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Décisions

CA Riom, ch. com., 8 juin 2022, n° 21/02570

RIOM

Ordonnance

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Étoile d'Auvergne (SAS)

Défendeur :

A.G. Développement (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, Mme Dufayet

T. com. Clermont-Ferrand, du 25 nov. 202…

25 novembre 2021

Souhaitant développer sur le Puy-de-Dôme une activité de service à la personne, Mme [Y] [G] s'est rapprochée de la société AG développement exploitant dans ce domaine la franchise "Aquarelle".

Un contrat de franchise a été signé entre les parties le 6 avril 2016, pour un local à implanter à [Localité 6] pour la zone géographique comprenant l'agglomération de [Localité 6] et [Localité 8].

Mme [G] a créé la SAS Étoile d'Auvergne, immatriculée le 13 décembre 2016, pour exercer l'activité de franchisé sur [Localité 4] et sa zone de proximité, n'ayant pu obtenir les autorisations pour une implantation sur [Localité 6].

Le franchisé a rencontré des difficultés pour le règlement des droits d'entrée et de licence et le franchiseur a notifié la résiliation du contrat le 18 janvier 2019.

Par ordonnance du 11 avril 2019, le président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand statuant en référé a condamné la société Étoile d'Auvergne à payer à la société AG développement la somme de 13528,42 euros.

Par acte du 16 novembre 2020, Mme [Y] [G] et la société Étoile d'Auvergne ont fait assigner la société AG développement devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir la condamnation de la défenderesse à payer la somme de 25000 euros de dommages et intérêts à la société Étoile d'Auvergne et la somme de 50000 euros à Mme [G].

La société AG développement a soulevé une exception d'incompétence territoriale, se prévalant d'une clause du contrat du 6 avril 2016 donnant compétence au tribunal de commerce de Toulouse en cas de contestation relative à l'exécution du contrat ou à quelque titre que ce soit entre le franchisé et le franchiseur.

Par jugement du 25 novembre 2021, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a dit l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'EURL AG développement recevable et bien fondée et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Toulouse.

La SAS Étoile d'Auvergne et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement le 9 décembre 2021 et saisi la première présidente de la cour d'une requête afin d'être autorisées à assigner à jour fixe au visa de l'article 84 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 3 janvier 2022, le magistrat délégué par la première présidente a autorisé les requérantes à assigner à jour fixe pour le 13 avril 2022.

L'assignation délivrée à l'intimée le 17 janvier 2022 a été remise à la cour le 26 janvier 2022.

Par conclusions déposées et notifiées le 11 avril 2022, les appelantes demandent à la cour, vu les articles 42 à 48 du code de procédure civile, de :

- Dire que le contrat de franchise écrit passé entre les parties pour une installation sur le secteur de [Localité 6] [Localité 8] n'a pas reçu d'application.

- Dire en conséquence que l'installation sous la franchise "Aquarelle" sur le secteur de [Localité 4] s'est faite purement oralement.

- Dire qu'en conséquence aucune clause attributive de compétence ne pouvait être conclue entre les parties en l'absence d'écrit.

- Dire qu'alors les concluantes avaient le choix entre le domicile du défendeur ou le lieu où le préjudice était subi.

- Constatant qu'elles ont fait ce dernier choix, renvoyer la procédure au tribunal de commerce de Clermont-Ferrand pour qu'il soit statué sur le fond.

- Condamner l'EURL AG développement aux dépens de première instance et d'appel, distraction faite au profit de la SCP Basset & associés.

Par conclusions déposées et notifiées le 11 avril 2022, la société AG développement demande à la cour de :

- Á titre principal, vu les articles 562, 901 4° du code de procédure civile, juger nulle ou à défaut irrecevable la déclaration d'appel opérée selon déclaration faite au RPVA le 9 décembre 2021.

- Juger que la cour n'est saisie d'aucune demande par la déclaration d'appel du 9 décembre 2021 de la société Étoile d'Auvergne et de Mme [Y] [G], qui n'a pas opéré dévolution.

- Á titre subsidiaire, vu les articles 48, 4 du code de procédure civile, l'article 1356 du code civil, confirmer le jugement entrepris.

- Dans tous les cas, condamner la société Étoile d'Auvergne et Mme [Y] [G], solidairement ou à défaut in solidum, à payer à la société AG développement la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la société Étoile d'Auvergne et Mme [Y] [G] aux entiers dépens en accordant aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir que la déclaration d'appel mentionne pour objet de l'appel : « selon annexe à la déclaration d'appel annexée et conclusions d'appelante. »

Elle prétend que la déclaration d'appel transmise ne comportait aucune annexe et qu'en tout état de cause, les chefs de jugement critiqués doivent figurer dans la déclaration d'appel elle-même qui est un acte de procédure autonome se suffisant à lui seul (Cass. Civ 2ème 13 janvier 2022).

MOTIFS :

Sur l'irrégularité alléguée de la déclaration d'appel :

Aux termes de l'article 901, 4° du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Faisant valoir que la déclaration d'appel formalisée par la SAS Étoile d'Auvergne et Mme [G] ne comporte pas la mention des chefs de jugement critiqués mais renvoie à une annexe et à des conclusions, alors qu'aucune contrainte technique ne justifiait le recours à une annexe, l'intimée soulève en premier lieu la nullité ou l'irrecevabilité de la déclaration d'appel.

La déclaration d'appel qui ne mentionne pas les chefs du jugement expressément critiqués encourt une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

En l'absence de démonstration d'un tel grief, l'exception de nullité sera écartée, étant observé que le dossier de la cour fait apparaître que la déclaration d'appel a été adressée à l'intimée par le greffe accompagnée de son annexe conformément aux dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 20 mai 2020 dans sa version applicable à l'espèce.

Par ailleurs, indépendamment de cette sanction procédurale, le défaut d'énonciation dans l'acte d'appel des chefs de jugement expressément critiqués est susceptible de compromettre, par application de l'article 562 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel et la saisine de la cour.

L'intimée se prévaut de cette absence d'effet d'évolutif, citant en ce sens un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 13 janvier 2022 (n° 20-17.516).

Cependant, dès lors que la déclaration d'appel du 9 décembre 2021 renvoie expressément à l'annexe pour l'énoncé des chefs de jugement critiqués, qu'aucun texte n'interdit expressément le recours à une annexe faisant corps avec la déclaration d'appel, ou ne soumet sa validité à une contrainte technique, une telle annexe étant au contraire envisagée par les arrêtés techniques et admise par la pratique antérieure des juridictions, l'application rétroactive de la solution dégagée par l'arrêt du 13 janvier 2022 porterait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge et à un procès équitable.

Il sera en conséquence considéré que le document annexé par les appelantes à la déclaration d'appel et énonçant les chefs de jugement critiqué fait corps avec la déclaration d'appel et a opéré dévolution à la cour.

Sur l'exception d'incompétence :

Les parties ont signé le 6 avril 2015 un contrat de franchise pour une durée de 5 ans qui ne peut être dénoncé avant terme que dans certaines conditions et selon certaines modalités strictement définies.

Il s'agit d'un contrat établi sur 12 pages dont un exemplaire type est présenté dans le document d'information précontractuelle.

L'exemplaire signé par les parties est complété en ce qui concerne la situation du local à implanter et la zone géographique sur laquelle le franchiseur concède l'exclusivité de l'enseigne.

Le contrat du 6 avril 2015 mentionne ainsi que le franchiseur concède l'exclusivité de l'enseigne Aquarelle pour un local à implanter à [Localité 6], pour la zone géographique comprenant l'agglomération de [Localité 6] et [Localité 8].

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le lieu d'implantation du local et la zone géographique concédée ne constituent qu'une modalité d'exécution du contrat dont la modification n'a aucune incidence sur les autres stipulations, qu'elle ne remet pas en cause.

Les appelantes ne justifient ni d'une résiliation, ni d'une novation du contrat du 6 avril 2015, induite par la seule modification de la zone géographique initialement stipulée.

La clause d'attribution de juridiction insérée au contrat du 6 avril 2015 liant les parties doit en conséquence recevoir application, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.

Les appelantes seront condamnées aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles d'appel conformément aux dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Rejette l'exception de nullité et la fin de non-recevoir soulevées par l'intimée.

Rejette le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel.

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Condamne la société Étoile d'Auvergne et de Mme [Y] [G] à payer à la société AG développement la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.