mesure où elle a pour effet de paralyser le fonctionnement de la société ; que la cour d'appel, pour prononcer la dissolution de la SCP A..., B..., X... et Y..., a retenu que la paralysie du fonctionnement de la SCP était à l'oeuvre, le conflit permanent entre les associés devant entraîner inéluctablement à moyen terme la mise en péril du service public assuré par l'étude, la perte de la clientèle et le dépôt de bilan de l'office ainsi qu'une altération définitive de l'image de la profession de notaire dans le département de l'Aisne et que si aujourd'hui le fonctionnement de l'office pouvait se poursuivre en raison de la révocation de M. Y... de son mandat de cogérant et de l'article 17 des statuts prévoyant la possibilité de convoquer à nouveau l'assemblée pour approuver les comptes à la majorité des trois quarts des voix en cas de défaut d'approbation à l'unanimité, ces mesures ne permettaient qu'un fonctionnement " a minima " de l'office dans l'attente de la résolution du conflit opposant les associés, et qu'en poursuivant un fonctionnement " a minima ", les associés étaient en infraction aux articles 2, 10 et 12 du Règlement national des notaires ; qu'en statuant ainsi, en constatant un fonctionnement qui, même a minima, écarte la paralysie de la société, et sans constater d'interdiction professionnelle paralysant la société, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 5, du code civil ;
3°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que la cour d'appel, pour prononcer la dissolution de la SCP A..., B..., X... et Y..., a retenu qu'en poursuivant un fonctionnement " a minima ", les associés étaient en infraction aux articles 2, 10 et 12 du Règlement national des notaires ; qu'en statuant ainsi, sans préciser la teneur des dispositions qui auraient été enfreintes, ni les circonstances qui caractériseraient une infraction, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que si les dispositions de l'article 17 des statuts, prévoyant l'approbation des comptes à la majorité des 3/ 4 des voix en cas de défaut d'approbation à l'unanimité, permettent d'envisager un fonctionnement " a minima " de la société, les statuts exigent toutefois que les décisions soient prises à l'unanimité des associés, condition statutaire que le conflit permanent opposant les associés ne permet plus d'atteindre, d'autre part, que l'échec de la mesure de médiation judiciaire proposée par la cour d'appel et les dissensions entre les associés, qui ne correspondent plus que par l'intermédiaire de leurs conseils ou en présence d'un huissier de justice, ne permettent pas d'envisager une issue amiable au litige et rendent impossible le départ de M. A...à la retraite à défaut pour les intéressés de s'entendre sur l'identité de son successeur, ensuite, que le temps consacré par M. Y... à confondre ses associés, au détriment de la clientèle et du suivi de ses dossiers, a entraîné une diminution du chiffre d'affaires mettant en péril l'avenir économique de l'office notarial, déjà fragilisé par le climat social que génère ce conflit et par le départ des clercs, enfin, que le caractère public donné par M. Y... au différend, notamment par voie de presse, atteint la réputation de l'étude et de la profession dans son ensemble, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a souverainement estimé, par une décision motivée, que le fonctionnement normal de l'étude était paralysé tant en raison du comportement de M. Y... que de la mésentente permanente entre les associés ayant entraîné la disparition de tout affectio societatis ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.