CA Rennes, 5e ch., 8 juin 2022, n° 18/00541
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
S.E.L.A.R.L. [I] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [B] [I] ès qualités de mandataire Ad Hoc de la SCI BOD BIHAN, Société civile SCI BOD BIHAN, Le Sclegen
Défendeur :
M. [C] [M]
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Virginie PARENT
Conseillers :
Olivia JEORGER-LE GAC, Virginie HAUET
Avocats :
Me Sandrine LAMIOT-LE VERNE, Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Me Laurence NARDINI de la SCP DRAP HESTIN NARDINI FERNANDES- THOMANN
Début 2013, M. [D] gérant de la SCI Bod Bihan a souhaité faire l'acquisition d'une propriété sise [Adresse 10], appartenant à la société de développement de promotion de l'industrie et du commerce (SO DE PI), en vue d'y installer une activité de vente de navires neufs et d'occasion.
Un compromis de vente a été établi le 18 mars 2013 entre les sociétés SO DE PI et Bod Bihan, sous conditions suspensives d'obtention d'un prêt.
Dans l'attente de 'finaliser la mise en place d'un bail de longue durée et d'un compromis de vente précisant les modalités de la cession du bien', les parties ont conclu un bail précaire le 29 avril 2013 à compter du 1er mai 2013 pour une durée de trois mois portant sur la location de la maison d'habitation sise à [Adresse 10], les locaux loués étant destinés à l'usage d'habitation et à l'exploitation commerciale de négoce, location et activités complémentaires relatives aux activités nautiques.
Le loyer a été fixé à 3 200 euros HT outre la TVA et le remboursement des charges et prestations locatives.
La SCI Bod Bihan s'est maintenue dans les lieux au delà de la durée de trois mois.
Le tribunal de commerce de Draguignan par jugement du 23 septembre 2014 plaçait une SARL Les Alizés en liquidation judiciaire, désignant Maître [C] [Y] [M] comme liquidateur judiciaire, puis par jugement du 10 mars 2015, étendait la liquidation judiciaire à la société SO DE PI.
Arguant du non-règlement des loyers par la SCI Bod Bihan, Maître [M], ès- qualités de liquidateur judiciaire de la société SO DE PI, l'a faite assigner devant le tribunal de grande instance de Lorient par acte d'huissier du 25 mai 2016 aux fins d'obtenir la résiliation du bail et son expulsion. Il a, par ailleurs demandé de dire prescrite et irrégulière l'action en fixation du loyer sollicitée par la locataire.
Par jugement en date du 06 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Lorient a :
- déclaré recevable la demande de fixation du loyer du bail commercial formulée par la SCI Bod Bihan,
- fixé le loyer du bail commercial entre la SCI Bod Bihan et la société de développement de promotion de l'industrie et du commerce à la somme de 1 300 euros à compter du 16 novembre 2016,
- condamné la SCI Bod Bihan à payer à Maitre [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société de développement de promotion de l'industrie et du commerce la somme de 73 680 euros au titre des loyers impayés jusqu'au mois de mai 2017 inclus, outre les loyers échus jusqu'à la date du jugement,
- fixé la créance de la SCI Bod Bihan au passif de la liquidation judiciaire de la société de développement de promotion de l'industrie et du commerce à la somme de 6 000 euros au titre de l'indemnisation due pour l'indécence du logement,
- prononcé la résiliation judiciaire du bail conclu entre les parties à la date du jugement,
- ordonné l'expulsion de la SCI Bod Bihan et de tout occupant de son chef dans les 2 mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux, si besoin avec le concours de la force publique,
- fixé l'indemnité d'occupation due par la SCI Bod Bihan à compter du jugement et jusqu'à libération complète des lieux à la somme de 1 300 euros charges comprises,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la SCI Bod Bihan aux dépens.
Le 22 janvier 2018, la SCI Bod Bihan a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 avril 2018, elle a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lorient du 6 décembre 2017 en ce qu'il a :
* déclaré recevable la demande de fixation du loyer du bail commercial formulée par la SCI Bod Bihan,
* déclaré le logement indécent,
- réformer pour le surplus ledit jugement
- débouter Maître [M] ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SODEPI de sa demande en résiliation judiciaire,
- fixer la valeur locative de l'immeuble loué à la société Bod Bihan à la somme mensuelle de 1 300 euros et ce à compter du 1er août 2013,
- fixer en conséquence la créance de la société Bod Bihan au passif de la liquidation judiciaire de la société SO DE PI à ce titre à la somme de
10 841,03 euros arrêtée au mois de mai 2017,
- condamner en conséquence Maître [M] ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SO DE PI au paiement de la somme de 10 841,03 euros arrêtée au mois de mai 2017,
- subsidiairement fixer la valeur locative de l'immeuble loué à la société Bod Bihan à la somme de 1 300 euros à compter du 25 mai 2016 date de la saisine du tribunal de grande instance de Lorient,
- fixer la créance de la société Bod Bihan au passif de la liquidation judiciaire de la société SO DE PI à ce titre à la somme de 39 000 euros arrêtée au mois de juillet 2017 correspondant au montant de son préjudice du fait de l'indécence du logement,
- condamner en conséquence Maître [M] ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SODEPI au paiement de la somme de
39 000 euros arrêtée au mois de juillet 2017,
- condamner Maître [M] ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de
la société SODEPI au paiement de la somme de 6 400 euros en restitution du dépôt de garantie,
- ordonner en tant que de besoin toutes compensations utiles,
- condamner Maître [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société SO DE PI au paiement d'une indemnité du 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions, en date du 20 juillet 2018, M. [C] [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SO DE PI, a demandé à la cour de :
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il qualifie la convention d'occupation précaire en bail commercial,
A cette fin,
- dire et juger qu'une SCI n'ayant pas de fonds de commerce ne peut bénéficier des dispositions de l'article L145-1 du code de commerce et du chapitre 3 dudit code,
- plus subsidiairement, que le document du 29 avril 2013 est une convention d'occupation précaire et non un bail dérogatoire visé par l'article 145-5 du code de commerce,
- que par voie de conséquence, la SCI Bod Bihan ne peut revendiquer l'application du statut des baux commerciaux alors que l'article L145-5 du code de commerce est inapplicable,
- qu'en tout état de cause la demande de requalification est prescrite, le point de départ du délai prévu à l'article L145-60 étant la signature de la convention et très subsidiairement le jour suivant l'expiration de la convention soit le 2 août 2013, la demande de requalification ayant été fait en voie de conclusions le 16 novembre 2015,
- dire et juger que la dette de la SCI Bod Bihan à l'égard de la liquidation judiciaire de la société SO DE PI est de 138 408,12 euros au 1er août 2018 et condamner la SCI Bod Bihan au paiement de cette somme et à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 3 844,76 euros jusqu'à complète libération des lieux,
- confirmer la résiliation du bail en vertu des articles 1184 ancien et 1728 du code civil et confirmer l'expulsion,
- dire et juger les demandes de fixation des créances au passif irrecevables pour ne pas avoir été précédées d'une déclaration de créance,
- débouter la SCI Bod Bihan de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire et juger non fondée la demande de restitution du dépôt de garantie qui ne pourra être exigible qu'à la sortie du locataire et éventuellement payée par compensation,
- condamner la SCI Bod Bihan aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Maître [C] [Y] [M] ès-qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par courrier en date du 13 janvier 2021, Maître Lamiot Le Verne, conseil de la SCI Bod Bihan a informé la cour du décès de l'associé unique de la SCI Bod Bihan, M. [N] [D] et du fait que les héritiers de ce dernier avaient renoncé à sa succession ; il a sollicité le report de l'ordonnance de clôture.
Par arrêt avant dire droit du 21 avril 2021, la cour d'appel de Rennes a ordonné la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la conférence du 10 juin 2021 en enjoignant à Me [M] ès-qualités de liquidateur de la société SO DE PI de régulariser la procédure en faisant désigner un mandataire ad'hoc.
Le président du tribunal judiciaire de Rennes par ordonnance du 10 juin 2021 a désigné Me [B] [I] de la SELARL [I] et Associés, administrateur judiciaire en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Bod Bihan.
Me [I], ès-qualités, a été assignée en intervention forcée devant la cour aux fins de :
- déclarer recevable l'assignation en intervention forcée,
- dire que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun à Me [B] [I] administrateur judiciaire, ès-qualités de mandataire ad'hoc de la SCI Bod Bihan,
- dire que Me [B] [I], ès-qualités sera tenue d'intervenir à la cause pour y surveiller ses droits et prendre toutes conclusions qu'elle jugera utiles.
Lui ont été signifiés le jugement du 6 décembre 2017, la déclaration d'appel du 22 janvier 2018, les conclusions notifiées le 20 juillet 2018 de Me [M], les conclusions notifiées le 21 avril 2018 de la SCI le Bihan, l'arrêt avant dire droit du 21 avril 2021 et l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Rennes du 10 juin 2021.
Me [B] Gauthier n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'intervention forcée de Mme [I]
Me [B] [I] membre de la Selarl [I] et Associés a été désignée en qualité de mandataire ad'hoc de la SCI Bod Bihan.
Son intervention forcée mise en oeuvre par Me [M] ès-qualités de mandataire liquidateur par acte d'huissier en date du 23 septembre 2021 est recevable.
Sur le bail liant la société SO DE PI à la SCI Bod Bihan
Le bail liant les parties signé le 29 avril 2013 est dénommé bail précaire, et stipule :
Désignation :
commune de Crac'h, lieudit Sclegen, une maison sise sur un terrain cadastré section C n° [Cadastre 5], [Cadastre 6],[Cadastre 7] et [Cadastre 8] pour une contenance de 50 ares
Destination :
Les locaux loués pourront servir à l'habitation et à l'exploitation commerciale de négoce, location et activités complémentaires, relatives aux produits liés aux activités nautiques.
Volonté des parties :
Ce bail est conclu pour permettre aux parties de finaliser la mise en place d'un bail de longue durée et d'un compromis de vente précisant les modalités de cession du bien ci-dessus désigné.
Durée:
Dans cet esprit le bail est conclu pour une durée de trois mois commençant le 1er mai 2013. Il pourra être interrompu dès la mise en place des modalités évoquées ci-dessus. Si le bail devait se poursuivre au-delà de cette durée, une nouvelle convention serait à établir entre les parties.
Me [M] ès-qualités de mandataire liquidateur de la société SO DE PI demande à la cour de dire que la SCI Bod Bihan ne peut revendiquer en l'espèce le statut des baux commerciaux et qu'en tout état de cause la demande de requalification du bail précaire en bail commercial est prescrite, pour n'avoir été formulée que le 16 novembre 2015, date de ses conclusions.
Il fait valoir que la SCI Bod Bihan est une société civile immobilière, inscrite au RCS qu'en tant que société civile et qu'elle n'exploite pas un fonds de commerce.
Il soutient donc que le bail liant les parties est un bail précaire, tel que libellé dans la convention signée entre elles et que toute action en requalification d'une convention d'occupation précaire se prescrit par deux ans en vertu de l'article L 145-60 du code de commerce, le point de départ de ladite prescription étant la date de signature de la convention, en l'espèce le 29 avril 2013.
La SCI Bod Bihan soutient qu'aux termes du bail qui a commencé à courir le 1er mai 2013, elle s'est maintenue dans les lieux et qu'ainsi le bail est désormais soumis aux dispositions des baux commerciaux en application de l'article L 145-5 du code de commerce.
Les conditions pour bénéficier du statut des baux commerciaux sont fixées à l'article L 145-1 du code de commerceet sont les suivantes : un bail, un local ou un immeuble, un fonds commercial, industriel ou artisanal, et une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
Il n'est pas contesté que la SCI Bod Bihan, société civile n'exploite pas un fonds de commerce.
Au regard des termes du bail et de la volonté des parties exprimées dans celui-ci, le bail du 29 avril 2013 ne peut être qualifié de bail dérogatoire au sens de l'article L 145-5 du code de commerce, permettant au preneur, en cas de maintien dans les lieux à l'expiration de celui-ci, de se prévaloir d'un nouveau bail à cette date soumis au statut des baux commerciaux.
À raison, Me [M] soutient qu'en l'espèce, les parties ont entendu se lier par une convention d'occupation précaire, laquelle est soumise aux dispositions du code civil, et ce, en raison de circonstances exceptionnelles tenant à l'occupation des locaux dans l'attente d'un compromis de vente précisant les modalités de la cession du bien loué, cession pour laquelle un compromis sous condition suspensive de prêt avait été signé, caractérisant dès lors la fragilité de l'occupation, soumise ainsi à un aléa. Il est rappelé par la cour que la convention d'occupation précaire ne donne pas droit au statut des baux commerciaux, à la différence du bail dérogatoire de l'article L 145-5 du code de commerce.
L'action en requalification d'un tel bail en bail commercial est soumise à une prescription de deux ans (dont le point de départ est la date de la convention) ; la prescription est acquise en l'espèce, n'étant pas contesté que cette demande a été formulée par conclusions datées du 16 novembre 2015.
Les premiers juges ont donc à tort estimé que le bail était soumis au statut des baux commerciaux.
Sur la demande de résiliation du bail et les sommes dues par la SCI le Bihan
Me [M], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société SO DE PI, invoquant les dispositions des articles 1184 ancien et 1728 du code civil, entend voir confirmer le prononcé de la résiliation du bail et l'expulsion de la SCI Bod Bihan, cette dernière malgré une mise en demeure du 16 mars 2016 et l'assignation du 25 mai 2016 n'ayant pas payé les loyers dus.
Le bail fixe un loyer de 3 200 euros HT, et précise d'agissant de la révision des loyers : Le loyer ne sera pas révisable. Au delà de la période fixée, la nouvelle convention à établir entre les parties fixera les nouvelles modalités, à défaut le loyer sera révisable annuellement à sa date anniversaire, sur la base de l'indice du coût de la construction du 1er trimestre de l'année en cours.
Il ne peut donc être valablement prétendu par le preneur qu'aucun accord n'est intervenu entre les parties pour fixer le loyer du bail au terme du bail précaire.
La demande de la SCI Bod Bihan, appuyée sur un rapport d'expertise de M. [W], de voir fixer la valeur locative du bien à 1 300 euros ne peut aboutir sur le fondement des dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce, la cour ayant exclut le statut des baux commerciaux.
Le preneur, aux termes de ses écritures (cf page 8) précise s'être acquitté aux conditions antérieures du loyer jusqu'au mois de mai 2014.
Il n'est donc pas contesté que les loyers contractuellement dus ne sont pas payés depuis juillet 2015, tel que soutenu par Me [M], et que la SCI Bod Bihan est toujours dans les lieux. Le loyer révisé conformément aux clauses du bail était de 3 844,67 euros en juillet 2015.
Compte tenu de l'absence de paiement de loyers par la SCI Le Bihan depuis juillet 2015, celle-ci apparaît avoir manqué gravement à son obligation principale de payer le payer le prix du bail aux termes convenus, et la résiliation judiciaire du bail s'impose en effet, tel que déduite de ces circonstances par les premiers juges.
La cour confirme le jugement s'agissant du prononcé de la résiliation du bail, et de l'expulsion de la SCI Bod Bihan.
Il convient en outre, le preneur se maintenant dans les lieux, de fixer une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail, soit le 6 décembre 2017. Cette indemnité mensuelle sera égale au montant du loyer antérieur de 3 844,76 euros.
La somme due par la SCI Le Bihan au 1er août 2018, au titre des loyers et indemnités d'occupation impayées est donc de 138 408,12 euros, et il convient de faire droit à la demande de condamnation à ce titre. De même, la SCI Bod Bihan sera condamnée à payer l'indemnité mensuelle d'occupation ci-dessus définie à compter du 1er août 2018 jusqu'à complète libération des lieux.
La cour infirme en conséquence le jugement qui condamne la SCI Bod Bihan au paiement de la somme de 73 680 euros au titre des loyers jusqu'au mois de mai 2017 inclus outre les loyers échus jusqu'à la date du jugement jusqu'à complète libération des lieux et fixe l'indemnité d'occupation due par celle-ci à compter du jugement à 1 300 euros charges comprises.
Sur la demande relative au dépôt de garantie
À bon droit, l'intimée objecte qu'une telle demande ne peut aboutir, la restitution du montant du dépôt de garantie n'étant exigible qu'à la libération des lieux. La cour rejette cette prétention.
Sur l'indécence du bien loué
Les premiers juges faisant application des dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil, et de celles du décret du 30 janvier 2002 relatives aux critères de logement décent, ont fixé la créance de la SCI Bod Bihan au titre de son préjudice de jouissance, en raison d'un défaut d'entretien de la part de la bailleresse, à 6 000 euros.
La SCI Bod Bihan entend voir porter cette somme à 39 000 euros, demande à la cour l'infirmation du jugement sur ce point et sollicite qu'elle fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SO DE PI ladite somme. Au soutien de cette demande, elle évoque les conclusions d'un rapport de M. [W], architecte dressé le 12 avril 2016.
Me [M] soulève l'irrecevabilité de toutes demandes de fixation au passif de la créance alléguée dans la mesure où une telle demande n'a pas été précédée d'une déclaration de créance. Il indique être circonspect à propos du rapport [W], dans la mesure où, selon lui, il est en contradiction avec le compromis de vente notarié, le rapport faisant état de 3 chambres au 1er étage, et l'acte notarié indiquant un premier étage mansardé composé de 11 chambres 2 salles de bains et 4 salles d'eau.
L'article 1719 du code civil dispose :
Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.
L'article 1720 du même code prévoit :
Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
L'obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur emporte celle de délivrer un logement décent et donc conforme aux dispositions du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2022. Ces dernières dispositions prévoient que logement décent assure le clos et le couvert, que les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation.
Les interrogations de Me [M] quant au bien réellement visité par M. [W] ne sont pas sérieuses, la cour relevant que cet expert, s'il décrit l'état d'une chambre 2 à l'étage, ne dit pas que 3 chambres seulement sont présentes à ce niveau, puisqu'il précise que les désordres constatés par lui dans cette chambre 2 se situent à l'arrière du coin douche de la chambre 10, de sorte qu'aucune ambiguïté n'existe sur ce rapport.
Les constatations opérées par M. [W] mettent en évidence, comme justement relevé par les premiers juges, des infiltrations affectant plusieurs pièces de vie, conséquences d'anciennes fuites d'eau, entraînant des dégradations sur les murs, plafonds et des moisissures.
En effet ce dernier relève dans la chambre 2 de l'étage, des dégradations au niveau de la chape du balcon, avec un phénomène d'épaufrures du plancher béton, conséquence de percolation d'eau en horizontale, du fait de l'absence d'étanchéité ou de drainage de la surface du balcon. Il précise que les désordres dont on trouve les conséquences en plafond de certaines pièces de vie pourraient provenir de fuites sur alimentation d'eau
( corrosion cuivre), de fuites sur évacuation, de défauts d'étanchéité sur les surfaces carrelées(horizontales et verticales).
L'indécence du logement imputable au bailleur a donc été à raison retenue par ces derniers, qui ont fait une exacte appréciation du préjudice de jouissance des preneurs en résultant.
La société SO DE PI a été placée en liquidation judiciaire le 10 mars 2015. La cour confirme le jugement qui fixe au passif de cette procédure la créance indemnitaire précitée, qui procède d'un défaut d'entretien du bailleur.
Sur les demandes accessoires
La cour confirme les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La SCI Bod Bihan qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déclare recevable l'assignation en intervention forcée de Me [B] [I], mandataire ad'hoc de la SCI Bihan ;
Infirme le jugement en ce qu'il :
- déclare recevable la demande de fixation du loyer du bail commercial formulée par la SCI Bod Bihan,
- fixe le loyer du bail commercial entre la SCI Bod Bihan et la société SO DE PI à la somme de 1 300 euros à compter du 16 novembre 2016,
- condamne la SCI Bod Bihan à payer à Maitre [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SO DE PI la somme de 73 680 euros au titre des loyers impayés jusqu'au mois de mai 2017 inclus, outre les loyers échus jusqu'à la date du jugement,
- fixe l'indemnité d'occupation due par la SCI Bod Bihan à compter du jugement et jusqu'à libération complète des lieux à la somme de 1 300 euros charges comprises,
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,
Dit que le bail liant la société SO DE PI à la SCI Bod Bihan est une convention d'occupation précaire, non soumise au statut des baux commerciaux ;
Fixe l'indemnité d'occupation due par la SCI Bod Bihan à compter du jugement et jusqu'à libération complète des lieux à la somme de 3 844,76 euros charges comprises,
Condamne la SCI Bod Bihan à payer à Maitre [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SO DE PI la somme de 138 408,12 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation impayés au 1er août 2018 ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI Bod Bihan à payer à Maitre [M] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SO DE PI l'indemnité mensuelle d'occupation de 3 844,76 euros du 1er août 2018 jusqu'à complète libération des lieux ;
Déboute la SCI Bod Bihan de sa demande en restitution du dépôt de garantie ;
Dit n'y avoir lieu à application au profit des parties de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Bod Bihan aux dépens d'appel ;
Déclare le présent arrêt commun à Me [B] [I], mandataire ad'hoc de la SCI Bod Bihan.