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Décisions

CJUE, 4e ch., 16 juin 2022, n° C-697/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Annulation

PARTIES

Demandeur :

Sony Corporation, Sony Electronics Inc.

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jürimäe (rapporteure)

Juges :

M. Rodin, M. Piçarra

Avocat général :

M. Pitruzzella

Avocats :

Me Kelly, Me Levy, Me Snelders

CJUE n° C-697/19 P

15 juin 2022

LA COUR (quatrième chambre),

1 Par leur pourvoi, Sony Corporation et Sony Electronics Inc. (ci-après, ensemble, les « requérantes ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Sony et Sony Electronics/Commission (T‑762/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:515), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39639 – Lecteurs de disques optiques) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce qu’elle les concerne, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) :

« 2. La Commission [européenne] peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE], ou

b) elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l’article 8, ou

c) elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l’article 9.

[...]

Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.

3. Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

3 L’article 27, paragraphe 2, de ce règlement dispose :

« Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles et aux documents internes de la Commission ou des autorités de concurrence des États membres. En particulier, le droit d’accès ne s’étend pas à la correspondance entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ou entre ces dernières, y compris les documents établis en application des articles 11 et 14. Aucune disposition du présent paragraphe n’empêche la Commission de divulguer et d’utiliser des informations nécessaires pour apporter la preuve d’une infraction. »

4 L’article 31 dudit règlement est libellé comme suit :

« La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. »

5 S’agissant du calcul des amendes, les points 6 et 13 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2) (ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), énoncent :

« 6. [...] [L]a combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique.

[...]

13. En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’[Espace économique européen (EEE)]. [...] »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

6 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante pour les besoins de la présente procédure.

7 Le groupe Sony, auquel appartiennent les requérantes, fabrique des produits dans les domaines audio, vidéo, des communications et des technologies de l’information pour les marchés de la consommation et les marchés professionnels et est un fournisseur de contenus, de produits et de services de divertissement.

8 La première requérante, Sony Corporation, qui est une société par actions de droit japonais, est à la tête de ce groupe. La seconde requérante, Sony Electronics est une filiale détenue indirectement à 100 % par Sony Corporation et établie aux États-Unis. Sony Electronics, qui est une société régie par le droit du Delaware (États‑Unis), mène des activités de recherche et de développement, de conception, d’ingénierie, de ventes, de mercatique, de distribution et de service à la clientèle.

9 Entre le mois de mai 2003 et le mois de mars 2007, Lite-On concevait et fabriquait des lecteurs de disques optiques (ci-après les « LDO »), qui étaient finalement vendus sous la marque Sony sur la base d’accords de partage des recettes. En vertu de ces accords, les requérantes étaient généralement chargéees de la vente, tandis que Lite-On était responsable des questions relatives à la qualité et à l’ingénierie.

10 L’infraction en cause concerne des LDO utilisés notamment dans des ordinateurs personnels (ordinateurs de bureau et ordinateurs portables) produits par Dell Inc. et Hewlett Packard (ci-après « HP »).

11 Dell et HP sont les deux principaux fabricants de produits d’origine sur le marché mondial des ordinateurs personnels. Ces deux sociétés utilisent des procédures d’appel d’offres classiques menées à l’échelle mondiale impliquant, notamment, des négociations trimestrielles sur un prix au niveau mondial et sur des volumes d’achats globaux avec un petit nombre de fournisseurs présélectionnés de LDO.

12 Les procédures d’appel d’offres comprennent des demandes de devis, des demandes de devis électroniques, des négociations en ligne, des enchères électroniques et des négociations bilatérales (hors ligne). À la clôture d’un appel d’offres, les clients attribuent des volumes aux fournisseurs de LDO participants selon les prix qu’ils offrent.

13 Sony Electronics était, avec Sony Corporation, l’entité juridique qui participait au nom de Sony aux procédures d’appel d’offres organisées par Dell et a continué à le faire jusqu’au 1er avril 2007.

14 Le 14 janvier 2009, la Commission a reçu une demande d’immunité au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17) introduite par Koninklijke Philips NV. Les 29 janvier et 2 mars 2009, cette demande a été complétée afin d’y inclure, aux côtés de cette société, Lite-On IT Corporation et leur entreprise commune Philips & Lite-On Digital Solutions Corporation.

15 Le 30 juin 2009, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à Koninklijke Philips, à Lite-On IT et à Philips & Lite-On Digital Solutions.

16 Le 18 juillet 2012, la Commission a adressé une communication des griefs à treize fournisseurs de LDO, dont les requérantes (ci-après la « communication des griefs »), dans laquelle elle a indiqué que ceux-ci avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci‑après l’ «accord EEE »), en participant à une entente concernant les LDO s’étendant du 5 février 2004 au 29 juin 2009, consistant à coordonner leur comportement au sujet des appels d’offres organisés par deux fabricants d’ordinateurs, à savoir Dell et HP.

17 Le 29 octobre 2012, en réponse à la communication des griefs, les requérantes ont présenté leurs observations écrites. Une audition s’est tenue les 29 et 30 novembre 2012 à laquelle ont participé tous les destinataires de la communication des griefs.

18 Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision litigieuse.

19 Dans cette dernière, la Commission a considéré que les participants à l’entente avaient coordonné leurs comportements concurrentiels, au moins du 23 juin 2004 au 25 novembre 2008. Elle a précisé que cette coordination s’était faite au moyen d’un réseau de contacts bilatéraux parallèles. Elle a indiqué que les participants à l’entente cherchaient à adapter leurs volumes sur le marché et à faire en sorte que les prix restent à des niveaux plus élevés que ceux auxquels ils auraient été en l’absence de ces contacts bilatéraux.

20 La Commission a précisé, dans la décision litigieuse, que la coordination entre les participants à l’entente concernait les comptes clients de Dell et de HP. Selon la Commission, en plus des négociations bilatérales avec leurs fournisseurs de LDO, Dell et HP appliquaient des procédures d’appel d’offres standardisées, qui avaient lieu au minimum à chaque trimestre. Elle a relevé que les membres de l’entente utilisaient leur réseau de contacts bilatéraux pour manipuler ces procédures d’appel d’offres, contrecarrant ainsi les tentatives de leurs clients de stimuler la concurrence par les prix.

21 Selon la Commission, les échanges réguliers d’informations ont notamment permis aux membres de l’entente de posséder une connaissance très fine des intentions de leurs concurrents avant même de s’engager dans la procédure d’appel d’offres, et, par conséquent, de prévoir leur stratégie concurrentielle.

22 La Commission a ajouté que, à intervalles réguliers, les membres de l’entente échangeaient des informations sur les prix concernant des comptes clients particuliers ainsi que des informations sans rapport avec les prix, telles que la production existante, la capacité de fourniture, l’état du stock, la situation au regard de la qualification et le moment de l’introduction de nouveaux produits ou d’améliorations. Elle a relevé que, de plus, les fournisseurs de LDO surveillaient les résultats finaux de procédures d’appel d’offres clôturées, c’est-à-dire le classement, le prix et le volume obtenus.

23 La Commission a également indiqué que, tout en sachant qu’ils devaient garder leurs contacts secrets à l’égard des clients, les fournisseurs de LDO utilisaient, pour se contacter, les moyens qu’ils jugeaient être suffisamment aptes à atteindre le résultat souhaité. Elle a précisé que, d’ailleurs, une tentative de convoquer une réunion en vue de l’organisation de réunions multilatérales régulières entre ces fournisseurs avait échoué au cours de l’année 2003, après avoir été révélée à un client. Selon la Commission, à la place de ces réunions, il y a eu des contacts bilatéraux, essentiellement sous forme d’appels téléphoniques et, parfois, aussi par messages électroniques, y compris sur des adresses de courriel privées et des services de messagerie instantanée, ou lors de réunions, principalement au niveau des gestionnaires de comptes mondiaux.

24 La Commission a constaté que les participants à l’entente se contactaient régulièrement et que les contacts, principalement par téléphone, devenaient plus fréquents au moment des procédures d’appel d’offres, durant lesquelles intervenaient plusieurs appels par jour entre certains binômes de participants à l’entente. Elle a précisé que, généralement, les contacts entre certains binômes de participants à l’entente étaient significativement plus élevés qu’entre certains autres.

25 S’agissant du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes.

26 Tout d’abord, pour déterminer le montant de base de l’amende, la Commission a considéré que, compte tenu des différences considérables concernant la durée de participation des fournisseurs de LDO à l’entente et afin de mieux traduire l’incidence réelle de cette dernière, il était approprié de recourir à une moyenne annuelle calculée sur la base de la valeur réelle des ventes réalisées par les entreprises concernées durant les mois civils complets de leur participation respective à l’infraction.

27 La Commission a ainsi expliqué que la valeur des ventes a été calculée sur la base des ventes de LDO destinés aux ordinateurs personnels, facturées aux entités de HP et de Dell situées dans l’EEE.

28 La Commission a, par ailleurs, considéré que, étant donné que le comportement anticoncurrentiel à l’égard de HP avait commencé plus tard, et afin de tenir compte de l’évolution de l’entente, la valeur des ventes pertinente serait calculée séparément pour HP et pour Dell, et que deux coefficients multiplicateurs en fonction de la durée seraient appliqués.

29 En ce qui concerne les requérantes, leur participation dans les contacts à l’égard de HP n’ayant pas été établie, la Commission n’a retenu leur responsabilité que pour leur coordination à l’égard de Dell.

30 Ensuite, la Commission a décidé que, dès lors que les accords de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, et que l’entente s’étendait au moins à l’EEE, le pourcentage appliqué au titre de la gravité en l’espèce serait de 16 % pour tous les destinataires de la décision litigieuse.

31 Par ailleurs, la Commission a indiqué que, eu égard aux circonstances de l’espèce, elle avait décidé d’ajouter un montant à des fins dissuasives de 16 %.

32 En outre, la Commission a réduit le montant de l’amende infligée aux requérantes de 3 % pour tenir compte du fait qu’elles n’avaient pas connaissance de la partie de l’infraction unique et continue afférente à HP, afin de refléter de manière appropriée et suffisante la nature moins grave de leur comportement.

33 Enfin, la Commission a considéré que, les requérantes ayant réalisé un chiffre d’affaires mondial de 59 252 000 000 d’euros au cours de l’exercice précédant l’adoption de la décision litigieuse, il était approprié d’appliquer au montant de base un coefficient multiplicateur de 1,2.

34 Le dispositif de la décision litigieuse, pour autant qu’il concerne les requérantes, se lit comme suit :

« Article 1er

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, durant les périodes indiquées, à une infraction unique et continue, composée de plusieurs infractions distinctes, dans le secteur des [LDO] couvrant l’ensemble de l’EEE, qui a consisté en des accords de coordination des prix :

[...]

f) [les requérantes] du 23 août 2004 au 15 septembre 2006, pour leur coordination à l’égard de Dell

[...]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[...]

f) [les requérantes], solidairement responsables : 21 024 000 euros

[...] »

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

35 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 31 décembre 2015, les requérantes ont introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse, en ce qu’elle les concerne, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée.

36 À l’appui de leur recours, les requérantes invoquaient deux moyens relatifs, le premier, en substance, à l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE et, le second, soulevé à titre subsidiaire, au calcul du montant de cette amende.

37 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ces moyens et, partant, le recours dans son intégralité.

Les conclusions des parties

38 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– d’accueillir les conclusions présentées en première instance ;

– de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de première instance, et

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens relatifs aux procédures de première instance et de pourvoi.

39 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner les requérantes à supporter l’intégralité des dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

Sur le pourvoi

40 À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens, qui ont trait, en substance, à l’appréciation par le Tribunal, pour le premier, de l’existence d’une infraction unique et continue, pour le deuxième, de la durée de cette infraction, pour le troisième, de la constatation de plusieurs infractions distinctes ainsi que, pour le quatrième, du montant de l’amende qui leur a été infligée.

41 La Cour estime opportun d’examiner le troisième moyen avant d’apprécier les premier, deuxième et quatrième moyens.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

42 Le troisième moyen soulevé par les requérantes est divisé en deux branches.

–  Sur la première branche du troisième moyen

43 Par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas violé leurs droits de la défense en leur reprochant, pour la première fois, dans la décision litigieuse, une participation à plusieurs infractions distinctes.

44 La communication des griefs aurait fait état, notamment à ses considérants 310, 317 et 318, de l’existence d’une infraction unique et continue. La Commission aurait estimé qu’il était artificiel de scinder les comportements allégués en plusieurs infractions distinctes. Or, dans la décision litigieuse, la Commission aurait suggéré, pour la première fois, que cette infraction unique et continue serait composée de plusieurs infractions distinctes. Cette décision s’écarterait donc substantiellement de la qualification retenue dans la communication des griefs et, partant, les requérantes n’auraient pas eu la possibilité, avant l’adoption de ladite décision, de contester la qualification d’infraction distincte et autonome de chaque contact individuel.

45 À cet égard, en retenant, aux points 238, 239 et 246 de l’arrêt attaqué, qu’une infraction unique et continue est nécessairement composée d’infractions distinctes, le Tribunal aurait abouti à une conclusion qui irait à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal et de la Cour, laquelle envisagerait non pas la nécessité, mais uniquement la possibilité qu’une infraction unique et continue soit constituée d’infractions distinctes. Ce faisant, le Tribunal aurait commis une erreur de droit qui l’aurait conduit à ne pas reconnaître que la Commission avait violé les droits de la défense des requérantes.

46 Dans son mémoire en réponse, la Commission formule, en premier lieu, deux commentaires généraux avant de répondre aux arguments développés dans les deux branches du troisième moyen soulevé par les requérantes.

47 Premièrement, les arguments des requérantes relatifs à la constatation incidente de la Commission, dans la décision litigieuse, selon laquelle leurs contacts anticoncurrentiels constitueraient également plusieurs infractions distinctes seraient inopérants. En effet, le Tribunal aurait confirmé la constatation principale de la Commission relative à l’existence d’une infraction unique et continue ainsi qu’à la participation des requérantes à cette infraction entre le 23 août 2004 et le 15 septembre 2006. Cette seule confirmation justifierait la conclusion figurant à l’article 1er, sous f), de la décision litigieuse ainsi que l’amende infligée aux requérantes en vertu de l’article 2, sous f), de cette décision.

48 Deuxièmement, les arguments des requérantes reposeraient sur la prémisse erronée selon laquelle le Tribunal aurait jugé qu’une infraction unique et continue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE serait nécessairement composée de plusieurs infractions distinctes et autonomes à cette disposition. Or, le Tribunal aurait simplement considéré, aux points 237 et 238 de l’arrêt attaqué, qu’une infraction unique et continue présuppose un « ensemble de comportements » qui peuvent, en eux-mêmes, être qualifiés d’infractions distinctes. Le Tribunal aurait, en substance, ajouté, aux points 235, 236 et 239 à 244 de l’arrêt attaqué que, dans le cas d’espèce, l’infraction unique et continue consistait effectivement en des infractions distinctes au sujet desquelles les requérantes avaient été entendues.

49 En second lieu, s’agissant, plus spécifiquement de la première branche du troisième moyen, la Commission soutient, premièrement, que celle‑ci est fondée sur une hypothèse erronée en fait. Il ressortirait clairement des points 236 à 241 de l’arrêt attaqué que la communication des griefs avait déjà informé les requérantes au sujet des infractions distinctes en cause.

50 Deuxièmement, les constatations énoncées aux points 236, 241 et 242 de cet arrêt seraient des constatations de fait qui ne sauraient être remises en cause dans le cadre du pourvoi.

51 Troisièmement, l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission ne les a pas entendues sur les infractions distinctes en cause serait contredite par la formulation claire des considérants 353, 354 et 375 de la communication des griefs et serait fondée sur une interprétation erronée de la jurisprudence dans la mesure où la Cour aurait déjà jugé que l’un ou plusieurs éléments d’une série d’actes ou d’un comportement continu pourraient constituer, en eux-mêmes, une violation de l’article 101 TFUE.

52 Quatrièmement, contrairement à ce qu’affirmeraient les requérantes, la constatation d’une infraction unique et continue ne serait pas subordonnée à l’existence de plusieurs infractions distinctes. Les requérantes auraient été entendues tant sur la constatation de l’infraction unique et continue en cause que sur celle des infractions distinctes la composant, si bien que leurs droits de la défense n’auraient pas été violés. En effet, les requérantes auraient été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il leur était également reproché des comportements composant cette infraction unique et continue.

–  Sur la seconde branche du troisième moyen

53 Par la seconde branche de leur troisième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en concluant que la décision litigieuse était suffisamment motivée quant à l’existence de plusieurs infractions distinctes.

54 En effet, la Commission n’aurait pas expliqué, dans la décision litigieuse, pour chaque aspect du comportement ou chaque groupe ou pluralité de groupes de contacts bilatéraux censé constituer une infraction distincte, premièrement, la nature et la portée de cette infraction, deuxièmement, sa qualification en tant qu’accord ou pratique concertée au sens de l’article 101 TFUE, troisièmement, les raisons et les éléments de preuve au soutien de chaque qualification, quatrièmement, les entreprises devant être tenues pour responsables de chaque infraction distincte et, cinquièmement, la raison pour laquelle, contrairement à la position exposée par la Commission dans la communication des griefs, il n’était plus artificiel d’identifier plusieurs infractions distinctes.

55 Or, en ne reconnaissant pas que la portée des infractions distinctes n’avait jamais été décrite ou expliquée, le Tribunal aurait commis une erreur de droit. Il aurait, en effet, jugé, au point 254 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait correctement considéré que la constatation d’une infraction unique et continue validait nécessairement ses conclusions quant à l’existence de plusieurs infractions distinctes.

56 La Commission est d’avis que la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

57 Ce serait à juste titre que le Tribunal a considéré que la constatation principale d’une infraction unique et continue et la constatation incidente d’infractions distinctes sont cohérentes entre elles. Premièrement, l’assertion des requérantes, selon laquelle le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, rejeté leurs arguments, car il avait la conviction erronée que les constatations relatives à l’infraction unique et continue validaient nécessairement celles relatives à l’existence de plusieurs infractions distinctes, dénaturerait le contenu du point 254 de l’arrêt attaqué. Deuxièmement, les requérantes auraient été en mesure de comprendre les motifs de la décision litigieuse et auraient eu l’opportunité d’avancer leurs arguments sur chacun des contacts anticoncurrentiels qui leur ont été imputés. Troisièmement, il ressortirait de l’arrêt du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734, points 30 à 32), que, dès lors qu’il est établi que les éléments d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE sont présents, il serait indifférent que la collusion concernée soit qualifiée d’accord ou de pratique concertée. À cet égard, le Tribunal aurait reconnu, au point 257 de l’arrêt attaqué, que les requérantes ont soutenu, à tort, que la décision litigieuse aurait dû qualifier individuellement les infractions distinctes en tant qu’« accords » ou « pratiques concertées ».

Appréciation de la Cour

58 Par leur troisième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en considérant qu’une infraction unique et continue était nécessairement composée de plusieurs infractions distinctes. Cela l’aurait conduit à juger erronément, d’une part, que la Commission n’avait pas violé leurs droits de la défense et, d’autre part, que cette institution avait suffisamment motivé la décision litigieuse quant aux infractions distinctes imputées aux requérantes.

59 À cet égard, il y a lieu de relever que, à l’article 1er, sous f), de la décision litigieuse, la Commission a, en substance, constaté, d’une part, l’existence d’une infraction unique et continue et, d’autre part, l’existence de « plusieurs infractions distinctes » composant cette infraction.

60 Dans ce contexte, le troisième moyen vise à contester uniquement l’appréciation, par le Tribunal, de ce second constat, relatif à l’existence de plusieurs infractions distinctes. En revanche, ce moyen ne porte pas sur son appréciation de la conclusion, figurant à cette disposition, selon laquelle les requérantes ont participé à une infraction unique et continue.

61 Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, dans la mesure où, en l’espèce, cette dernière a fondé la décision litigieuse sur deux constats d’infraction distincts, le troisième moyen ne saurait, d’emblée, être écarté comme étant inopérant.

–  Observations liminaires

62 Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de cette disposition. Ainsi, lorsque les différents comportements s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces comportements en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).

63 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et continue par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’« accord » ou de « pratique concertée » ayant un objet anticoncurrentiel, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de cette infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).

64 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue n’exige pas sa participation directe à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant cette infraction (arrêt du 22 octobre 2020, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, C‑702/19 P, EU:C:2020:857, point 82 ainsi que jurisprudence citée).

65 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le troisième moyen.

–  Sur la première branche du troisième moyen

66 Par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant leur argument selon lequel la Commission a violé leurs droits de la défense en leur reprochant, pour la première fois dans la décision litigieuse, en sus de leur participation à une infraction unique et continue, une participation à plusieurs infractions distinctes correspondant aux comportements relevant de cette infraction unique et continue.

67 Il convient de rappeler, premièrement, que la notion d’« infraction unique et continue » suppose un ensemble de comportements susceptibles de constituer également, en eux-mêmes, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Si un ensemble de comportements peut être qualifié, sous les conditions énoncées aux points 63 et 64 du présent arrêt, d’infraction unique et continue, il ne saurait en être déduit que chacun de ces comportements doit, en lui-même et pris isolément, nécessairement être qualifié d’infraction distincte à cette disposition. En effet, pour ce faire, la Commission doit encore identifier et qualifier comme telle chacun desdits comportements et apporter ensuite la preuve de l’implication de l’entreprise concernée à laquelle ils sont imputés.

68 À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’il n’est envisageable de diviser une décision de la Commission qualifiant une entente globale d’infraction unique et continue que si, d’une part, ladite entreprise a été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de comprendre qu’il lui était également reproché chacun des comportements la composant, et donc de se défendre sur ce point, et si, d’autre part, cette décision est suffisamment claire à cet égard (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 46).

69 Deuxièmement, s’agissant des droits de la défense, selon une jurisprudence constante, le respect de ces droits dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être pleinement observé par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 94 ainsi que jurisprudence citée).

70 Ainsi que l’a correctement rappelé le Tribunal au point 230 de l’arrêt attaqué, le règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union, qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir au prononcé d’une sanction. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que ladite entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

71 Certes, ainsi que l’a rappelé M. l’avocat général au point 88 de ses conclusions, il est loisible à la Commission de préciser, dans sa décision finale, une qualification juridique des faits qu’elle a retenue, à titre provisoire, dans la communication des griefs, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 42 à 44). Toutefois, cela implique que la Commission doit, dans la communication des griefs, énoncer toute qualification juridique des faits qu’elle envisage de retenir dans sa décision finale.

72 Il en résulte que les droits de la défense de l’entreprise concernée ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à la condition qu’un grief retenu dans cette dernière n’ait pas été exposé dans la communication des griefs ou qu’il n’y ait pas été exposé d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de cette communication de faire valoir utilement leurs arguments dans le cadre de la procédure engagée à leur égard.

73 Il s’ensuit que, lorsque la Commission a l’intention de reprocher aux destinataires d’une communication des griefs non seulement une infraction unique et continue, mais encore chacun des comportements constituant cette infraction pris séparément en tant qu’infractions distinctes, le respect des droits de la défense de ces destinataires exige que la Commission expose, dans cette communication, les éléments nécessaires pour permettre à ceux-ci de comprendre que la Commission les poursuit au titre tant de ladite infraction unique et continue que de chacune de ces infractions distinctes.

74 En l’occurrence, il y a lieu d’observer que le Tribunal a rappelé, aux points 229 à 234 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence relative au respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure visant à constater une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, notamment celle exposée aux points 70 et 71 du présent arrêt.

75 Le Tribunal a ensuite examiné, aux points 235 à 246 de l’arrêt attaqué, si les requérantes avaient été informées, dans la communication des griefs, que la Commission considérait que l’infraction unique et continue était constituée de différents accords bilatéraux.

76 Dans ce cadre, il a considéré, aux points 238 et 239 de cet arrêt, que la notion d’« infraction unique et continue » suppose la réunion d’un ensemble de comportements et que, partant, les requérantes ne peuvent prétendre que la Commission a modifié ses conclusions en retenant, en sus d’une infraction unique et continue, plusieurs contacts bilatéraux, étant donné que ce sont justement ces contacts bilatéraux qui constituent cette infraction unique.

77 Ainsi qu’il ressort du point 246 dudit arrêt, le Tribunal est parti de la prémisse que chacun des comportements composant l’infraction unique et continue devait être nécessairement qualifié d’infraction distincte. Il a donc jugé que les requérantes devaient comprendre que la Commission pouvait en déduire que tous les contacts bilatéraux retenus à leur charge, dans la communication des griefs, constituaient en eux-mêmes, de telles infractions distinctes.

78 Ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 238, 239 et 246 de l’arrêt attaqué, en confondant d’ailleurs implicitement la notion de « comportement » et celle d’« infraction », les requérantes ne pouvaient comprendre, en l’absence de toute indication claire dans la communication des griefs, que la Commission entendait les poursuivre non seulement au titre de l’infraction unique et continue alléguée dans cette communication, mais également à celui de plusieurs infractions distinctes constituées des différents contacts bilatéraux mentionnés dans cette dernière.

79 Il s’ensuit que le Tribunal ne pouvait pas, sans commettre d’erreur de droit, juger que la Commission n’avait pas violé les droits de la défense des requérantes, alors que la communication des griefs ne contenait pas les éléments essentiels retenus contre elles en ce qui concerne ces infractions distinctes, en particulier la qualification envisagée des comportements qui leur étaient reprochés.

80 Partant, la première branche du troisième moyen doit être accueillie.

–  Sur la seconde branche du troisième moyen

81 Par la seconde branche de leur troisième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en concluant, au point 254 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était suffisamment motivée quant à l’existence de plusieurs infractions distinctes.

82 À cet égard, il y a lieu, d’une part, de rappeler, à l’instar du Tribunal au point 249 de l’arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences fixées à l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

83 D’autre part, ainsi qu’il découle des points 62 à 64 et 67 du présent arrêt, il ne saurait être déduit du fait que la Commission qualifie un ensemble de comportements d’infraction unique et continue que chacun de ces comportements, en lui-même et pris isolément, doit nécessairement être qualifié d’infraction distincte. En effet, si la Commission décide de qualifier comme telle les comportements en cause et de les imputer aux requérantes, elle doit encore les examiner individuellement et démontrer leur caractère infractionnel ainsi que l’implication des requérantes dans chacun desdits comportements.

84 Il s’ensuit que, lorsque la Commission entend reprocher aux requérantes d’avoir participé non seulement à une « infraction unique et continue », mais encore à plusieurs infractions distinctes correspondant à des comportements composant cette infraction, elle doit préciser et motiver la qualification juridique d’infraction distincte qu’elle donne à chacun de ces comportements.

85 En l’occurrence, le Tribunal a, notamment, rappelé, au point 251 de l’arrêt attaqué, que la motivation d’une décision adoptée par la Commission pour assurer l’application des règles de concurrence devait être logique et, notamment, ne pas présenter de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cette décision.

86 C’est dans ce contexte que le Tribunal a jugé, au point 254 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait aucune incohérence, au considérant 352 de la décision litigieuse, en ce que la Commission y a indiqué que les contacts en cause constituaient des infractions individuelles et répondaient simultanément aux critères d’une infraction unique et continue. Il a considéré, aux points 255 à 258 de cet arrêt, que la Commission avait satisfait à l’obligation de motivation lui incombant en vertu de l’article 296 TFUE, dès lors qu’elle avait clairement exposé la portée et la nature du comportement des requérantes, qu’elle l’avait considéré comme étant constitutif d’une violation de l’article 101 TFUE et qu’elle avait apporté les éléments de preuve étayant ces conclusions.

87 Or, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, la motivation du constat de plusieurs infractions distinctes que les requérantes auraient commises, telle qu’elle figure au considérant 352 de cette décision, n’est pas suffisante. Ainsi, il ressort de ce considérant que, sur la base des faits décrits à la section 4 et à l’annexe I de ladite décision, chaque manifestation du comportement adopté à l’égard des clients concernés ou de tout ensemble (ou plusieurs ensembles) de contacts bilatéraux a eu pour objet de restreindre la concurrence et constitue donc une infraction à l’article 101 TFUE, sans toutefois que la Commission donne les raisons pour lesquelles il y avait lieu, selon elle, d’imputer aux requérantes chacun des comportements qui leur sont reprochés non seulement au titre d’une « infraction unique et continue », mais également à celui de plusieurs infractions distinctes à l’article 101 TFUE.

88 Il s’ensuit que, en jugeant que la Commission avait satisfait à son obligation de motiver la décision litigieuse en considérant que les requérantes avaient, outre leur participation à une infraction unique et continue, également participé à plusieurs infractions distinctes, le Tribunal a commis une erreur de droit.

89 Partant, la seconde branche du troisième moyen ainsi que, par voie de conséquence, ce moyen dans son intégralité doivent être accueillis.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

90 Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a substitué, à tort, sa propre motivation à celle de la décision litigieuse, tout en confirmant la conclusion de cette décision selon laquelle les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue. Le Tribunal aurait, en substance, accueilli l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission n’avait pas prouvé le caractère anticoncurrentiel de plusieurs contacts qui leur étaient imputés, à savoir les contacts nos 3, 8, 10 et 14. Cependant, au lieu d’examiner si, de ce fait, la conclusion de la décision litigieuse relative à l’existence d’une infraction unique et continue composée de plusieurs infractions distinctes n’était pas dépourvue de fondement, le Tribunal aurait considéré que tous les contacts impliquant les requérantes étaient susceptibles de participer à un faisceau d’indices permettant d’étayer la caractérisation d’une telle infraction unique et continue, même s’ils ne constituaient pas tous des contacts anticoncurrentiels prouvés.

91 En effet, en appréciant si la Commission avait apporté des preuves suffisantes pour caractériser un comportement constitutif d’une infraction unique et continue, le Tribunal aurait favorablement accueilli la critique des requérantes à l’égard de la décision litigieuse selon laquelle la Commission n’avait pas prouvé le caractère anticoncurrentiel de plusieurs contacts qui leur étaient imputés. Ce faisant, il incombait au Tribunal, selon les requérantes, d’examiner le bien-fondé de la conclusion de la décision litigieuse quant à l’existence d’une infraction unique et continue composée de plusieurs infractions distinctes. Dans la décision litigieuse, la Commission n’aurait, en effet, pas adopté une approche par faisceau d’indices, mais serait partie de l’hypothèse que chaque contact reproché constituait une infraction autonome et que ces infractions distinctes faisaient partie d’un plan d’ensemble globalement constitutif d’une infraction unique et continue. Au contraire, le Tribunal aurait considéré que tous les contacts impliquant les requérantes, bien que ne constituant pas tous des contacts anticoncurrentiels dont la preuve avait été rapportée, étaient susceptibles de constituer un faisceau d’indices permettant d’étayer la caractérisation d’une infraction unique et continue.

92 Ainsi, en substituant sa motivation à celle exposée par la Commission dans la décision litigieuse, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

93 La Commission conteste le bien-fondé du premier moyen.

Appréciation de la Cour

94 Par leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir substitué à tort sa propre motivation à celle de la Commission dans la décision litigieuse en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’une infraction unique et continue.

95 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les juridictions de l’Union ne peuvent modifier les éléments constitutifs de l’infraction légalement constatée par la Commission dans la décision litigieuse ni dans le cadre du contrôle de légalité ni à l’occasion de l’exercice de leur compétence de pleine juridiction. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, ces juridictions ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause. La compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal sur le fondement de l’article 31 du règlement no 1/2003 concerne la seule appréciation, par celui-ci, de l’amende infligée par la Commission (arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 50 ainsi que jurisprudence citée).

96 Il convient donc de vérifier si le Tribunal a modifié, comme le font valoir les requérantes, les éléments constitutifs de l’infraction unique et continue légalement constatée par la Commission dans la décision litigieuse.

97 En premier lieu, s’agissant des contacts nos 8 et 10, le Tribunal a jugé, aux points 131 et 138 de l’arrêt attaqué, que l’implication des requérantes dans ces contacts ne pouvait être que supposée, mais que ces contacts étaient néanmoins susceptibles de contribuer à un faisceau d’indices permettant d’étayer la caractérisation d’une infraction unique et continue. S’agissant du contact no 3, le Tribunal a estimé, au point 187 de cet arrêt, que, si ce contact ne semblait pas révéler des informations directement utiles, il témoignait du moins de la volonté des requérantes de s’informer sur leurs concurrents afin de réduire l’incertitude en matière de stratégie future et, à ce titre, apparaissait comme étant susceptible de contribuer à un faisceau d’indices.

98 Ainsi, contrairement à ce que les requérantes allèguent, le Tribunal n’a pas mis en doute le caractère anticoncurrentiel des contacts nos 3, 8 et 10.

99 S’agissant du contact no 14, le Tribunal a considéré, au point 141 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait tiré, dans la décision litigieuse, aucune conclusion relative à ce contact.

100 Or, il convient de constater que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, la Commission a effectivement fondé la décision litigieuse sur les contacts mentionnés dans l’annexe I de cette décision dont le contact no 14 faisait partie. Néanmoins, cette erreur du Tribunal n’a pas eu de conséquence sur la confirmation de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue en cause.

101 En second lieu, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il ressort de la décision litigieuse que la Commission s’est fondée sur un faisceau d’indices pour rapporter la preuve de l’infraction unique et continue qu’elle leur a reprochée. Ainsi, à titre d’exemple, il convient de relever qu’elle a explicitement rappelé, au considérant 322 de la décision litigieuse, d’une part, qu’il était nécessaire qu’elle fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, mais que chacune des preuves apportées ne devait pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction, et, d’autre part, qu’il suffisait que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

102 Dans ce contexte, la Commission s’est encore explicitement référée à ce faisceau d’indices aux considérants 92, 220, 325, 334 et 425 de la décision litigieuse.

103 Partant, il ne saurait être soutenu que, en faisant référence à un faisceau d’indices, le Tribunal a substitué sa propre motivation à celle exposée par la Commission dans la décision litigieuse. Au contraire, il a, en substance, confirmé que l’approche de la Commission, consistant à se fonder sur un faisceau d’indices pour établir l’existence d’une infraction unique et continue, était conforme à la jurisprudence relative à la preuve d’une infraction au titre de l’article 101 TFUE.

104 Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen

105 Le deuxième moyen des requérantes est divisé en deux branches.

Sur la première branche du deuxième moyen

–  Argumentation de parties

106 La première branche du deuxième moyen est tirée de ce que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en concluant que les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue entre le 23 août 2004 et le 15 septembre 2006.

107 Les requérantes soutiennent, premièrement, que, au vu de la jurisprudence du Tribunal, il convient que les contacts anticoncurrentiels soient suffisamment rapprochés dans le temps pour qu’une infraction unique et continue puisse être caractérisée. De même, dans l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 50 à 52), la Cour aurait jugé que, s’agissant de produits pour lesquels les prix étaient fixés sur une base annuelle, il était approprié de vérifier si la Commission avait établi au moins des occurrences annuelles de participation des entreprises concernées à l’entente.

108 Or, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas apprécié si, compte tenu des contacts non prouvés, la participation des requérantes à l’infraction restait ininterrompue. Le Tribunal aurait indiqué, au point 220 de cet arrêt, que certains des douze contacts imputés aux requérantes n’étaient pas avérés. En particulier, le Tribunal admettrait, au point 141 dudit arrêt, que la Commission n’a tiré aucune conclusion relative au contact no 14, ce qui aurait dû le conduire à constater que, pendant une période de huit mois, les requérantes n’avaient eu aucun contact anticoncurrentiel.

109 Cependant, le Tribunal n’aurait pas analysé si, à la lumière du fonctionnement réel du marché, un intervalle d’environ huit mois sans contact anticoncurrentiel démontré ne remettait pas en question la participation des requérantes à l’infraction unique et continue en cause. Ainsi, en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

110 La Commission conteste cette argumentation.

–  Appréciation de la Cour

111 Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant qu’elles avaient participé à une infraction unique et continue entre le 23 août 2004 et le 15 septembre 2006, sans avoir tenu compte de ses propres constatations selon lesquelles il existerait un écart d’environ huit mois entre deux des contacts auxquels les requérantes ont participé.

112 À cet égard, il y a lieu de souligner qu’une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43 et jurisprudence citée).

113 Il s’ensuit également que, dans un tel cas, il ne saurait être tenu compte de la circonstance qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 54).

114 En outre, dans le cadre d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu (arrêt du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, point 169).

115 En l’occurrence, il convient d’observer que le Tribunal a examiné, aux points 197 à 222 de l’arrêt attaqué, l’allégation des requérantes tirée d’un défaut de preuves de l’infraction unique et continue retenue par la Commission.

116 Le Tribunal a d’abord rappelé, aux points 199 à 202 de cet arrêt, la jurisprudence pertinente concernant les obligations pesant sur la Commission en matière de preuve d’une infraction unique et continue. Il a ensuite souligné, au point 206 dudit arrêt, s’agissant du point de savoir si la Commission devait évaluer si les périodes séparant les contacts étaient suffisamment brèves pour établir une infraction unique et continue, que le fait que la preuve de l’existence d’une infraction unique et continue n’a pas été observée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l’infraction soit regardée comme ayant été constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu’une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants.

117 Enfin, s’agissant, plus spécifiquement, du nombre de contacts allégués des requérantes, le Tribunal a considéré, au point 220 de l’arrêt attaqué, que, même en prenant en compte le fait que ceux-ci ne soient qu’au nombre de douze et que certains d’entre eux ne sont pas absolument avérés, le nombre de contacts des requérantes ne saurait être qualifié de mineur.

118 Ainsi, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir tenu compte d’un éventuel écart d’environ huit mois entre deux desdits contacts.

119 Premièrement, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le Tribunal n’a pas considéré, au point 220 de l’arrêt attaqué, que certains contacts n’étaient pas établis. Celui-ci a uniquement envisagé l’hypothèse dans laquelle certains des douze contacts imputés aux requérantes ne seraient pas absolument avérés et en a précisément déduit, par comparaison avec le cas des autres participants à l’entente, que, même dans cette hypothèse, la participation des requérantes à l’infraction unique et continue ne serait pas remise en question.

120 Deuxièmement, s’agissant plus particulièrement du contact no 14, il convient de rappeler que l’absence de preuve de contacts anticoncurrentiels pour certaines périodes données ne fait pas obstacle à la constatation d’une infraction unique et continue, dès lors qu’une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants et que les différentes actions de cette infraction poursuivent une seule finalité, dans les conditions précisées au point 114 du présent arrêt.

121 C’est précisément ce raisonnement que le Tribunal a suivi à bon droit. Ainsi, il a considéré, aux points 208 à 216 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait correctement montré que les requérantes avaient connaissance de l’existence d’un objectif commun et qu’elles ont contribué intentionnellement au but économique et anticoncurrentiel de l’entente.

122 Or, dans de telles circonstances, un écart d’environ huit mois entre deux des contacts auxquels les requérantes ont participé, même à le supposer établi, ne saurait être de nature à remettre en cause leur participation à l’infraction unique et continue en question.

123 En tout état de cause, les requérantes ne sauraient tirer argument de l’arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773), pour considérer que le Tribunal aurait dû vérifier si un intervalle d’environ huit mois sans contact anticoncurrentiel démontré ne remettait pas en question la participation des requérantes à l’infraction unique et continue alléguée. En effet, tandis que les points 50 à 52 de cet arrêt portent sur une analyse de circonstances particulières à l’affaire concernée, la Cour a rappelé, au point 53 dudit arrêt que, dans le cadre d’une infraction s’étendant sur une certaine durée, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, dès lors que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu.

124 Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

Sur la seconde branche du deuxième moyen

–  Argumentation des parties

125 Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé son obligation de motivation en fondant l’arrêt attaqué sur des motifs incohérents. La motivation de l’arrêt attaqué serait, en effet, intrinsèquement incohérente en ce qui concerne leur participation à l’infraction unique et continue. L’affirmation, au point 207 de cet arrêt, selon laquelle les écarts entre les contacts n’étaient, en général, que de deux ou trois mois, serait en contradiction avec la constatation, au point 141 dudit arrêt, selon laquelle le contact no 14 n’était pas établi. En effet, si ce contact n’était pas retenu, il serait nécessaire d’en déduire une interruption des contacts pendant une période d’environ huit mois.

126 La Commission soutient que la seconde branche du deuxième moyen est dénuée de fondement.

–  Appréciation de la Cour

127 Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé son obligation de motivation en fondant l’arrêt attaqué sur des motifs incohérents.

128 À cet égard, il suffit de relever que, au point 207 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que « les écarts entre les contacts n’étaient, en général, que de deux ou trois mois [et que les requérantes semblent] même avoir eu deux contacts le même mois, en avril 2006 ».

129 Il apparaît ainsi que cette constatation est générale et qu’elle ne saurait être considérée comme signifiant que tous les écarts entre chacun des contacts auxquels les requérantes ont participé ne sont pas supérieurs à trois mois.

130 La seconde branche du deuxième moyen repose donc sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit, dès lors, être rejetée comme étant non fondée.

131 Partant, il convient d’écarter le deuxième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

Sur le quatrième moyen

132 Le quatrième moyen des requérantes est divisé en trois branches.

Argumentation des parties

–  Sur la première branche du quatrième moyen

133 Par la première branche de leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé le principe, énoncé par les lignes directrices pour le calcul des amendes, selon lequel la valeur des ventes doit refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction et, partant, les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

134 Les requérantes soutiennent que, pendant la durée de l’infraction alléguée, Lite-On a produit des LDO ultérieurement vendus sous la marque Sony. Dans le cadre des accords de partage de recettes conclus entre les requérantes et Lite-On, les requérantes auraient reversé à Lite‑On les recettes correspondant à ces produits conçus et fabriqués par Lite-On. Or, la décision litigieuse aurait opéré une double comptabilisation de ces recettes en imputant celles-ci à la fois aux requérantes et à Lite-On.

135 Le Tribunal aurait cependant rejeté l’argument des requérantes selon lequel la décision litigieuse avait comptabilisé deux fois les mêmes recettes. Il aurait également rejeté leur argument selon lequel cette double comptabilisation a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, au motif qu’elle a donné lieu à l’infliction, aux requérantes, d’une amende qui a indûment majoré leur part dans la valeur des ventes.

136 Les lignes directrices pour le calcul des amendes définiraient la valeur des ventes comme étant une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La Cour aurait confirmé cette interprétation de la valeur des ventes, laquelle serait conforme aux principes énoncés au point précédent, et, dans certaines affaires, la Commission aurait cherché à éviter une telle double comptabilisation.

137 Pour écarter l’argument des requérantes, le Tribunal aurait, au point 271 de l’arrêt attaqué, considéré que la méthode préconisée par celles-ci compromettrait l’efficacité de l’interdiction des ententes, car il suffirait alors aux entreprises concernées de s’associer à un participant à l’entente pour réduire le montant de leur amende. Or, cette motivation aurait conduit le Tribunal à confirmer une double comptabilisation de la valeur des ventes, ce qui constituerait une erreur de droit et une violation desdits principes.

138 La Commission considère que la première branche du quatrième moyen est irrecevable. Il résulterait de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont la requérante demande l’annulation. Or, cette première branche du quatrième moyen constituerait en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal sans identifier d’erreur spécifique dans l’arrêt attaqué, ce qui échapperait à la compétence de la Cour.

139 En tout état de cause, la première branche du quatrième moyen serait dénuée de fondement et inopérante.

–  Sur la deuxième branche du quatrième moyen

140 La deuxième branche du quatrième moyen est tirée d’une violation de l’obligation de motivation en ce que le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument invoqué par les requérantes selon lequel la double comptabilisation de la valeur des ventes a illégalement majoré l’importance économique de l’infraction alléguée et, par conséquent, l’amende qui leur a été infligée.

141 En vertu de cette obligation, le Tribunal serait tenu de répondre à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par les requérantes. La motivation fournie par le Tribunal ne saurait être implicite qu’à la condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles celui-ci n’a pas fait droit à leurs arguments.

142 Or, le Tribunal n’aurait pas répondu aux arguments invoqués par les requérantes et se serait contenté de considérations générales qui ne répondraient pas directement à ces arguments et, en particulier, celui relatif à la double comptabilisation des recettes résultant des ventes de LDO.

143 La Commission est d’avis que la deuxième branche du quatrième moyen n’est pas fondée et qu’elle est inopérante.

–  Sur la troisième branche du quatrième moyen

144 Par la troisième branche de leur quatrième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis une erreur en rejetant leur argument selon lequel la Commission n’a pas justifié que, dans leur cas, elle se soit écartée de sa pratique visant à éviter une double comptabilisation, alors que, dans ses précédentes décisions, elle aurait tenu compte de la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de l’amende, car cette valeur refléterait la valeur économique de l’infraction.

145 La Commission estime qu’il convient de rejeter la troisième branche du quatrième moyen comme étant non fondée et inopérante.

Appréciation de la Cour

146 Par les trois branches de leur quatrième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit, violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité et manqué à son obligation de motivation, en confirmant le montant de l’amende infligée sur la base des mêmes recettes que celles ayant servi à calculer le montant de l’amende infligée à Lite-On, laquelle concevait et fabriquait des LDO vendus sous la marque Sony sur la base d’accords de partage de recettes.

147 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort implicitement mais clairement du pourvoi que les requérantes visent les points 263 à 276 de l’arrêt attaqué, ce qu’elles ont d’ailleurs confirmé dans leur mémoire en réplique. Le présent moyen est donc recevable.

148 Sur le fond, il convient de relever que le Tribunal a d’emblée constaté, au point 264 de l’arrêt attaqué, que l’argument des requérantes selon lequel la Commission avait comptabilisé deux fois les ventes faites à Dell était peu intelligible dans la mesure où seules les requérantes percevaient les recettes auprès de Dell.

149 Il a ensuite rappelé, aux points 265 à 269 de cet arrêt, la jurisprudence applicable à la détermination, par la Commission, du montant des amendes pour infraction au droit de la concurrence de l’Union.

150 Le Tribunal a enfin considéré, en substance, que la Commission s’était conformée, dans la décision litigieuse, à la méthode de calcul établie par les lignes directrices pour le calcul des amendes. À cet égard, il a, au point 270 dudit arrêt, considéré que, lorsque la Commission a recherché la valeur des ventes de biens auxquels l’infraction se rapportait directement ou indirectement, il était logique qu’elle utilise les ventes directes des requérantes à Dell en tant que base pour calculer le montant de l’amende.

151 S’agissant, plus particulièrement, de l’argument pris d’une double comptabilisation des recettes, le Tribunal a précisé, au point 271 de l’arrêt attaqué, que la méthode préconisée par les requérantes, consistant à déduire des recettes perçues par ces dernières auprès de Dell les recettes reversées à Lite-On, compromettrait l’efficacité de l’interdiction des ententes dans la mesure où il suffirait aux entreprises participant à une entente de s’associer pour réduire le montant de leur amende.

152 Concernant les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, le Tribunal a ajouté, aux points 272 et 273 de cet arrêt, que le comportement des requérantes n’avait pas été fondamentalement différent de celui des autres destinataires de la décision litigieuse tant en ce qui concerne le fait d’avoir échangé des informations, notamment sur les prix, qu’en ce qui concerne la fréquence de ces échanges. Il en a conclu que la décision litigieuse n’avait porté atteinte ni à ces principes ni aux lignes directrices pour le calcul des amendes.

153 En premier lieu, s’agissant des arguments des requérantes pris d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 25 novembre 2020, Commission/GEA Group, C‑823/18 P, EU:C:2020:955, point 42 et jurisprudence citée).

154 Or, la motivation contenue aux points 263 à 276 de l’arrêt attaqué est conforme aux exigences de la jurisprudence rappelée au point précédent. En effet, le Tribunal a examiné l’ensemble des griefs formulés par les requérantes s’agissant du calcul de l’amende et exposé les raisons pour lesquelles il les a écartés. En particulier, le Tribunal a examiné l’allégation de double comptabilisation aux points 263 et 264 de l’arrêt attaqué et, ainsi, exposé les motifs du rejet de ces griefs.

155 En deuxième lieu, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que la Commission ne s’était pas écartée de la méthode fixée par les lignes directrices pour le calcul des amendes.

156 En effet, il a correctement relevé que la Commission avait, conformément à cette méthode, fondé son calcul de l’amende infligée aux requérantes notamment sur la valeur des ventes de biens auxquels l’infraction se rapportait directement ou indirectement.

157 Le Tribunal a également jugé à bon droit que la méthode préconisée par les requérantes, basée non pas sur la valeur des ventes, mais sur les recettes issues des seules ventes directes, compromettrait l’efficacité de l’interdiction des ententes et ne saurait donc être considérée comme permettant de refléter l’importance économique de l’infraction.

158 En troisième lieu, s’agissant du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ce principe constitue un principe général du droit de l’Union, consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 25 novembre 2020, Commission/GEA Group, C‑823/18 P, EU:C:2020:955, point 58 et jurisprudence citée).

159 En l’occurrence, le Tribunal a jugé, au point 272 de l’arrêt attaqué, que le comportement des requérantes n’avait pas été fondamentalement différent de celui des autres destinataires de la décision litigieuse tant en ce qui concerne le fait d’avoir échangé des informations sur les prix qu’en ce qui concerne la fréquence de ces échanges. Dans ces conditions, il a estimé, au point 273 de cet arrêt, que cette décision n’avait pas porté atteinte au principe d’égalité de traitement.

160 Contrairement à l’argumentation des requérantes, cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit. En effet, il découle des points 272 et 273 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en substance, considéré, à bon droit, que la Commission a bien appliqué la même méthode de calcul du montant de l’amende à toutes les entreprises concernées, fondée sur la prise en compte de la valeur des ventes, et que les circonstances relevées par les requérantes, justifiant, selon elles, le recours à une méthode de calcul différente, ne sont pas de nature à affecter cette considération.

161 S’agissant, en quatrième lieu, du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, il n’appartient pas à cette dernière, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles‑ci, du droit de l’Union. Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (arrêts du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 57 ainsi que jurisprudence citée, et du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 107).

162 Or, les requérantes n’ont pas démontré les raisons pour lesquelles le montant de l’amende qui leur a été infligée serait excessif, au point d’être disproportionné.

163 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté dans son ensemble comme étant non fondé.

Sur l’annulation de l’arrêt attaqué

164 Ainsi qu’il ressort de l’analyse, aux points 58 à 89 du présent arrêt, du troisième moyen des requérantes, le Tribunal a commis des erreurs de droit.

165 Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué.

Sur le recours devant le Tribunal

166 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

167 En l’espèce, il y a lieu de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

168 Ainsi qu’il a été indiqué au point 36 du présent arrêt, à l’appui de leur recours devant le Tribunal, les requérantes ont soulevé deux moyens.

169 Dans le cadre de leur premier moyen devant le Tribunal, les requérantes font valoir, s’agissant de leur participation aux infractions distinctes composant l’infraction unique et continue qui leur a été imputée, que la Commission n’a pas formulé cette allégation au cours de la procédure administrative et que c’est en violation de leurs droits de la défense que ladite allégation a été présentée pour la première fois dans la décision litigieuse. Cette décision serait également entachée d’un défaut de motivation quant au constat de ces infractions distinctes.

170 S’agissant du grief relatif à une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de considérer que, pour les motifs énoncés aux points 81 à 89 du présent arrêt, la Commission n’a pas motivé sa décision quant à la participation des requérantes auxdites infractions distinctes composant l’infraction unique et continue qui leur a été imputée.

171 Partant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés dans le cadre du premier moyen soulevé par les requérantes à l’appui de leur recours, ce moyen doit être accueilli en ce qu’il fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision litigieuse s’agissant de la participation des requérantes aux mêmes infractions distinctes.

172 Compte tenu de ce qui précède, et à la lumière de ce qui a été précisé aux points 58 à 61 du présent arrêt, l’article 1er, sous f), de la décision litigieuse doit être annulé en ce qu’il constate que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à plusieurs infractions distinctes.

173 Par le second moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes font valoir, dans le cadre d’une première branche, que la Commission leur a infligé une amende calculée sur des recettes réalisées auprès de Dell qui avaient été reversées à Lite-On en vertu des accords de partage des recettes en vigueur entre les requérantes et Lite-On. Dans le cadre d’une deuxième branche, les requérantes soutiennent que, dans la mesure où la décision litigieuse a omis de prendre en considération leur comportement substantiellement plus réduit par rapport à celui de certains autres destinataires, la Commission a manqué aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et aux lignes directrices pour le calcul des amendes. Dans le cadre d’une troisième branche, les requérantes estiment que, en leur imposant un taux multiplicateur de 1,2 au montant de départ de leur amende aux fins d’assurer un effet dissuasif, la Commission a manqué aux principes d’égalité de traitement, d’équité et de proportionnalité.

174 En l’occurrence, concernant, en premier lieu, la première branche du second moyen du recours, il convient de considérer que, pour les motifs énoncés aux points 146 à 163 du présent arrêt, la décision litigieuse n’a porté atteinte ni aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ni aux lignes directrices pour le calcul des amendes.

175 En second lieu, s’agissant des deuxième et troisième branches du second moyen du recours, la Cour fait sienne la motivation figurant aux points 279 à 288 ainsi qu’aux points 292 à 298 de l’arrêt attaqué. Ainsi, pour les raisons exposées à ces points ainsi que pour celles qui sont exposées au point précédent du présent arrêt, ce second moyen doit être rejeté.

176 Il y a également lieu de statuer, en application de la compétence de pleine juridiction reconnue à la Cour par l’article 261 TFUE et l’article 31 du règlement no 1/2003, sur le montant de l’amende qui doit être mise à la charge des requérantes (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 87 ainsi que jurisprudence citée).

177 À cet égard, il doit être rappelé que la Cour, statuant elle-même définitivement sur le litige en application de l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est habilitée, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 88 ainsi que jurisprudence citée).

178 Afin de déterminer le montant de l’amende infligée, il lui appartient d’apprécier elle-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89 ainsi que jurisprudence citée).

179 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, sans que la Cour soit liée par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices, même si ces dernières peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent leur compétence de pleine juridiction (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90 ainsi que jurisprudence citée).

180 En l’occurrence, la Cour estime√ qu’aucun des éléments dont les requérantes se sont prévalues dans le cadre de la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’elle fasse usage de sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende visée à l’article 2, sous f), de la décision litigieuse.

181 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’annuler l’article 1er, sous f), de la décision litigieuse, en tant qu’il constate que les requérantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à plusieurs infractions distinctes, et de rejeter le recours pour le surplus.

Sur les dépens

182 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

183 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement précise que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

184 En l’occurrence, les requérantes ont conclu à la condamnation de la Commission aux dépens afférents aux procédures de première instance et de pourvoi et celle-ci a succombé en ses conclusions au stade du pourvoi ainsi que, partiellement, en ses conclusions en première instance. Les requérantes ont succombé partiellement en leurs conclusions en première instance.

185 Cela étant, la Cour considère, eu égard aux circonstances de l’espèce, qu’il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi, la totalité des dépens que les requérantes ont exposés dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la moitié de ceux qu’elles ont exposés en première instance. Les requérantes supporteront la moitié de leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2019, Sony et Sony Electronics/Commission (T‑762/15, EU:T:2019:515), est annulé.

2) L’article 1er, sous f), de la décision C(2015) 7135 final de la Commission, du 21 octobre 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39639 – Lecteurs de disques optiques), est annulé pour autant qu’il constate que Sony Corporation et Sony Electronics Inc. ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, en participant, du 23 août 2004 au 15 septembre 2006, à plusieurs infractions distinctes.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens relatifs tant à la procédure de première instance qu’à celle de pourvoi, la totalité des dépens que Sony Corporation et Sony Electronics Inc. ont exposés dans le cadre du présent pourvoi ainsi que la moitié de ceux qu’elles ont exposés en première instance.

5) Sony Corporation et Sony Electronics Inc. supportent la moitié de leurs propres dépens afférents à la procédure de première instance.