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Décisions

Cass. 3e civ., 16 juin 2022, n° 21-13.286

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Greff-Bohnert

Avocat général :

M. Burgaud

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SARL Le Prado - Gilbert

Cass. 3e civ. n° 21-13.286

15 juin 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 24 novembre 2020), par acte authentique du 14 novembre 2016, Mme [L] (la venderesse) a vendu une maison d'habitation, située près de l'océan à Mme [W] (l'acquéreure).

2. Invoquant un défaut d'information sur les nuisances liées à l'échouage saisonnier d'algues sargasses, l'acquéreure a assigné la venderesse en annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol, alors « que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ; qu'il suppose seulement que soient établis le caractère intentionnel du comportement de l'un des contractant et le caractère déterminant, pour l'autre, du dol allégué ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que Mme [L] épouse [D] avait intentionnellement apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de Mme [W] relatives à la présence de sargasses et que cette présence était un élément déterminant du consentement de l'acheteuse, ne pouvait, pour rejeter la demande, relever qu'il n'était pas établi que Mme [L] épouse [D] aurait eu conscience de ce caractère déterminant ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1137 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1137 du code civil :

4. Selon ce texte, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.

5. Pour rejeter la demande de nullité de la vente pour dol, l'arrêt retient que si la venderesse avait volontairement omis d'informer l'acquéreur sur le phénomène des échouages des algues sargasses qui affectait le bien vendu, il n'était pas établi qu'elle savait que ce mensonge portait sur un élément déterminant pour son contractant et avait été informée de sa santé fragile et de celle de son fils.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la venderesse avait apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de l'acquéreure relatives à la présence des algues sargasses, avec la volonté de tromper, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que le vice de la chose peut se manifester de manière intermittente et trouver sa cause à l'extérieur de celle-ci, dès lors qu'il en affecte l'usage ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande au motif que les émanations dues aux sargasses avaient leur cause dans un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible ; qu'elle a ainsi violé l'article 1141 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1641 du code civil :

8. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

9. Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l'arrêt retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constitue pas un vice caché.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée ;

Condamne Mme [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligence du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.