CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 14 juin 2022, n° 20/14357
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe Candy Hoover (SAS)
Défendeur :
Matmut (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Champeau-Renault
Conseillers :
Mme Faivre, M. Senel
Avocat :
Me Vieuloup Dubois
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société GROUPE CANDY HOOVER est fabricant et distributeur de matériels électroménagers, notamment de lave-linges, sèche-linges, lave-vaisselles, réfrigérateurs et appareils de cuisson.
Mme [H] [P] est propriétaire occupante d'une maison d'habitation située rue du Lac, à PONTIACQ VIELLEPINTE (64460).
Son logement est assuré par un contrat d'assurance habitation n°490 3090 00132 B conclu avec la MATMUT prenant effet au 4 août 2009 et renouvelable par tacite reconduction.
Le 1er juillet 2009, Mme [P] a acheté un lave-vaisselle ROSIERES chez CUISINELLA moyennant le prix de 550 euros et installé chez elle le 8 juillet 2009.
Le 24 juin 2016, vers 02h00 du matin, un incendie est survenu au domicile de Mme [P] qui a déclaré le sinistre à la
MATMUT.
L'assureur a alors mandaté le cabinet SARETEC DOMMAGE AQUITAINE, pour procéder aux opérations d'expertise amiable et contradictoire.
Une première expertise non contradictoire a eu lieu le 27 juin 2016, appelée « visite de reconnaissance », en présence de Mme [P] et de l'expert mandaté par la MATMUT, M. [N] du cabinet SARETEC.
Une deuxième réunion d'expertise non contradictoire a eu lieu le 6 juillet 2016, appelée « de pointage » en présence de Mme [P], de M. [N] du cabinet SARETEC, et de l'entreprise de nettoyage OXO.
Par courrier en date du 8 juillet 2016, la société GROUPE CANDY HOOVER a reçu une convocation à expertise pour le 9 août 2016. Cette réunion d'expertise a finalement eu lieu le 31 août 2016 à 09h00 sur les lieux du sinistre, en présence de M. [N], Mme [P], M. [E], représentant du GROUPE CANDY HOOVER, et M. [J], cabinet IXI, intervenant pour MMA.
Par courrier en date du 11 octobre 2016, le cabinet SARETEC a informé la société GROUPE CANDY HOOVER avoir arrêté les dommages à la somme de 19.056,58 euros, se décomposant comme suit :
- montant des dommages vétusté déduite : 16 375,07 euros
- montant vétusté sur bien immobilier et embellissements : 2681,51 euros.
Par courrier en date du 17 octobre 2016, la MATMUT a effectué une réclamation auprès de la société GROUPE CANDY HOOVER, sur le fondement contractuel de droit commun (article 1147 du code civil), pour paiement de la somme de 19 056,58 euros. Puis, par courrier de relance en date du 29 novembre 2016, elle a réitéré sa demande.
La société GROUPE CANDY HOOVER a répondu par courrier en date du 30 novembre 2016 et réclamé la quittance subrogatoire ainsi que les justificatifs de paiement « sans préjuger des suites qui seront données ».
La MATMUT a, par courrier en date du 19 décembre 2016, transmis à la société GROUPE CANDY HOOVER la quittance datée et signée de son assurée.
C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 6 août 2018, la MATMUT a fait assigner la société GROUPE
CANDY HOOVER aux fins d'obtenir sa condamnation sur le fondement de la responsabilité des produits
défectueux au titre du lave-vaisselle ROSIERES dont elle est le fabricant.
Par jugement, en date du 1er septembre 2020, le tribunal judiciaire de BOBIGNY a :
- déclaré la société MATMUT recevable à agir ;
- débouté la société GROUPE CANDY HOOVER de ses demandes ;
- condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la somme de 18 006,58 euros sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
- condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement ;
- condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la MATMUT la somme de 3 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- condamné la société GROUPE CANDY HOOVER aux dépens, avec recouvrement dans les conditions de l'article
699 du code de procédure civile ;
- rejeté comme injustifié le surplus des demandes.
Par déclaration électronique du 9 octobre 2020, enregistrée au greffe le 13 octobre 2020, la société GROUPE
CANDY HOOVER, a interjeté appel du jugement en ce qu'il a déclaré la société MATMUT recevable à agir, débouté la société GROUPE CANDY HOOVER de ses demandes, condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la somme de 18 006,58 euros sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement, ordonné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la MATMUT la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, condamné la société GROUPE CANDY HOOVER aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile et rejeté comme injustifié le surplus des demandes.
Aux termes de ses dernières écritures (n°2) notifiées par voie électronique le 17 juin 2021, la SAS GROUPE CANDY
HOOVER demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L 121-12 du code des assurances, de la jurisprudence rendue en la matière, de l'article 1250 ancien du code civil, de l'article 1240 du code civil, des articles 564 et 565 du code de procédure civile, des articles 1386-1 ancien et suivants du code civil et de la jurisprudence en la matière (devenus 1245 et suivants du code civil), du décret n°2005-113 du 11 février 2005 et la jurisprudence rendue en la matière, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
- juger recevable la société GROUPE CANDY HOOVER en ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal, de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de BOBIGNY du 1er septembre 2020 en ce qu'il a déclaré la MATMUT
recevable à agir sur le fondement de l'article L 121-20 du code des assurances ;
En conséquence, de :
- juger que la MATMUT n'apporte pas la preuve que le bien était couvert au moment du sinistre ;
- en conséquence, juger qu'en l'absence de conditions particulières signées couvrant le bien à la date du sinistre et de conditions générales de 2009, la MATMUT est irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société GROUPE CANDY HOOVER ;
- juger que la MATMUT n'apporte pas la preuve du paiement effectif de l'indemnité d'assurance en vertu de conditions générales et conditions particulières souscrites par son assuré ;
- en conséquence, juger qu'en l'absence de preuve du paiement effectif de l'indemnité d'assurance, la MATMUT est irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société
GROUPE CANDY HOOVER ;
En conséquence, de :
- débouter la MATMUT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société GROUPE
CANDY HOOVER ;
A titre subsidiaire, de :
- juger que la MATMUT ne peut soumettre à la cour de nouvelles prétentions conformément à l'article 564 du code de procédure civile ;
En conséquence, de :
- juger irrecevables les demandes de la MATMUT visant à condamner la société GROUPE CANDY HOOVER à la somme de 18 006,58 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
- juger irrecevables les demandes de la MATMUT visant à juger que la société GROUPE CANDY HOOVER serait à
l'origine d'une perte de chance de 80% d'obtenir un remboursement des sommes qu'elle a versées à son assuré ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la
somme de 18 006,58 euros sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
En conséquence, de :
- juger que la société MATMUT n'apporte pas la preuve de l'origine du sinistre et d'un défaut du produit sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, ni d'un lien de causalité entre le défaut et le sinistre ; - juger que le courrier du 30 novembre 2016 de la société GROUPE CANDY HOOVER ne peut en aucun cas être assimilé à une reconnaissance de responsabilité ;
En conséquence,
- débouter la MATMUT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société GROUPE
CANDY HOOVER ;
A titre très subsidiaire, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la société MATMUT la somme de 18 006,58 euros sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
En conséquence, de :
- juger que la MATMUT n'apporte pas la preuve de ce à quoi correspondent les « frais annexes » d'un montant de 5 164,04 euros qu'elle indique avoir réglé ni de ce qu'elle les aurait réglés en application du contrat d'assurance ;
- juger que le paiement de l'indemnité versée à Mme [P] ne peut être supérieur à 12 842,54 euros ;
A titre infiniment subisidiaire, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déduit une franchise de 500 euros, outre le prix du produit de 550 euros ;
En conséquence, de :
- débouter la MATMUT de ses demandes visant à infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE
CANDY HOOVER à 800 euros ;
- débouter la MATMUT de ses demandes visant à condamner la société GROUPE CANDY HOOVER à la somme de
3 000 euros pour résistance abusive ;
En tout état de cause, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
En conséquence, de :
- condamner la MATMUT aux entiers dépens de première instance et aux dépens en cause d'appel ;
- juger qu'il y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la MATMUT de ses demandes visant à condamner la société GROUPE CANDY HOOVER à 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- en conséquence, condamner la MATMUT à verser à la société GROUPE CANDY HOOVER la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris le timbre fiscal ;
- en conséquence, condamner la MATMUT aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 mars 2021, la MATMUT demande à la cour, au visa de l'article 1251 du code civil, L 121-12 du code des assurances, 1245 et suivants du code civil (anciennement 1386-1 et suivants dudit code), sur la responsabilité des produits défectueux, des articles 1240 et
1241 du code civil, (anciennement 1382, 1383 dudit code), de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a : jugé que la MATMUT est régulièrement subrogée dans les droits de Mme [P], son assurée ;
Jugé que la MATMUT justifie de ce que le lave-vaisselle ROSIERES, fabriqué par le GROUPE CANDY HOOVER présentait un défaut à l'origine directe du préjudice matériel subi par Mme [H] [P], assurée auprès de la MATMUT ;
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- juger que la société GROUPE CANDY HOOVER a commis une faute à l'origine de l'intégralité du préjudice subi par la MATMUT ;
A titre plus subsidiaire,
- juger que cette faute est à l'origine d'une perte de chance de 80% d'obtenir le remboursement des sommes versées à son assurée ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 18 006,58 euros le montant de la somme due à la MATMUT.
Statuant à nouveau, de :
-condamner la SAS GROUPE CANDY HOOVER à verser à la MATMUT, subrogée dans les droits de Mme [H] [P] une somme de 1 506,58 euros à titre de remboursement des dommages matériels ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 800 euros le montant des dommages et intérêts,
Pour résistance abusive ;
Statuant à nouveau, de :
- condamner la société GROUPE CANDY HOOVER à verser à la MATMUT une somme de 3 000 euros pour résistance abusive ;
- condamner la société GROUPE CANDY HOOVER à verser à la MATMUT une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de l'indemnité allouée par le premier juge ;
- condamner la SAS GROUPE CANDY HOOVER aux entiers dépens de l'instance et autoriser Me [L] à en recouvrer le montant conformément à l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 15 novembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle à titre liminaire que les demandes de « dire et juger » ou de « constater » ne la saisissent pas de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, lequel dispose par ailleurs en son alinéa 3 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Sur le défaut de qualité à agir de la MATMUT
Sur la qualité d'assureur
Le jugement du tribunal judiciaire de BOBIGNY retient sur ce point que la MATMUT a versé aux débats les conditions particulières d'un contrat conclu le 4 août 2009, les conditions générales, une capture d'écran attestant de l'encaissement des cotisations payées par Mme [P] l'année du sinistre en 2016, ainsi qu'une attestation d'un représentant de la compagnie d'assurance du 5 février 2019 qui certifie que la cotisation pour l'année 2016 a été réglée. Le tribunal considère que ces éléments constituent un faisceau d'indice de nature à prouver que la MATMUT est bien intervenue au titre du contrat d'assurance habitation n°490 3090 00132 B.
L'appelante conteste l'existence d'un contrat d'assurance au jour du sinistre au motif que la MATMUT ne démontre pas que les conditions générales produites sont celles applicables au jour de la souscription du contrat, le contrat ayant été conclu le 4 août 2009, et encore moins que celles-ci sont applicables au jour du sinistre, le 24 juin 2016.
En réplique l'intimée soutient que les pièces versées par elle au débat répondent à l'exigence de l'administration de la preuve de sa qualité d'assureur.
Sur ce,
Vu la clause de tacite reconduction qui permet de renouveler un contrat d'assurance automatiquement à chaque date anniversaire sans qu'aucune manifestation de volonté ne soit nécessaire.
En l'espèce, les conditions générales versées aux débats comportent en page 60 une clause de tacite reconduction à l'article 42 qui stipule que le contrat est « reconduit de plein droit par tacite reconduction d'année en année ».
De plus, la MATMUT verse aux débats des conditions particulières signées et datées du 4 août 2009 qui correspondent au contrat d'assurance habitation 'Performance' dont les conditions générales ont été fournies.
Dès lors, la MATMUT rapporte bien la preuve qu'elle est liée par un contrat d'assurance avec Mme [H] [P] depuis le 4 août 2009.
En l'absence de manifestation de l'une ou l'autre des parties de vouloir mettre fin au contrat d'assurance habitation, il y a lieu de considérer que le contrat d'assurance a été renouvelé par tacite reconduction d'année en année et qu'il était par conséquent en vigueur le jour du sinistre, soit le 24 juin 2016.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il reconnait que la MATMUT est intervenue sur le fondement du contrat d'assurance habitation.
Sur la subrogation
L'appelante fait essentiellement valoir que la MATMUT ne prouve pas avoir payé son assurée au titre d'une garantie régulièrement souscrite pour l'année 2016. Elle en déduit que l'assureur ne peut être légalement subrogé dans les droits et actions de son assurée.
L'intimée verse aux débats une acceptation d'indemnité de Mme [H] [P] en date du 8 décembre 2016 ainsi qu'un reçu en date du 24 octobre 2016 aux termes duquel Mme [P] reconnait avoir reçu à titre d'indemnité la somme de 19 056 euros en réparation des dommages causés par l'incendie.
Sur ce,
Vu l'alinéa 1er de l'article L121-12 du code des assurances qui dispose que « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ».
La subrogation ne peut intervenir qu'à la condition que l'assureur ait indemnisé son assuré au titre d'une garantie régulièrement souscrite.
En l'espèce, la MATMUT produit aux débats une capture d'écran interne montrant le versement de l'indemnité à
Mme [P] corroborée par un reçu signé le 24 octobre 2016 par Mme [P] par lequel elle atteste « avoir reçu, à titre d'indemnité, la somme de 19 056, 58 euros en réparation des dommages causés par l'incendie' et par une quittance subrogative du 8 décembre 2016. Ces éléments justifient suffisamment de la subrogation de l'assureur dans les droits de son assurée. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'elle justifie de sa qualité à agir.
Responsabilité des produits défectueux
L'appelante conteste sa responsabilité au motif que l'expertise réalisée le 31 août 2016 ne démontre pas que l'origine du sinistre est la défectuosité du lave-vaisselle.
L'intimée soutient que le rapport d'expertise est clair quandt à l'origine de l'incendie et qu'il établit un embrasement du bandeau électrique de commande du lave-vaisselle.
Sur ce,
Vu les articles 1245 et suivants du code civil régissant la responsabilité des produits défectueux.
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.Sa responsabilité est conditionnée à la preuve d'un préjudice, d'un défaut du produit et d'un lien de causalité entre les deux.
Dans cette espèce, seul le défaut du produit est contesté.
- le défaut du produit
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que le tribunal ne pouvait pas se fonder exclusivement sur le rapport d'expertise de la société SARETEC pour déterminer le défaut du produit car ledit rapport est non judiciaire et est contesté par la société CANDY HOOVER qui ne l'a pas contresigné.
L'intimée répond que ce rapport est parfaitement recevable et que les juges du fond peuvent parfaitement se déterminer en fonction de cette pièce si elle est corroborée par d'autres pièces.
Sur ce,
Vu l'alinéa 1er de l'article 1245-3 du code civil « Un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. »
En application, de l'article 9 du code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. ».
Vu l'article 16 du code de procédure civile qui dispose :
« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »
Le juge ne peut refuser d'examiner un rapport d'expertise non judiciaire réalisé à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, au seul motif qu'il a été établi de manière non contradictoire, dès lors que le rapport a été régulièrement versé aux débats, soumis à la libre discussion des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.
A l'inverse, une décision qui se fonde exclusivement sur une expertise amiable établie non contradictoirement, en particulier lorsque les conclusions du rapport d'expertise sont contestées par la partie adverse, viole le principe du contradictoire défini à l'article 16 du code de procédure civile ainsi que le principe du procès équitable de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme. La partie qui communique un tel rapport doit donc fournir d'autres éléments déterminants afin de corroborer les informations qu'il contient.
En l'espèce, il résulte de l'expertise amiable effectuée le 31 août 2016 par la société SARETEC que M. [E], représentant de la société GROUPE CANDY HOOVER était présent sur les lieux, ainsi que Mme [P], et l'expert de la MMA.
La société SARETEC a conclu en page 2 du rapport que : « le sinistre est dû à un embrasement du bandeau électrique de commande du lave-vaisselle de marque Rosières ».
La MATMUT a produit en outre aux débats un courrier en date du 8 février 2019 de la société MMA dont l'expert était présent sur les lieux de l'expertise qui indique que « le rapport d'expertise de leur expert, étant un document privé, ne peut être communiqué » mais ajoute cependant que son expert « confirme que le point de départ de l'incendie se situe dans le bandeau du lave-vaisselle et qu'aucun défaut de pose n'a été constaté ».
Il s'en infère qu'il ne saurait dès lors être reproché à la société MATMUT de ne pas avoir sollicité une expertise judiciaire, les éléments produits étant suffisants pour déterminer que l'incendie qui s'est déclaré au domicile de
Mme [P] le 24 juin 2016 a pour origine la défectuosité du lave-vaisselle.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu la défectuosité du lave-vaisselle engageant la responsabilité de son fabricant au titre de la responsabilité des produits défectueux.
Sur le quantum
- sur les frais annexes
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas déduit la somme de 5 164,04 euros correspondant aux frais annexes qu'elle considère injustifiés.
L'intimée justifie les « frais annexes » comme étant les frais de nettoyage de l'habitation, conformément au devis de la société OXO en date du 27 juin 2016 auquel s'ajoute un forfait de 400 euros prévu par l'expert aux termes de son rapport pour indemniser le nettoyage réalisé par l'assurée.
Sur ce,
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise SARETEC en page 3/4 que le montant des frais annexes s'élève à 5 164,04 euros.
De plus, il apparait dans la fiche d'information SARETEC adressée à la MATMUT en date du 11 octobre 2016 en que les frais de nettoyage garantis au titre du contrat Performance s'élèvent à la somme de 5 164,04 euros (4764,04 + 400).
Les frais annexes correspondant aux frais de nettoyage sont garantis par le contrat d'assurance à l'article 10 des conditions générales qui prévoit que la MATMUT prend en charge « le déplacement et le montant de la première heure de main d'oeuvre d'un professionnel (...) en nettoyage ».
Or, l'assurée, Madame [P] a eu recours à un professionnel du nettoyage comme l'atteste le devis de la société OXO spécialisée en « après sinistre » versée aux débats.
Dès lors, ces frais annexes étant garantis par le contrat et suffisamment justifiés, il ne sera pas fait droit à la demande la société GROUPE CANDY HOOVER de déduction de la somme de 5 164,04 euros.
Sur la franchise et le prix du lave-vaisselle
L'intimée sollicite l'infirmation du jugement afin qu'il ne soit pas déduit la franchise de 500 euros. Elle considère que le montant ne correspond pas à une franchise mais à un seuil en dessous duquel l'action en indemnisation n'est pas ouverte.
L'appelante sollicite la confirmation du jugement soutenant qu'en vertu de l'article 1245-1 du code civil ce ne sont que les dommages supérieurs à 500 euros et autres que ceux résultant de l'atteinte au produit défectueux lui-même qui doivent être indemnisés.
Sur ce,
Vu l'alinéa 2 de l'article 1245-1 du code civil « Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même ».
Il résulte du décret 2005-113 du 11 février 2005 que « Le montant visé à l'article 1245-1 du code civil est fixé à 500 Euros ».
La franchise est la part du dommage indemnisable restant dans tous les cas à la charge de l'assuré au-delà de laquelle s'exerce la garantie.
En l'espèce, le montant total des dommages s'élève à 19 056,58 euros. Conformément à l'article 1245-1 du code civil, il convient de déduire la franchise de 500 euros.
Par ailleurs, il n'est pas contesté qu'il convient de déduire aussi le montant du lave-vaisselle défectueux qui s'établit à 550 euros selon facture.
Par conséquent, le montant total de l'indemnisation s'élève à 18 006,58 euros (= 19 056,58 - 500 - 550).
La MATMUT sera déboutée de sa demande de ne pas prendre en compte la franchise pour l'évaluation du montant des dommages et le jugement sera confirmé.
Sur la résistance abusive
La MATMUT demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à des dommages et intérêts pour résistance abusive. Elle fait valoir qu'elle a organisé une expertise amiable et qu'elle a adressé au GROUPE CANDY HOOVER près de neuf courriers sans obtenir de réponse.
La société GROUPE CANDY HOOVER sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. Elle conteste l'existence d'un abus au motif qu'elle n'a pas laissé la MATMUT dans la croyance qu'une solution amiable resterait envisagée.
Sur ce,
Vu l'article 1240 du code civil,
La cour suit le tribunal en ce qu'il a considéré que l'attitude de la société GROUPE CANDY HOOVER a pu laisser croire, en l'absence de toute manifestation de désaccord de sa part, que le présent litige pourrait se résoudre amiablement.
De plus, par son absence de prise de position écrite malgré les nombreuses relances démontrées par la MATMUT,
la société GROUPE CANDY HOOVER a maintenu la société d'assurance dans la croyance qu'une solution amiable restait envisagée et que le recours à une expertise judiciaire n'était dès lors pas nécessaire.
Ce faisant, elle a commis un abus qui a occasionné à la MATMUT un préjudice qui a été fixé à 800 euros en première instance et qu'il convient d'augmenter en appel à la somme totale de 1 600 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY HOOVER à payer 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive. La société GROUPE CANDY HOOVER sera condamnée à payer la somme de 1 600 euros au titre de la résistance abusive.
Les autres demandes sont devenues sans objet.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société GROUPE CANDY
HOOVER à payer 3 000 euros à la MATMUT au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
La société GROUPE CANDY HOOVER, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la
MATMUT, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ces dispositions, sauf en ce qu'il a condamné le GROUPE CANDY HOOVER à payer à la MATMUT la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Statuant de nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant :
- Condamne la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la MATMUT la somme de 1 600 euros au titre de la résistance abusive ;
- Condamne la société GROUPE CANDY HOOVER à payer à la MATMUT la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel ;
- Déboute la société GROUPE CANDY HOOVER de sa demande au titre des frais irrépétibles.