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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 juin 2022, n° 19/13835

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dhaze Materiaux Service (SAS)

Défendeur :

Gliss'grip (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Fertier, Me Chevalier, Me Cycman, Me Savoldelli

T. com. Paris, 19e ch., du 26 juin 2019,…

26 juin 2019

Faits et procédure :  


La société GlissGrip a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits industriels antidérapants.

La société Dhaze Matériaux Service (ci-après « Dhaze ») exerce l'activité de négoce de matériaux dans le secteur du bâtiment. Elle distribue des produits et matériaux auprès de grandes surfaces de bricolage.

Le 25 mars 2016, la société GlissGrip a conclu avec la société Dhaze un contrat de distribution exclusif d'une durée de trois ans pour la vente de pulvérisateurs antidérapants sous la marque Dhaze auprès de Grandes Surfaces de Bricolage (GSB) sur un territoire comprenant la France métropolitaine, les DOM-TOM, l'Espagne, l'Italie et la Belgique.

Le contrat prévoyait des quotas minimums annuels d'achats par la société Dhaze des produits à distribuer aux clients GSB.

Par courriel du 5 décembre 2016, la société GlissGrip, se prévalant du non-respect des volumes d'achats prévus, a notifié à la société Dhaze la résiliation du contrat à compter du 5 mars 2017.  

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mars 2017, la société GlissGrip, a, par l'intermédiaire de son conseil, réitéré sa décision de résilier le contrat.


Par acte du 9 mai 2017, la société GlissGrip a assigné la société Dhaze devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

- 884 070,82 euros en réparation du préjudice matériel et économique subi du fait de l'inexécution contractuelle ;

- 60 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.


Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a :  

- Constaté la résiliation intervenue du contrat de distribution aux torts de la société Dhaze Matériaux Service à la date du 5 mars 2017 ;  

- Débouté la société Glissgrip au titre de sa demande de faire constater la violation par Dhaze de l'engagement contractuel d'exclusivité ;  

- Débouté la société Dhaze Matériaux Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;  

- Condamné la société Dhaze Matériaux Service à payer à la société Glissgrip la somme de 129 840 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution contractuelle, déboutant pour le surplus ;  

- Débouté la société Glissgrip de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

- Condamné la société Dhaze Matériaux Service à payer à la société Glissgrip la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;  

- Ordonné l'exécution provisoire ;  

- Condamné la société Dhaze Matériaux Service aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par te greffe, liquidés à la somme de 78,36 euros dont 12,85 euros de TVA.


Par déclaration du 23 juillet 2019, la société Dhaze a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- Constaté la résiliation du contrat de distribution aux torts de la société Dhaze Materiaux Service à la date du 05 mars 2017 ;

- Condamné la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société Gliss Grip la somme de 129 840 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution contractuelle ;

- Condamné la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société Gliss Grip la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Dhaze Materiaux Service au dépens ;

- Débouter la société Dhaze Materiaux Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Et en ce qu'il n'a pas :

- Débouté la société Gliss Grip de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Ordonné que la société Gliss Grip reprenne le stock de produit Gliss Grip dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir et rembourse le prix versé par Dhaze Materiaux Service pour ces produits non conformes ;

- Condamné la société Gliss Grip à verser à la société Dhaze Materiaux Service, les sommes suivantes :

13 424,80 euros à titre de réparation pour les investissements financiers subis ;

20 000 euros à titre de réparation pour le temps passé par les dirigeants, commerciaux, services marketing de Dhaze Materiaux Service sur le projet Gliss Grip ;

100 000 euros à titre de réparation du préjudice d'image et commercial ;

60 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Gliss Grip aux entiers frais et dépens de l'instance.


Prétentions et moyens des parties


Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 15 novembre 2021, la société Dhaze demande à la cour de :

Vu les articles 1103 1195 et 1231-1 et 1353 du code civil,

Vu l'article L.330-3 du code de commerce ;

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,


- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Dhaze Matériaux Service de l'intégralité de ses demandes et fait droit partiellement aux demandes de la société GlissGrip ;


A titre principal :

- Constater la résiliation fautive par la société GlissGrip du contrat de distribution exclusive conclu avec la société Dhaze Matériaux Service ;

- Constater la violation de ses obligations contractuelles par la société GlissGrip ;


A titre subsidiaire :

- Constater le défaut de communication par la société GlissGrip d'un document d'information précontractuel et l'imposition de prix de revente ;

- En conséquence, prononcer la nullité du contrat de distribution exclusive ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Constater que les parties sont revenues sur l'engagement d'achat de la société Dhaze Matériaux Service et qu'aucune faute ne peut donc être reprochée à la société Dhaze Matériaux Service à ce titre ;

- En conséquence, constater la résiliation du contrat aux seuls torts de la société GlissGrip ;


En tout état de cause :

- Constater que la société GlissGrip ne démontre pas ni l'existence ni le quantum du préjudice dont elle réclame réparation ;

- Ordonner que la société GlissGrip reprenne le stock de produit GlissGrip dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir et rembourse le prix versé par Dhaze pour ces produits non conformes ;

- Condamner la société GlissGrip à verser à la société Dhaze Matériaux Service, les sommes suivantes :

13 424,80 euros à titre de réparation pour les investissements financiers subis ;

20 000 euros à titre de réparation pour le temps passé par les dirigeants, commerciaux, services marketing de Dhaze Matériaux Service sur le projet GlissGrip ;

100 000 euros à titre de réparation du préjudice d'image et commercial ;

60 000 euros à titre de réparation du préjudice moral ;

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société GlissGrip aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & Associés représentée par Me Stéphane Fertier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.


Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 novembre 2021, la société GlissGrip demande à la cour de :

Vu le contrat de distribution en date du 25 mars 2016,

Vu la clause d'attribution de compétence,

Vu les dispositions des articles 1103 et 1231-1 code civil,


Sur l'appel principal :

- Déclarer irrecevable et mal fondé l'appel principal interjeté par la société Dhaze Materiaux Service du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Paris, le 26 juin 2019,

Et, en conséquence, de

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation intervenue du contrat de distribution aux torts de la société Dhaze Materiaux Service à la date du 5 mars 2017 et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Le confirmer en ce qu'il a condamné la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société GlissGrip la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter la société Dhaze Materiaux Service de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Sur l'appel incident :

- Dire et juger l'appel incident, formé régulièrement par la société GlissGrip, recevable et fondé,

- la recevoir en ses demandes complémentaires,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts à la somme de 129 840 euros, sans prendre en considération la mesure du préjudice effectivement subi par la société GlissGrip.


Et, statuant à nouveau,

- Condamner la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société GlissGrip la somme de 884 070,82 euros, en réparation du préjudice matériel et économique subi du fait de l'inexécution contractuelle ;

- Condamner la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société GlissGrip la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice moral,

- Condamner la société Dhaze Materiaux Service à payer à la société GlissGrip la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Dhaze Materiaux Service aux entiers dépens.


La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 décembre 2021.


MOTIFS

Sur la résiliation du contrat

La société Dhaze reproche à la société GlissGrip d'avoir résilié de manière fautive le contrat. Elle soutient à cet égard qu'aucune preuve n'est rapportée de l'absence d'exécution de son engagement de volume d'achats annuel alors qu'au moment de la résiliation du contrat, l'année n'était pas achevée. Elle fait valoir qu'en réalité, la résiliation est imputable aux fautes de la société GlissGrip. Elle lui fait tout d'abord grief de ne pas avoir respecté les termes du contrat qui prévoyaient la livraison de pulvérisateurs sous sa propre marque, présentés en carton de 12 et non en carton de 2, et de ne pas avoir respecté le prix convenu. Elle prétend encore qu'en violation de l'article 3.2 du contrat, elle aurait refusé d'adapter les engagements de commandes aux contraintes du marché. Elle soutient en effet que le prix à la revente des pulvérisateurs était déconnecté du marché. Elle affirme par ailleurs que la société GlissGrip aurait manqué à l'exclusivité consentie en procédant à la vente de produits à l'enseigne Brico en Belgique.  

La société GlissGrip prétend avoir résilié à bon droit le contrat en raison du non-respect de l'engagement du volume d'achats prévu pour la première année et du caractère essentiel pour elle de cette obligation. Elle dénie toute inexécution contractuelle.

En vertu de l'article 3.2 du contrat litigieux relatif aux engagements du distributeur, intitulé « Quotas », il est prévu que : « Le Distributeur s'engage à acheter une quantité minimale annuelle de :

Trente trois mille (33 000) pulvérisateurs de 500 ml pour la première année du contrat, tous conditionnés par cartons de 12 unités.

Chaque commande ne pourra pas être inférieure à 11 000 unités

Cinquante et un mille (51 000) pulvérisateurs de 500 ml pour la deuxième année du contrat,

Soixante six mille (66 000) pulvérisateurs de 500 ml pour la troisième année du contrat.

De convention expresse, les quotas ci-dessus constituent une obligation essentielle du Distributeur.

Ces volumes, librement négociés par les Parties, tiennent compte :

- du nombre de magasins,

- de la fréquence de réapprovisionnement dans l'année

- de la montée en puissance des implantations sur 3 ans.

Le cas échéant, et de manière très exceptionnelle, les Parties devront se réunir afin de tenter d'adapter les engagements de commande à d'éventuelles contraintes liées au marché.

Si le Vendeur s'aperçoit que les engagements de commande ne sont pas respectés, il pourra alors résilier le Contrat, conformément aux stipulations des présentes. »


En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'après une première commande le 14 avril 2016 portant sur 11.016 pulvérisateurs annulée par la société Dhaze dès le 25 avril 2016 en raison de « contraintes de trésorerie », une seule commande a été passée par la société Dhaze le 25 avril 2016 portant sur 3 000 pulvérisateurs et que le 5 décembre 2016, soit à moins de trois mois de l'expiration de la première période d'exécution du contrat pour laquelle un quota de commandes de 33 000 pulvérisateurs devait être atteint, la société Dhaze a sollicité la reprise du stock invendu, qui selon le procès-verbal établi le 3 mai 2017 par Me [D], comprenait 2 568 pulvérisateurs invendus. Ainsi quand bien même la première année d'exécution du contrat n'était pas achevée au moment de la résiliation, il est évident que le non-respect du quota de commandes était d'ores et déjà caractérisé.  


Contrairement à ce qu'affirme la société Dhaze, ce non-respect des quotas ne peut pas être imputé à la société GlissGrip.


Il sera relevé tout d'abord que la société Dhaze a elle-même demandé le 25 avril 2016 à la société GlissGrip de lui livrer 3.000 produits sous marque GlissGrip déjà produits. Par courriel en réponse du 28 avril 2016, la société GlissGrip a accepté cette demande en précisant qu'un surcoût serait facturé et que la marchandise ne serait pas livrée par cartons de 12 unités, ce à quoi la société Dhaze a consenti par courriel du 29 avril 2016 de sorte qu'elle ne saurait reprocher à sa cocontractante de ne pas avoir respecté les étiquettes, l'emballage ou encore le prix prévus au contrat.


Ensuite la société Dhaze se prévaut de contraintes liées au marché pour justifier l'inexécution de son engagement de commandes. Or elle ne démontre aucunement que le prix conseillé de revente des pulvérisateurs aurait été sans rapport avec les prix pratiqués pour des produits identiques. Il sera en outre observé que la société Dhaze ne s'est pas prévalue, en cours d'exécution du contrat, auprès de la société GlissGrip de la stipulation contractuelle invoquée pour solliciter une modification de l'engagement de commande souscrit.

Enfin l'article 1er du contrat stipule que : « Le Vendeur accorde au Distributeur le droit de revente exclusive, sur le Territoire, des Produits aux Clients.

Le vendeur s'interdit de distribuer ses propres produits dans le réseau GSB du territoire français ».


Ainsi contrairement à ce qu'affirme la société Dhaze, la société GlissGrip ne s'est interdite de distribuer directement ses produits que sur le territoire français et non pas sur le territoire belge de sorte qu'aucun manquement à l'obligation d'exclusivité consentie ne peut être reproché à la société GlissGrip pour avoir vendu des produits à l'enseigne Brico en Belgique.  

Sur la nullité du contrat

A titre subsidiaire, la société Dhaze invoque la nullité du contrat d'une part, en alléguant que la société GlissGrip lui aurait imposé un prix de vente en violation des dispositions de l'article L. 442-5 du code de commerce et d'autre part, en lui reprochant de ne pas lui avoir communiqué le document d'information précontractuelle prévu à l'article L. 330-3 du code de commerce.

L'article L. 442-5 du code de commerce dans sa version applicable au litige prévoit que : « Est puni d'une amende de 15 000 euros le fait pour toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale. »

En l'espèce, le contrat litigieux stipule en son article 5.2 intitulé « Prix de revente » que : « Le Distributeur s'engage à faire commercialiser ses produits par son client au prix de vente conseillé sur le tarif GlissGrip (annexe 1).  

Le Distributeur informera systématiquement le Vendeur de ses prix de vente. »


L'annexe 1 précise que : « Le produit GLISSGRIP Minéral sera vendu à 10,20 € l'unité.

Son prix de vente public ne devra pas être inférieur à 36 €.

Le produit GLISSGRIP Email sera vendu à 11,45 € l'unité.

Son prix de vente public ne devra pas être inférieur à 40 €.

Les prix de vente indiqués peuvent être adaptés en fonction d'opérations commerciales spéciales »


Contrairement aux allégations de la société GlissGrip, le distributeur s'est uniquement engagé à faire commercialiser les produits par les GSB à un prix de vente conseillé tel que prévu à l'annexe 1. Si l'emploi du futur dans l'annexe 1 peut paraître imposer un prix plancher, cette formulation est contredite immédiatement par la possibilité d'adapter les prix de vente en fonction d'opérations commerciales spéciales et par la référence, dans le corps du contrat, à des prix conseillés. En outre, il convient de relever que dans la pratique, la société GlissGrip n'a jamais refusé que les prix de vente au public soient réduits. En effet, dans son courriel du 20 juillet 2016 en réponse au courriel de la société Dhaze du 7 juillet 2016, la société GlissGrip ne traitait pas des prix de vente au public mais uniquement des tarifs consentis à la société Dhaze qu'elle refusait de négocier.


En conséquence, l'imposition de prix de revente minimum n'est pas démontrée et aucune nullité du contrat ne peut être prononcée de ce chef.


L'article L. 330-3 du code de commerce dispose que :


« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. »

Il ressort des termes mêmes de l'article 2 du contrat litigieux que la distribution des produits devait se faire sous la marque de la société Dhaze et qu'à cette fin, le distributeur devait fournir à la société GlissGrip les éléments permettant d'imprimer les étiquettes à sa marque.


En conséquence, le contrat de distribution ne portait pas sur la mise à disposition d'une marque et l'article susvisé n'est pas applicable. Il résulte en outre des éléments de la cause que c'est à la demande même de la société Dhaze que la première commande a porté sur des produits de marque GlissGrip ; la société Dhaze n'ayant pas fourni les étiquettes prévues au contrat malgré les nombreuses demandes de la société GlissGrip.

Dès lors, aucune nullité du contrat de distribution n'est encourue de ce chef.

Sur l'existence d'un avenant au contrat de distribution

La société Dhaze prétend qu'un avenant au contrat de distribution a été conclu au mois d'avril 2016 portant sur la suspension des quotas, la distribution de produits sous la marque GlissGrip et non plus sous la marque Dhaze, la livraison des produits dans un emballage par carton de 2 et non de 12 et l'augmentation du prix.

La société GlissGrip dénie avoir consenti à une modification du contrat initial. Elle explique avoir uniquement accepté de modifier les conditions de la première commande qui devait porter sur 11 000 pulvérisateurs pour répondre à la demande de la société Dhaze qui faisait état de difficultés ponctuelles pour mettre en place le système de distribution. Elle explique que le prix et l'exclusivité consentis à la société Dhaze ne l'ont été qu'en raison de son engagement de quotas de commandes minimum.

Contrairement à ce que soutient la société Dhaze, l'échange de courriels au mois d'avril 2016 ne modifiait pas les conditions prévues au contrat de distribution du 25 mars 2016 mais portait uniquement sur une modification des conditions de la première commande pour remédier aux difficultés ponctuelles dont faisait état la société Dhaze dans la mise en place du système de distribution (difficultés de trésorerie, éléments en cours d'élaboration pour imprimer des étiquettes sous sa marque). C'est ainsi que, dans son courriel du 28 avril 2016, la société GlissGrip précisait bien qu'elle attendait une prochaine commande dans un délai de trois mois minimum compte tenu de l'exclusivité consentie et la société Dhaze avait bien conscience de l'absence de modification des engagements de volume pris puisqu'elle a répondu le 29 avril 2016 : « Bien entendu, il va de soi que l'exclusivité négociée sur la GSB soit liée à des volumes et que vous ne pourrez pas vous contenter de faibles commandes. J'en ai bien conscience. »

En conséquence, aucune modification portant sur les engagements de volumes de commandes pris par la société Dhaze n'est intervenue. Dès lors, conformément aux stipulations contractuelles, la société GlissGrip était en droit de résilier le contrat moyennant l'observation du préavis de trois mois prévu. Aucune résiliation fautive du contrat de distribution ne peut donc être reprochée à la société GlissGrip et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de la société Dhaze sur ce point.

Sur le préjudice


La société GlissGrip réclame l'infirmation du jugement entrepris quant à l'estimation du préjudice subi du fait des manquements contractuels de la société Dhaze. Elle prétend qu'au titre de la première année, son manque à gagner correspond à la vente de 30 000 pièces et doit être estimé sur la base du prix qu'elle pratique aux négoces et non sur la base du prix convenu avec la société Dhaze qui supposait une économie d'échelle pour la vente de 33 000 produits. Elle conteste également l'abattement de 40% retenu par le tribunal. Elle sollicite également une indemnisation en se prévalant d'un manque à gagner pour la seconde année du contrat pour laquelle la société Dhaze s'était engagée à lui commander 51 000 pulvérisateurs. Elle affirme en effet que le temps pour reconquérir le secteur de chalandise contractuel est de dix-mois de sorte qu'elle réclame une indemnisation sur six mois au titre de la deuxième année du contrat. Elle revendique enfin subir un préjudice moral.


La société Dhaze prétend quant à elle que la société GlissGrip ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués. Elle estime que la société GlissGrip n'avait aucune chance de vendre ses produits dans la grande distribution aux conditions imposées. Elle affirme encore que la société GlissGrip n'a engagé aucun frais au titre du contrat de distribution litigieux dès lors qu'elle s'est contentée de lui transmettre un stock qu'elle détenait déjà. Elle ajoute que la société GlissGrip ne produit aucun élément comptable permettant de déterminer la marge qu'elle comptait réaliser.

La clause du contrat litigieux prévoyant l'engagement de la société Dhaze à acheter une quantité minimale annuelle de pulvérisateurs auprès de la société GlissGrip s'analyse en une clause de rendement qui est la contrepartie de l'exclusivité de distribution consentie.

Il convient de rappeler que toute clause de rendement constitue une indication conventionnelle de l'objectif quantitatif assigné d'un commun accord au distributeur. Toutefois, elle ne vaut pas promesse d'achat, mais simplement engagement d'acheter, obligation de faire, se résolvant en dommages et intérêts en cas d'inexécution.

En l'espèce, il apparaît que la société Dhaze s'est engagée à acheter à la société GlissGrip une quantité minimale annuelle de :

33 000 pulvérisateurs de 500 ml pour la première année du contrat,  

51 000 pulvérisateurs de 500 ml pour la deuxième année du contrat,

66 000 pulvérisateurs de 500 ml pour la troisième année du contrat.


au prix de 10,20 euros l'unité pour le produit « GLISSGRIP Minéral » et de 11,45 euros l'unité le produit « GLISSGRIP Email », soit un prix moyen de 10,82 euros.


En ne respectant pas cet engagement d'achat, la société Dhaze a causé un préjudice financier à la société GlissGrip correspondant à la perte de la marge qu'elle pouvait escompter réaliser sur ces ventes.  

Contrairement à ce qu'affirme la société GlissGripp, le manque à gagner subi ne peut pas être estimé au chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé avec la société Dhaze. Il sera à cet égard relevé que la société GlissGripp n'a eu à supporter aucun coût de fabrication des produits non commandés par la société Dhaze.  

De même, la société GlissGripp ne peut pas se prévaloir d'un manque à gagner résultant d'économies d'échelle qu'elle pensait réaliser au regard du volume de commandes que la société Dhaze s'était engagée à passer puisque la perte de marge subie par la société Gliss sera calculée sur ledit volume de commandes.

Enfin il sera relevé que la société GlissGripp a résilié le contrat de distribution le 5 décembre 2016 avec effet à compter du 5 mars 2017, soit après une année d'exécution, et a pu dès le 5 décembre 2016, reprendre elle-même la distribution de ses produits à la grande distribution. Dès lors, le préjudice financier sera calculé sur la base d'une année.  


Par ailleurs, en l'absence d'éléments comptables produits par la société GlissGrip sur son taux de marge, il convient de le fixer à 26%, taux qui correspond au taux de marge moyen dans l'industrie.

En conséquence, le préjudice résultant de la perte de marge subie sera réparé par l'allocation d'une somme de 84 396 euros (10,82 euros x 30.000 unités x 26%) à titre de dommages et intérêts. Le surplus de la demande au titre du préjudice financier sera rejeté. Le jugement sera infirmé sur ce point.

La société GlissGrip invoque encore avoir subi un préjudice moral pour lequel elle n'apporte aucune précision ni justificatifs. La demande de ce chef sera écartée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur la demande de reprise du stock

La société Dhaze revendique la reprise du stock qui lui a été livré par la société GlissGrip en invoquant sa non-conformité au contrat. Toutefois ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune non-conformité de la marchandise livrée n'est démontrée. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société Dhaze et la société GlissGrip succombent partiellement à l'instance. Elles en supporteront par moitié les entiers dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. Leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.


PAR CES MOTIFS


La cour,

Rejette la demande de nullité du contrat de distribution du 25 mars 2016 formée par la société Dhaze Matériaux Service ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Dhaze Matériaux Service à payer à la société GlissGrip la somme de 129 840 eutos en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution contractuelle ;


Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Dhaze Matériaux Service à payer à la société GlissGripp une somme de 84 396 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant du non-respect de la clause d'engagement ;

Rejette les demandes de la société Dhaze Matériaux Service et de la société GlissGripp au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dhaze Matériaux Service et la société GlissGripp aux dépens qui seront répartis par moitié entre elles et qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.