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Décisions

Cass. 1re civ., 14 juin 2007, n° 06-16.603

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Paris, 11e ch. A, du 5 avr. 2006

5 avril 2006

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que M. X a incriminé un passage d'un article publié par le Journal Le Monde dans son édition du 8 février 2003 et mis en ligne la veille sur le site www.Lemonde.fr, consacré à la situation en Côte-d'Ivoire, intitulé « le rôle clé des gardes du corps du couple présidentiel » sous-titré « l'assassinat du général Y et celui du comédien Z H figurerait parmi leurs œuvres » et comportant un intertitre "le maître et ses hommes" faisant état de l'existence de deux escadrons de la mort, l'un militaire commandé par le capitaine Seka A et l'autre civil dirigé par Patrice B ; que par jugement du 7 juillet 2004 le tribunal de grande instance de Paris a retenu le caractère diffamatoire des propos poursuivis et a refusé le bénéfice de la bonne foi au journaliste ;

Attendu que pour condamner in solidum, d'une part, M. C et la société éditrice du Monde, d'autre part, M. C et la société Le monde interactif à payer à M. X la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts et ordonner la publication d'un communiqué, la cour d'appel a énoncé qu'à l'appui de la démonstration du sérieux de l'enquête étaient produits un rapport du Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU, une feuille de papier présentée comme une annexe confidentielle du rapport mentionnant les noms des principaux responsables des escadrons de la mort, un document intitulé « Note de renseignements » émanant de la DGSE, non signé daté du 27 janvier 2003, portant un numéro et la mention « confidentiel défensee, le texte des accords de Marcoussis, de nombreux articles de presse et des documents du mouvement ivoirien des droits de l'homme mais que le nom de Patrice X ne figurait que dans la note de la DGSE, qui comporte un indice de fiabilité de 80 % et ne bénéficie pas d'une présomption de véracité, deux articles de presse parus dans "l'Intelligent" du 9 au 15 mars 2003 et "Africa national" du 14 octobre 2003 soit postérieurs au jour de la parution de l'article et que la pièce présentée comme une annexe confidentielle au rapport de l'ONU qui mentionne les noms de neuf responsables d'exactions ne comportait ni date ni indication de provenance, ni signature et, que les pièces produites apparaissaient comme insuffisantes pour démontrer l'existence d'une enquête sérieuse au moment de la parution de l'article et reconnaître l'existence du fait justificatif de bonne foi ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait du contexte caractérisé par les informations publiées par la presse nationale et internationale, que les éléments fournis et invoqués, notamment des documents publics officiels et les accords de paix de Linas-Marcoussis du 24 janvier 2003, étaient suffisamment nombreux et fiables et formaient un ensemble cohérent caractéristique d'une enquête sérieuse qui avait été effectuée avec un souci d'analyse et de réflexion conforme à la mission d'information du journaliste et justifiant la tenue des propos litigieux, de sorte que la bonne foi était caractérisée, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres consatations, a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, la Cour est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.