CJUE, 4e ch., 16 juin 2022, n° C-700/19 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Toshiba Samsung Storage Technology Corp., Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp.
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Jürimäe (rapporteure)
Juges :
M. Rodin, M. Piçarra
Avocat général :
M. Pitruzzella
LA COUR (quatrième chambre),
1 Par leur pourvoi, Toshiba Samsung Storage Technology Corp. (ci-après « TSST Japon ») et Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp. (ci-après « TSST KR ») (ci-après, ensemble, les « requérantes ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea/Commission (T‑8/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:522), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation totale ou partielle de la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39639 – Lecteurs de disques optiques) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle le concerne, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.
I. Le cadre juridique
2 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) :
« 2. La Commission [européenne] peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :
a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE], ou
b) elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l’article 8, ou
c) elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l’article 9.
Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.
Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.
3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »
3 L’article 27, paragraphes 1 et 2, de ce règlement dispose :
« 1. Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.
2. Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles et aux documents internes de la Commission ou des autorités de concurrence des États membres. En particulier, le droit d’accès ne s’étend pas à la correspondance entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ou entre ces dernières, y compris les documents établis en application des articles 11 et 14. Aucune disposition du présent paragraphe n’empêche la Commission de divulguer et d’utiliser des informations nécessaires pour apporter la preuve d’une infraction. »
4 L’article 31 dudit règlement est libellé comme suit :
« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »
5 S’agissant du calcul des amendes, les points 6 et 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2), énoncent :
« 6. [...] [L]a combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique.
[...]
13. En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’[Espace économique européen (EEE)]. [...] »
II. Les antécédents du litige et la décision litigieuse
6 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué et peuvent se résumer comme suit pour les besoins de la présente affaire.
7 Les requérantes, TSST Japon et TSST KR, sont des producteurs et des fournisseurs de lecteurs de disques optiques (ci-après les « LDO »). En particulier, TSST Japon est une société commune détenue par Toshiba Corporation, société établie au Japon, et par Samsung Electronics Co. Ltd, société établie en Corée du Sud. Pendant la période infractionnelle, TSST Japon a été la société mère de TSST KR.
8 TSST Japon et TSST KR ont commencé des opérations le 1er avril 2004 comme deux unités d’exploitation distinctes. Au mois de décembre 2005, TSST Japon a quitté le marché, restant avec des activités de ventes transitionnelles réduites jusqu’au début de l’année 2008. TSST KR a graduellement assumé les activités de ventes de TSST Japon et elle a été directement engagée dans le développement, la commercialisation, la vente et le service après-vente des LDO.
9 L’infraction en cause concerne des LDO utilisés notamment dans des ordinateurs personnels (ordinateurs de bureau et ordinateurs portables) produits par Dell Inc. et Hewlett Packard (ci-après « HP »).
10 Dell et HP sont les deux principaux fabricants de produits d’origine sur le marché mondial des ordinateurs personnels. Ces deux sociétés utilisent des procédures d’appel d’offres classiques menées à l’échelle mondiale impliquant, notamment, des négociations trimestrielles sur un prix au niveau mondial et sur des volumes d’achats globaux avec un petit nombre de fournisseurs présélectionnés de LDO.
11 Les procédures d’appel d’offres comprennent des demandes de devis, des demandes de devis électroniques, des négociations en ligne, des enchères électroniques et des négociations bilatérales (hors ligne). À la clôture d’un appel d’offres, les clients attribuent des volumes aux fournisseurs de LDO participants selon les prix qu’ils offrent.
12 Le 14 janvier 2009, la Commission a reçu une demande d’immunité au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17) introduite par Koninklijke Philips NV. Les 29 janvier et 2 mars 2009, cette demande a été complétée afin d’y inclure, aux côtés de cette société, Lite-On IT Corporation et leur entreprise commune Philips & Lite-On Digital Solutions Corporation.
13 Le 30 juin 2009, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à Koninklijke Philips, à Lite-On IT et à Philips & Lite-On Digital Solutions.
14 Les 4 et 6 août 2009, Hitachi-LG Data Storage Inc. et Hitachi-LG Data Storage Korea Inc. ont présenté à la Commission une demande de réduction du montant de l’amende en application de la communication visée au point 12 du présent arrêt.
15 Le 18 juillet 2012, la Commission a adressé une communication des griefs à treize fournisseurs de LDO, dont les requérantes (ci-après la « communication des griefs »), dans laquelle elle a indiqué que ceux-ci avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »)), en participant à une entente concernant les LDO s’étendant du 5 février 2004 au 29 juin 2009, consistant à coordonner leur comportement au sujet des appels d’offres organisés par deux fabricants d’ordinateurs, à savoir Dell et HP.
16 Le 29 octobre 2012, les requérantes ont adressé à la Commission leurs observations concernant la communication des griefs. Une audition s’est tenue les 29 et 30 novembre 2012 à laquelle ont participé tous les destinataires de la communication des griefs.
17 Le 18 février 2014, la Commission a adopté deux communications des griefs complémentaires afin, selon elle, de compléter, de modifier et de clarifier les griefs adressés à certains destinataires de la communication des griefs au sujet de leur responsabilité dans l’infraction alléguée. Le 1er juin 2015, la Commission a adopté une autre communication des griefs complémentaire. Cette nouvelle communication a eu pour but de compléter les deux communications des griefs précédentes en adressant les griefs soulevés dans ces communications à des entités juridiques supplémentaires appartenant aux groupes d’entreprises (sociétés mères ou entités absorbées) qui avaient déjà été destinataires de la première communication des griefs. Les destinataires des communications des griefs du 18 février 2014 et du 1er juin 2015 ont fait connaître leur point de vue à la Commission par écrit sans, pour autant, demander la tenue d’audition.
18 Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision litigieuse.
19 Dans cette dernière, la Commission a considéré que les participants à l’entente avaient coordonné leur comportement concurrentiel, à tout le moins du 23 juin 2004 au 25 novembre 2008. Elle a précisé que cette coordination s’était faite au moyen d’un réseau de contacts bilatéraux parallèles. Elle a indiqué que les participants à l’entente cherchaient à adapter leurs volumes sur le marché et à faire en sorte que les prix restent à des niveaux plus élevés que ceux auxquels ils auraient été en l’absence de ces contacts bilatéraux.
20 La Commission a précisé, dans la décision litigieuse, que la coordination entre les participants à l’entente concernait les comptes clients de Dell et de HP. Selon la Commission, en plus des négociations bilatérales avec leurs fournisseurs de LDO, Dell et HP appliquaient des procédures d’appel d’offres standardisées, qui avaient lieu au minimum à chaque trimestre. Elle a relevé que les membres de l’entente utilisaient leur réseau de contacts bilatéraux pour manipuler ces procédures d’appel d’offres, contrecarrant ainsi les tentatives de leurs clients de stimuler la concurrence par les prix.
21 Selon la Commission, les échanges réguliers d’informations ont notamment permis aux membres de l’entente de posséder une connaissance très fine des intentions de leurs concurrents avant même de s’engager dans la procédure d’appel d’offres, et, par conséquent, de prévoir leur stratégie concurrentielle.
22 La Commission a ajouté que, à intervalles réguliers, les membres de l’entente échangeaient des informations sur les prix concernant des comptes clients particuliers ainsi que des informations sans rapport avec les prix, telles que la production existante, la capacité de fourniture, l’état du stock, la situation au regard de la qualification et le moment de l’introduction de nouveaux produits ou d’améliorations. Elle a relevé que, de plus, les fournisseurs de LDO surveillaient les résultats finaux de procédures d’appel d’offres clôturées, c’est-à-dire le classement, le prix et le volume obtenus.
23 La Commission a également indiqué que, tout en sachant qu’ils devaient garder leurs contacts secrets à l’égard des clients, les fournisseurs de LDO utilisaient, pour se contacter, les moyens qu’ils jugeaient être suffisamment aptes à atteindre le résultat souhaité. Elle a précisé que, d’ailleurs, une tentative de convoquer une réunion en vue de l’organisation de réunions multilatérales régulières entre ces fournisseurs avait échoué au cours de l’année 2003, après avoir été révélée à un client. Selon la Commission, à la place de ces réunions, il y a eu des contacts bilatéraux, essentiellement sous forme d’appels téléphoniques et, parfois, par messages électroniques, y compris sur des adresses de courriel privées et des services de messagerie instantanée, ou lors de réunions, principalement au niveau des gestionnaires de comptes mondiaux.
24 La Commission a constaté que les participants à l’entente se contactaient régulièrement et que les contacts, principalement par téléphone, devenaient plus fréquents au moment des procédures d’appel d’offres, durant lesquelles intervenaient plusieurs appels par jour entre certains binômes de participants à l’entente. Elle a précisé que, généralement, les contacts entre certains binômes de participants à l’entente étaient significativement plus élevés qu’entre certains autres.
25 La responsabilité des requérantes a été retenue en raison, d’une part, de la participation directe à l’entente de TSST KR, du 23 juin 2004 au 17 novembre 2008, en particulier pour la coordination avec d’autres concurrents à l’égard de Dell et de HP, et, d’autre part, de l’exercice d’une influence décisive par TSST Japon sur sa filiale pendant toute la période infractionnelle, telle que présumée par la Commission.
26 S’agissant du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003.
27 Tout d’abord, pour déterminer le montant de base de l’amende, la Commission a considéré que, compte tenu des différences considérables concernant la durée de participation des fournisseurs de LDO à l’entente et afin de mieux traduire l’incidence réelle de cette dernière, il était approprié de recourir à une moyenne annuelle calculée sur la base de la valeur réelle des ventes réalisées par les entreprises concernées durant les mois civils complets de leur participation respective à l’infraction.
28 La Commission a ainsi expliqué que la valeur des ventes a été calculée sur la base des ventes de LDO destinés aux ordinateurs personnels facturées aux entités de HP et de Dell situées dans l’EEE.
29 La Commission a, par ailleurs, considéré que, étant donné que le comportement anticoncurrentiel à l’égard de HP avait commencé plus tard et afin de tenir compte de l’évolution de l’entente, la valeur des ventes pertinente serait calculée séparément pour HP et pour Dell, et que deux coefficients multiplicateurs en fonction de la durée seraient appliqués.
30 Ensuite, la Commission a décidé que, dès lors que les accords de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, et que l’entente s’étendait au moins à l’EEE, le pourcentage appliqué au titre de la gravité en l’espèce serait de 16 % pour tous les destinataires de la décision litigieuse. Par ailleurs, la Commission a indiqué que, eu égard aux circonstances de l’espèce, il convenait d’ajouter un montant à des fins dissuasives de 16 %.
31 Enfin, le montant de base ajusté de l’amende infligée aux requérantes atteignant le plafond fixé à 10 % de leur chiffre d’affaires, la Commission a dû procéder à un nouvel ajustement sur la base de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
32 Le dispositif de la décision litigieuse, pour autant qu’il concerne les requérantes, se lit comme suit :
« Article 1er
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue, composée de plusieurs infractions distinctes, dans le secteur des lecteurs de disques optiques couvrant l’ensemble de l’EEE, qui a consisté en des accords de coordination des prix :
[...]
e) [les requérantes] du 23 juin 2004 au 17 novembre 2008, pour leur coordination à l’égard de Dell et HP ;
[...]
Article 2
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :
[...]
e) [les requérantes], solidairement responsables : 41 304 000 euros ;
[...] »
III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
33 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 5 janvier 2016, les requérantes ont introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation totale ou partielle de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée.
34 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquaient neuf moyens. Le premier était tiré d’une violation des formes substantielles et des droits de la défense, le deuxième, d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, le troisième, d’erreurs de fait et de droit lors de la détermination de l’étendue géographique de l’infraction, le quatrième, d’erreurs de fait et de droit lors de la constatation d’une infraction unique et continue, le cinquième, d’erreurs de fait et de droit quant à leur prétendue connaissance de l’ensemble de l’infraction, le sixième, d’erreurs de fait et de droit concernant la date du début de leur participation à l’entente, le septième, d’un défaut de preuve quant à leur participation dans des pratiques concertées ou des accords anticoncurrentiels, le huitième, d’une violation du droit à une bonne administration pour la durée excessive de l’enquête et, le neuvième, présenté à titre subsidiaire, des erreurs commises par la Commission lors du calcul du montant de l’amende.
35 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens et, partant, le recours dans son intégralité.
IV. Les conclusions des parties
36 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’annuler la décision litigieuse en ce qu’elle les concerne ;
– d’annuler ou de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision ;
– de condamner la Commission à l’intégralité des dépens exposés en première instance ainsi que dans le cadre du présent pourvoi, et
– d’ordonner toute mesure appropriée au vu des circonstances de l’affaire.
37 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner les requérantes à supporter l’intégralité des dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.
V. Sur le pourvoi
38 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent quatre moyens, qui ont trait, en substance, à l’appréciation, par le Tribunal, premièrement, de la constatation de la Commission selon laquelle l’infraction unique et continue que celle-ci leur a reproché était composée de plusieurs infractions distinctes, deuxièmement, de l’existence d’une infraction unique et continue, troisièmement, des droits de la défense et, quatrièmement, de la compétence de la Commission.
A. Sur le premier moyen
1. Argumentation des parties
39 Par leur premier moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’examen des trois premières branches du premier moyen d’annulation, consistant en une violation des formes substantielles et des droits de la défense, en ce qu’il aurait confirmé que l’infraction unique et continue en cause était composée de plusieurs infractions distinctes, alors que cette qualification « duale » ne figurerait pas dans la communication des griefs.
40 Ce moyen se subdivise en deux branches.
41 La Commission fait valoir, à titre liminaire, que le Tribunal a confirmé la conclusion de la décision litigieuse selon laquelle les requérantes ont participé à une infraction unique et continue. Elle considère, par conséquent, que les arguments avancés par les requérantes concernant la conclusion, qui serait formulée, à titre incident, et selon laquelle cette infraction se compose de plusieurs infractions distinctes, sont inopérants.
a) Première branche du premier moyen
42 Par la première branche de leur premier moyen, qui comporte trois griefs, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’analyse de la première branche du premier moyen qu’elles avaient soulevé en première instance, relatif à une violation des droits de la défense.
43 De manière générale, la Commission soutient, premièrement, qu’il est erroné de prétendre qu’elle n’a introduit des considérations relatives à des infractions distinctes qu’au stade de la décision litigieuse. Le Tribunal aurait correctement relevé, au point 60 de l’arrêt attaqué, que la Commission a fait référence, aux considérants 308, 353 et 354 de la communication des griefs, à un écheveau d’infractions, d’accords ou de pratiques concertées. Le Tribunal aurait également, aux points 61 à 63 de cet arrêt, déduit à bon droit de la réponse des requérantes à la communication des griefs que celles-ci avaient compris ce qui leur était reproché et qu’elles ont pu se défendre en ce qui concerne l’ensemble des contacts bilatéraux retenus à leur charge. En outre, le Tribunal aurait justement déclaré, aux points 56 et 57 dudit arrêt, d’une part, que la notion d’« infraction unique et continue » suppose un ensemble de comportements adoptés par les parties poursuivant un même but économique anticoncurrentiel, et d’autre part, qu’il résulte de la notion même d’« infraction unique et continue » qu’une telle infraction suppose un ensemble de comportements ou d’infractions. Ainsi, les requérantes auraient été entendues tant en ce qui concerne l’écheveau d’infractions en cause qu’en ce qui concerne les critères supplémentaires à remplir pour pouvoir constater l’existence d’une infraction unique et continue.
44 Deuxièmement, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, la Commission aurait bien soutenu, devant le Tribunal, qu’elle avait entendu les destinataires de la décision litigieuse sur les infractions distinctes en cause. Troisièmement, la jurisprudence issue de l’arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778), et de l’arrêt du Tribunal du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), ne serait pas pertinente dans la mesure où les requérantes auraient été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il leur était reproché chacun des comportements composant l’infraction unique et continue. Quatrièmement, il ressortirait plus spécifiquement de l’arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778), que les destinataires d’une décision doivent être entendus sur l’infraction unique et continue et sur les comportements la composant. Or, tel serait le cas en l’espèce. Au demeurant, il ressortirait également de ce dernier arrêt que, même si la communication des griefs n’avait pas clairement qualifié les comportements reprochés d’infractions plus restreintes en violation de leurs droits de la défense, cela ne serait pas contraire à la jurisprudence de la Cour, qui n’exigerait pas une telle qualification pour autant que les parties aient été entendues au sujet des comportements en cause.
1) Premier grief de la première branche du premier moyen
45 Selon les requérantes, après avoir, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, correctement exposé la jurisprudence relative à la notion d’« infraction unique et continue », en rappelant, d’une part, qu’une violation de l’article 101 TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou d’un comportement continu, et, d’autre part, qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement pourraient également constituer en eux-mêmes une violation de cet article 101 TFUE, le Tribunal aurait dû considérer, aux points 57 et 58 de cet arrêt, que cette notion ne suppose pas nécessairement l’existence d’infractions de moindre ampleur.
46 Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas que la Commission aurait dû analyser clairement et qualifier toute infraction distincte de moindre ampleur. En effet, toute qualification juridique supplémentaire d’un acte ou d’une série d’actes dans la décision litigieuse devrait être clairement exposée au cours de la procédure administrative afin que les parties puissent être entendues et puissent correctement exercer leurs droits de la défense. Le simple fait que la décision litigieuse contienne une constatation supplémentaire ne figurant pas dans la communication des griefs aurait dû conduire le Tribunal à constater une violation des droits de la défense des requérantes, ce qu’il n’a pas fait, méconnaissant ainsi l’arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens (C‑441/11 P, EU:C:2012:778), et l’arrêt du Tribunal du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867).
47 La Commission soutient que les requérantes dénaturent l’arrêt attaqué en laissant entendre qu’il repose sur l’hypothèse selon laquelle la notion d’« infraction unique et continue » suppose nécessairement l’existence d’infractions distinctes plus restreintes. Or, le Tribunal ferait mention, aux points 55 à 57 de cet arrêt, non pas d’une nécessité, mais d’une possibilité. De même, les requérantes déduiraient erronément de l’arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), que le Tribunal n’aurait pas prononcé l’annulation de la décision litigieuse en cause dans l’affaire ayant donné lieu à ce dernier arrêt si une allégation d’infraction unique et continue supposait également celle d’infractions distinctes de moindre ampleur. En tout état de cause, la participation des requérantes à une infraction unique et continue aurait été confirmée et celles-ci auraient été entendues au sujet des comportements composant cette infraction. Ce serait donc à bon droit que le Tribunal aurait conclu, au point 58 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait aucune incohérence entre la communication des griefs et la décision litigieuse et que les droits de la défense avaient été respectés.
2) Deuxième grief de la première branche du premier moyen
48 Les requérantes soutiennent que, si une décision peut compléter et modifier l’analyse contenue dans la communication des griefs pour tenir compte des réponses des parties, elle ne saurait introduire des constatations supplémentaires d’infractions distinctes.
49 Or, le Tribunal aurait commis, au point 59 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en considérant l’inverse. Au lieu d’appliquer la jurisprudence correctement exposée au point 51 de cet arrêt, le Tribunal a simplement considéré que les conclusions finales d’une décision ne doivent pas forcément correspondre en tout point à la qualification intermédiaire de la communication des griefs, en faisant référence à la jurisprudence citée au point 53 dudit arrêt. Cependant, le Tribunal aurait omis que la liberté de la Commission ne se justifierait que pour tenir compte des observations des parties et non pas pour introduire des constatations supplémentaires.
50 La Commission soutient que le Tribunal a correctement appliqué la jurisprudence relative au droit d’être entendu. Contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le Tribunal n’aurait pas été tenu d’appliquer, au point 59 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence citée au point 51 de cet arrêt. Premièrement, leur argumentation serait inopérante, car ce point 59 recèlerait un motif non nécessaire au soutien de la conclusion énoncée aux points 64 à 66 dudit arrêt. Deuxièmement, le raisonnement des requérantes repose sur une prétendue différence significative entre la communication des griefs et la décision litigieuse, qui n’existerait pas. Troisièmement, les points 51 et 53 de l’arrêt attaqué ne feraient pas référence à des jurisprudences différentes. Quatrièmement, étant donné que, en réponse à la communication des griefs, les requérantes auraient nié avoir participé au moindre contact illégal et auraient affirmé que les critères nécessaires à la constatation de l’infraction unique et continue n’étaient pas satisfaits, la Commission aurait été en droit de tenir compte de ces arguments et d’insérer le considérant 352 dans la décision litigieuse.
3) Troisième grief de la première branche du premier moyen
51 Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que le Tribunal a affirmé aux points 60 à 64 de l’arrêt attaqué, la Commission n’a pas procédé, dans la communication des griefs, à la constatation d’infractions autres qu’une infraction unique et continue. Aucun autre acte, série d’actes ni aucun type de comportement ne feraient l’objet, dans cette communication, d’une qualification juridique supplémentaire et distincte par rapport à celle d’infraction unique et continue.
52 Le Tribunal aurait conclu, à tort, aux points 60 à 63 de l’arrêt attaqué, que la communication des griefs avait donné la possibilité aux requérantes de formuler des observations sur des infractions autres que l’infraction unique et continue en cause. Les deux seules références à des infractions distinctes figurant dans la communication des griefs ne satisferaient pas au degré de clarté requis par la jurisprudence citée au point 52 de cet arrêt et cette communication ne contiendrait aucune qualification ni aucune description claire d’infractions distinctes de l’infraction unique et continue. De simples descriptions factuelles ne sauraient être suffisantes à cet égard.
53 De plus, contrairement à ce qu’affirmerait le Tribunal, la réponse des requérantes à la communication des griefs ne corroborerait pas l’assertion selon laquelle les requérantes ont eu la possibilité de répondre efficacement sur des infractions distinctes. Cette réponse ne porterait que sur les preuves relatives à l’infraction unique et continue et ne porterait pas sur une quelconque infraction distincte.
54 La Commission soutient que la communication des griefs énonçait l’allégation d’infractions distinctes, ce que le Tribunal aurait justement reconnu. Premièrement, l’argument selon lequel la communication des griefs ne contiendrait pas de qualification juridique autre que celle d’infraction unique et continue serait inopérant, car l’arrêt attaqué reposerait sur l’hypothèse selon laquelle la seule qualification juridique de l’infraction en cause est celle d’infraction unique et continue, qui suppose elle-même un ensemble de comportements ou d’infractions. Deuxièmement, ce serait à bon droit que le Tribunal a conclu qu’il ressortait de la communication des griefs que cette infraction était composée de plusieurs infractions distinctes. Cette communication aurait défini la portée et la nature du comportement des requérantes, à savoir une série d’accords bilatéraux de coordination des prix, que la Commission a considérés comme constituant une violation de l’article 101 TFUE. Le Tribunal aurait donc eu raison d’affirmer, aux points 61 à 63 de l’arrêt attaqué, que les requérantes étaient en mesure de comprendre les allégations de la Commission. Troisièmement, contrairement à ce qu’affirmeraient les requérantes, la référence, au point 61 de cet arrêt, à une « qualification juridique » ne saurait signifier une qualification juridique dépassant le cadre du constat d’infraction unique et continue. Quatrièmement, les requérantes distingueraient de façon artificielle l’infraction unique et continue des infractions distinctes qui la composent. Au demeurant, la jurisprudence de la Cour autoriserait la Commission à qualifier certains faits seulement au stade de sa décision, dès lors que les parties ont eu l’occasion de s’expliquer sur les faits retenus par la Commission et dans la mesure où les principes de droit et les éléments factuels pertinents ont été indiqués dans la communication des griefs.
b) Seconde branche du premier moyen
55 Par la seconde branche de leur premier moyen, qui comporte trois griefs, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans la motivation de l’arrêt attaqué écartant les deuxième et troisième branches du premier moyen qu’elles avaient soulevé en première instance.
56 Devant le Tribunal, les requérantes avaient soutenu que la motivation de la décision litigieuse relative à la qualification juridique des infractions distinctes alléguées était insuffisante ou contradictoire, dès lors que cette qualification n’était ni exposée ni justifiée. De ce fait, cette motivation n’aurait pas permis aux requérantes de comprendre la nature et la portée de l’infraction retenue à leur égard, n’aurait pas exposé les considérations pertinentes et présenterait des contradictions internes.
1) Premier grief de la seconde branche du premier moyen
57 Les requérantes font valoir, premièrement, que, en présumant, aux points 76 à 78 ainsi que 81 et 82 de l’arrêt attaqué, qu’une infraction unique et continue se compose d’infractions individuelles, le Tribunal a commis des erreurs de droit.
58 Deuxièmement, en considérant, aux points 78, 80 et 82 de cet arrêt, que les différents contacts individuels constituaient des infractions distinctes, le Tribunal aurait lui-même procédé à une qualification des faits, ce qui empiéterait sur les pouvoirs attribués à la Commission par l’article 101 TFUE. Or, dans la décision litigieuse, la Commission aurait fait une seule fois référence, au considérant 352 de la décision litigieuse, à des infractions autres qu’une infraction unique et continue, sans pour autant faire mention de contacts individuels et bilatéraux.
59 La Commission soutient que le Tribunal a conclu à juste titre que les considérants et le dispositif de la décision litigieuse étaient cohérents. Les allégations des requérantes seraient basées sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Premièrement, le Tribunal n’aurait pas conclu, au point 78 de cet arrêt, que chaque contact bilatéral constituait une infraction distincte. Il se serait contenté de rappeler, au point 80 dudit arrêt, que l’annexe I de la décision litigieuse contenait une liste des contacts susceptibles de constituer des infractions. Cependant, le Tribunal n’aurait pas pris position, aux points 70 à 87 du même arrêt, ni sur les conclusions de la Commission ni sur la question de savoir si les contacts bilatéraux constituaient effectivement des infractions distinctes. Deuxièmement, à titre subsidiaire, la Commission fait valoir qu’aucune des conclusions énoncées aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué n’est fondée sur la prémisse que les différents contacts individuels constatés constituaient des infractions distinctes. Les arguments des requérantes seraient donc inopérants.
2) Deuxième grief de la seconde branche du premier moyen
60 Selon les requérantes, le Tribunal a également commis plusieurs erreurs de droit aux points 76 à 79 de l’arrêt attaqué. Premièrement, celui-ci n’aurait pas répondu à l’argument des requérantes selon lequel le considérant 352 de la décision litigieuse ne suffirait pas à soutenir l’article 1er de celle-ci. Le point 76 de cet arrêt se contenterait de considérer qu’il n’y a aucune incohérence entre ce considérant et cet article 1er. Deuxièmement, le point 77 dudit arrêt supposerait qu’une infraction unique et continue implique nécessairement des infractions distinctes. Troisièmement, le point 78 du même arrêt serait entaché de la même présomption. Il serait, en effet, erroné d’affirmer que la Commission a, aux considérants 303 et 346 de la décision litigieuse, constaté que les contacts individuels enfreignaient également l’article 101 TFUE. Quatrièmement, le Tribunal aurait fait abstraction de sa propre jurisprudence relative à des arguments très similaires.
61 La Commission affirme que le Tribunal a conclu à bon droit que la décision litigieuse ne comportait aucune contradiction. Il aurait répondu aux allégations sous-tendant les griefs des requérantes et n’aurait donc pas été tenu de répondre à des allégations d’incohérence après avoir constaté l’absence de toute incohérence.
3) Troisième grief de la seconde branche du premier moyen
62 Afin de rejeter l’argument invoqué en première instance tiré d’une motivation insuffisante de la décision litigieuse, le Tribunal aurait commis, aux points 80 à 82 et 85 de l’arrêt attaqué, plusieurs erreurs de droit.
63 Au point 80 de cet arrêt, le Tribunal n’aurait pas répondu aux griefs des requérantes. En effet, la décision litigieuse ou son annexe I ne contiendraient pas de conclusions sur les infractions distinctes visées à l’article 1er de cette décision. Le fait que le Tribunal affirme que « la Commission décrit clairement et de manière non ambiguë le fonctionnement de l’entente, l’application aux comportements allégués de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ainsi que les responsables de l’entente » ne serait pas pertinent, car cette affirmation porterait non pas sur ces infractions distinctes, mais sur l’infraction unique et continue. Ainsi, le Tribunal ne répondrait pas à l’argument selon lequel, même lus ensemble, le considérant 352 et l’article 1er de ladite décision manquent de clarté sur l’étendue desdites infractions distinctes.
64 Par ailleurs, l’affirmation, figurant au point 81 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait que les mêmes infractions distinctes ne comportent pas une qualification juridique supplémentaire susceptible d’être détaillée ne constitue pas un défaut de motivation de ladite décision contrevenant à la jurisprudence reposerait sur la prémisse erronée selon laquelle la qualification d’infraction unique et continue suppose elle-même un ensemble de comportements ou d’infractions.
65 Au point 82 de cet arrêt, le Tribunal commettrait une autre erreur en affirmant que, dans la décision litigieuse, les infractions distinctes correspondent aux différents contacts bilatéraux allégués, alors que cette décision ne qualifierait pas ces contacts.
66 Au point 85 dudit arrêt, le Tribunal aurait mal compris la requête qu’il aurait interprétée comme exposant des arguments détaillés sur les différents contacts, ce qui attesterait que la décision litigieuse contenait une motivation suffisante et que les requérantes auraient été mises en mesure de se défendre efficacement.
67 La Commission est d’avis que le Tribunal a conclu à bon droit qu’elle avait respecté l’obligation de motivation. Premièrement, la Commission ne serait pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires. Aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait conclu à juste titre que la décision litigieuse détaillait suffisamment les éléments pertinents et indiquait clairement la nature et la portée du comportement reproché aux requérantes, la manière dont l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’appliquait à ce dernier et les éléments de preuve sous-jacents. Deuxièmement, il n’y aurait qu’une différence de degré entre la constatation d’infractions simples et celle d’une infraction unique et continue. Ainsi, la Commission n’aurait pas été tenue de fournir une motivation plus détaillée, dès lors que la constatation d’infractions distinctes ne serait qu’une conclusion incidente revêtant une importance secondaire par rapport à la constatation principale d’une infraction unique et continue. Troisièmement, les requérantes opéreraient une distinction artificielle entre l’infraction unique et continue et les infractions distinctes qui la composent. Étant donné que ces infractions concerneraient exactement les mêmes faits et les mêmes éléments de preuve, l’argumentation des requérantes concernant les différents contacts individuels servirait à contester tant la constatation d’une infraction unique et continue que celle d’infractions distinctes.
2. Appréciation de la Cour
68 Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal plusieurs erreurs de droit en ce qu’il a confirmé que l’infraction unique et continue était composée de plusieurs infractions distinctes et que cette qualification duale, retenue dans la décision litigieuse, a bien été présentée dans la communication des griefs et a bien été motivée dans cette décision.
69 À cet égard, il y a lieu de relever que, à l’article 1er, sous e), de la décision litigieuse, la Commission a, en substance, constaté, d’une part, l’existence d’une infraction unique et continue et, d’autre part, l’existence de « plusieurs infractions distinctes » composant cette infraction.
70 Dans ce contexte, il convient de relever également que le premier moyen vise à contester uniquement l’appréciation, par le Tribunal, de ce dernier constat, relatif à l’existence de plusieurs infractions distinctes. En revanche, ce moyen ne porte pas sur son appréciation de la conclusion, figurant à cette disposition, selon laquelle les requérantes ont participé à une infraction unique et continue.
71 Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, dans la mesure où, en l’espèce, cette dernière a fondé la décision litigieuse sur deux constats d’infraction distincts, ledit moyen ne saurait, d’emblée, être écarté comme étant inopérant.
a) Observations liminaires
72 Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de cette disposition. Ainsi, lorsque les différents comportements s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces comportements en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
73 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’« accord » ou de « pratique concertée » ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
74 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue n’exige pas sa participation directe à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant cette infraction (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, C‑702/19 P, EU:C:2020:857, point 82 ainsi que jurisprudence citée).
75 C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’examiner le premier moyen.
b) Sur la première branche du premier moyen
76 Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit qui l’ont conduit à juger que la Commission n’avait pas violé leurs droits de la défense. Premièrement, aux points 57 et 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément jugé que la notion d’infraction unique et continue suppose l’existence d’infractions distinctes de moindre importance. Deuxièmement, au point 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré que les conclusions finales d’une décision ne doivent pas forcément correspondre en tout point à la qualification intermédiaire de la communication des griefs, en omettant de préciser que cette liberté de qualification de la Commission ne se justifie que pour tenir compte des observations des parties et non pour introduire des constatations supplémentaires. Troisièmement, aux points 60 à 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément constaté que la Commission avait procédé à la constatation d’autres infractions dans la communication des griefs que l’infraction unique et continue.
77 À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que la notion d’« infraction unique et continue » suppose un ensemble de comportements qui pourraient constituer également, en eux-mêmes, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Si un ensemble de comportements peut être qualifié, sous les conditions énoncées aux points 72 et 73 du présent arrêt, d’infraction unique et continue, il ne saurait en être déduit que chacun de ces comportements doit, en lui‑même et pris isolément, nécessairement être qualifié d’infraction distincte à cette disposition. En effet, pour ce faire, la Commission doit encore identifier et qualifier comme telle chacun desdits comportements et apporter ensuite la preuve de l’implication de l’entreprise concernée à laquelle ils sont imputés.
78 En ce sens, la Cour a déjà jugé qu’il n’est envisageable de diviser une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue que si, d’une part, ladite entreprise a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il lui était également reproché chacun des comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et si, d’autre part, cette décision est suffisamment claire à cet égard (voir, par analogie, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 46).
79 Deuxièmement, s’agissant des droits de la défense, selon une jurisprudence constante, le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être pleinement observé par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 94 ainsi que jurisprudence citée).
80 Le règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union, qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir au prononcé d’une sanction. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).
81 Certes, ainsi que l’a rappelé M. l’avocat général au point 88 de ses conclusions, il est loisible à la Commission de préciser, dans sa décision finale, une qualification juridique des faits qu’elle a retenue, à titre provisoire, dans la communication des griefs, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 42 à 44). Toutefois, cela implique que la Commission doit, dans la communication des griefs, énoncer toute qualification juridique des faits qu’elle envisage de retenir dans sa décision finale.
82 Il en résulte que les droits de la défense de l’entreprise concernée ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à la condition qu’un grief retenu dans cette dernière n’ait pas été exposé dans la communication des griefs ou qu’il n’y ait pas été exposé d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de cette communication de faire valoir utilement leurs arguments dans le cadre de la procédure engagée à leur égard.
83 Il s’ensuit que, lorsque la Commission a l’intention de reprocher aux destinataires d’une communication des griefs non seulement une infraction unique et continue, mais encore chacun des comportements constituant cette infraction pris séparément en tant qu’infractions distinctes, le respect des droits de la défense de ces destinataires exige que la Commission expose, dans cette communication, les éléments nécessaires pour permettre à ceux-ci de comprendre que la Commission les poursuit au titre tant de cette infraction unique et continue que de chacune de ces infractions distinctes.
84 Aux points 50 à 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé à bon droit les principes relatifs au respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure visant à constater une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Il a ensuite rappelé, aux points 55 et 56 de cet arrêt, certains aspects de la notion d’« infraction unique et continue », et notamment que cette notion suppose un ensemble de comportements adoptés par différentes parties poursuivant un même but économique anticoncurrentiel.
85 Cependant, au regard de ce qui a été exposé au point 83 du présent arrêt, le Tribunal ne pouvait pas déduire, au point 57 de l’arrêt attaqué, que la notion même d’« infraction unique et continue » suppose un « ensemble de comportements ou d’infractions » et que les requérantes ne pouvaient pas prétendre que la Commission avait inclus une qualification juridique supplémentaire à l’article 1er de la décision litigieuse, en retenant, en sus de l’infraction unique et continue, que celle-ci était composée de plusieurs « infractions distinctes ». En effet, une telle conclusion repose sur la prémisse erronée que chacun des comportements relevant d’une infraction unique et continue constitue une infraction distincte, ce qui n’est pas nécessairement le cas.
86 De même, si le Tribunal a correctement rappelé, au point 53 de l’arrêt attaqué, les principes relatifs au respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure visant à constater une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, comme il l’a également fait, en substance, au point 59 de cet arrêt, il ne pouvait en déduire que la simple évocation, dans la communication des griefs, de la possibilité de qualifier les comportements visés d’« infractions distinctes » était suffisante au regard des exigences rappelées aux points 77 à 83 du présent arrêt.
87 En particulier, la simple évocation, dans la communication des griefs, de la possibilité d’une telle qualification d’« infractions distinctes », dans le cadre d’une analyse relative à une infraction unique et continue, ne saurait suffire pour permettre à l’entreprise concernée de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard sur ces infractions distinctes.
88 Ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, les requérantes ne pouvaient comprendre, en l’absence de toute indication claire dans la communication des griefs, que la Commission entendait les poursuivre non seulement au titre de l’infraction unique et continue alléguée dans cette communication, mais également à celui de plusieurs infractions distinctes constituées des différents contacts bilatéraux mentionnés dans cette dernière.
89 Il s’ensuit que le Tribunal ne pouvait pas, sans commettre d’erreur de droit, juger que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense des requérantes, dès lors que la communication des griefs ne contenait pas les éléments essentiels retenus à leur égard en ce qui concerne ces infractions distinctes, en particulier la qualification envisagée des comportements qui leur étaient reprochés.
90 Partant, la première branche du premier moyen doit être accueillie.
c) Sur la seconde branche du premier moyen
91 Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit qui l’ont conduit à juger que la Commission n’avait pas développé une motivation contradictoire et insuffisante dans la décision litigieuse. Aux points 76 à 85 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait, premièrement, présumé qu’une infraction unique et continue se compose nécessairement d’infractions individuelles. Deuxièmement, il aurait également substitué sa propre motivation à celle de la Commission en considérant que les différents contacts individuels en cause constituaient des infractions distinctes. Troisièmement, il n’aurait pas suffisamment motivé sa décision de rejeter l’argument des requérantes selon lequel le considérant 352 et l’article 1er de la décision litigieuse manquaient de clarté quant à l’étendue de ces infractions distinctes.
92 À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences fixées à l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 23 ainsi que jurisprudence citée).
93 En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence également constante, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 42 ainsi que jurisprudence citée).
94 En troisième lieu, ainsi qu’il a été rappelé dans le cadre de l’examen de la première branche du premier moyen, il ne saurait être déduit du fait que la Commission qualifie un ensemble de comportements d’infraction unique et continue que chacun de ces comportements, en lui-même et pris isolément, doit nécessairement recevoir la qualification d’infraction distincte. En effet, si la Commission décide de qualifier comme tels les comportements en cause et de les imputer aux requérantes, elle doit encore examiner ceux-ci individuellement et démontrer leur caractère infractionnel ainsi que l’implication des requérantes dans chacun desdits comportements.
95 Il s’ensuit que, lorsque la Commission entend reprocher aux requérantes d’avoir participé non seulement à une « infraction unique et continue », mais encore à plusieurs infractions distinctes correspondant à des comportements composant cette infraction, elle doit préciser et motiver la qualification juridique d’infraction distincte qu’elle donne à chacun de ces comportements.
96 En l’occurrence, le Tribunal a implicitement jugé, aux points 76 à 78, 81 et 82 de l’arrêt attaqué, qu’une infraction unique et continue se compose nécessairement d’infractions individuelles. En effet, il a affirmé, au point 76 de cet arrêt, que la notion même d’« infraction unique et continue » suppose un ensemble de comportements ou d’infractions et en a déduit, sans autre précision, que les infractions distinctes visées à l’article 1er de la décision litigieuse ne constituaient donc pas une qualification juridique supplémentaire. Cette confusion entre les termes « infraction » et « comportement » se retrouve également au points 78, 81 et 82 dudit arrêt.
97 Ladite confusion a conduit le Tribunal à considérer, aux points 82 à 84 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait suffisamment motivé sa décision, alors même qu’il ne ressort pas de la décision litigieuse que la Commission ait qualifié chacun des contacts bilatéraux en cause d’infractions distinctes.
98 Or, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, la motivation du constat de plusieurs infractions distinctes que les requérantes auraient commises, telle qu’elle figure au considérant 352 de cette décision, n’est pas suffisante. Ainsi, il ressort de ce considérant que, sur la base des faits décrits à la section 4 et à l’annexe I de ladite décision, chaque manifestation du comportement adopté ou de tout ensemble (ou plusieurs ensembles) de contacts bilatéraux a eu pour objet de restreindre la concurrence et constitue donc une infraction à l’article 101 TFUE, sans toutefois que la Commission donne les raisons pour lesquelles il y avait lieu, selon elle, d’imputer aux requérantes chacun des comportements qui leur sont reprochés non seulement au titre d’une « infraction unique et continue », mais également à celui de plusieurs infractions distinctes à l’article 101 TFUE.
99 Il s’ensuit que, en jugeant que la Commission avait satisfait à son obligation de motiver la décision litigieuse en considérant que les requérantes avaient, outre leur participation à une infraction unique et continue, également participé à plusieurs infractions distinctes, le Tribunal a commis une erreur de droit.
100 Partant, la seconde branche du premier moyen ainsi que, par voie de conséquence, ce moyen dans son intégralité doivent être accueillis.
B. Sur le deuxième moyen
101 Par leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit en déterminant le critère juridique applicable pour établir l’existence d’une infraction unique et continue. Ce moyen se subdivise en deux branches.
1. Sur la première branche du deuxième moyen
a) Argumentation des parties
102 Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que les points 123, 205 et 206 de l’arrêt attaqué sont entachés d’une erreur de droit concernant le critère juridique applicable pour établir l’existence d’une infraction unique et continue.
103 Le Tribunal y affirmerait à tort qu’il n’est pas nécessaire de vérifier si les comportements allégués présentent un lien de complémentarité pour les qualifier d’infraction unique et continue. Or, une telle affirmation serait contraire à la jurisprudence du Tribunal selon laquelle un lien de complémentarité serait une condition nécessaire pour établir l’existence d’une telle infraction, chaque fois qu’il n’existe pas de preuve directe d’un plan formel reliant les différentes composantes de l’infraction. L’arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission (C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866), sur lequel le Tribunal s’appuie, porterait sur des faits différents de ceux de la présente affaire, dès lors que les participants au cartel en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt avaient signé à l’avance et par écrit un plan formel. De même, les arrêts du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Belgium/Commission (C‑642/13 P, EU:C:2017:58), et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission (C‑644/13 P, EU:C:2017:59), s’inscriraient dans un contexte factuel différent de celui de la présente affaire.
104 Selon la jurisprudence mentionnée par les requérantes, de simples similitudes entre différents ensembles d’agissements ne seraient pas suffisantes pour prouver une infraction unique et continue. Il conviendrait encore de démontrer leur complémentarité et leurs interactions.
105 La Commission estime que la première branche du deuxième moyen n’est pas fondée.
b) Appréciation de la Cour
106 Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir jugé que de simples similitudes entre différents ensembles d’agissements étaient suffisantes pour prouver l’existence d’une infraction unique et continue, sans qu’il fût nécessaire de démontrer une complémentarité et des interactions entre ceux-ci.
107 À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins de qualifier différents comportements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’« objectif unique » implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 50 ainsi que jurisprudence citée).
108 Il ne saurait être déduit de cette jurisprudence de la Cour qu’elle ne s’applique qu’à des situations dans lesquelles il existe une preuve directe d’un plan formel reliant les différentes composantes d’une infraction et que, en l’absence de telles preuves, un tel lien de complémentarité serait une condition nécessaire pour établir l’existence d’une telle infraction. En effet, dans les arrêts visés au point 103 du présent arrêt, la Cour a, au contraire, fourni des précisions ayant une portée générale et s’étendant à l’ensemble des infractions uniques et continues, indépendamment des modalités factuelles de mise en œuvre de ces dernières.
109 L’argument des requérantes repose donc sur une lecture erronée de la jurisprudence de la Cour.
110 Aux points 205 et 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à bon droit que le critère déterminant l’existence d’une infraction unique et continue est celui selon lequel les différents comportements faisant partie de l’infraction s’inscrivent dans un « plan d’ensemble » visant un objectif unique. À cet égard, il a précisé qu’il n’est pas nécessaire de vérifier si lesdits comportements présentent un lien de complémentarité pour les qualifier d’infraction unique et continue. Ainsi, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas s’être conformé à la jurisprudence de la Cour.
111 La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée.
2. Sur la seconde branche du deuxième moyen
a) Argumentation des parties
112 Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal des erreurs de droit concernant l’existence d’un plan d’ensemble ou d’une infraction unique et continue. Celui-ci aurait, dans l’arrêt attaqué, appliqué de façon erronée le critère juridique pertinent dégagé par les arrêts du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission (C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866), du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Belgium/Commission (C‑642/13 P, EU:C:2017:58), et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission (C‑644/13 P, EU:C:2017:59).
113 Le Tribunal aurait considéré, à tort, aux points 209 à 213 de l’arrêt attaqué, que les similitudes entre les agissements allégués constituaient des critères pertinents et suffisants pour caractériser une infraction unique et continue et que l’existence d’un lien de complémentarité ne constituerait pas une condition nécessaire à cet égard. Or, les requérantes soutiennent que, si la similitude des agissements est un critère pertinent, il ne serait pas suffisant et seule l’existence d’un tel lien serait susceptible de démontrer, en l’absence de preuve directe d’une interaction ou d’un plan formel établi à l’avance, l’existence d’une telle infraction.
114 La Commission est d’avis que la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.
b) Appréciation de la Cour
115 Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir jugé, aux points 209 à 213 de l’arrêt attaqué, que des similitudes entre des agissements étaient des critères pertinents et suffisants pour caractériser une infraction unique et continue et que l’existence d’un lien de complémentarité entre ces agissements ne constituait pas une condition nécessaire à cet égard.
116 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, afin de prouver l’existence d’un objectif commun à différents comportements susceptibles d’être qualifiés, ensemble, d’infraction unique et continue, la Commission peut retenir différents éléments objectifs, tels que la similitude de mise en œuvre des arrangements collusoires en cause ainsi que les chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les pratiques concernées (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Belgium/Commission, C‑642/13 P, EU:C:2017:58, point 62).
117 Or, le Tribunal a, en substance, relevé, au point 209 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait souligné que les différents contacts collusoires portaient sur le même produit, avaient un contenu similaire, impliquaient dans une large mesure les mêmes parties, avaient la même portée géographique et poursuivaient le même objectif et qu’elle en avait conclu que ces différents éléments objectifs constituaient des indices pertinents pour démontrer l’existence d’un plan global.
118 Le Tribunal a ensuite rappelé, au point 212 de l’arrêt attaqué, que les similitudes entre les comportements reprochés sont des critères pertinents pour démontrer l’existence d’une infraction unique et continue. Il a précisé que d’autres critères sont également pertinents, tels que l’identité des personnes physiques impliquées ou encore celle du champ d’application géographique des pratiques en cause.
119 Ainsi, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, le Tribunal a jugé non pas que des similitudes entre les comportements en cause étaient suffisantes pour démontrer l’existence d’une infraction unique et continue, mais que ces similitudes ne constituaient que des critères parmi d’autres pour démontrer l’existence d’un plan d’ensemble, lequel est l’une des conditions pour caractériser une telle infraction.
120 Partant, au point 213 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a correctement jugé que les similitudes invoquées par les requérantes constituaient des critères pertinents aux fins de déterminer si les différents comportements faisant partie de l’infraction unique et continue participaient d’un plan d’ensemble visant un objectif unique, sans qu’il fût nécessaire d’établir une sorte de « synergie entre les agissements reprochés ».
121 Il convient donc de rejeter la seconde branche du deuxième moyen comme étant non fondée et, partant, ce moyen dans son intégralité comme étant également non fondé.
C. Sur le troisième moyen
1. Argumentation des parties
122 Par leur troisième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 120 à 130 de l’arrêt attaqué, rejeté leur argument selon lequel la Commission aurait violé leurs droits de la défense en introduisant, dans la décision litigieuse, un nouveau critère essentiel, à savoir celui de lien de complémentarité entre les comportements reprochés, aux fins d’établir l’existence d’une infraction unique et continue, alors que ce critère n’avait pas été exposé dans la communication des griefs et qu’elles n’avaient pas eu l’opportunité de formuler des observations au sujet de celui-ci avant l’adoption de cette décision.
123 Or, le Tribunal aurait considéré, premièrement, aux points 120 à 125 de cet arrêt, qu’un tel lien ne constituait pas un critère essentiel pour établir l’existence d’une infraction unique et continue et, deuxièmement, aux points 126 à 130 dudit arrêt, que l’introduction de cet élément nouveau dans la décision litigieuse n’enfreignait pas les droits de la défense des requérantes, car la décision finale de la Commission ne devait pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs.
124 S’agissant de cette dernière considération, les requérantes soutiennent que le Tribunal a appliqué de manière erronée le critère juridique pertinent pour apprécier l’existence d’une violation des droits de la défense. En effet, selon elles, les divergences entre la communication des griefs et la décision finale de la Commission ne sauraient concerner que des arguments invoqués au cours de la procédure administrative par les destinataires de cette communication. Ce serait donc à tort que le Tribunal aurait jugé qu’une analyse déterminante et une modification profonde de l’approche suivie dans la communication des griefs pouvaient être légitimement introduites dans la décision litigieuse aux fins de prouver l’existence d’une infraction unique et continue.
125 La Commission soutient que le troisième moyen doit être écarté comme étant soit inopérant, soit non fondé.
2. Appréciation de la Cour
126 Par leur troisième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 120 à 130 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en rejetant leur grief selon lequel la Commission avait violé leurs droits de la défense en utilisant pour la première fois le critère de lien de complémentarité entre les comportements allégués au stade de la décision litigieuse.
127 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs. Selon une jurisprudence constante, cette communication doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Toutefois, cette indication peut être faite de manière sommaire et la décision prise par la suite par la Commission ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 82 et jurisprudence citée).
128 Il s’ensuit que, la qualification juridique des faits retenue dans la communication des griefs ne pouvant être, par définition, que provisoire, une décision ultérieure de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à cette qualification provisoire. En effet, la Commission doit entendre les destinataires d’une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, précisément pour respecter leurs droits de la défense. Il doit ainsi être permis à la Commission de préciser ladite qualification dans sa décision finale, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient, à condition toutefois qu’elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer et qu’elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à la défense de leurs intérêts (arrêt du 25 mars 2021, Slovak Telekom/Commission, C‑165/19 P, EU:C:2021:239, point 83 et jurisprudence citée).
129 Or, aux points 120 à 130 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le grief des requérantes selon lequel la Commission aurait violé leurs droits de la défense en établissant l’existence d’une infraction unique et continue sur le fondement d’un nouveau critère essentiel, à savoir celui de lien de complémentarité entre les comportements allégués, sans avoir fait état de ce critère dans la communication des griefs.
130 Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a rappelé la jurisprudence de la Cour, rappelée au point 107 du présent arrêt, selon laquelle il n’est pas nécessaire de vérifier si les comportements en cause présentent un lien de complémentarité pour pouvoir les qualifier, ensemble, d’infraction unique et continue. Il en a déduit, aux points 124 et 125 de l’arrêt attaqué, qu’un tel lien de complémentarité ne constituait pas un élément essentiel, au sens de la jurisprudence rappelée au point 127 du présent arrêt, et que, partant, la Commission n’était pas obligée d’analyser ce lien dans la communication des griefs.
131 Il s’ensuit que, ce faisant, le Tribunal s’est conformé à la jurisprudence de la Cour et qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir commis l’erreur de droit alléguée.
132 Partant le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
D. Sur le quatrième moyen
133 Par leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal une violation de formes essentielles, un défaut de motivation s’agissant du rejet du deuxième moyen qu’elles ont soulevé en première instance, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, ainsi que des erreurs d’appréciation des conditions de recevabilité des éléments de preuve.
134 Par ce deuxième moyen, les requérantes faisaient valoir, en substance, que la Commission n’avait pas prouvé sa « compétence interne », au motif que, dans la décision litigieuse, elle n’avait pas démontré que leur comportement avait affecté le commerce entre les États membres, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de telle sorte qu’elle n’était pas compétente pour leur infliger une amende au titre de cette disposition et de l’article 53 de l’accord EEE. Par l’arrêt attaqué, notamment aux points 169, 173 et 177 de celui-ci, le Tribunal aurait écarté ledit moyen en considérant que la Commission avait prouvé sa « compétence externe » sur le fondement du critère de la « mise en œuvre », au motif que des LDO avaient été vendus dans l’EEE.
135 Le quatrième moyen se subdivise en trois branches.
1. Sur la première branche du quatrième moyen
a) Argumentation des parties
136 La première branche du quatrième moyen est tirée d’une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué concernant le deuxième moyen soulevé en première instance par les requérantes, relatif à un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE. S’agissant de la première branche de ce deuxième moyen, concernant l’allégation d’absence de preuve relative à l’incidence de l’entente sur le commerce entre les États membres, le Tribunal n’aurait pas répondu aux arguments des requérantes et se serait focalisé, pour rejeter ceux-ci, sur le critère erroné de compétence, à savoir celui de la mise en œuvre.
137 Or, le critère de la compétence externe et le critère de la compétence interne ne s’excluraient pas l’un l’autre. Le critère de la compétence externe serait un prérequis pour appliquer l’article 101 TFUE, lorsque le comportement répréhensible se passe à l’extérieur de l’Union ou de l’EEE. Cependant, quand bien même ce critère serait rempli, il reviendrait encore à la Commission de déterminer si le comportement en cause est susceptible d’affecter le commerce entre les États membres.
138 Les requérantes auraient fait valoir en première instance que, faute de preuves suffisantes d’un commerce de LDO entre les États membres, la Commission n’avait pas établi que le commerce entre les États membres avait été affecté, au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE. Le Tribunal n’aurait pas répondu à ces arguments et se serait contenté de motifs illogiques ou non étayés en ce qu’il aurait fait abstraction de l’absence de preuve fournie par la Commission et qu’il aurait confondu, au point 174 de l’arrêt attaqué, l’existence de ventes à Dell et à HP dans l’EEE avec celle d’éventuelles ventes de LDO au sein de l’EEE.
139 La Commission est d’avis que la première branche du quatrième moyen n’est pas fondée.
b) Appréciation de la Cour
140 Par la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal un défaut de motivation en réponse à leur moyen, soulevé en première instance, tiré d’un défaut de compétence de la Commission. Celui-ci n’aurait pas répondu à leurs arguments et se serait focalisé, pour les rejeter, sur le critère erroné de compétence.
141 Ainsi qu’il a été rappelé au point 93 du présent arrêt, d’une part, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle.
142 D’autre part, selon une jurisprudence constante, pour que la condition selon laquelle un accord, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, doit être susceptible d’affecter le commerce entre les États membres soit retenue, il est nécessaire que cet accord permette d’envisager avec un degré de probabilité suffisant, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre les États membres, et cela de manière à faire craindre qu’il puisse entraver la réalisation d’un marché unique entre les États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (arrêt du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 48 et jurisprudence citée).
143 À cet égard, il convient de relever que, aux points 170 à 172 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment considéré que la Commission avait démontré, à suffisance de droit, que les destinataires de la décision litigieuse avaient fourni des LDO à leurs clients Dell et HP, qui étaient établis dans plusieurs États membres. Or, même si ces éléments ont été avancés dans le cadre de l’appréciation du critère dit de « la mise en œuvre », les requérantes étaient parfaitement en mesure de comprendre que ceux-ci suffisaient à démontrer que la Commission avait établi que le commerce entre les États membres était susceptible d’être affecté, et cela d’autant plus que le Tribunal a ensuite analysé, aux points 179 à 191 de cet arrêt, le grief des requérantes tiré d’une absence d’évaluation du caractère sensible de l’incidence de l’entente en cause sur le commerce entre les États membres. En rejetant ce grief, le Tribunal a explicitement jugé, au point 187 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait au critère selon lequel le commerce entre les États membres doit être susceptible d’être affecté, visé au paragraphe 53 des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, C 101, p. 81).
144 Il s’ensuit que la motivation du Tribunal, bien qu’implicite, a permis aux requérantes de connaître les raisons pour lesquelles celui-ci n’a pas fait droit à la première branche du deuxième moyen de leur recours en première instance.
145 La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée comme étant non fondée.
2. Sur la deuxième branche du quatrième moyen
a) Argumentation des parties
146 Par la deuxième branche de leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les éléments de preuve relatifs à la condition selon laquelle le commerce entre les États membres doit être susceptible d’être affecté, invoqués par la Commission pour la première fois en première instance, dans son mémoire en défense, étaient recevables, au motif, notamment, que ces éléments avaient été mentionnés dans la communication des griefs.
147 Au point 176 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait estimé que les éléments de preuve invoqués pour la première fois par la Commission en première instance, dans son mémoire en défense, au soutien de ses conclusions relatives à ladite condition étaient recevables. Ces éléments auraient été, selon le Tribunal, mentionnés dans la communication des griefs.
148 Premièrement, cette dernière ne comporterait aucune conclusion sur la question de l’affectation du commerce entre États membres. Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirmerait le Tribunal, certains des documents invoqués en première instance par la Commission ne seraient pas cités, dans la communication des griefs, au soutien de sa conclusion relative à sa compétence. Certains d’entre eux ne seraient pas mentionnés. D’autres seraient mentionnés dans la communication des griefs, mais pas dans la décision litigieuse, ce qui signifierait que la Commission ne les considérait plus comme pertinents. D’autres encore seraient mentionnés dans la communication des griefs et dans la décision litigieuse, mais dans des développements sans rapport avec l’appréciation de la condition selon laquelle le commerce entre les États membres doit être susceptible d’être affecté.
149 Or, la Cour aurait jugé que même les documents dont une entreprise incriminée a déjà connaissance ne peuvent valablement être cités dans une décision s’ils n’ont pas été auparavant mentionnés et examinés dans la communication des griefs.
150 La Commission soutient que la deuxième branche du quatrième moyen est non fondée et, en tout état de cause, inopérante.
b) Appréciation de la Cour
151 Par la deuxième branche de leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir jugé, au point 176 de l’arrêt attaqué, que les éléments de preuve invoqués par la Commission en première instance, dans son mémoire en défense, au soutien de ses conclusions relatives la condition selon laquelle le commerce entre les États membres doit être susceptible d’être affecté étaient recevables, alors que ces éléments de preuve étaient invoqués pour la première fois par la Commission.
152 À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il ressort du point 170 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, sur le fondement des considérants 53, 270 et 464 à 468 de la décision litigieuse, confirmé l’appréciation de la Commission concernant cette condition. Or, étant donné que les éléments de preuve invoqués par la Commission et visés par les requérantes sont ceux mentionnés par le Tribunal aux points 171 et 172 de cet arrêt, force est de constater qu’ils présentent un caractère surabondant par rapport à la motivation exposée à ce point 170, et que, dès lors, la deuxième branche du quatrième moyen doit être considérée comme étant inopérante.
3. Sur la troisième branche du quatrième moyen
a) Argumentation des parties
153 Par la troisième branche de leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que les « éléments de preuve » invoqués par la Commission en première instance sont irrecevables, dépourvus de pertinence et insuffisants. Cette troisième branche porte sur les arguments avancés par la Commission et ne serait opérante que dans l’hypothèse où la Cour annulerait l’arrêt attaqué.
154 Premièrement, les éléments de preuve concernant Dell, seraient dépourvus de pertinence pour les motifs avancés au point 46 du mémoire en réplique devant le Tribunal. Deuxièmement, le fait que HP avait des bureaux de vente au Royaume–Uni serait dépourvu de pertinence pour les motifs avancés au point 47 de ce mémoire. Troisièmement, les éléments de preuve cités dans les notes en bas de page 74 et 75 du mémoire en défense devant le Tribunal confirmeraient simplement un élément non contesté, à savoir que les entreprises concernées approvisionnaient Dell et HP dans l’EEE avec des LDO en provenance de l’extérieur de l’EEE. Quatrièmement, à la note en bas de page 25 du mémoire en duplique devant le Tribunal, la Commission citerait un passage différent du document ID 1412/4, cité à la note en bas de page 74 du mémoire en défense. Ce document serait invoqué dans le mémoire en duplique pour établir une conclusion qui ne figurerait ni dans la communication des griefs ni dans la décision litigieuse. Partant, cette conclusion nouvelle au soutien de la légalité de la décision litigieuse serait irrecevable au stade du recours et il y aurait donc lieu de considérer ledit document comme étant également irrecevable. Cinquièmement, les éléments de preuve cités à la note en bas de page 76 du mémoire en défense seraient totalement dépourvus de pertinence. Ils porteraient sur des ventes sur un segment différent du marché concernant des clients autres que Dell et HP qui sortiraient du cadre du comportement en cause.
155 Pour ce qui est des éléments de preuve cités pour la première fois à la note en bas de page 26 de la duplique, la Commission sortirait du dossier un document qui, selon elle, indiquerait que certains fournisseurs de LDO approvisionnant HP étaient établis dans l’EEE, ce qui démontrerait l’existence d’un commerce à l’intérieur de l’EEE. Ce document ne serait pas recevable, notamment parce qu’il ne serait ni mentionné ni examiné dans la communication des griefs ou dans la décision litigieuse, aux fins de prouver un effet sur le commerce à l’intérieur de l’EEE.
156 La Commission estime que la troisième branche du quatrième moyen n’est pas fondée.
b) Appréciation de la Cour
157 Par la troisième branche de leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que les « éléments de preuve » invoqués par la Commission en première instance sont irrecevables, dépourvus de pertinence et insuffisants. Cette troisième branche porte sur les arguments avancés par la Commission et ne serait opérante que dans l’hypothèse où la Cour annulerait l’arrêt attaqué.
158 Or, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour doit être rejeté comme étant irrecevable. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. Or, permettre à une partie de soulever dans ce cadre un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 99 ainsi que jurisprudence citée).
159 La troisième branche du quatrième moyen doit donc être rejetée comme étant irrecevable. Partant, ce moyen doit être rejeté dans son intégralité comme étant, en partie, irrecevable, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.
VI. Sur l’annulation de l’arrêt attaqué
160 Il résulte de des points 76 à 100 du présent arrêt que, en jugeant que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense des requérantes et qu’elle avait satisfait à son obligation de motiver la décision litigieuse en considérant que les requérantes avaient, outre leur participation à une infraction unique et continue, également participé à plusieurs infractions distinctes, le Tribunal a commis une erreur de droit.
161 Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.
VII. Sur le recours devant le Tribunal
162 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
163 En l’espèce, il y a lieu de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.
164 Ainsi qu’il ressort du point 34 du présent arrêt, les requérantes ont soulevé, devant le Tribunal, neuf moyens.
165 Par le premier moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que, en affirmant pour la première fois dans la décision litigieuse qu’elles avaient participé à plusieurs infractions distinctes composant l’infraction unique et continue qui leur a été imputée, sans l’avoir allégué au cours de la procédure administrative, la Commission a violé leurs droits de la défense. Cette décision serait également entachée d’un défaut de motivation, au motif que la Commission n’y a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle a considéré que les requérantes avaient participé à ces infractions distinctes.
166 S’agissant du grief relatif à une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de considérer que, pour les motifs énoncés aux points 91 à 99 du présent arrêt, la Commission n’a pas motivé sa décision quant à la participation des requérantes auxdites infractions distinctes.
167 Partant, le premier moyen soulevé par les requérantes à l’appui de leur recours doit être accueilli en ce qu’il fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision litigieuse s’agissant de la participation des requérantes aux mêmes infractions distinctes.
168 Compte tenu de ce qui précède, à la lumière de ce qui a été précisé aux points 68 à 71 du présent arrêt et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés dans le cadre de ce premier moyen, l’article 1er, sous e), de cette décision doit être annulé en ce qu’il constate que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à plusieurs infractions distinctes.
169 Par le deuxième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que la Commission n’est pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE. Elles soutiennent, en substance, que la Commission ne prouve pas, dans la décision litigieuse, que le commerce entre les États membres a été affecté par le comportement qui leur est reproché et que, par conséquent, elle n’est pas compétente pour leur infliger une amende au titre de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 165 à 177 et 181 à 190 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce deuxième moyen doit être rejeté.
170 Par le troisième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes contestent que l’infraction alléguée se soit étendue à l’ensemble de l’EEE, contrairement à ce qui a été indiqué à l’article 1er de la décision litigieuse. Elles font valoir que la vente de LDO par les participants à l’entente se limitait à Dell et à HP, qui sont établies respectivement aux Pays-Bas et en Allemagne. Elles soutiennent que l’endroit où les clients achètent les produits concernés est déterminant pour vérifier si une infraction a été mise en œuvre. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 194 à 199 de l’arrêt attaqué. Ainsi pour les raisons exposées à ces points, ce troisième moyen doit être rejeté.
171 Par le quatrième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes contestent les conclusions de la Commission quant à l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Dans le cadre d’une première branche, elles font valoir que la démonstration d’un lien de complémentarité entre les différents comportements anticoncurrentiels individuels est le critère essentiel pour établir l’existence d’une telle infraction et que, dans la décision litigieuse, la Commission n’a pas réussi à prouver à suffisance de droit ce lien. Dans le cadre d’une seconde branche, les requérantes contestent la conclusion de la Commission selon laquelle le comportement lié à Dell et à HP a donné lieu à une infraction unique. Premièrement, elles soutiennent que les comportements afférents à Dell et à HP ne poursuivaient pas un seul but anticoncurrentiel, ces dernières étant deux clients distincts. Deuxièmement, elles relèvent que le comportement lié à Dell n’était pas complémentaire de celui afférent à HP, puisqu’il n’y a pas eu d’interaction entre les deux. Troisièmement, elles estiment que les similitudes énumérées dans cette décision, relatives aux produits, au mode opératoire, au contenu et au champ d’application géographique ne suffisent pas à démontrer l’existence d’un tel lien. Quatrièmement, elles font valoir que les comportements afférents à Dell et à HP concernant la durée, les participants, les clients, les personnes physiques impliquées et les zones géographiques étaient substantiellement différents, contrairement à ce qui aurait été indiqué dans ladite décision. Cinquièmement, les requérantes font valoir que les éléments de preuve invoqués dans la même décision sont insuffisants et ne sont pas pertinents pour prouver une complémentarité des comportements en cause.
172 S’agissant de la première branche du quatrième moyen, la Cour fait sienne la motivation figurant aux points 204 à 216 de l’arrêt attaqué, lu à la lumière des points 107 à 110 et 116 à 120 du présent arrêt. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, la première branche de ce moyen doit être rejetée. S’agissant de la seconde branche dudit moyen, la Cour fait sienne la motivation figurant aux points 220 à 240 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces derniers points, la seconde branche du même moyen doit être rejetée. Partant, le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.
173 Par le cinquième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elles connaissaient ou auraient dû connaître l’ensemble de l’infraction unique et continue constatée dans la décision litigieuse ainsi que l’implication de tous les autres participants. Par conséquent, selon les requérantes, la Commission ne saurait leur imputer une participation à une cette infraction, cette décision devant être annulée dans son intégralité en ce qui les concerne. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 246 à 277, 280 à 345 et 349 à 358 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce cinquième moyen doit être rejeté.
174 Par le sixième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit leur connaissance de l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente alléguée ni celle du comportement des autres participants à cette entente à compter du 23 juin 2004. Elles font observer, à cet égard, qu’elles ne pouvaient avoir connaissance de l’objectif unique de ladite entente qu’à partir du 20 juin 2006, date à partir de laquelle la responsabilité des contacts afférents à HP leur a été imputée, et que, par conséquent, la décision litigieuse doit être annulée dans son intégralité. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 362 à 373 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce sixième moyen doit être rejeté.
175 Par le septième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir, tout d’abord, que la Commission n’a pas prouvé à suffisance de droit que les contacts bilatéraux les ayant prétendument impliquées dans l’infraction unique et continue constatée constituaient des accords illicites, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Elles soutiennent, ensuite, que la Commission n’a pas prouvé à suffisance de droit l’existence d’une quelconque concordance de volontés anticoncurrentielles s’agissant de chacun des huit contacts bilatéraux allégués. Elles contestent, par ailleurs, le fait que la Commission s’est basée sur des déclarations des entreprises demandeuses de clémence en mettant en cause la valeur probante de ces déclarations ainsi que les éléments de preuve contemporains des faits, notamment les registres des conversations téléphoniques. Elles considèrent, enfin, que ces contacts comportent de simples échanges d’informations et que, par conséquent, l’amende qui leur a été infligée doit être réduite. Cette requalification de leur comportement pourrait, selon elles, entraîner une action en dommages et intérêts subséquente. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 377 à 463 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce septième moyen doit être rejeté.
176 Par le huitième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que la durée de l’enquête a été excessive compte tenu du volume du dossier, du nombre de parties impliquées, de la seule implication de deux clients, de la durée relativement brève de l’infraction unique et continue alléguée par la Commission et de l’absence de toute circonstance exceptionnelle de nature à justifier une longue enquête. Elles considèrent que le constat de cette durée excessive doit conduire à une réduction du montant de l’amende infligée, d’au moins 5 %. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 467 à 472 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce huitième moyen doit être rejeté.
177 Par le neuvième moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir que la Commission a déterminé de manière erronée le montant de l’amende qui leur a été infligée. Ce moyen se divise en trois branches, tirées, premièrement, de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que les requérantes sont des entreprises monoproduit, deuxièmement, de ce qu’elle n’aurait pas tenu compte d’autres circonstances qui limiteraient la gravité du comportement individuel de TSST KR et, troisièmement, de ce qu’elle n’aurait pas correctement apprécié les circonstances particulières de l’infraction en cause aux fins de la détermination du coefficient de gravité générale. La Cour fait sienne la motivation figurant aux points 477 à 485, 489 à 497 et 501 à 507 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points, ce neuvième moyen doit être rejeté.
178 S’agissant du montant de l’amende visée à l’article 2, sous e), de la décision litigieuse, la Cour estime qu’aucun des éléments dont les requérantes se sont prévalues dans le cadre de la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’elle fasse usage, en application de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003, de sa compétence de pleine juridiction pour réduire ce montant.
179 Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’article 1er, sous e), de la décision litigieuse, en tant qu’il constate que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à plusieurs infractions distinctes, et de rejeter le recours pour le surplus.
Sur les dépens
180 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
181 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement précise que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
182 En l’occurrence, les requérantes ont conclu à la condamnation de la Commission à l’intégralité des dépens relatifs aux procédures de première instance et de pourvoi et celle-ci a succombé en ses moyens dans le cadre du présent pourvoi ainsi que, partiellement, en première instance. Les requérantes ont succombé partiellement en leurs moyens en première instance. Cela étant, la Cour considère, eu égard aux circonstances de l’espèce, qu’il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi, la totalité des dépens que les requérantes ont exposés dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la moitié de ceux qu’elles ont exposés en première instance. Les requérantes supporteront la moitié de leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Toshiba Samsung Storage Technology et Toshiba Samsung Storage Technology Korea/Commission (T‑8/16, EU:T:2019:522), est annulé.
2) L’article 1er, sous e), de la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39639 – Lecteurs de disques optiques), est annulé pour autant qu’il constate que Toshiba Samsung Storage Technology Corp. et Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp. ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, en participant, du 23 juin 2004 au 17 novembre 2008, à plusieurs infractions distinctes.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi, la totalité des dépens que Toshiba Samsung Storage Technology Corp. et Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp. ont exposés dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la moitié de ceux que celles-ci ont exposés en première instance.
5) Toshiba Samsung Storage Technology Corp. et Toshiba Samsung Storage Technology Korea Corp. supportent la moitié de leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance.